Nous étions à nouveau réunis dans le salon. L’inspecteur avait appelé d’autres policiers à venir nous rejoindre, suggérant qu’une arrestation allait être effectuée. Le malaise grandissait dans cette auberge, et la méfiance culminait parmi nous. Nous étions à bout de nerfs.
Mes yeux ne cessaient de se tourner vers les autres occupants.
Henry Acampora, un bras rassurant autour des épaules de sa fille, dévisageant les policiers. Isabella, le regard perdu dans le vide. Dorian D’Asande, bras croisés, sourcils froncés en direction de Slavomir Beran. Le peintre tchèque, assis sur un siège, les jambes tremblotantes. Baltus Bent, se tenant droit près de la baie vitrée, les yeux rougis. Enfin, Eden D’Asande, dont on aurait dit que l’âme avait été complètement aspiré, était affalé sur une chaise, la tête baissée.
Et moi, à quoi devais-je ressembler, vu de l’extérieur ? Tiraillé par le doute et la méfiance, moi aussi. Fatigué, attristé, à cran.
L’inspecteur Favre, dans sa tenue noire, les lèvre pincées, semblait sur le point de prononcer une mise à mort. Même Gallant, malgré le sourire dont il ne s’était jamais départi depuis son intrusion incongrue dans cette affaire, avait désormais le visage grave, et ne cessait soit de dénouer sa cravate, soit de malaxer ses boutons de manchette, visiblement en proie à une suffocation mentale.
- Mademoiselle, messieurs, clama Favre. Au vu et su des interrogatoires, des conclusions ont pu être tirées. Le dénouement de cette affaire n’étant pas de mon ressort, aussi suis-je dans l’obligation de laisser la parole au jeune homme ci-présent, grâce à qui la lumière a pu être faite sur cette sordide histoire.
Gallant mima une courbette, puis commença d’une voix grave où perçait une tristesse apparente :
- Comme je l’ai annoncé à l’inspecteur Favre, la révélation de cette enquête ne me réjouit guère. Vous avez tous été touchés par cette terrible disparition. Que ce soit en lien avec l’argent...
Son regard coula vers Slavomir.
- ... ou avec l’amour.
Il se tourna cette fois vers Isabella.
- Mais, qu’il s’agisse d’amour ou d’argent, c’est la mort qui a découlé de cette affaire. Une mort lente et douloureuse d’un homme agonisant dans son lit. Il n’est peut-être rien de plus triste que de finir ses jours seul, accompagné par ses tristes pensées, ses regrets, ses derniers espoirs et rêves anéantis par la main froide de celle dont nul ne peut échapper. D’autant plus que Bent Larsen avait certainement encore plusieurs années à vivre, des aspirations plein la tête. Mais la mort l’a fauché bien trop tôt.
Il posa ses yeux glacials sur Henry Acampora.
- Par votre négligence, une arme a pu être dérobée. Un pistolet qui a servi à mettre fin aux jours d’un homme plein de rêves et d’ambition.
Henry Acampora baissa la tête, honteux.
Gallant reprit, se tourna vers la fille de l’aubergiste :
- Aveuglée par votre amour, vous n’avez même pas prêté attention à l’homme que vous aimiez, trop occupée à chercher son amour là où la mort l’avait déjà fauché.
Isabella pâlit, les yeux exorbités.
- Par votre cruauté, Slavomir, vous avez détourné le regard au moment où Bent Larsen rentrait, et avez ignoré ses gémissements, alors qu’il était en train d’agoniser dans son lit.
Le peintre tchèque prit son visage entre ses mains, le corps tremblant.
Le détective poursuit :
- Puisque vous le considériez comme un rival pour votre amour, Monsieur Laon, vous n’avez même pas daigné regarder le peintre qui se traînait dans les escaliers, dans la souffrance et la solitude.
J’aurai pu recevoir un coup de poing dans l’estomac, l’effet aurait été le même. Oui, c’était vrai. Tout ce qu’il disait était vrai. Sur le moment, en voyant que Bent était revenu, une colère noire s’était emparée de moi, déçu qu’il n’ait pas simplement quitté le village, permettant alors mes fiançailles avec Isabella. La culpabilité m’assaillit, et j’en baissai les yeux, honteux.
- Comme vous étiez préoccupé par l’argent qui allait manquer, Monsieur D’Asande, vous n’avez guère prêté attention au Bent Larsen mortellement blessé qui ouvrait la porte de sa masure, pourtant juste en face de la vôtre.
Dorian ne réagit nullement, gardant ses sourcils éternellement froncés et ses bras croisés. Mais je voyais bien que sa lèvre inférieure frémissait.
- Enfin, Monsieur Larsen, puisque vous lui aviez dit qu’il n’était qu’un fardeau, votre frère a choisi de rester allongé dans son lit, agonisant seul pour ses derniers moments sur terre, sans ennuyer personne. Sans demander aucune aide.
Baltus se laissa choir sur une chaise, retenant avec difficulté les sanglots qui lui montaient à la gorge.
- Personne n’a rien remarqué des derniers instants d’un homme dont la vie aurait pu être sauvé si quelqu’un, une seule personne, avait daigné lever les yeux sur lui. Trop occupé à défendre votre innocence, vous n’avez jamais remarqué votre culpabilité individuelle dans cette affaire. Car vous êtes tous coupables d’avoir égoïstement détourné le regard. Pour vous, Bent Larsen était tour à tour un rival, un fardeau ou un obstacle. Quand bien même rare était ceux qui l’aimaient, vous ne vous êtes tout de même pas aperçu de son agonie. Il ne s’agissait ni plus ni moins d’un homme. Un homme qui voulait peindre la vie en pastel, mais qui a vu arriver vers lui les couleurs sombres de la mort et de la solitude.
Le détective s’interrompit, nous laissant le temps de digérer ses terribles paroles. Quand il parla à nouveau, sa voix était presque suppliante.
- Mais la faute la plus évidente revient à l’individu qui a amené l’arme jusqu’en bordure du village, qui y a retrouvé Bent Larsen en train de peindre et qui, par concours de circonstances, lui a tiré dessus.
Gallant se tourna finalement vers Eden D’Asande.
- Cette arme, tu l’avais initialement prise pour en finir avec ta vie, n’est-ce pas ?
Un silence.
Des regards tournés, des yeux écarquillés. Une incompréhension, une confusion.
Bientôt, des larmes.
Eden éclata en sanglots sous le regard médusé de son frère.
- Quoi ? Bafouilla Dorian. Allons... Ce n’est pas possible... Eden était avec moi, on discutait d’argent, de...
- Vous parliez d’aller à Paris, l’interrompit Gallant, ce à quoi votre frère n’a pas osé s’opposer, malgré le mal-être qui l’envahissait peu à peu. Après votre discussion, il est parti chercher l’arme de monsieur Acampora, et s’en est allé à la lisière de la forêt, afin que personne ne vienne le déranger. Mais il n’avait pas prévu que Bent Larsen s’y trouverait, afin de peindre la toile qui deviendrait sa dernière œuvre d’art inachevée. Bent a compris ce que votre frère s’apprêtait à faire, alors il a tenté de l’en empêcher. Une altercation s’en est suivi, Bent Larsen tente de reprendre l’arme des mains de votre frère. Plusieurs coups de feu ont alors retenti, ceux que madame Ludena a entendu. Cependant, une balle a atteint monsieur Larsen en pleine poitrine.
La bouche grande ouverte, Dorian gardait les yeux rivés sur Eden. Le jeune frère releva la tête vers Gallant, le visage baigné par les larmes.
- C’était un accident, je vous le jure ! Je ne voulais pas, le coup est parti tout seul ! Je suis désolé, terriblement désolé... C’est moi qui aurais dû mourir. Moi et moi seul...
Il pleura à nouveau, sous le regard navré du détective.
- Bent Larsen a alors gardé le pistolet avec lui, continua ce dernier, et t’a demandé de ne prévenir personne, n’est-ce pas ? Peut-être est-ce lui qui t’a ordonné de ramasser les douilles, ou peut-être l’a-tu fais toi-même. Quoi qu’il en soit, de cette manière, Bent Larsen t’empêchait d’être accusé de quoi que ce soit. Ainsi, il prévoyait de se laisser mourir, en retournant dans sa masure, pour laisser penser à un suicide. Après tout, il allait bientôt manqué d’argent, il venait de se disputer avec son frère, de rejeter l’amour de mademoiselle Isabella. Pour lui, il n’avait plus ni argent, ni famille, ni ami. A quoi bon vivre quand plus rien ne vous retient ? Il n’était qu’un fardeau. Peut-être avait-il déjà prévu d’en finir avec la vie, mais tu l’as aidé à s’y prendre plus tôt. Ou peut-être pas. Peut-être aurait-il voulu vivre de longues années encore, faisant parler sa douleur et ses espoirs au travers de son pinceau.
- Je suis désolé, répétait Eden en ne cessant de pleurer. Pitié, pardonnez-moi...
- Te pardonner ? S’étrangla Baltus en se relevant. Tu as tué mon frère ! Tu vas finir en prison, sale monstre !
- De cela, riposta Favre, ce sera au juge d’en décider. Messieurs, si vous voulez bien...
Deux policiers passèrent les menottes à Eden, secoué de sanglots, tandis qu’un troisième retint Dorian qui s’était mis à avancer vers Gallant.
- Toi ! S’emporta l’aîné. C’est de ta faute ! Espèce d’enfoiré, pourquoi tu t’es mêlé de cette affaire ?! T’aurais jamais dû mettre ton nez là-dedans, pourriture ! Mon frère n’a rien fait, il est innocent !
- Il vient pourtant de tout avouer.
- Parce que tu lui as mis la pression ! Je vais te faire la peau, enfoiré !
Eden D’Asande, toujours larmoyant, fut emmené par la police. Dorian fut conduit dans le jardin pour le forcer à se calmer. Alors que tous les membres de l’auberge restaient silencieux, doutant de leur culpabilité en leur âme et conscience, je vis Gallant sortir discrètement de l’établissement, laissant la police prendre la relève.
Je décidais de le suivre.
- Attendez ! M’écriai-je en venant à sa rencontre. Comment... comment avez-vous su ? Quand vous m’aviez dit que vous aviez un suspect en tête... Était-ce déjà lui ?
- Cela vous intéresse vraiment de le savoir ? Demanda le détective en haussant les sourcils.
- Evidemment !
- Mes soupçons pesaient énormément sur lui, je vous l’avoue. Ses accès de pleurs m’apparaissent plus comme un aveu de culpabilité que comme une réelle souffrance suite à la perte d’un proche. Dans ce cas, Dorian D’Asande aurait dû plus ou moins se trouver dans le même état d’esprit, de souffrance. Evidemment, tout le monde réagit différemment face à la mort, mais quelque chose clochait avec Eden. Son désarroi était bien trop profond. Certes, il considérait Bent Larsen comme un père de substitution, mais il n’empêche qu’il le connaissait seulement depuis peu. Non, la souffrance d’Eden possédait quelque chose de plus que celle de son frère : de la culpabilité. J’avoue avoir un moment hésité à l’arrivée impromptue de monsieur Baltus Larsen. Mais, en apprenant par la suite que le jeune D’Asande se voyait lui-même comme un fardeau, tout comme Bent Larsen avant lui, c’est là que j’ai compris. Les deux étaient liés par la souffrance, certains de n’être qu’un poids qu’ils imposaient à leur aîné. La mort, c’est la seule option qu’ils ont entraperçus pour se libérer de leur propre joug.
- Alors quoi ? C’est votre intuition qui vous a guidé ?
- Oui, je dirai que c’est cela : mon intuition. Certains préfèrent se fier à l’observation, à la déduction, et d’autres encore à la psychologie de l’Homme. Notre comportement, inconscient ou non, reflètent forcément nos états d’âme, révélant par là notre véritable ressenti, notre culpabilité. Moi, j’estime user de chacune de ces solutions pour résoudre une affaire. Mais l’intuition avant tout, elle m’est précieuse !
- Dîtes-moi, combien d’affaires avez-vous résolu jusqu’ici ?
- Ah !
Il se mit à rire.
- Mon cher ami, la sordide affaire de cette masure aux mille couleurs pastels se trouve être le premier cas que je résous.
- Le premier ? C’est insensé ! Vous avez l’air de posséder tellement d’expérience !
- L’expérience de la vie, oui.
- Cette histoire est bien triste... Si ce garçon dit vrai, alors il ne s’agissait ni plus ni moins que d’un accident. J’espère sincèrement que ce jeune homme ne subira pas une peine trop lourde, et qu’il bénéficiera de circonstances atténuantes.
- Honnêtement, je l’espère aussi. S’il le faut, je suis prêt à plaider en sa faveur. Mais quoi qu’il en soit, c’est désormais à la justice de faire son travail.
- Est-ce que... puis-je vous demander une faveur ?
- Laquelle ?
- Accepteriez-vous de... de me prendre comme apprenti ?
- Apprenti ?
Gallant éclata de rire.
- Ne faut-il pas être un peu plus jeune pour être apprenti ? Et puis, apprenti de quoi ?
- Apprenti détective, répondis-je en rougissant. Ou aspirant détective, si vous préférez. Je veux parcourir le monde du crime à vos côtés, et résoudre des affaires afin que plus personne n’est à souffrir comme le pauvre Bent Larsen.
- Mais... et votre père ? Et le compromis de trouver une fiancée en moins d’un an ?
- Je me disais que, peut-être, vous pourriez rendre visite à mes parents, justement. Accompagnez-moi jusque Londres. Ainsi, je pourrai convaincre mon père de me laisser un peu plus de temps afin de me parfaire pour un travail, avant de rechercher l’amour. Par là même, je vous ferai découvrir l’Angleterre ! Après quoi, nous partirons à la recherche d’affaires !
- Vous m’avez l’air un peu trop enthousiaste... Êtes-vous réellement prêt avec ce que cela implique ? Des affaires complexes, des protagonistes au comportement douteux, une souffrance permanente... Est-ce cela que vous souhaitez au quotidien ?
- Oui. La complexité n’est qu’une affaire de regards. Rien n’est impossible pour un passionné. Et la souffrance appelle l’apaisement. Si une affaire ouvre une terrible blessure, alors je veux être ce baume qui permettra de soulager un tant soit peu ce chagrin.
- Soit. Alors ne tardons pas, monsieur Laon. Des affaires, il y en a tous les jours. J’annonce comme classée l’affaire de Bent Larsen.
Dernier commentaire et ici je ne ferai que des compliments (mis à part quelques erreurs orthographiques/grammaticales qui se corrigent facilement…)
C’est une super fin, tu évites l’écueil de suraccuser le coupable (je sais pas si ça se dit 😂mais on comprend à peu près l’idée). Tout le monde est un peu responsable et c’est vraiment bien fait, on y croit. Tu as suffisamment développé tes personnages, on les connaît tous bien à la fin! Bravo!
Je repasserai pour une autre histoire (laquelle tu recommande btw?)
Là je vais peut-être être un peu pénible (libre à toi d’ignorer) mais j’avais particulièrement apprécié ton commentaire pour Souffleurs (une histoire à moi). Je l’avais trouvé très constructif (et construit). Si ça t’intéresse et que tu as le temps je prends volontiers une petite lecture…
Merci pour l’histoire et désolé pour le pavé (et l’abus de parenthèses😂)
Timothée
Hé bien, quel commentaire élogieux ah ah, ça fait très plaisir ! Oui je voulais quelque chose qui change un peu, comme dans le style du Crime de l'Orient-Express d'Agatha Christie (je vais éviter de spoiler, on ne sait jamais !)
Je te conseillerai Dans les Pas du Roi si tu veux la suite des aventures de Gallant, sinon Bienvenue à Ossenoir que j'ai récemment terminé et qui propose une ambiance spooky ! (à moins de garder cette histoire pour Halloween ah ah ;-) )
Oui je me souviens de Souffleurs ! C'est avec plaisir que je vais me replonger dedans, compte sur moi pour te lire ^^
Alors à bientôt ! :-) (et désolée pour les parenthèses ah ah !)
Oui je comprends qu'une scène avec le point de vue de Bent Larsen aurait été intéressant, mais d'un autre côté j'aime l'idée qu'il y ait justement ce mystère total sur ce qu'il pensait. On ne peut que se fier à ce que disent les autres !
Ta remarque sur le film me fait très plaisir car, quand j'écris, je visualise les scènes comme si je regardais un film, pour rendre le tout plus vivant !
Merci pour ton commentaire, et j'espère bien te voir pour ma suite des aventures de Gallant !😉
J'ai énormément aimé l'idée qu'il est blessé, en train de mourir même et qu'il rejoint sa chambre pour que personne ne soit pas accusé. C'est un point qui m'inspire pour une histoire, je l'avoue!
Mais plus généralement, c'est l'idée d'un homicide collectif par négligence qui est vraiment forte et originale dans ton histoire. Cela me fait penser à une reprise du meurtre de l'Orient-E. , par la culpabilité collective, mais inversée...bon je sais pas si c'est très clair. (Et une série chinoise dont le nom m'échappe). Bref, c'est rare et très appréciable!
Ah ah, contente si mon histoire t'apporte de l'inspiration pour une autre histoire !😁
Ça me fait très plaisir que cette histoire t'ait rappelé le crime de l'Orient Express, car Agatha Christie est mon auteure favorite, et je me suis beaucoup inspirée d'elle !
En espérant te voir pour la suite des aventures de Gallant !😉
Et encore merci pour toutes les corrections que tu as apporté !
Tu as réussi, on sent bien l'inspiration d'Agatha ici. Un roman préféré??
Puisque tu as senti l'inspiration d'Agatha Christie je suppose que tu as également lu certains de ses ouvrages ! Et s'il y en a que j'ai cité mais que tu n'as jamais lu, je t'invite à les lire ! ^^
J'ai adoré, j'avais des petites peurs par ci par là sur les écueils classiques des premières histoires de detectives et tu les as évités avec brio. Il y a un ou deux détails que je souhaite quand même faire remonter, mais avant ça, voila mes ressentis sur la fin de l'histoire.
J'ai joué le jeu en voyant le titre du chapitre, et j'ai fait de mon mieux pour trouver le meurtier. Là où souvent sur une première histoire le 'pourquoi' du meurtre devient vite secondaire (souvent car les personnages sont avant tout un outil pour créer le puzzle qu'est l'affaire et la méthode du meurtre) ici j'y vois beaucoup de coeur et la motivation humaine est clairement au centre de l'affaire (et je trouve ça super, négliger le 'pourquoi' c'est pas faire une histoire, mais faire des mots croisés). J'avais peur que les personnages soient très artificiels à cause de la vitesse de l'enquête et en fait je trouve que c'est un équilibre super, je connais tous les personnages, je suis capable de dire ce qu'ils ont fait, leur personnalité et leurs motivations sans qu'ils aient l'air détachés du récit. Les dialogues aident beaucoup à se les représenter intérieurement.
La séance d'interrogatoire est super efficace pour les présenter (car jusque là on a eu peu d'occasion de les voir agir), et aide beaucoup à se rappeler de tous les détails de l'affaire.
Là c'est plus pour me vanter qu'autre chose mais j'ai réussi à trouver le coupable, même si j'ai utilisé quelques outils propres à un lecteur. Je détaille mon raisonnement si ça t'intéresse de voir si ça colle à ce que tu peux imaginer :
On a une liste claire de suspects, le plus simple pour commencer est de procéder par élimination au niveau des raisons de commettre le meurtre.
Le frère de Blent ne pouvait pas savoir que le gérant avait une arme, et lui voler plutôt que ramener la sienne paraît un peu ridicule.
Laon n'aurait pas laissé le pistolet car il incrimine le père d'Isabella, ce qui est contre-productif pour la seule motivation possible (la jalousie et l'amour d'isabella)
Slavomir aurait fini le travail, et n'aurait pas laissé à Bent le temps de rentrer à l'auberge, il était aussi le premier suspect et aurait au moins fait l'effort de détourner les soupçons.
Dorian d'asande gagnait trop à ce que Bent reste en vie, surtout au moment où il allait perdre son travail si Bent lui donnait de l'argent. On avait une certitude, c'est qu'il aimait son frère et tuer Bent était la dernière chose à faire.
Isabella aurait pu le faire, j'imaginais un scénario où elle le tuait car il la rejetait, en utilisant l'arme de son père, mais ça ne collait pas trop aux trois coups de feu et les douilles manquantes. J'ai imaginé une version où elle voulait se tuer si Bent la rejetait et en voulant l'arrêter Bent prenait une balle, mais je ne trouvais pas trop d'indices pour ça dans le texte, et je sentais qu'il fallait inclure le thème du 'fardeau'. A ce moment j'ai compris que c'était Eden. Je n'étais pas encore vraiment sûr de 'comment', j'imaginais que Bent le découvrait plutôt que juste de tomber sur lui au moment où il veut passer à l'acte.
A ça j'ai ajouté mon intuition de lecteur, ça ne peut pas être le personnage le plus facile à inculper (Slavomir), ça ne peut pas être une personne trop extérieure à l'auberge car Gallant dit que révéler la vérité va blesser tout le monde (donc pas Laon ou le frère de Bent), le père d'isabella aurait fait autrement que mettre son arme sous le lit, Dorian était trop remonté et ignorait trop de détails de l'affaire pour être une résolution satisfaisante, Isabella et Eden étaient les derniers supects pour lesquels j'avais des doutes.
Bref, merci pour cette histoire je me suis bien amusé, Si c'est ta première histoire c'est vraiment une réussite.
Dans la suite je vais donner mon avis sur un ou deux détails qui ont impacté ma lecture, mais rien de grave, et ça peut parfaitement n'être un problème que pour moi.
Mon plus gros problème est le détective Gallant, il est le détective donc c'est normal qu'il soit sous les projecteurs et on sent que tu l'aimes bien, mais peut-être un peu trop. Alors que tous les autres personnages ont de gros défauts, pleurent, ont peur, se trompent, lui est parfait de A à Z et est parfaitement en contrôle. C'est un peu dommage car par opposition il parait beaucoup moins humain et réel que les autres. Le voir se tromper sur un détail, ou commetre un petit impair relationnel avec les victimes, ou avoir un défaut (comme poirot avec son orgueil et son amour de l'étiquette) m'aurait beaucoup aidé à le voir comme l'un des personnages de l'histoire et pas comme son moteur.
Mon deuxième problème est plus sur des petits détails tout au long du récit. TU as super bien réussi le 'pourquoi' de l'affaire, mais je trouve qu'on manquait de détails sur le 'comment'. On connait à peine les faits et gestes des personnages le jour du meurtre, on n'a pas de médecin légiste pour nous donner l'heure de la mort ou la confirmation qu'il est mort par balle, que la balle était bien celle du pistolet etc... c'est un peu dommage parce que je me retrouvais à imaginer douze milles scénarios possibles qui amènent à ce résultat avec des moyens très différents. Cette attente et potentiellemenet purement personnelle, je suis plus habitué à des histoires centrées sur le 'comment' justement, et peut-être que quelqu'un d'autre aura un avis très différent.
Le dernier "repproche" que je peux faire serait sur la toute fin, quand Laon demande de suivre Gallant. C'est un peu soudain, et comme on ne sait presque rien de Gallant on a du mal à lui imaginer une vie en dehors de l'affaire et donc à considérer l'importance de la demande. De même, Laon et lui intéragissent beaucoup, mais j'aurais peutêtre voulu un petit moment où Laon est envieux de Gallant (en plus d'être impressionné) pour sous-entendre qu'il peut souhaiter en faire son métier. Les tournures de phrases sur les révélations sont aussi un peu trop théatrales mais c'est pas choquant.
Enfin, je trouve la morale de la fin super. Les reproches finaux "n'importe qui aurait pu arrêter ça, si vous aviez fait un effort" sont excellents, et remettent l'importance de cette affaire sur les vivants plutôt que sur le meurtre. Tout tombe bien à sa place et en retrospective tous les détails depuis le début étaient importants.
Bravo encore, j'espère que tu continueras à écrire des histoires policières.
J’ai vraiment fait en sorte de me concentrer sur le pourquoi, car en tant que férue de la criminologie, je trouve que le portrait psychologique du criminel est fascinant ! L’un de mes défis a justement été de rendre les nombreux personnages intéressants et profonds en peu de temps, vu que je ne suis pas douée pour écrire des histoires longues, alors ça fait plaisir de lire ton commentaire sur eux.
Je suis très contente que tu m’ais partagé ton raisonnement pour trouver le tueur car ça me donne un autre point de vue ! Quand on écris l’histoire on a déjà assemblé le puzzle, alors il y a moins ce côté captivant de se demander qui est coupable vu que... ben je le sais déjà ! Etudier le raisonnement d’un lecteur de manière objective est donc super cool, et me donne à voir l’assemblage des éléments et de l’intrigue d’une autre manière !
C’est en effet ma première histoire ! Pour ce qui est de Gallant je comprends ce que tu veux dire, d’où les quelques moments d’hésitation que je lui ai donné, notamment à l’arrivée du frère de Bent. Le fait est que, l’histoire se déroulant en partie du point de vue de Laon, je voulais justement qu’il ait un peu cette image “idéalisée” du détective, pour faire en sorte qu’à la fin il se jette un peu à bras perdus dans les pas de Gallant. Mais dans les suites que j’ai écrite, puisque Laon côtoie beaucoup plus Gallant, on commence justement à trouver ce côté plus humain du détective, avec ses défauts et ses qualités. J’espère donc que tu apprécieras la suite que j’ai déjà publié !
Tu as raison pour le “comment” de l’affaire, j’avoue m’être malheureusement beaucoup moins attardée dessus :-( Je pense également changer quelques petites choses dans l’histoire, afin de rendre la demande finale de Laon plus légitime !
Merci pour ton pavé, il m’a beaucoup aidé à comprendre certaines choses, et ça a été un plaisir de te lire ! Encore merci, et désolée pour mon propre pavé ! :-)