Chapitre 8

Ce baiser était doux mais plein d’émotions. Mon cœur palpitait, j’avais la sensation qu’il allait sortir de ma poitrine, une drôle de sensation montait en moi. J’aurais voulu que l’instant ne cesse jamais mais toute bonne chose avait une fin.

  • Opale… Tu devrais partir avant que l’on nous découvre, murmura Noah, tout en me gardant contre lui.

Je pouvais ressentir qu’il ne voulait pas que je parte mais il avait raison, si on nous découvrait ensemble, je n’ose imaginer ce qu’il se passerait. Noah ne risquerait pas grand-chose en tant que prince et héritier de la couronne mais moi, je n’étais rien qu’une pauvre citoyenne provenant des bas quartiers, une simple domestique. Je pourrais être exécutée rien que pour m’être rapproché de cette manière du prince.

Je me retirai des bras de Noah et me dirigeai vers la porte du bureau. Avant de sortir, je regardai Noah qui me souriait. Je lui rendis son sourire et sortit de la pièce.

J'ai repris mon travail et le reste de la journée s'est passé normalement. Le soir venu, et comme à l'accoutumé, Baldo et moi nous rejoignîmes dans ma chambre.

  • Alors quoi de neuf, aujourd’hui, demanda Baldo ?
  • Rien… Rien du tout. Répondis-je mal à l’aise.
  • Op, me caches-tu quelque chose ?

Je voulais éviter de lui parler de Noah initialement mais Baldo me connait trop bien, il sait quand je mens.

  • J’ai peut-être vu Noah en tête à tête cet après-midi.
  • Op, tu sais que c’est dangereux, si quelqu’un l’apprend, de lourdes conséquences pourraient se poser sur toi. S’est-il passé autre chose entre vous ?
  • On sait embrasser, chuchotais-je.
  • Quoi ! s’écria Baldo. Vous êtes aussi fou l’un que l’autre, ce n’est pas possible.
  • Je sais… Mais je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi mais quelque chose se passe quand nous sommes ensemble, déjà dans le verger, un lien invisible mais fort nous relie. Dans le verger, j’avais la sensation de le connaître, de l’avoir déjà vu. Et à chaque rencontre cette sensation s’est amplifiée. Je ne peux pas le nier, je ressens quelque chose pour Noah même si je sais que c’est extrêmement dangereux. J’ai bien conscience de mon statut et du sien, je sais que l'on ne pourra jamais être ensemble mais je n’arrive pas à l’ignorer.
  • Écoute, Op, si tu en as conscience, c’est bien. Mais fais attention à toi.
  • Promis, Baldo.
  • Bien, je vais aller me coucher, bonne nuit.
  • A toi aussi.

Depuis que nous travaillions au château, Baldo et moi ne pouvions plus dormir ensemble, il était seulement permis de discuter mais passer le couvre-feu, nous devions être chacun dans nos chambres, les relations entre employés n’étaient pas permise. Nous devions être entièrement dévoué aux besoins de la famille royale.

 

La nuit suivante fut compliquée alors que je m’attendais à sombrer rapidement dans les bras de morphée, ce fut le contraire, je mis longtemps avant de parvenir à m’endormir et enfin qui j’y parvenais, ce drôle de rêve revint à nouveau.

 

Comme la fois précédente, je n’étais plus dans mon lit, ni dans ma chambre mais dans l’eau, je me débattais pour essayer de remonter à la surface, une voix m’appelait criant mon nom de nombreuses fois. L’air commençait à me manquer et je m'enfonçais de plus en plus dans l’eau. Malgré tout, rien n’y fit. Je m'enfonçais toujours plus.  J’avais la sensation que quelque chose me tirait vers le fond cherchant à tout prix à me noyer.  Mais cette fois, je parvins à regarder autour de moi. Je ne voyais rien hormis la pénombre des profondeurs de l’eau. C’est alors que je vis, un poisson qui passait rapidement près de moi avant de disparaître dans l’obscurité.

 

Mon réveil sonna me sortant de ce rêve qui devenait de plus en plus étrange. Cette fois-ci, mon rêve avait duré plus longtemps mais quelque chose m’interpella : ce poisson, cette espèce ne vivait par ici, en tout cas je n’en avais jamais vu. Alors pourquoi je rêvais d’un poisson que je n’avais jamais vu. Je devais trouver des informations supplémentaires après mon travail.

 

La journée se déroula normalement, je fis mon ménage, servit le repas à la famille royale sous le regard avisé de Noah. Et je rejoignais Baldo pour manger avec lui. Mais une fois après avoir mangé, au lieu de remonter directement dans ma chambre, je me rendis dans la bibliothèque du château, lorsque je fus sûr que tout le monde était couché. Quand je pénétrais dans la salle, je découvris une immense pièce, les murs recouverts de milliers de livres, certains anciens d’autres plus récents. De nombreuses tables étaient disposées dans la pièce ainsi que plusieurs coins plus confortables avec des canapés.

Je commençais à chercher parmi les étagères, un rayon sur les animaux.

Malgré nos conditions de vie, Emie avait toujours mis un point d’honneur à ce que nous sachions lire et écrire. Depuis petits, elle nous enseignait le français ainsi que les mathématiques afin comme le disait toujours “ cela vous ouvrira des portes”. Elle n’a pas vraiment tort, il y avait tellement peu de personnes qui possédaient ces compétences autour de nous. L’école n’était pas accessible à tout le monde car on préférait travailler pour avoir quelque chose à manger plutôt que d’aller à l’école et avoir le ventre vide. Le choix était assez rapide. Nous avions eu cette chance qu’Emie puisse nous apprendre.

 

A force de chercher, je finis par trouver différents livres répertoriant différentes espèces d’animaux marins en fonction des pays. Je cherchais d’abord parmi les animaux de notre pays et sans surprise de ma part, je ne trouvais aucune information concernant le poisson de mes rêves. J’en feuilletais, puis deux et ainsi de suite une grosse partie de la nuit mais je ne trouvais rien. Il y avait tellement d’espèces, de livres et de pays que c'était comme chercher une aiguille dans une botte de foie.  Je devais affiner mes recherches ou bien trouver quelqu’un qui saurait me dire ou chercher, quelqu’un avec plus de connaissance que moi sur les autres royaumes. 

 

Une idée un peu folle si je puis dire me passa par la tête. Je sortis discrètement de la bibliothèque et longeai les couloirs jusqu’à me tenir devant sa porte. J'ai pris une grande inspiration avant de rentrer discrètement dans la chambre. La pièce était plongée dans l’obscurité de la nuit, la seule lumière visible était celle des rayons de la lune traversant la fenêtre. Je parvenais à distinguer la position du lit, je m’y approchais sans faire de bruit. Quand je fus au bord du lit, je chuchotai :

  • Noah, Noah…

Aucune réponse, Noah dormait profondément. Malgré le peu de luminosité de la pièce, je parvenais à distinguer son visage, ses traits étaient détendus, ses cheveux étaient tout ébouriffés. Comment pouvait-il être aussi beau ? Je passai doucement ma main dans ses cheveux noirs, ils étaient si doux.  Je répétais à nouveau son prénom mais cette fois, je le poussais légèrement avec la main pour l’obliger à se réveiller.

  • Hummm, qu’est qu'il y a ? murmura Noah, les yeux encore fermés.
  • Noah, j’ai besoin de toi, c’est Op.
  • Pourquoi…. Râla-t-il.

Soudainement, il se redressa, il me regardait parfaitement réveiller cette fois-ci :

  • Op, mais que fais-tu là ?

Je l’observais quelques instants, me demandant intérieurement comment Noah parvenait à rester aussi beau même au réveil, ses yeux brillaient à la lueur de la lune les rendant encore plus captivants.

  • Op ? demanda Noah me sortant de mes pensées.
  • Oh, euh… répondis-je totalement perdue. J’avais besoin de toi.
  • Cela ne pouvait pas attendre demain ?
  • Non, la journée, je n’ai pas le temps, ni le droit d’aller à la bibliothèque.
  • La bibliothèque, que cherches-tu ?
  • Viens, je vais t’expliquer.

Nous descendîmes silencieusement à la bibliothèque. Une fois dans celle-ci, j’expliquais à Noah ma recherche mais sans préciser quoi que ce soit, il savait simplement que je cherchais une espèce de poissons et que c’était important, rien de plus tant que je ne savais pas moi-même pourquoi je faisais ce rêve qui revenait de plus en plus souvent ces derniers temps.

Noah observa les différents livres que j’avais feuilletés avant de les reposer sur la table.

  • Donc, tu cherches un poisson aux écailles arc-en-ciel, si j’ai bien compris ?
  • Oui, exactement. Je sais qu’il n’y en a pas dans cette région mais je me demandais si tu saurais me dire d’où il venait. J’ai cherché mais je ne trouve rien.
  • Quand j’étais petit, mon précepteur m’a parlé d’histoires sur des poissons arc-en-ciel, il me semble, il venait d’un royaume frontalier mais je ne me souviens pas lequel.
  • Ce n’est pas grave, déjà cela réduit nos recherches à seulement trois pays.
  • Op, pourquoi tu fais toutes ses recherches, je vois bien que c’est important pour toi.

Je ne voulais pas lui répondre, je m'éloignais de lui, je pris un livre et fis mine de le lire. Noah vint vers moi, m’enleva le livre des mains. Il prit délicatement mon menton du bout des doigts m’obligeant ainsi à le regarder.

  • Op, s’il te plait.

Je ne pouvais pas lui résister. Noah me regardait, les yeux brillants d'intérêts pour moi.

  • D’accord.

Je m'approchai de la fenêtre, regardant au loin dans le jardin, je commençais à lui raconter.

  • Je t’ai dit que les parents de Baldo m’ont élevé depuis le jour où ils m’ont trouvé.
  • Oui, je me souviens. Comment-ont-il trouvé ?
  • J'ai échoué sur le bord du canal, frigorifiée et presque morte. Quand Emie, la mère de Baldo m’a vue, elle a aussitôt décidé de m’aider. Ils m’ont élevé comme leur propre fille depuis ce jour.
  • Mais quel rapport avec tes recherches ?
  • Depuis quelque temps, je fais un rêve étrange où je suis dans l’eau en train de sombrer dans les profondeurs. Au début, je ne voyais rien d’autre que l’eau mais la nuit dernière, j'ai vu quelque chose en plus.
  • Ce fameux poisson que tu recherches ?  Demanda Noah.
  • Oui, je n'en ai jamais vu par ici mais peut-être qu’il existe ailleurs. Je pense que ce rêve est lié à mes origines. Et si j’arrive à trouver à trouver d’où vient ce poisson, j‘arriverai à découvrir d’où je viens.
  • Op, je suis désolé de dire cela mais nous ne sommes pas dans un livre, ni dans un rêve, je ne pense pas qu’un poisson dans un rêve puisse t’indiquer d’où tu viens.

Je restai muette, abasourdie par sa réponse. Je le pensais si différent des autres mais en fait il était comme eux. Sa réponse fut comme une douche froide sur les sentiments que je pouvais ressentir à son égard, un sentiment de déception et de colère monta  en moi.

Je lui fis face tout en restant éloignée de lui. Je ne voulais pas lui montrer mes émotions. S’il y a bien une chose que la rue m’a appris, une des choses les plus importantes, c’est de ne pas montrer ses émotions. C’est exactement ce que je fis auprès de Noah. Je le fixai, me tenant plus droite que jamais, prête à en découdre verbalement.

  • Je vois. Ce n’est pas grave. Je continuerai à faire mes recherches seule, annonçais-je avant de quitter la bibliothèque.

Je voulais regagner ma chambre, être seule avant que mes larmes ne coulent de mes yeux. 

  • Op, ne le prend pas comme cela, cria Noah.

Mais je ne lui répondis pas, je partis en courant à travers les couloirs, semant Noah au détour d’un virage. Je courus jusqu’à enfin atteindre ma chambre, j’y pénétrais et m'enfermais derrière. J’ignorais si Noah me suivrait jusqu’à içi mais je préférais rester seule, loin de lui.

            Je me décidai à me coucher immédiatement, cherchant à oublier la discussion avec Noah. Mais au bout de plusieurs heures à tourner en rond dans mon lit, je me décidai à me lever, je devais m’occuper. J’enfilai mon uniforme et commençai à travailler, il était encore très tôt. Habituellement, je commençais à travailler à sept heures du matin mais aujourd’hui, je commençais à quatre heures. A m’occuper, autant m’avancer sur mon travail. Je m’occupais des pièces inoccupées durant la nuit, les bureaux et la salle à manger.

Au bout de trois heures, j’avais fini le ménage de ces pièces, il ne me restait plus que les chambres à faire. Je me rendis en cuisine pour déjeuner. Baldo y était également.

  • Salut, lança Baldo à moitié endormi.
  • Salut, répondis-je avant de m’installer à côté de lui pour déjeuner.
  • Mal réveillé ? demanda-t-il.
  • Pas dormi, plutôt.
  • Cela explique ta tête, alors. Pourquoi ?

 

Je trempais ma tartine dans ma tasse de café.

  • Compliqué.

Je ne voulais pas parler, mon humeur était massacrante.

  • Op, ce soir dans ma chambre ? demanda Baldo.

Je savais que son invitation était pour discuter de mon humeur et de ma nuit d’insomnie. Baldo me connaissait trop bien pour savoir que quelque chose clochait.

  • Oui.

Puis Baldo se leva, débarrassa son déjeuner et vint m’embrasser sur la joue avant de partir travailler.

 

Je finis de déjeuner et je reprenais mon service. Je commençais à servir le déjeuner, amenant les viennoiseries à table puis les boissons. Le roi ainsi que sa femme rentrèrent dans la pièce et s’installèrent pour manger, suivi de près par Emilie qui m’adressa un doux sourire comme à son habitude. Alors que j'essayais de lui rendre son sourire, Emilie grimaça face à mon expression, elle comprit que quelque chose n’allait. Quelques instants plus tard, Noah rentra dans pièce la mine renfrogné, Emilie le regarda puis son regard revint vers moi. Elle comprit aussitôt la provenance de nos visages maussades. J’ignorais Noah et continua mon travail.

Au cours du déjeuner, je sentais le regard pesant de Noah sur moi, il cherchait à attirer mon regard mais je n’arrivai pas à le regarder, j'étais blessé de sa réaction de la veille. Et je ne voulais pas qu'il voit à quel point cela m’avait fait du mal. Je m’enfermai le reste de la journée avec un mutisme protégeant mon cœur des émotions. Le soir, je montai dans la chambre de Baldo sans manger, la faim m’avait quitté depuis le matin. Une fois dans la chambre à Baldo, je m’installai contre lui dans le lit.

  • Qu’est ce qui se passe, Op ? La dernière fois que je t’ai vu comme ça, c’est quand notre chat est mort.
  • Je me suis disputé avec Noah…
  • Ah bon ? Mais pourquoi ?

J’expliquai à Baldo tout ce qu’il s’est passé de mon rêve à ma dispute avec Noah.

  • Je pensais qu’il était différent, Baldo. Je voulais qu’il soit différent mais je me suis trompé, il est comme les autres. Il me prend pour la pauvre fille de la rue qui rêve d’une vie, sanglotais-je contre le torse de Baldo.
  • Qu’est-ce que tu comptes faire concernant Noah ?
  • Rien, je vais continuer ma vie comme si je ne l’avais jamais rencontré, comme s’il avait toujours été un prince inaccessible pour moi.
  • Et concernant ton rêve ? Tu penses qu’il veut dire quelque chose ?
  • C’est bizarre mais j’ai la sensation qu’il y a plus derrière ce rêve. Je pense que je rêve du jour où je suis tombée dans l’eau et que vous m’avez trouvé. Et je pense que ce poisson vient du même lieu que moi.
  • Op, ne te fâche pas mais tu veux vraiment savoir d'où tu viens, est-ce si important ? -
  • Oui, c’est important pour moi, je sens qu’il me manque quelque chose en moi. Je vous aime plus que tout, toi, Emie et Pop, vous êtes ma famille. Mais j’ai besoin de savoir pour avancer, pour être complètement moi. Tu comprends ?
  • Oui, je comprends. Mais promet quelque chose, s’il te plait.
  • Quoi donc ?
  • Tu ne m’oublieras jamais !
  • Jamais. Comment je pourrais t’oublier, tu es mon frère et tu le seras toujours.
  • Je t’aime petite sœur. Conclua Baldo avant de me serrer fort dans ses bras. Je vais essayer de t’aider, je vais voir si j’arrive à trouver des informations sur ce poisson.
  • Merci. Je devrais y aller avant le couvre-feu. Demain je vais à l’Indra, je suis en repos. J’embrasserai les parents de ta part.

 

Je sortis de la chambre de Baldo et me rendis à la mienne. Cette nuit-là, le sommeil vint me tenir compagnie et m’emmenait loin dans le pays des rêves. Par chance, je ne travaillais pas car je pense que je n’aurai pas entendu le réveil.

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