Depuis que l’alarme s’est déclenchée, je patiente la boule au ventre dans la chambre de Liam. Le capitaine est parti en repérage pour en apprendre plus sur l’ampleur de l’attaque. Comme dans une prière, je serre mes mains l’une contre l’autre. J’ignore pourquoi j’angoisse autant. Ce n’est pourtant pas la première fois que l’alarme est utilisée. C’est juste qu’avec les derniers évènements, je ne suis pas tranquille. Mes pensées vont vers Elena. Depuis qu’elle s’est opposée à ses supérieurs, cela sautait aux yeux qu’elle n’était pas dans son état normal. Tendue à l’extrême, j’ai l’impression que le malaise de Hans n’a fait qu’empirer les choses. Lorsqu’il est sorti avec Vincent, j’ai cru voir un instant Liam. Toutefois, c’est impossible. Pourquoi le colonel aurait-il le projet en lui ? Je rectifie mon raisonnement. Liam n’avait pas non plus l’air d’un malade. Honnêtement, je ne sais plus quoi penser. Je sursaute en entendant la porte de la chambre s’ouvrir avec force. Livide, Liam entre dans la pièce. Il claque derrière lui.
- Tu dois quitter cet endroit, Isis, lâche-t-il de but en blanc.
Croyant avoir mal compris, je le fixe sans dire un mot. Le capitaine me dépasse pour empoigner quelques affaires. Il me fourre un sac dans les mains.
- Ne reste pas planter là, magne-toi ! s’exclame-t-il en ne me voyant pas réagir.
- Et si tu m’expliquais ce qu’il se passe. Où est Elena ?
Tout en continuant de traverser la chambre de long en large, il m’annonce :
- Ta supérieure s’est enfuie avec Hans.
- Quoi ? crié-je presque.
Je me suis levée sur le coup de la surprise. Un sentiment mélangeant incompréhension et trahison m’envahit.
- Mais pourquoi ? demandé-je d’une voix tremblante.
Mon interlocuteur cesse enfin de bouger dans tous les sens pour me faire face.
- J’ignore ce qui s’est passé, m’avoue-t-il. Une rumeur circule sur le fait qu’ils seraient des traites à la solde des rebelles, mais je peux t’assurer que ce n’est pas le cas. Il a dû arriver quelque chose de grave. Je ne connais pas très bien Darkan, mais s’il y a bien une chose dont je suis certain, c’est qu’elle n’aurait jamais agi de la sorte à la vue de tout le monde.
Liam saisit un petit boitier et presse plusieurs fois dessus. L’instant d’après la boite vibre et une lumière verte s’allume. Le capitaine la glisse dans sa poche avant de se tourner vers moi.
- Les miens sont prévenus. Quelqu’un va venir te chercher à un point de rendez-vous.
Je l’empoigne par sa manche. La panique me gagne de plus en plus.
- Tu es sûr que c’est une bonne idée de quitter la base. Rien ne dit qu’Elena s’est enfuie, lâché-je indécise.
Mon interlocuteur pose sa main sur la mienne.
- La moitié de la base a vu Tellin les poursuivre. Je doute que ta supérieure s’en sorte sans conséquence. Crois-moi, Isis, ils n’hésiteront pas à t’utiliser pour la mater. Rappelle-toi, tu en as déjà fait les frais. La meilleure chose que tu puisses faire, c’est disparaitre de cette base.
Il rajoute encore quelques objets dans le sac que je tiens en main avant de déclarer :
- Avant d’y aller, je t’explique la manœuvre. Je ne pourrais pas d’accompagner à l’extérieure. Il faudra que tu te débrouilles seule.
Je m’apprête à riposter, mais il m’empêche.
- Je sais que tu y arriveras, mais je ne peux pas encore quitter cet endroit tant que je suis utile pour mon camp. Donc, reprend-il, lorsque tu seras dehors, tu devras être très vigilante. Les soldats qui montent la garde seront attentifs surtout après la dernière attaque. Honnêtement, j’aurais préféré que l’on attende la nuit, mais avec un peu de chance il fera sombre.
- Où dois-je aller ? le pressé-je.
- J’y viens, s’exclame-t-il. Le passage pour te rendre dans la forêt se trouve entre deux grosses pierres. Tu ne devrais pas avoir de mal à le repérer. Normalement, la clôture n’est pas électrifiée.
Mes mains deviennent de plus en plus moites. J’ignore si je serais capable de m’en sortir.
- Et si elle l’est ?
- Le trou devrait être assez profond pour pouvoir passer.
- En fait, tu n’en sais rien, dis-je.
- Non, avoue-t-il. Mais ce serait bien la première fois que l’électricité serait mise. Quoi qu’il en soit, soit prudente. Lorsque tu seras de l’autre côté, tu iras en ligne droite de manière parallèle aux pierres sur à peu près cent mètres. À un moment, un oiseau va siffler deux notes aigües. Tu devras dire « Est-ce le rossignol qui se réveille ? ».
Je lui jette un regard sceptique.
- C’est un peu idiot comme code.
- Ce n’est pas moi qui l’ai choisi, dit-il un sourire en coin avant de redevenir sérieux. Allez plus une minute à perdre, tu dois partir. Cache le sac sous tes vêtements et garde la tête baissée.
Sans plus échanger un mot, nous sortons de la chambre du capitaine. La base grouille toujours autant de monde. J’ignore si c’est une bonne chose, avec un peu de chance les autres soldats ne se soucieront pas de nous. Des martèlements de botte me parviennent. Dans un geste discret, mais ferme Liam me force à tourner dans un couloir. Un groupe de soldats nous dépasse sans nous prêter attention. Après avoir vérifié que la voie était libre, nous reprenons notre marche. Je remarque que nous nous dirigeons vers l’intendance. Toutefois, nous bifurquons juste avant. Nous nous arrêtons face à une sorte de four. Je crains que le capitaine m’ordonne de passer par là, mais il s’abaisse pour bouger un panier rempli de feuilles. Derrière se trouve une grille. Il la retire.
- C’est un peu étroit, mais tu te retrouveras à l’extérieure dans une bonne vingtaine de mètres. Dépêche-toi, j’ai brouillé les caméras, mais celles-ci vont bientôt se remettre à fonctionner normalement.
Je contemple la petite entrée et déglutis péniblement. Je n’ai jamais aimé les endroits exigus. Je sens une main sur mon épaule. Je tourne la tête vers Liam.
- Tu vas réussir, m’assure-t-il
- Est-ce que l’on se reverra ? demandé-je.
- Je l’espère sincèrement.
Mon cœur se serre douloureusement et je dois retenir les larmes qui menacent de tomber. J’ignorais que je m’étais à ce point attaché à lui. Il a tant fait pour moi. Comment aurais-je vécu ma vie ici sans lui ? Pas aussi bien sans aucun doute. C’est peut-être la dernière fois que je le vois. Je ne peux pas accepter cette idée. Mon corps réagit de lui-même. Je me rapproche de lui et l’embrasse. Est-ce de l’amour ? Honnêtement, je ne le sais pas. Je ne comprends même pas moi-même les sentiments que j’ai à son égard. Toutefois, s’il y a bien une chose dont je suis certaine c’est que si je ne l’avais pas fait, je l’aurais regretté. Il ne me repousse pas. C’est moi qui finis par m’écarter. Je croise son regard surpris.
- Merci pour tout Liam. On se revoit très vite, dis-je en souriant.
Sans m’attarder plus longtemps, je m’engouffre dans la petite ouverture et m’éloigne en rampant tant bien que mal. L’instant d’après, le capitaine a replacé la grille et le panier.
J’arrive rapidement de l’autre côté non sans étouffer quelques jurons que ce soit pendant le trajet ou lorsque j’atterris sur les fesses à la sortie. Liam ne m’avait pas prévenue que la bouche d’aération se situait à près de trois mètres du sol. Mon regard survole l’endroit où je suis tombée. Je trouve tout de suite les deux pierres. Je me relève péniblement de ma chute qui heureusement n’a pas été trop grave. J’évalue la distance qu’il me faut parcourir. Une sueur froide glisse entre mes omoplates. Il doit bien avoir une dizaine de mètres. Cela peut paraitre peu, mais visible de tous, c’est assez périlleux. Je tente d’identifier les dangers. Je localise la tour de garde qui se trouve quelques mètres plus loin. Toutefois, impossible de savoir s’il y a des soldats. Toutefois, je ne peux pas faire marche arrière. Il ne me reste qu’une solution assez suicidaire. Sans réfléchir davantage, je m’élance vers les deux pierres. J’ignore si c’est un miracle, mais personne ne semble m’avoir repéré. Malheureusement, je déchante très vite quand je perçois un bourdonnement près de la clôture. Je lance une branche dessus et constate avec horreur que le courant est mis. C’est bien ma veine. Je respire pour calmer mes esprits. Je dois le faire. En observant le sol, je remarque un renfoncement. Je me mets à creuser et un passage plutôt profond se forme. C’est maintenant que tout va se jouer. Au moindre faux pas, je peux dire adieu à la vie. Je lance mon sac de l’autre côté, puis prudemment, je me couche sur le ventre. Je glisse lentement dans le trou. Le bourdonnement au-dessus de moi me rappelle la menace. Mon cœur manque un battement quand mon pied se prend dans une racine. Je me dégage sans faire de gestes brusques. J’ignore combien de temps, j’ai mis, mais lorsque je suis passée je respire enfin. Je n’arrive pas à croire que j’ai réussi. Incapable de bouger à cause des tremblements qui parcourent mes bras, je m’accorde dix secondes puis file sans demander mon reste. Je ne vais pas prendre le risque de me faire repérer maintenant. C’est étrange de retrouver ma liberté. Je ne peux réprimer le sourire qui me monte aux lèvres. Un sentiment presque euphorique m’envahit. Cela m’avait tellement manqué. Comme indiqué par Liam, j’avance sur une centaine de mètres et m’arrêter. Le silence me répond. Je patiente, mais les minutes s’écoulent. Je commence à perdre espoir quand je perçois le signal. Je m’humecte les lèvres avant de dire :
- Est-ce le rossignol qui se réveille ?
Rien ne se passe. L’idée que Liam m’est menti s’insinue de plus en plus dans mon esprit quand un craquement se fait entendre derrière moi. Je fais volte-face. Un homme avec un fusil en bandoulière se tient devant moi.
- C’est toi, Isis ? demande-t-il d’un ton neutre.
- O.… Oui, bafouillé-je.
Il sort un bout de papier qu’il fixe avec insistance. Un sourire se dessine sur son visage.
- George m’a prévenu. Je suis venue te chercher.
- George, fis-je incertaine.
L’homme d’abord surpris finit par sourire.
- Enfin, Liam m’a prévenu.
Je me souviens alors que le vrai prénom de Liam est George. Mon interlocuteur se rapproche et empoigne le sac que j’ai sur le dos.
- Ne trainons pas davantage, les soldats rôdent. Au fait, je m’appelle Yvan. Enchanté, Isis. Sois la bienvenue chez les rebelles.
Petits details et commentaires :
Depuis qu’elle s’est opposée à ses supérieurs, cela sautait aux yeux qu’elle n’était pas dans son état normal > concordance des temps, cela saute aux yeux... elle n'est pas...
’ils seraient des traitRes
J’ignore si c’est une bonne chose, avec un peu de chance les autres soldats ne se soucieront pas de nous > peut-etre ajouter un mot? Elle ignore si c'est une bonne chose, MAIS avec un peu de chance....
Derrière se trouve une grille. Il la retire.> un petite phrase de description pour indiquer que c'est un conduit d'aeration? On le devine ensuite mais on ne sait pas trop au debut de quoi il s'agit.
Liam m’est menti > m'ait menti
Je suis venue te chercher > pas de E a venu
Je suis contente qu'Isis soit sortie de la! Je me doute que ce n'est pas la fin de l'histoire pour elle mais ca fait plaisir.
Bon courage pour la suite!