Chapitre 75 : Mes compagnons d'infortunes (partie 3)

Par Kieren

Sur cette photo, vous pouvez voir la Mousse jouer du piano. C'était un très bon musicien, mais pas seulement, il était aussi conteur. Un barde pour ainsi dire.

Durant notre voyage pour récupérer un objet que l'on avait perdu, nous étions passé par une forêt, et à l'intérieur de celle-ci nous avions découvert les ruines d'un château.

En vérité on ne pouvait pas encore parler de ruine, il était en très bon état, mais il était déserté. À l'intérieur, il y avait du sable. Partout. Sur le sol, sur les marches d'escalier, qui tombait en cascade lorsque nous l'avions gravi, sur les rebords des fenêtres, sur les toiles d'araignée. Partout. Sauf sur un piano.Un grand piano à queue, noir, brillant, neuf, au milieu d'une forêt, dans une ruine envahit par le sable.

La Mousse s'y installa et y chatouilla quelques notes. Le son était clair, alors il décida de nous jouer quelque chose. Il l'appela ''La ballade du marchant de sable''. C'était une berceuse, de plusieurs dizaines de minute. Le rythme était doux, à la saveur du thé que l'on délecte dans un café tunisien. Nous nous installâmes dans le sable, et nous l'écoutâmes chanter.

Il racontait une aventure du marchand de sable qui marchait sous la Lune. Il se rendait dans une contrée lointaine, au bord de la mer, à côté de la plage. Il y avait un village adossé à une dune de sable que le vent nourrissait au fil des jours et des années. Les habitants étaient tous fiers et productifs, jamais ils ne s'arrêtaient de travailler, et cela pour une raison toute simple : ils ne pouvaient pas dormir. Ils n'y arrivait pas, ils avaient tous peur que la dune ne s'effondre sur leur village, alors ils luttaient contre le vent et rejetaient le sable du côté de la mer, jours et nuits, sans s'arrêter pour se reposer.

Le marchand de sable passa, et lorsqu'on le reconnut il se fit convié par le seigneur de cette terre. Il fut accueilli comme un roi. On lui servit des mets rares et délicats, car on attendait beaucoup de lui.

Le seigneur était fatigué, il voulait enfin dormir en paix. Le marchand de sable exauça son vœux, il lui recouvrit les yeux du sable de la dune et le puissant s'endormit.

Aussitôt, les autres habitants lui demandèrent le même service, et il s'exécuta.

Mais de plus en plus de gens voulaient dormir, et lorsque tout le monde sombra dans le sommeil, la dune enfla avec le vent, et s'effondra sur le village.

Mais le marchand de sable n'en fut pas attristé. En dessous de la dune se réveillait alors un autre village, qui avait hiberné durant des centaines d'années. Les habitants se dégagèrent du sable et firent de grands signes au marchand de sable. Ils lui demandèrent combien de temps avaient ils dormi.

Il leur répondit : « Suffisamment. » et il leur sourit avant de reprendre sa route. Et il se dit qu'il allait les revoir, d'ici quelques centaines d'années. Ainsi pensait le marchant de sable qui marchait sous la Lune.

Une fois la berceuse terminée, la Mousse s'endormit, ce qui sonna l'heure de la sieste.

Un vent chaud nous réveilla et l'on s’apprêta à partir, lorsque notre musicien voulu vérifier l'intérieur du piano.

Le coffre était rempli à ras bord de sable, les cordes y étaient noyées. La Mousse déclara : « Ah ! Je me disais bien qu'il y avait comme un défaut. »

Il joua à nouveau une note, et aucun son ne sortit. Cela le fit rire. Il referma le coffre délicatement.

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