Un froid glacial me sort de ma torpeur. Un frisson me parcourt. J’ouvre péniblement les yeux, mais le regrette aussitôt. L’intense clarté de la pièce ravive une douleur dans ma tête. Je me sens si lourde. Après un certain temps, mes pupilles finissent par s’accommoder à la lumière ambiante. Lorsque je découvre le lieu où je me trouve, je cligne plusieurs fois des paupières pour être sûre que je ne suis pas en train de rêver. Au bout d’un moment, je me rends compte que non. Où-suis-je ? Les derniers évènements me reviennent en mémoire par flash, mais impossible pour moi de faire une suite logique. Mon esprit encore comateux m’empêche d’avoir les idées claires. Soudain, une évidence me frappe. Où est Hans ? Je jette frénétiquement des regards de gauche à droite, mais je suis seule. Petite et sans fenêtre, la pièce où j’ai été installée ne possède aucune sortie si ce n’est la porte que je vois en face de moi. Je me concentre pour me rappeler comment je suis arrivée ici. Tellin nous a rattrapés et puis ? J’ai dû être ramenée à la base, mais l’endroit où je me trouve m’est inconnu. L’horreur de situation m’apparait soudain et les dernières bribes de souvenir se fixent enfin dans mon cerveau. J’émets un sanglot étouffé en repensant à la sentence ordonnée par le major. Le désespoir m’envahit et mes larmes inondent mon visage. Hans ne peut pas être mort. Je ferme les yeux et frappe plusieurs fois sur ma tête. Ce n’est pas possible. Je dois cauchemarder, malheureusement quand je rouvre les paupières, je n’ai pas bougé. Je dois me rendre compte de l’évidence, nous avons échoué. Un gémissement traverse mes lèvres et je me recroqueville sur moi-même. Je ne peux pas croire que mon compagnon ne soit plus de ce monde. Et pourtant les faits sont là, Tellin les a condamnés. Un espoir se faufile dans mon esprit. Je n’ai pas assisté à leurs exécutions. Je me dépêche d’étouffer cette idée. Je délire complètement. Il faut que j’arrête de me voiler la face, cela ne m’avancera à rien. Je pense à Isis. À l’heure qu’il est, ils ont dû l’enfermer. Tellin va surement l’utiliser pour m’empêcher de me rebeller. Anna avait raison lorsqu’elle m’a affirmé que j’apportais le malheur. Mes pleurs redoublent, mais je ne fais rien pour les stopper. À quoi bon me battre ? De toute façon, je n’en ai plus envie. C’est Hans qui me soutenait, mais maintenant qu’il n’est plus là, je suis complètement perdue. Je devrais crier vengeance, mais en moi, c’est le froid total comme si j’étais moi-même morte de l’intérieur. Lorsque Luna est décédée, je ne me souviens pas que c’était aussi douloureux. J’enfonce mes dents dans ma lèvre et la mords jusqu’au sang. Je dois l’accepter, mais je ne le veux pas. La porte en face de moi s’ouvre et me sort de ma torpeur. Tellin apparait dans l’embrasure. L’abattement qui commençait à m’engourdir disparait aussitôt pour laisser la place à une colère sourde. De rage, je m’élance vers le nouvel arrivant en poussant un cri presque animal, mais dès que j’ai posé un pied au sol, mes jambes se dérobent sous mon poids. Je m’écrase lourdement sur la surface blanche à mes pieds. Prise d’un vertige, je plaque ma main sur ma bouche pour calmer la nausée qui me submerge. Lorsque celle-ci se dissipe, je tente de bouger mes membres, mais ceux-ci remuent à peine. D’un pas tranquille, Tellin se rapproche. Je recule tant bien que mal dans un coin de la pièce. Bien que la haine soit toujours présente, mon supérieur ne m’a jamais autant terrorisé. Je suis dans l’incapacité totale de me défendre. Mon adversaire s’arrête à un mètre de moi et doit baisser les yeux pour croiser les miens.
- Je vois que tu es réveillée, se contente-t-il de dire.
Je déglutis péniblement avant de parvenir à articuler :
- Qu’avez-vous fait à Hans ?
L’expression de mon interlocuteur reste de marbre.
- Comme déserteur, il a eu le châtiment qu’il méritait.
- Parce que tu crois que dans la section médicale, il aurait eu une chance de survivre ? craché-je. Peu importe la manière, tu le voulais mort.
D’un geste brusque, je frotte mes yeux pour chasser les larmes qui continuent à se déverser sur ma peau. Mes émotions se bousculent au fond de moi, tristesse, colère, culpabilité. J’ignore laquelle suivre. Tellin ne prend même pas la peine de me répondre. Il s’abaisse pour me soulever et avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, me redépose sans ménagement sur le lit que je venais de quitter.
- Que comptez-vous faire de moi ? demandé-je dans un souffle. À l’évidence, je vous suis encore utile.
Je suis moi-même un déserteur. Si on s’en tient à la logique de Tellin, je n’aurais pas dû être épargnée. Mon estomac se tord violemment. Je crains que ce qui m’attend ne soit bien pire que la mort.
- En effet, articule Tellin froidement.
Je relève la tête pour croiser son regard dans l’attente d’une explication. Mon supérieur sort un papier de sa poche et le place devant ses yeux.
- Pour cause de haute trahison, le colonel Elena Darkan est déchu de ses fonctions au sein de l’armée. Elle sera exécutée le 15 avril à huit heures, lit-il à voix haute.
Lorsqu’il a fini sa lecture, Tellin replie soigneusement sa feuille avant de la ranger dans sa veste. Le contenu de la missive ne me fait rien, car je sens bien qu’il y a quelque chose d’autre. Mon supérieur, enfin mon ancien supérieur confirme mes doutes.
- Ça, c’est la version officielle qui va circuler au sein de la base et qui sera envoyée dans le rapport au gouvernement.
Je ris sans joie devant l’absurdité de la situation.
- Et dans la réalité ? demandé-je un brin arrogante.
- Tu vas intégrer la section médicale.
Je ricane et cela se transforme rapidement en fou rire, mais nous savons tous les deux qu’il n’y a rien de drôle.
- C’était donc ça, dis-je entre deux hoquets. Depuis le début, je n’étais qu’un cobaye pour vous.
Je soutiens le regard de mon interlocuteur pour y déceler une quelconque émotion. Tellin reste de marbre. Aucune surprise, rien. À croire qu’il l’a toujours su. Je glousse de plus belle. Je dois avoir l’air d’une folle, mais cela n’a plus d’importance. J’ai vraiment été aveugle et maintenant je vais en payer le prix fort. Je ne me berce pas d’illusions. Je sais comment terminent les victimes du projet et je risque bien de connaitre le même sort. Je continue à rire tout en étant pris de tremblements incontrôlables. Je dois serrer le matelas où je suis assise à m’en faire mal pour retrouver un semblant de calme. Soudain, je ne réagis plus et porte à nouveau mon attention sur le major.
- Quand avez-vous commencé à faire vos expériences sur moi ?
- Je n’ai pas à te répondre.
- Plus de ça entre nous, Tellin, le rabroué-je. Tu sais très bien que vous ne comptez pas me laisser sortir vivante de cet endroit, alors inutile de garder tous ses secrets.
Les lèvres du major se serrent avant qu’il ne lâche après un court silence.
- C’est même pour ça que tu es née.
Sur ce, il tourne les talons. Étrangement, je ne suis même pas étonnée de sa réponse. Depuis ma discussion avec Anna, j’avais imaginé cette possibilité. Avant que le major ne quitte la pièce, il se retourne une dernière fois.
- Tu seras transférée demain dans une autre cellule après que le docteur Assic t’aura fait passer des tests.
- Tellin, l’appelé-je.
- Quoi ? demande-t-il d’un ton neutre.
- J’ignore si tu lui transmettras le message, mais tu peux dire à mon père qu’il peut crever.
Je sais que cela ne m’apportera rien, mais il fallait que je le dise. Cet homme m’a tout pris, je n’ai aucun respect à avoir pour lui. Sans rien rajouter, le major disparait après avoir claqué la porte. Mollement, je tombe sur le dos sur le matelas de mon lit. Je fixe le plafond d’un regard absent. Et maintenant qu’est-ce que je fais ? Est-ce que cela vaut encore la peine que je me révolte ? Honnêtement, je n’en ai aucune envie. Je sais ce que ça fait de s’opposer quand on est seul. Il n’y a rien de plus douloureux. Je ne souhaite en aucun cas revivre ça. Malgré tout, je ne peux pas non plus accepter ce qu’il compte faire de moi, car cela s’annonce particulièrement éprouvant.
- Qu’est-ce que tu ferais à ma place, Hans ? demandé-je à haute voix.
Évidemment, le silence me répond, mais dans ma tête je peux entendre sa voix. Il me dit de ne pas baisser les bras, qu’il sera toujours là. C’est tellement niais, mais c’est ce que voudrais qu’il me dise. Je pose ma main sur mon cœur. Peu importe la distance, il reste à mes côtés. Une ultime larme coule le long de ma joue. J’ai l’impression que c’est comme un adieu. J’ai pris ma décision. Je ne compte pas le venger. Ce n’est pas ce qu’il aurait souhaité. À la place, je vais tacher de survivre. Les paroles d’Anna me reviennent en mémoire. « Nous n’avions rien et pourtant regarde où nous en sommes aujourd’hui. » Je ferme davantage les paupières avant de les rouvrir brusquement. Peu importe les obstacles, peu importe la douleur, je compte bien leur faire regretter les crimes qu’ils ont commis. Je tremble légèrement. Parviendrais-je à tenir cette promesse ? Aucune idée. Toutefois même si la tristesse teintée de colère reste présente, un certain apaisement m’a enveloppée. Je me recroqueville sur moi-même et ne bouge plus. Les heures passent. J’ai beau ne rien faire. Je continue à réfléchir. J’ignore combien de temps s’est écoulé quand la porte s’ouvre. Tellin accompagné de deux soldats entre dans la pièce. Je me redresse et tente de me maintenir debout sur mes jambes. Je dois malgré tout m’adosser contre le lit pour ne pas tomber. Les deux subordonnés du major se rapprochent pour se placer chacun de part et d’autre de moi. L’instant d’après, ils me soutiennent pour que j’avance. Tout en me concentrant pour ne pas trébucher, je fixe Tellin. Lorsque nous le dépassons, je ne peux réprimer un sourire en coin. Comme je m’y attendais, il reste de marbre pourtant ses poings semblent être serrés un peu trop fermement. C’est la tête haute que je quitte la pièce.
Ce serait bien de donner une ou deux precisions sur les blessures de ses jambes, elle ne tient pas dessus mais peut quand meme tenter de marcher, elle est capable d'avancer si on l'aide, peut-etre mentionner que les balles n'ont pas briser d'os, mais que les plaies ne sont pas cicatrisees? C'est ce que j'imagine, sinon elle saurait qu'elle peut pas se lever.
"il reste de marbre pourtant ses poings semblent être serrés un peu trop fermement." > je dois avouer, c'est me parait vraiment difficile a discerner, des poings serres fermement ou trop fermement. Je suggere que tu ajoutes un autre indice pour montrer qu'il n'est pas aussi impassible que ca.
Avec cette premiere partie, tu as reussi a creer une histoire vraiment "hors norme" dans cet univers a la fois proche et different du notre. Les personnages sont attachants, on les suit en esperant vraiment qu'ils vont s'en sortir. Les evenements, surprises et coups de theatre sont bien amenes, on ne les voit pas venir. Et la, on se demande vraiment ce qui va se passer dans cette deuxieme partie.
La petite nuance que je mettrais, je t'en ai deja parle. Meme si c'est moins manifeste dans le dernier tiers de cette partie, les personnages sont tres hostiles les uns vis a vis des autres et j'ai l'impression, en tant que lectrice, que 80% des conversations sont des disputes ou des rebuffades. Je n'ai pas compte :-) mais j'ai le sentiment que c'est cette proportion. C'est quand meme tres eleve, et en tout cas pour moi, j'ai trouve ce climat hostile parfois pesant. Il faut que la lecture de l'histoire reste un plaisir!
Ma suggestion serait que, a l'occasion d'une relecture, tu varies la tonalite de ces dialogues. Meme dans un climat tendu, les personnages peuvent ne pas etre d'accord sans forcement s'insulter ou etre a couteaux tires. A toi de voir!
Le moment venu, j'ai hate de decouvrir le debut de cette deuxieme partie.
Je tiens à te remercier d'avoir pris le temps de commenter chacun de mes chapitres. J'étais toujours ravie de les lire. Ils m'ont beaucoup aidé pour l'écriture de mon histoire surtout pour la fin où j'étais plus hésitante. Je suis contente que l'histoire t'ai plu et que tu t'es attachée aux personnages. Maintenant que j'ai le temps, je vais pouvoir retravailler le texte.
En ce qui concerne le ton des dialogues des personnages, tu n'es pas la seule à m'avoir fait remarqué qu'ils sont souvent dans la dispute. Je ne pense pas que je vais changer radicalement le ton, car ce côté assez colérique est un des traits de caractères d'Elena. Je vais tout de fois réfléchir à une manière d'adoucir certains d'entre eux notamment avec Isis au début et à d'autre endroits.
Pour la deuxième partie, j'ai déjà une bonne partie des idées. Il faut juste que je les ordonne avant de me lancer dans l'écriture. Je compte m'y mettre rapidement, mais compte m'accorder quelques semaines avant d'y aller.
A très vite ! :-)