Chapitre 7 : Vert-de-Feuille

Par Luna
Notes de l’auteur : Après une éternité, voilà enfin le chapitre 7 ! Il n'a pas été facile à réécrire, ni à retravailler derrière, mais j'espère qu'il sera à la hauteur. N'hésitez pas à me laisser vos impressions ! En attendant, je vous souhaite une bonne lecture :)

— J'ai l'impression que la nuit tombe enfin, murmura Aaron en traversant prudemment une nuée de ronces.

L'obscurité dessinait des ombres de plus en plus froides sous leurs pas. Le  feu et l'émeraude des feuillages se ternissaient. Quant aux oiseaux, leurs chants mouraient peu à peu pour laisser place aux créatures du crépuscule.

— À moins que cette maudite forêt nous leurre encore, ajouta-t-il en frémissant.

Evanna ne lui répondit pas. Elle se battait, dans un combat perdu d'avance, contre une ribambelle d'épines qui mordaient indifféremment peau et vêtements.

Depuis leur rencontre avec Châtaigne, la forêt de glace n'existait plus. Elle avait laissé place à une jungle luxuriante. Les arbres vieillissaient ; ils étoffaient leur ramure et densifiaient leur écorce, interdisant à la lumière de trouver son chemin. Leurs troncs tortueux gémissaient parfois, laissant échapper des plaintes grinçantes.

Tout devenait plus compliqué. Des géants de bois enrayaient constamment leur progression ; des êtres majestueux qui se dressaient jusqu'au ciel ou d'anciens rois que le temps avait couchés au sol. Entre eux se déployaient d'imposantes fougères et d'épaisses broussailles aussi engageantes qu'une armée de hérissons.

Seule Châtaigne parvenait à se faufiler entre ces pièges avec une agilité déconcertante. Elle bondissait par-dessus les fourrés et se glissait sous les branches menaçantes en un rien de temps. En l'observant, Aaron se surprit à sourire. Il ne lui manquait guère qu'une fourrure rousse pour qu'on la confonde avec Louenn, le lapin d'Elouan.

Cette pensée fit presque chavirer son cœur. Il la chassa dans un coin de sa tête et tâcha de rester concentré sur leur objectif : rejoindre l'endroit où la fillette habitait. Là, il retrouverait les disparus du Vieux-Chêne. Il en était certain.

— Cette enfant est vraiment étrange, non ? souffla Evanna.

Aaron considéra de nouveau Châtaigne pendant quelques secondes. Elle n'était peut-être pas un korrigan – il se traita mentalement de crétin en repensant à sa réaction initiale – elle n'en demeurait pas moins une fillette peu ordinaire.

À ses yeux, le simple fait de résider à temps plein dans la Forêt aux Esprits faisait d'elle le phénomène de l'année.

— Sans doute, répondit-il en haussant les épaules, mais au moins on a une piste à suivre. On n'erre plus au hasard comme des vagabonds. Là-bas, on aura des réponses. Et on les retrouvera tous, j'en suis sûr.

Evanna resta silencieuse durant les quelques minutes qui suivirent. Jusqu'à ce qu'à ce que – chose improbable – Aaron l'entende pousser un juron. Stupéfait, il se retourna pour la trouver une fois de plus en posture délicate. Pour la troisième fois, son jupon venait de s'engluer dans une résine particulièrement collante.

Celui qui avait inventé les jupes et les robes ne devait pas être un grand amateur de balade en forêt. C'étaient les vêtements les moins pratiques de toute la création. En son fort intérieur, Aaron se félicita de ne pas en porter.

— Que dit ta boussole au fait ? s'enquit Evanna d'un ton rageur en tirant furieusement le tissu.

Aaron profita d'un énième arrêt de Châtaigne – occupée à farfouiller dans des buissons à baies rouges en fredonnant – pour consulter sans conviction son petit instrument de cuivre.

— L'aiguille s'est remise à pointer une direction. Devant nous, si tu veux tout savoir. Ce qui n'a absolument aucun sens.

Pensif, il fit tourner sans ménagement l'objet entre ses doigts. Il s'en voulut presque en repensant à Morvan qui lui avait offerte pour son anniversaire. Il se revoyait avec lui, des semaines plus tôt, découvrant l'étrange comportement de l'aiguille. De quoi avait parlé le vieux marchand ? D'un gros aimant ?

Non. C'étaient des divagations. Il l'avait bien constaté au cercle de pierres. Les pierres n'étaient pas des aimants. Et puis, Morvan lui-même s'était désintéressé du phénomène en lui faisant promettre d'arrêter d'enquêter lorsqu'il avait trouvé le camp des miliciens. Si ce n'était pas la preuve que la boussole était cassée...

— Elle ne nous servira plus à rien, finit-il par dire, résolu.

Après un effort qui lui coûta un petit cri, la jeune fille arracha le jupon du tronc résineux. Sous le choc, elle tomba sur les fesses, ses cheveux blonds ébouriffés s'accrochant en désordre aux broussailles. Aaron réprima un sourire. C'était plus fort que lui : à la voir ainsi, on pouvait croire qu'elle s'était battue à mains nues avec un ours.

Elle resta ainsi quelques instants, hébétée, tandis qu'une feuille se déposait sur le bout de son nez.

— Je déteste ces maudites bottines à talons ! Je déteste ces vieilles jupes et JE DÉSTESTE CES CHEVEUX TROP LONGS ! finit-elle par éclater, les joues rouges de colère.

Châtaigne choisit ce moment précis pour reparaître devant eux. Bien évidemment, elle ne put contenir le rire aigu qui s'échappa de sa gorge. Aaron se mordit l'intérieur de sa joue pour ne pas l'imiter, sans parvenir à cacher son sourire. Il offrit sa main à Evanna, mais cette dernière l'ignora, vexée.

— Alors ? Cette boussole ? répéta-t-elle, courroucée, en se relevant. Je peux voir ?

Elle s'en saisit d'un geste vif, l'arrachant des mains d'Aaron qui réprima aussitôt son envie de rire.

— Pourquoi tu t'en soucies encore ? répliqua-t-il, quelque peu froissé par sa brusquerie. La seule piste valable c'est celle de Châtaigne. Ma boussole ne fonctionne pas. Tu as déjà oublié le cercle de pierres ?

— Non bien sûr, admit Evanna en lui rendant l'instrument, mais je continue à croire qu'il y a un rapport avec ce que manigance Malgorn. Une boussole ne se dérègle pas comme ça. Et une fois qu'on aura retrouvé ta famille, il faudra que je retrouve le carnet.

Décidément elle n'en démordrait pas de cette bande cailloux stupidement dressés au milieu de la forêt. Ça commençait à bien faire. Elle ne comprenait rien à rien. Fallait-il vraiment qu'il lui explique ? Il leva les yeux au ciel et demanda sur un ton de défi :

— Qu'est-ce qui te fait croire que ce cinglé avec son monstre à quatre pattes ne sera pas là avec le bouquin que tu veux absolument récupérer ?

Evanna ouvrit de grands yeux ronds.

— J'espère bien que non ! s'exclama-t-elle en prenant un air choqué. Sinon ça voudrait dire qu'on se jette bel et bien dans un piège. Il veut me ramener chez ma tante je te signale ! Il m'empêchera de chercher mes parents !

Aaron prit un air de triomphe. Voilà. Ça n'était quand même pas si difficile à comprendre.

— Donc, la question est réglée. On n'a rien d'autre de mieux à faire que de suivre Châtaigne.

Pourtant, il la sentit encore hésitante. Elle regarda la fillette prendre de l'avance sur eux, toujours perdue dans ses comptines rocambolesques, puis soupira.

— J'ai beaucoup réfléchi depuis tout à l'heure, dit-elle finalement, et je me demande si c'est une bonne idée. Elle est apparue comme par hasard sur notre chemin ! Tu ne trouves pas ça étrange comme coïncidence ?

Aaron fronça les sourcils. Pourquoi compliquait-elle ainsi les choses ?

— Tu réfléchis trop, lâcha-t-il sèchement. Qu'est-ce que tu crois ? Que c'est une espionne de Malgorn peut-être ? Il les engage bien jeunes dis-donc. Non mais n'importe quoi. Châtaigne n'a rien à voir avec lui.

— Exactement, reprit Evanna, on ne sait pas à qui on a affaire. J'essaye de faire preuve de prudence. Et toi, tu prends simplement tes désirs pour la réalité. Je ne veux négliger aucune piste pour retrouver le carnet et mes parents, voilà tout.

Agacé par le ton de la jeune fille, Aaron fourra ses mains dans ses poches. Il les retira presque immédiatement au contact du métal froid de la montre à gousset qui s'y trouvait toujours. Voilà bien une chose à laquelle il n'avait pas envie de songer.

Une fois que Châtaigne eut terminé de remplir les maigres espaces restants dans ses poches d'une multitude de petits escargots, ils se remirent en route d'un pas décidé.

Tout en avançant à côté d'elle, Aaron jaugea sa compagne d'un air dur, puis ne put s'empêcher de lui demander :

— Je peux être honnête avec toi ?

Evanna lui renvoya un regard surpris, puis acquiesça. Il prit une grande inspiration pour se calmer, se racla la gorge et dit :

— Tu sais, je ne comprends pas pourquoi tu tiens tant à les retrouver. Tes parents.

— Comment ça ?

— C'est juste que... je trouve que tu te donnes beaucoup de mal pour retrouver des gens qui ont tout fait pour te laisser de côté durant toute ta vie. Tu as tout quitté à cause d'eux, tu es tombée malade, tu t'es mise en danger et maintenant tu te retrouves au fin fond de nulle part, traquée par une espèce de fou-furieux dans le seul espoir de les retrouver. Mais pour quoi faire ? Pour qu'ils te laissent tomber à nouveau ? Franchement, si j'étais toi je les oublierais.

Quelques secondes s'écoulèrent. Evanna s'était arrêtée, le visage figé, résolument muette.

— Si tu veux... ajouta Aaron un peu radouci, tu peux rester au Vieux-Chêne avec nous. Les Feginn, eux, ne m'ont jamais déçu. Ils ont toujours été là pour moi. Je suis sûr qu'ils seraient d'accord pour que tu restes.

Maintenant qu'il avait dit ce qu'il avait sur le cœur, Aaron se sentit rasséréné. Il ne s'attendait pas du tout à ce qui suivit.

— Tu ne peux pas être en train de me dire ça, articula enfin la jeune fille. Tu es sérieux ?

Aaron n'hésita qu'un instant :

— Oui, très sérieux.

— Pourquoi ?

Evanna le fixait sans ciller.

— Pourquoi quoi ? répliqua Aaron, interloqué.

— C'est une manière de me punir ?

— Te punir ? Non, je voulais simplement dire...

Les épaules d'Evanna s'affaissèrent. Elle le coupa avant qu'il puisse terminer sa phrase :

— J'imagine que je le mérite.

Aaron demeura interdit.

— Je sais que j'ai fait des erreurs, des grosses erreurs même. Mais tu es la dernière personne qui puisse me faire ce genre de leçon.

— La dernière ? se braqua alors le garçon qui sentit son agacement resurgir. Qu'est-ce que ça veut dire ?

— Oh ! s'agaça Evanna. Ne fais pas semblant de ne pas comprendre ! Tu trouves que ta manière de penser est meilleure que la mienne ? Laisse-moi te dire une chose : si tu crois que fermer les yeux sur ton passé te permettra de mieux vivre, tant mieux pour toi. Mais songe un peu à ta mère. Tu penses que c'est ce qu'elle aurait voulu ? Que tu l'oublies ? Qu'elle ne soit pour toi qu'un souvenir indésirable, quelque chose que tu puisses jeter aux ordures comme une vieille pomme pourrie ?

Aaron se figea, les poings serrés.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles, articula-t-il avec difficulté.

— Au contraire ! renchérit Evanna en montant d'un ton. Tu te voiles complètement la face ! Ce que tu dis est totalement contradictoire. Si la famille est si importante à tes yeux, alors pourquoi n'aurais-je pas le droit de retrouver la mienne ? Et toi, pourquoi fais-tu si peu de cas de tes véritables parents ? Ta mère ne mériterait-elle d'avoir un peu d'affection ? C'est elle qui t'a donné la vie, tu lui dois bien ça !

Aaron sentit ses propres ongles s'enfoncer dans les paumes de ses mains.

— Je t'interdis de me parler d'elle.

— Tu m'interdis ? ricana Evanna. Tu ne t'es pas gêné, toi, pour me dire le fond de ta pensée. Pourquoi ce serait différent pour moi ?

— Arrête ! Je ne veux pas penser à elle ! ne put s'empêcher de crier Aaron.

— Alors ne me donne pas de leçon. Tu n'en as pas le droit.

Elle lui jeta un dernier regard furibond, puis se hâta de le dépasser. Aaron ne trouvait plus du tout l'apparence de la jeune fille rigolote. Le simple fait de la voir lui tapait sur les nerfs. Comment pouvait-elle se permettre de lui dire ce qu'il devait ou ne devait pas faire ? Pour qui se prenait-elle ?

— C'est facile pour toi, lui lança-t-il en la rattrapant, Malgorn ne t'a pas dit que ton père était un meurtrier.

Evanna poussa un soupir d'exaspération.

— Tu n'as donc toujours pas saisi ? Cet homme dirait n'importe quoi pour blesser les autres. Il n'en a rien à faire des sentiments. Tout ce qui l'intéresse, ce sont ses maudites recherches !

— Non, objecta Aaron, je crois au contraire qu'il ne dit que la vérité. Depuis le moment où je l'ai vu, ses yeux ne m'ont pas menti une seule fois. Pas comme les tiens.

Evanna s'arrêta de nouveau, incapable de répondre. Elle le dévisagea gravement, la bouche tremblante. Ses yeux se remplirent de larmes.

Voyant qu'il avait touché juste, Aaron ne put s'empêcher de continuer. La colère bouillonnait encore en lui comme un chaudron prêt à imploser.

— Et si tu avais été plus attentive à ce qu'il disait, tu aurais compris.

— Compris quoi, exactement ? souffla-t-elle d'une voix fébrile.

— Que tes parents ne sont pas mieux que lui. Ça ne m'étonnerait même pas qu'ils soient en ce moment avec lui dans la forêt et qu'ils l'aient aidé à enlever les conscrits et les gens de l'auberge.

Avant même de voir la main d'Evanna se soulever, Aaron ressentit une douleur fulgurante s'abattre sur sa joue. Sonné par la violence de la gifle qu'elle venait de lui donner, il mit quelques secondes à comprendre ce qui lui arrivait.

Il y eut comme un vide dans le fond de son estomac.

— Pour te montrer à quel point tu as tort, je vais respecter ma parole, dit-elle, les yeux rougis. Je vais t'aider à retrouver les Feginn. Mais une fois que ce sera fait, rassure-toi, je ne te dirai plus rien parce que je n'aurai plus jamais envie de te revoir.

Aaron resta pantois, la bouche étrangement figée. Il entendit Evanna appeler la fillette, mais sa voix se fit lointaine. Il toucha sa joue douloureuse sans parvenir à assimiler la tournure invraisemblable que cette conversation venait de prendre.

Au bout d'un moment, Evanna revint nerveusement vers lui.

— Où est-elle ? Où est Châtaigne ?

En se retournant pour la chercher à son tour, Aaron se retrouva nez à nez avec le visage gras et rougi d'un gros bonhomme mal rasé. Il eut à peine le temps de distinguer l'uniforme bleu marine du milicien et l'énorme baïonnette qui l'accompagnait.

Le monde bascula dans l'obscurité.

*

— Eh, te resterait pas trois gouttes dans ta gnôle ?

Un grognement sourd répondit à la voix.

— Tu partages pas beaucoup je trouve. J'ai quasiment fait tout le boulot je te signale.

La voix se fit moins lointaine. Le craquement d'un feu de camp s'ajouta au concert de bourdonnements qui noyait les oreilles douloureuses d'Evanna. Au bout d'un ultime effort, elle souleva ses paupières dans une grimace piteuse et se redressa.

— Tiens, la v'là qui se réveille.

Deux hommes peu avenants la fixaient d'un air narquois. Ils portaient le même uniforme couleur bleu nuit, cerné de traits rouges à la taille et aux épaules. L'un, bedonnant, la tête ronde et cramoisie comme s'il venait de s'exposer sous un soleil torride, tenait entre ses doigts boudinés un fusil à baïonnette. L'autre, maigrichon, le visage émacié, livide et grignoté par des cheveux huileux et une barbe mal entretenue, croisait de manière hautaine ses bras sur son torse.

Des miliciens.

Le cœur d'Evanna s'emballa. Comment avaient-ils pu, Aaron et elle, être aussi stupides ? Évidemment, toute la forêt avait dû les entendre !

— Ça va comme vous voulez, princesse ? La sieste était à votre goût ? lança la voix grasse du soldat bedonnant en éclatant de rire.

Evanna ne répondit rien. Sa tête la lançait affreusement. Et même si elle avait été en mesure d'articuler trois mots, elle n'aurait pas su quoi répliquer. Une peur panique s'emparait d'elle. Malgorn ne devait pas être loin. Ça ne pouvait tout de même pas finir comme ça !

Et Aaron ? Où était-il d'ailleurs celui-là ?

Elle n'eut pas à chercher longtemps. Il gisait à quelques pas derrière elle, les poignets attachés. Sa blessure à la tête devait s'être rouverte car un filet de sang coulait le long de sa tempe.

Evanna tenta de se lever, mais retomba aussitôt, déséquilibrée. Comme celles du garçon, ses mains étaient solidement ficelées.

— J'ai jamais vu ça, deux gamins se disputer comme un vieux couple au beau milieu de nulle part ! s'esclaffa le soldat rougeaud. Là, pour sûr, vous m'avez fait ma soirée !

Le maigrichon ricana dans sa barbe. Evanna se traîna laborieusement vers Aaron sous les regards nonchalants des miliciens. Constatant un pouls régulier mais un saignement assez abondant, elle se retourna, alarmée, contre leurs deux agresseurs :

— Mais enfin, aidez-le ! Vous ne voyez pas qu'il saigne ? Vous voulez le laisser mourir, c'est ça ?

Les miliciens échangèrent un regard, puis s'esclaffèrent.

— Elle est bien bonne celle-là ! s'amusa le bonhomme rougeaud. Qu'est-ce que t'en penses Lamrez ?

— Ouais, bien bonne ! répliqua l'autre en ricanant.

Qu'ils aient été assez bêtes pour se chamailler comme deux enfants en pleine forêt, c'était une chose, mais qu'on persiste à la prendre pour une idiote ça commençait à bien faire. Evanna serra les poings à s'en faire mal, ses ongles s'enfonçant dans ses paumes.

— Qu'est-ce que vous voulez ? cria-t-elle sous le regard surpris des soldats.

— Ouh là, du calme la donzelle, tempéra l'homme rougeaud en esquissant un geste d'apaisement, sa baïonnette toujours à la main. Nous on fait rien d'autre que notre boulot, pas vrai Lamrez ?

— Ouais, bien vrai, répéta son compagnon.

— Y se trouve que personne a le droit de passer là, ordre du boss. Alors, si quelqu'un passe là et ben voilà, nous on l'arrête. Ordre du boss.

— Ouais, ordre du boss.

— Très bien, reprit-elle plus calmement, je vois que nous nous sommes mépris, mon ami et moi. Nous avons dû nous tromper de chemin. Nous allons repartir. Seriez-vous assez aimables pour me détacher les mains et m'indiquer la direction dans laquelle nous avons le droit de passer ?

Les deux hommes se regardèrent et repartirent dans un rire plus sonore que jamais.

— « Seriez-vous assez aimable » ! railla le bonhomme rougeaud. Non mais je rêve !

— Ouais, « assez aimable » ! refit l'autre.

Evanna sentait sa patience la quitter.

— Non, parce que tu vois princesse, reprit le soldat cramoisi, c'est pas si simple. Y se trouve que le boss nous a demandé de pas trop égratigner les voyageurs égarés. De faire attention, quoi. Y se trouve qu'ils pourraient bien servir.

— Vous m'avez assommée ! répliqua Evanna d'une voix outrée. Vous appelez ça faire attention ?

— Tu m'as l'air en plutôt bon état vu ta capacité à hurler à la mort comme un vieux cabot. Tiens-toi tranquille sinon c'est le bâillon.

— Ouais, le bâillon ! renchérit Lamrez.

Evanna fulminait intérieurement, mais elle tâcha de n'en rien laisser paraître.

— Et servir à quoi, je vous prie ? parvint-elle à articuler entre ses dents.

Un large sourire ahuri se dessina sur le visage rougi du gros bonhomme.

— Ah ça, princesse, servir au boss bien sûr.

— C'est ce qu'ils font aussi, tous les gens de l'auberge que vous avez enlevés ? interrogea Evanna d'un ton sec. Ils « servent au boss » ? Et où est-il d'ailleurs votre patron ? J'aurais une réclamation à lui faire.

Evanna avait parlé sans réfléchir. Elle sentit son cœur s'emballer de nouveau. Mais au bout de quelques secondes où seul le craquement du feu de camp se faisait entendre, elle s'étonna que les deux hommes ne réagissent pas. Que signifiait cette hésitation ? Peut-être Malgorn n'était-il finalement pas là.

— Oh là là, mais c'est qu'elle se taira pas la demoiselle, souffla l'homme rougeaud. Ça n'arrête plus les piailleries.

Il cracha un énorme mollard pour appuyer ses propos et reprit :

— Quoique... peut-être bien que... qu'est-ce t'en penses Lamrez ?

—  Ouais, peut-être bien ! se gaussa l'autre.

Evanna jeta des regards successifs aux deux hommes.

—  Peut-être bien quoi ? lança-t-elle, agacée de ne pas comprendre.

— C'est que j'aurais bien une autre petite idée pour la faire taire, la princesse.

Pour une fois, Lamrez resta silencieux. Sous ses cheveux gras pendants, son sourire carnassier s'élargit, révélant une rangée de dents jaunies – ce qui eut pour effet immédiat d'ôter toute répartie à Evanna.

— Ce qu'on voit pas peut pas se savoir, pas vrai ? dit le milicien rougeaud. Et ce qu'on peut pas savoir peut pas faire de mal !

Ils explosèrent tous deux d'un rire qui souleva l'estomac d'Evanna.

Horrifiée, elle essaya de reculer, mais ses mains attachées, ses bottines et son maudit jupon ne lui facilitaient pas la tâche.

— Où tu vas, ma jolie ? ricana le bonhomme rougeaud. Personne t'a encore congédiée.

Lamrez se rapprocha d'elle en passant une main à l'hygiène douteuse dans ses cheveux gras. Evanna paniqua ; un frisson glacé lui remontait le long de la colonne vertébrale.

Et contre toute attente, le sourire de Lamrez se déforma soudain en grimace. Son grand corps bascula en avant et il s’aplatit au sol, face contre terre.

Il y a eut un moment de flottement, puis Evanna comprit. C'était la jambe d'Aaron qui avait fait trébucher le milicien. Il l'avait lancée exprès en travers du chemin.

Elle ne l'avait même pas vu se réveiller.

— Ne la touchez pas, articula-t-il d'une voix faible mais ferme à l'adresse des deux hommes.

Aaron ne jeta pas un regard à la jeune fille.

— Princesse, semblerait que votre chevalier servant ait décidé de plus faire la sieste, lança le soldat au visage cramoisi qui ne souriait plus du tout. Voyez, y'avait pas de raison de pleurnicher.

— Toi, sale gamin, tu vas me le payer ! hurla Lamrez à Aaron, le visage parsemé de boue. T'es qui d'abord ?

Voyant qu'il ne répondait pas, son compagnon renchérit :

— Eh ben, on perdu sa langue, gamin ? Tu préfères peut-être qu'on continue l'interrogatoire avec la demoiselle ?

— Ne la touchez pas, se contenta de répéter Aaron.

— Dis-donc, je vais t'apprendre à respecter tes aînés ! s'emporta Lamrez en le saisissant par le col.

— Holà, camarade, du calme, intervint l'autre, le gamin va servir avec les autres qu'on avait dit. Imagine la tête du patron si on lui ramène deux paires de bras en plus. Peut-être bien qu'il daignera nous réserver un petit baril. Mais, si tu l'amoches trop ça risque d'être compliqué.

— On s'en fout ! Regarde-le ! Ce gosse est gringalet, à quoi tu veux qu'il serve ? À son âge, ce qu'y faut, c'est apprendre les bonnes manières.

Il lâcha Aaron puis tira sèchement ses jambes pour l'approcher du feu. Le garçon ne se laissa pas faire et lui envoya son pied en plein dans la figure.

Evanna n'aimait pas du tout la tournure que prenaient les évènements.

— Alors là...

Le soldat rougeaud le stoppa d'un geste autoritaire.

— Qu'est-ce que t'as là, gamin ?

Il se leva – non sans difficulté – et vint se planter devant Aaron, un sourire disgracieux étirant ses lèvres.

— Tu manques pas d'air mon gars, c'est pas joli joli de voler tu sais.

Du bout de sa baïonnette, l'homme tira vers lui la boussole et la montre à gousset qui avaient toutes deux glissé de la poche du garçon. Ce dernier se redressa soudain et tenta de les récupérer de son pied, mais Lamrez le retint d'un geste sec, ravi de pouvoir se venger. Son compère se tourna vers Evanna :

— J'imagine que tu savais pas que ton cher paysan était un sale voleur, ma jolie ? Qu'il t'a piqué ça pendant qu'il te disait des mots doux ?

— À vrai dire je l'ignorais, puisque ces objets lui appartiennent ! répliqua la jeune fille d'un ton sec.

— Vraiment ? fit le milicien en haussant les sourcils. Mazette, qui l'aurait cru ?

Il joua quelques instants à faire tournoyer la montre et la boussole d'Aaron entre ses mains.

— Vu que tu dois pas savoir lire quoique ce soit, j'imagine que ça te manquera pas, ricana-t-il en les mettant finalement dans sa poche.

— Vous n'avez pas le droit ! protesta Aaron en essayant de se lever.

Un violent coup dans l'estomac le fit se plier en deux. Pour toute réponse, le visage gras se tordit de rire jusqu'à l'étouffement.

— Ah, y'a pas à dire, c'est pas si mal que ça la cambrousse, articula-t-il après que son camarade lui ait tapé dans le dos. On s'amuse bien.

—  Ouais, on s'amu... commença Lamrez.

Il ne termina jamais sa phrase.

Trois petits bruits sourds résonnèrent sur le sommet de son crâne. Ses sourcils se froncèrent à outrance. Déconcerté, Lamrez se baissa et ramassa ce qui ressemblait à s'y méprendre à une noisette. Le temps de lever sa tête – encore barrée de la trace rouge de la semelle d'Aaron – un déluge de petites noix s'abattait sur lui, fusant de tous les côtés. Il bondit en poussant un cri strident jusqu'au bonhomme cramoisi, dont la bouche béante s'était figée dans une expression de stupidité. Avant qu'ils n'aient pu ne serait-ce qu'envisager de s'enfuir, une énorme branche leur assena le coup de grâce. Les deux hommes s'écroulèrent de concert, assommés.

Abasourdis, Aaron et Evanna s'étaient figés.

— Qu'est-ce que... ? commença-t-elle.

Les feuillages de la forêt se mirent soudain à bouger frénétiquement tout autour d'eux. En moins d'un instant, ils furent cernés par une dizaine d'enfants armés de lance-pierres – ou plutôt de lance-noisettes. Aussitôt, une fillette émergea de la foule et fondit sur eux.

— Châtaigne ! s'écria Evanna.

Un bras interrompit sa course.

— Mais Kaëlig...

L'étreinte du bras se desserra, mais la repoussa en arrière. La fille à qui il appartenait se tourna vers eux. De longs cheveux roux pâles tombaient sur ses épaules, parés de perles de bois et coiffés en cascades de tresses. Elle était jeune, et pourtant la plus âgée du groupe ; pas plus de onze ou douze ans. Evanna lui trouva pourtant l'air farouche : il y avait quelque chose d'indomptable dans son yeux.

— Kaëlig, insista Châtaigne d'une voix faible, ce sont mes amis...

— Combien de fois t'a-t-on dit de ne pas disparaître comme ça ! répliqua sèchement Kaëlig en se retournant vers elle. Tu es inconsciente ! Tu es beaucoup trop jeune pour te balader seule dans la forêt ! Surtout par les temps qui courent !

Sans se préoccuper de l'air désolé de la fillette, elle fondit sur les deux hommes inconscients et lança son pied dans la baïonnette qui roula deux mètres plus loin. Elle fouilla les deux soldats, lança à Aaron les objets qui lui appartenaient, récupéra un couteau, puis se précipita sur Evanna. Cette dernière mit quelques secondes à prendre conscience que la lame se dirigeait vers elle.

Elle poussa un petit cri et trébucha en essayant de reculer. La lame se rapprochait, droit sur son visage. Elle dressa ses mains pour se protéger et plissa les yeux.

La corde qui enserrait ses poignets tomba lourdement au sol.

Kaëlig libéra les poignets d'Aaron de la même manière avant de se retourner :

— Vous deux, ordonna-t-elle aux enfants les plus proches, aidez-les à se relever. On rentre.

Sur ces dernières paroles, l'étrange fille des bois ne leur accorda plus un regard.

*

— Tu sais, elle a l'air méchante Kaëlig, mais elle est pas méchante.

Châtaigne avait insisté pour tenir la main d'Aaron sur le chemin. Ce dernier, encore sonné par les coups qu'il avait reçus des soldats avançait sans dire un mot.

— Tu as vu comme on est fort ? continua Châtaigne. Et bam ! On les a bien eus !

La fillette progressait en lançant des coups de pied dans le vide comme pour combattre un ennemi invisible.

Aaron n'en revenait pas de la chance qu'ils avaient eue. C'était bien la preuve qu'ils pouvaient faire confiance à Châtaigne ! Il mourrait d'envie de le dire à Evanna, puis se rappela de leur désastreuse dispute.

Sa gorge se noua. Il jeta de temps à autre des regards en coin à la jeune fille, mais elle persistait à l'ignorer, engoncée elle aussi dans un mutisme absolu. Au bout d'un moment, agacé qu'elle ne réagisse pas, il se décida à ne plus faire attention à elle.

Châtaigne continua son monologue et ses démonstrations guerrières, tandis qu'Aaron laissa ses pensées vagabonder ailleurs.

Une multitude d'enfants des bois les entouraient. Chacun d'eux revêtait un assemblage étonnant de fourrures et d'imitations de feuilles en peaux tannées et teintes avec adresse, qu'il avait d'abord prises pour des vraies. La seule chose qui les différenciait de la fillette était la couleur de leurs cheveux. Alors qu'elle arborait une chevelure résolument brune, le reste de la troupe se déclinait dans des teintes rousses dorées très pâles. Une atmosphère pesante planait sur cette singulière procession. Les enfants ne parlaient pas, mais chuchotaient ; ils ne riaient pas, mais lançaient des regards inquiets autour d'eux.

Au bout d'une dizaine de minutes de marche, la végétation sembla s'adoucir peu à peu. La lumière du jour trouvait plus facilement son chemin, et par moments, en regardant bien, on pouvait apercevoir un morceau de ciel bleu ou gris. Le temps devait être changeant ; le vent repoussant les nuages, et les nuages s'immisçant de nouveau sournoisement.

Bientôt, le groupe atteignit un petit pont de pierre ; il se fondait si aisément dans la végétation, que l'on croyait voir un arbre touffu s'allonger sur le lit du ruisseau qu'il enjambait. Ils empruntèrent un à un le passage étroit, puis s'engagèrent sur un sentier sinueux qui slalomait entre les arbres.

Aboutissant à un ultime tournant, Aaron s'arrêta tout à coup. Le chemin filait droit au pied d'un tronc gigantesque, puis cessait d'exister. La farouche Kaëlig, qui marchait devant lui depuis plus d'une quinzaine de minutes, avait tout bonnement disparu ; comme chacun des autres enfants qui l'avaient précédée. Pourtant, il ne semblait pas y avoir d'autre issue. Où diable avaient-ils bien pu se volatiliser ?

— Eh ! Pourquoi ça n'avance plus ?

— Ben ouais, avancez quoi !

Alors qu'Aaron, stupéfait, ouvrait la bouche pour répliquer, Châtaigne pouffa et tira sa main en avant. Il approcha à peu feutrés, puis, imperceptiblement, la voie s'imposa à lui. Des marches soigneusement sculptées dans le bois, qu'il avait été incapable de voir quelques secondes plus tôt, se dessinèrent en zigzaguant autour de l'arbre centenaire, puis disparurent dans ses hauteurs. L'ascension parut durer une éternité, et lorsqu'enfin il parvint au sommet, le spectacle qui s'offrit à lui acheva de lui couper le souffle.

Des vagues de feuillage touffu ondoyaient sous les reflets changeants du soleil. Un océan de verdure infini se déroulait sous ses yeux. Mais le vertige qui saisissait Aaron ne se limitait pas à la contemplation de ce petit balcon qui surplombait le monde.

Devant lui, un cortège de feuilles aux couleurs flamboyantes plongea au cœur des arbres ; et tandis qu'il suivait avec stupeur les mouvements fantasques du vent, un village émergea de la végétation. Il ne reposait sur aucun sol naturel, mais s'incarnait dans chaque arbre creusé et sculpté, relié à d'autres. C'était un entrelacs merveilleux de pontons et de passerelles qui s'entrecroisaient sur une infinité de niveaux. Partout au creux des branches naissantes jaillissaient des cabanes de bois au toits feuillu, ornées sur toutes leurs faces de sculptures en bas-relief. Rien n'était laissé au hasard ; la moindre surface travaillée l'était dans une perfection du détail et du motif. À la naissance de chaque cabane s'épanouissaient des dessins de racines qui grimpaient sur les murs pour devenir un tronc, puis des branches qui portaient d'autres images ; comme si elles n'auraient pu exister sans cet arbre d'où elles jaillissaient spontanément.

Combien de temps avait-il fallu pour bâtir une telle merveille ? Des années ? Des siècles ?

Il tressaillit. Le lieu qu'il venait de pénétrer n'avait pu être façonné par la seule force des hommes.

— Bienvenue chez moi ! s'exclama Châtaigne.

— Mais que... bafouilla Aaron encore sous le choc, c'est quoi cet endroit ?

Kaëlig reparut devant lui, esquissant l'ombre d'un sourire empli de fierté.

— Cet endroit, comme tu dis, c'est le cœur et l'âme de notre peuple : Vert-de-Feuille, la demeure suspendue des gardiens de la forêt.

Subjugué, Aaron ne sut que répondre. Un mouvement furtif au-dessus des cimes attira alors son regard. À l'horizon, un amas grisâtre de nuages noirs bouillonnait dans les cieux. Ces épaisses nuées tendaient toutes en un même point. Lorsqu'il plissa les yeux pour mieux voir, un grondement atroce le remua jusque dans ses entrailles. Sa main glissa de celle de Châtaigne pour attraper sa tête qui le faisait soudain souffrir. C'était un mélange de cris et bourdonnements furieux qui s'amplifiait et s'amplifiait. Il se sentit perdre pied.

— Ça va ? fit la voix lointaine de la fillette.

Elle tira sur sa veste, l'obligeant à tourner la tête vers elle. Aussitôt, le bruit disparut et son mal de tête s'évanouit.

—  Ce bruit, dit-il encore tremblant, qu'est-ce que c'était ?

Les yeux de la fillette s'arrondirent de surprise.

—  Quel bruit ?

Aaron n'eut pas le temps de la questionner davantage ; la troupe s'était remise en mouvement pour franchir une passerelle branlante qui plongeait vers le village. Lorsqu'enfin ils arrivèrent à ce qui semblait être le cœur de la structure, là où toutes les passerelles convergeaient vers l'arbre le plus majestueux, Aaron se figea.

Une multitude de silhouettes se dessinaient devant eux. Parmi cette foule de visages familiers s'éleva soudain une voix qui effaça tout le reste :

— Par tous les vents... c'est toi, fils ?

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Isapass
Posté le 12/02/2021
Coucou Luna !
Quelle plaisir de retrouver Aaron, Evanna et l'ambiance mystérieuse de la forêt ! J'avais peur que la lecture du début ne remonte à trop longtemps, mais finalement, je me suis remise dedans sans problème.
Il me semble que tu n'as pas fait de gros changements dans cette partie du récit, par rapport à l'ancienne version, si ? L'irruption des miliciens, le sauvetage par les enfants et la découverte de Vert-de-Feuille m'ont paru très familiers. Tu as bien fait de garder tout ça d'ailleurs, parce que c'est vraiment très sympa.
La modification principale, si je ne m'abuse, c'est surtout la dispute entre Aaron et Evanna, dans le premier pdv d'Aaron. Si je trouve l'idée très intéressante sur le fond (montrer que leurs objectifs sont différents, enfin à première vue), je n'ai pas été complètement convaincue par la forme. J'ai trouvé que tu montrais beaucoup la dispute en elle-même (les échanges un peu aigres, l'air buté d'Evanna, la gifle, etc...), la colère, mais pas forcément l'origine de leur divergence d'opinion.
Tout au début, dans les introspections d'Aaron, les phrases restent un peu mystérieuses : on sent qu'il veut faire "avouer" quelque chose à Evanna, mais on ne comprend pas forcément quoi ni pourquoi ça l'agace. Je me demande s'il ne faudrait pas rendre les pensées d'Aaron et leurs échanges plus explicites. En l'état, j'ai trouvé ça un peu frustrant, comme si tu commençais à me livrer les pensées d'Aaron, mais sans aller jusqu'au bout.
Ensuite, j'ai compris qu'Evanna était très peinée par sa remarque sur ses parents et lui reprochait de ne pas chercher à connaître son passé, mais je n'ai pas forcément compris pourquoi Aaron rejetait cette idée en bloc. Est-ce qu'il y avait déjà seulement pensé ? Peut-être que tu évoques ce sujet avant et que j'ai oublié, hein. Si c'est le cas, ne tiens pas compte de ma remarque. Mais sinon, je trouve que c'est très intéressant, ce débat : Aaron a choisi de mettre la question dans un coin de sa tête et de passer à autre chose, et Evanna a fait le choix inverse. Comme aucun des deux choix n'est bien ou mal, je trouverais vraiment intéressant que chacun développe ses arguments. En fait, je crois que ce qui m'a gêné c'est qu'ils sont tout de suite en colère. J'aurais sans doute trouver ça plus crédible s'il y avait d'abord un échange plus calme sur leurs choix respectifs, puis que le ton monte parce qu'ils se sentent jugé l'un par l'autre de ne pas avoir choisi la même voie.
J'espère que je suis claire, sinon n'hésite pas à me le dire.
Bref, je pense que c'est un problème d'articulation de la dispute et de progression. Peut-être qu'à chaque réplique, tu pourrais te mettre dans la peau de chacun des personnages et te demander "est-ce que ce qu'il/elle vient de me dire me met en colère ? Ou pas encore ? Est-ce que ça m'agace ? Est-ce que ça me fait réfléchir ? Ca me rend triste ?" Peut-être qu'en faisant jouer ton empathie, tu arriverais mieux à pondérer ce qu'ils ressentent et donc leurs échanges et leurs réactions.
Bon, ceci dit, comme d'habitude j'ai écrit deux pages, mais c'est de l'ajustement, hein. Rien de catastrophique du tout !
J'espère que tu arrives à te dégager un peu de temps pour travailler sur la suite ;)
A très vite !
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