Lorsque Vincent entre dans la pièce, je suis perdu dans mes pensées. Ce que je craignais s’est réalisé, Elena n’a pas accepté que Vincent fasse des tests sur moi en tout cas pour le moment. Mine de rien, je regrette que nous ne soyons pas sur la même longueur d’onde tous les deux. Le docteur vient se placer à mes côtés.
- Que décides-tu ? se contente-t-il de me demander.
Je devine tout de suite de quoi il veut parler. Je relève la tête pour croiser son regard.
- On continue, affirmé-je sans hésitation.
Vincent soupire.
- Dans ce cas, je vais m’y remettre dès maintenant.
Il sort une seringue de sa poche. Je comprends directement le message et lui tends mon bras. Sans rajouter un mot, il plante l’aiguille dans ma chair. Une certitude tourne en boucle dans ma tête, peu importe que Vincent réussisse, je trouverais une solution pour vaincre cette saleté. Après avoir prélevé mon sang, mon ami fourre sa seringue dans une poche de sa blouse.
- Je te garde en observation jusqu’à demain. Après ce qui s’est passé tout à l’heure, je préfère éviter de traverser à nouveau toute la base pour te soigner. Je dirais dans le rapport que tu as fait un malaise à la suite de ta dernière commotion.
- Tu penses qu’ils te croiront ? demandé-je, sceptique.
Après une moue dubitative, il admet :
- J’imagine que non, mais mieux vaut ne pas jeter de l’huile sur le feu. Repose-toi, je repasse ce soir pour vérifier ton état.
Au moment où mon médecin s’apprête à partir, la porte s’ouvre et Tellin entre dans la pièce. Vincent et moi le fixons incrédules. Je dois cligner plusieurs fois des yeux pour être certain que je ne suis pas victime d’une hallucination. Malheureusement, non. Le major se tourne vers mon ami.
- Docteur Kuntz, je dois m’entretenir avec votre patient. Veilliez attendre dehors, je vous prie.
Vincent s’apprête à répliquer, mais Tellin l’empêche d’un ton poli, mais ferme.
- Cela ne sera pas long. Si jamais, il y a un problème, je vous appelle.
Après un dernier regard, mon médecin quitte la pièce avec réticence. Lorsque nous sommes seuls, mon supérieur s’empare d’une chaise et s’installe sans plus de cérémonie. Un sentiment de panique m’envahit. J’ai bien remarqué les deux soldats qui trouvent à l’extérieure. Tellin me gardera autant de temps qu’il faudra. Il me fixe quelques instants avant de déclarer sans détour :
- J’ai une proposition à vous faire, Wolfgard. Je vous prévins tout de suite, il n’y en aura pas d’autres.
Mécaniquement, j’opine de la tête. Mon angoisse est montée d’un cran. Mon chef poursuit :
- Je sais que vous n’êtes pas étranger au brusque changement d’attitude d’Elena. Elle a dû vous raconter son dernier exploit.
Il me lance un regard lourd de sous-entendus comme pour avoir une confirmation de ma part. Toutefois, je reste de marbre.
- Je vais être honnête avec vous, Wolfgard, lâche-t-il après un court silence. Cela ne nous arrange absolument pas. Depuis que vous êtes rapprochés, nos plans en pâtissent grandement.
- C’est pourtant le maréchal qui a souhaité que je lui enseigne le tir, osé-je.
Le regard de Tellin se durcit.
- Vous n’auriez pas dû en savoir plus. Nous vous avons offert plusieurs chances de vous éloigner d’elle, mais comme un idiot vous avez persisté. Cela pourrait être une qualité, mais dans votre cas, c’est de la bêtise pure et simple. Je pense que vous l’avez compris depuis longtemps. Elena est un élément clé pour le projet que nous menons. Nous ne pouvons pas nous permettre de gâcher ce que nous avons mis tant de temps à construire. Vous êtres celui qui risque à tout moment d’enrayer le processus si ce n’est pas déjà fait.
Il me faut quelques secondes pour assimiler ce qu’il vient de me dire. Un sentiment de colère se développe au fond de moi. Quand cesseront-ils toutes ses manigances ? Décidément, je ne supporte plus les gens de cette base et la manière dont ils nous traitent. Tant que nous leurs sommes utiles, il nous garde, mais dès que l’on devient problématique ils nous écartent sans plus de considération. Je plante mes yeux dans ceux de mon chef et demande un brin arrogant.
- Et donc, major, que comptez-vous faire de moi ?
- Le plus simple serait de vous tuer, Wolfgard, m’annonce-t-il de but en blanc.
Je ne réponds rien, car je me doute bien qu’il a une autre idée en tête. Il poursuit :
- Toutefois, ce serait du gâchis à plusieurs niveaux d’où ma présence ici. Voici, ce que nous vous proposons. La solution la plus facile serait que l’on vous envoie dans la section médicale. Je suis persuadé que le docteur Assic se ferait une joie de s’occuper de vous. Soit… »
Il laisse sa phrase en suspens.
- Soit ? répété-je d’une voix tremblante en escomptant que la seconde proposition soit meilleure.
- Soit, vous vous mettez à mon service. Je souhaiterais que vous infiltrer les rebelles pour moi. Vous correspondez parfaitement au profil qu’il recherche. Une victime du Projet 66 et qui espère y mettre fin. De plus, il apprécie grandement les anciens soldats d’élite qui nous ont trahis. Vous n’aurez aucun mal à intégrer leur rang.
Il laisse planer un silence avant de poursuivre :
- Néanmoins, je ne peux me permettre de vous rendre votre liberté sans garantie. J’attends de votre part une pleine et entière collaboration. Vous m’informerez fréquemment de leurs agissements. Si par malheur, vous décidez de me faire faux bond, je n’hésiterai pas un seul instant à m’en prendre à ceux à qui vous tenez à commencer par votre frère.
Je réagis violemment à la mention de Nikolaï.
- Je vous interdis de l’impliquer dans cette affaire, rugis-je. Il n’a rien avoir avec cette histoire.
Sans se départir de son calme, Tellin déclare d’une voix glaciale :
- Si vous teniez à ce point à lui, vous n’aviez qu’à y réfléchir à deux fois avant de vous croire plus malin que tout le monde. Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même.
Je foudroie mon supérieur du regard. Je dois me retenir pour ne pas me lever et lui tordre le cou. Passe encore qu’il s’en prenne à moi, mais il est un homme mort s’il décide de s’attaquer à ma famille. Un sourire hautain se dessine sur le visage de mon chef. Il doit s’amuser de la situation. Ne me voyant pas répondre, il s’enquiert :
- Alors que décidez-vous ?
Je souris à mon tour et émets un rire bref. Pour qui se prend-il ? Il n’ignore rien de mon choix.
- Ne jouez pas à ce jeu avec moi, major. Vous savez très bien que plus jamais je n’accepterais de travailler sous vos ordres. Vous m’avez pratiquement tout pris et vous souhaiterez que je vous offre ma liberté. De qui vous moquez-vous ?
Le visage de mon supérieur se détend quelque peu.
- Cela va peut-être vous étonner, mais de personne. Je déplore sincèrement la tournure des évènements, colonel, car comme l’a dit le maréchal vous étiez un élément très prometteur. Il a fallu que vous gâchiez tout pour elle.
- Et pourtant, je ne regrette rien, répliqué-je avec fierté.
Elena est bien l’une des seules choses qui me soient arrivées de bien ici même si notre relation n’a pas commencé de la meilleure manière qu’il soit. Tellin soupire avant de se lever de sa chaise. Je déduis qu’il va appeler ses deux gardes à l’extérieur. Avant d’abaisser la poignée, il se retourne une ultime fois vers moi.
- C’est votre dernier mot ?
Je devrais paniquer, mais je suis serein.
- Je crois que oui, major.
- Dans ce cas, déclare Tellin.
Il ouvre la porte et se place entre les deux soldats.
- Embarquez-le-moi, ordonne-t-il.
Petits details : on tombe plusieurs fois sur des "il" qui devraient etre pluriel, par ex : "Tant que nous leurs sommes utiles, ilS nous gardeNT"....
"Je souhaiterais que vous infiltrIEZ"
Que va devenir Hans maintenant qu'il va se retrouver sous la coupe du sinistre Pr. Assic...? Suspense. Bon courage pour la suite!