Chapitre 7 : mon maneki-neko à moi

Notes de l’auteur : L'écriture du livre est actuellement en pause, à cause de mes études, d'un autre livre qui me prend du temps et d'une panne imaginative. Mais j'espère pouvoir continuer rapidement !

     C’était la première fois depuis le 9 septembre dernier que je me levais de bonne humeur, sans appréhender les douleurs du monde qui m’attendaient de pied ferme. Car aujourd’hui, nous étions samedi, et qui disait samedi, disait Ryu. Cela faisait tellement plaisir de rencontrer quelqu’un qui ne vous voulait aucun mal, que je ne souhaitais aucunement me refuser ces douces minutes en sa compagnie. Cependant, le temps n’était pas aussi rayonnant que mon tempérament matinal, bien au contraire. Il pleuvait abondamment, les gouttes mitraillaient le sol avec force et tapaient dans un rythme effréné à ma fenêtre qui n’avait rien demandé. A défaut de pleurer, c’est le ciel qui le faisait à ma place. Je recevais alors un sms de Ryu, qui s’était réveillé avec la même surprise.

De : Ryu 

8 h 18

Yaa ! 

Quel temps ! C’est bientôt la saison des ouragans, tu vas voir, c’est une expérience incroyable à vivre :P

Je te propose de venir déjeuner chez moi si tu le souhaites, à condition que tu ne fasses pas attention au désordre :)

Qu’en penses-tu ?

Je souriais, j’avais tellement appréhendé la possibilité qu’il annule, et qu’on se terre tous les deux dans nos grottes respectives.

De : Moi

8 h 20

C’est une excellente idée ! Je serai là vers midi !

En espérant que le temps se calme, sinon je vais arriver tout tremper.

De : Ryu

8 h 23

C’est pas grave ! Cela m’obligera à nettoyer ! :D

C’était incroyable à quel point un téléphone désinhibait totalement une personne. Lui qui était si renfermé en temps réel, le voilà beaucoup plus extraverti et enclin à plaisanter. C’était le comportement typique d’un vrai timide. Je reprenais donc le métro, n’évitant pas cependant la forte pluie agressive. Il habitait dans une “petite” rue non loin de la Hatchobori station, juste à côté d’une supérette. C’était bien pratique pour ses courses quand on était aussi ermite que lui. Il me fallait marcher cinq minutes pour arriver devant son immeuble, ce qui me paru une éternité, tant le trajet fut désastreux. Le vent commençait à s’en mêler, giflant nos visages déjà bien martyrisés par l’humidité glaciale. Je devais plisser les yeux pour avancer tout en regardant un minimum où mettre les pieds.

Je sonna, il décrocha à l’interphone pour s’assurer de mon identité, puis la porte du hall d’entrée s’ouvrit comme l’indiqua l’alarme assourdissante qui l’accompagnait. Il ne sentait ni bon, ni mauvais dans cet immeuble, comme une odeur neutre, mais peu agréable. Je devais monter au quatrième étage, sans ascenseur… Au fond du couloir éclairé par la faible luminosité du ciel gris, qui se dégageait d’une petite fenêtre rectangulaire, une porte entrouverte m’indiquait la bonne voie. Il s’approcha dans l’encadrement, sûrement alerté par mes pas aussi bruyants que ceux d’un éléphant. Ryu avait abandonné sa chemise à carreau, pour un T-shirt noir arborant une figure d’un personnage de manga, et un pantalon de jogging gris. Cependant, il s’était tout de même parfumé d’une fragrance plutôt agréable et enivrante. Le tout formait un contraste assez cocasse.

J’entrais donc dans son havre de paix, décoré avec soin. Je me rendais compte que j’avais bien trop de préjugés concernant les geeks, je les imaginais tous enfermés dans le noir, dans un capharnaüm infini, aux paquets de chips répandus sur le sol. Lui ne faisait pas partie de cette espèce-là. Il était soigneux et soigné, propre sur soi, un peu désordonné comme tous les jeunes adultes célibataires et vivant les rideaux ouverts. Son appartement était sans grand étonnement très petit, mais assez modulable et bien meublé. Il m'invita à m’asseoir, pendant qu’il se mettait à préparer le repas. Au menu, sushis, riz et brochettes yakitori. C’était parfait. On troqua le traditionnel thé pour deux cannettes de coca zéro qui se mariaient très bien avec le plat.

Comme à son habitude, Ryu était taiseux, mais son visage rayonnait de douceur et de bienveillance. C’était finalement grâce à lui, que je découvris que le silence en disait beaucoup plus que les paroles surfaites, et que les expressions du visage étaient bien plus révélatrices qu’une langue qui déblatère. Vers la fin de notre repas, où l’on s’échangea quand même quelques mots, il me prit d’attendre quelques minutes, et se dirigea dans sa chambre. Sûrement voulait-il me montrer quelque chose liée à sa passion des jeux vidéos.

— Tiens.

Il me tendit son bras au bout duquel ses doigts tenaient un paquet. J’écarquillais les yeux de surprise et d’euphorie. Un cadeau ? Pour moi ? J’ouvris avec précaution la boîte et en sortit un maneki-neko traditionnel en céramique, blanc et doré, levant la patte droite jusqu’à ses oreilles.

— C’est un porte-bonheur chez nous, le blanc signifie qu’il t’apportera la joie.

Il est vrai que je me retins de pleurer, décidément ma vie ne se résumait qu’à cela. Je le remerciais avec beaucoup de solennité, retenant des larmes bien déterminées à déborder sur mes joues. Cette petite attention me procura un bien fou, des frissons partout dans le corps. Malgré le temps maussade, et l’orage qui pointait le bout de son nez, le monde n’avait jamais autant rayonné.

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