Chapitre 8 -- Enchevêtrement mélodique

Par Capella
Notes de l’auteur : Je m'arrête ici pour la publication ! Merci beaucoup pour vos commentaires, ils m'ont bien aidé pour faire de cette œuvre quelque chose de présentable à l'édition !

Aussitôt Emily eut-elle traversé les portes de la salle du conseil que les regards se braquaient sur elle. Autour de la table ovale gravée d’une carte se trouvaient deux Do, un Mi – Harold –, une Fa, un La et une Sol. Rapidement, la grande femme qu’était Oléna Fa s’agita dans une tempête de cheveux blonds aux reflets turquoise. Elle se pencha vers Harold, agitant sa main au gré de ses mots avant de pointer Emily du doigt. Le Mi poussa un soupir éreinté, et signa :

« Dame Oléna est heureuse de vous voir, elle voulait vous proposer quelque chose », fit-il, le visage froid.

Emily se tourna vers l’intéressée, curieuse, laquelle agita vigoureusement de la tête pour étayer les paroles que Harold venait de lui offrir. Un moment, Emily soutint le regard particulier d’Oléna ; ses iris plus particulièrement. Bruns, ils n’étaient certainement pas composés de ronds comme l’on l’aurait attendu de n’importe qui, mais d’une barre de reprise, trait vertical ponctué de deux pupilles noires devant. Il arrivait parfois qu’au sein des maisons majeures, des êtres naissent avec ce genre de particuliers physiques. Cela ne changeait, au demeurant, rien à leur existence, aussi cela n’était-il qu’une belle esthétique.

Oléna finit par pousser un rire avant de poursuivre en agitant les lèvres.

« Il est temps pour le conseil d’accueillir en son sein une Ré, lui transmit Harold en regardant Oléna avec un haussement de sourcil étonné. Je comptais en parler ce soir à votre père le Roi, mais tant que vous êtes là, mieux vaut que vous soyez la première à le savoir. »

Aussi surprise que Harold de l’apprendre, la princesse ouvrit la bouche. Les deux Do s’entreregardaient, méditatifs, le La plissa les yeux et la Sol demeura simplement curieuse.

« À défaut de pouvoir devenir Reine, vos compétences doivent être usitées, continua de parler Oléna avec un grand sourire rayonnant. Vous révisez chaque jour votre politique, et je vous ai déjà vu conseiller votre propre père pour faire valoir vos connaissances. Laissez-moi tirer mon épingle du jeu en vous récupérant pour nous, si notre Roi préfère, lui, vous écarter du jeu. » Avant même qu’Emily pût prendre le temps de digérer ces paroles, la Fa conclut : « Naturellement, tous les membres du conseil devront apprendre à signer comme Harold. Certes, votre petit Opéra pourrait suffire, mais si vous faites partie des nôtres, je préfère faire en sorte que vous le ressentiez comme tel. »

La jeune femme ne sut pas quoi répondre, au bout du compte. Cette façon de l’accueillir dans la pièce alors qu’elle ne passait qu’en coup de vent était… brusque. Divinement. Elle hésita un long moment, les membres pris de tremblement nerveux, d’autant qu’elle dût contenir les spasmes qui parcouraient ses lèvres pour s’empêcher de sourire de délectation.

Elle fit quelques pas en avant, considérant un instant la table qui avait été gravée de sorte à reproduire la carte des Terres de Ré. Elle fit glisser son doigt sur la ville la plus au sud-ouest, Mezzofort. De là, elle poursuivait dans cette direction.

Ici, il n’y a rien. En partant tout à l’ouest, les Opéra pourraient vivre en paix sans être dérangés… C’est d’ailleurs par là que sont arrivés Emery Do et les Cors, si ma mémoire est bonne.

Elle releva la tête vers le conseil, s’arrêtant sur Oléna qui la considérait toujours en souriant, ses iris bruns lumineux ne quittant pas ceux, rose spinelle, de la princesse.

« Je vais y réfléchir, Dame Oléna. Je vous remercie infiniment pour cette proposition. »

Quand elle reçut ces paroles, la femme secoua la tête avec un mouvement de main élégant. « Le plaisir – et l’honneur – est pour moi, ma princesse. »

Avec un sourire, Emily se retourna, menaçant de partir, mais s’arrêta à la dernière seconde.

« Au passage, la raison de ma présence ici… Sommes-nous toujours occupés à batailler avec les peuples du sud ? J’ose espérer qu’ils ne gagnent pas de terrain jusqu’à la capitale royale.

— Oh, ça…, répondit Harold. Ils se débrouillent bien. Ils sont doués pour se battre, ces sauvages, et leur chant familial est quelque peu, surprenant. Mais avec la Grande Aiguille, ce ne sera pas un problème. Nous comptons l’emmener au sud. Pour la première fois depuis sa création, elle quittera Moderato.

— Bon à savoir. Bon courage.

— En espérant que vous partagerez notre souffrance. Cette idée, de vous avoir en tant que membre du conseil… » Il marqua une pause, tournant le regard, puis souriant légèrement. « Je l’aime bien. »

Avec un rictus hésitant, mêlant émotion et doute, elle quitta la pièce. Oubliant pour le moment la question de son intégration, elle rumina ce qu’elle avait cherché à savoir en arrivant ici. Le conseil était occupé par sa bataille, ils n’auraient pas le temps de s’occuper pleinement d’un conflit avec les Opéra. Voilà qui l’arrangerait.

Membre du conseil…?

Elle ne put s’empêcher de répéter ces mots durant sa marche, signes lancinants qui ne cessaient de lui revenir en esprit. Dans les jardins royaux, elle se laissa un moment baigner du soleil, levant le visage vers le plafond de roche. Quand une coccinelle vint se poser sur sa main, elle la balaya de la main, une sueur froide lui glissant le long du dos. Prenant conscience de sa réaction outrancière, elle se mit à rire.

Elle arpenta les jardins jusqu’à trouver, comme convenu, les deux Opéra ; celui de son père, et le sien. Armand parlait avec Tess d’une expression divinement sérieuse tandis que sa grande sœur l’écoutait avec attention. Elle se tourna vers la princesse la première, et son cadet suivit. Faisant glisser sa main contre les fleurs qui passèrent à sa portée, Emily les rejoignit d’une démarche aérienne.

« Alors ?

— Tess est d’accord pour prendre part à notre plan. En fait, elle est même certaine que tous les autres Opéra seront d’accord, mais à eux, on ne leur en parlera que le moment venu. Une fuite serait très malvenue. »

Emily afficha une expression de pur contentement à le voir dire, serrant une nouvelle fois le poing dans une envie de crier victoire. Les astres s’alignaient finalement pour lui faire remporter au moins l’un de ses objectifs.

« Une fuite ? En quoi les Opéra feraient fuiter la seule chance qui leur offrirait la liberté.

— Pour se faire bien voir de leur maître… Pour ne pas être puni s’ils se font prendre, expliqua Armand avec peine.

— Se faire prendre ! Notre plan n’aura aucune faille », conclut-elle.

Et se tournant vers Tess, elle lui découvrait un visage anxieux. Emily croisa les bras, et d’un mouvement de tête, invitait son ami à s’intéresser à ce qui prenait soudain sa sœur. Armand inclina la tête, se mettant à lui parler tout en signant :

« Quelque chose ne va pas, Tess ? »

Elle leva timidement la tête vers lui, avant d’afficher un sourire jaune, acquiesçant.

« La liberté… Je ne sais pas ce que j’en ferais, moi.

— C’est bien là le principe ! répliqua Emily. Tu en fais ce que tu désires.

— J’entends. J’entends… Mais je suis née pour protéger, c’est tout. »

Poing sur les hanches, Emily fit basculer sa tête. Elle voyait sans trop de mal où elle voulait en venir. Si Armand avait pu s’amuser à créer du cuivre-chant, s’intéresser aux encyclopédies sur les fleurs et les poissons, en sus d’apprendre à lire, c’était car une fois encore, il n’avait pas eu la vie d’un Opéra commun. Or, Emily n’y avait pas vraiment réfléchi outre mesure. Depuis les plus de dix années qu’elle était amie avec Armand, il lui avait été naturel de le traiter comme un égal. Il lui serait donc difficile de composer avec une expérience inédite, celle d’introduire Tess à la liberté qu’elle n’avait jamais connue.

« Ne t’en fais pas, sur ce point, je t’aiderai, dit néanmoins son frère avec un sourire. Je connais tout un tas de choses qui pourraient t’intéresser. Sinon, nous aurons le temps de le découvrir ensemble. »

Conservant ses poings posés sur ses hanches, Emily afficha un tendre sourire en voyant Tess acquiescer aux dires du garçon. La princesse était bien placée pour savoir qu’il sera un excellent grand frère. Cette pensée la rengorgea, lui faisant lever le menton avec beaucoup de vanité pour son ami.

Tess attira alors l’attention de son frère, redevenue inquiète. Elle lui parla, en jouant avec ses doigts, le regard fuyant. Armand blêmit, la lèvre coincée entre ses dents, tandis qu’il fixait le sol.

« Qu’a-t-elle dit ? » s’enquit la princesse.

Un moment, Armand soutint son regard, Emily se trouvant à se perdre dans ses yeux orange de crépuscule. Les faisant lentement dévier sur les broussailles alentours, il eut un sourire nerveux.

« Rien d’important, ça ne concerne qu’elle, et ça ne gênera pas notre plan. »

Emily croisa cette fois les bras, intriguée. Au bout d’un moment, elle finit par abandonner, et au même instant, Tess annonça revenir auprès du Roi, laissant les deux autres sur place.

« Bon, on rentre aussi ? lâcha Emily.

— Déjà ? Il nous reste tout de même beaucoup à faire… Et puis tu es censée discourir ce soir pour le trône… Tu t’es résolue à attendre que ton frère grandisse, finalement, ou tu vas bel et bien tenter de faire capoter le plan de ton père une énième fois ?

— Oui, voilà, exactement. » Elle se tourna vers le château, considérant les murs avec un sourire insolent. « Je vais sans mal réussir à demander à mon père de faire ça demain matin. Regarde, je suis fatiguée, mazette ! À cause de ce qui t’est arrivé, j’ai la tête dans le brouillard. Quel dommage, je vais devoir prendre la soirée pour moi. Et à côté de tout ça, l’objectif, c’est d’organiser la fuite des Opéra ce soir.

— Bonne idée pour la fuite ce soir, mais concernant ton père, il sera difficile à convaincre, vu la situation…

— Mais non, du tout ! S’il dit tant m’aimer, il faudra qu’il me le prouve. »

Nous ne sommes pas à une soirée près, conclut-elle en son for intérieur.

Armand opina du chef, grimaçant, ne trouvant visiblement pas son plan à son goût. D’un mouvement de bras, elle lui assura qu’il n’avait aucune raison de ne pas croire en son positivisme. Il n’y avait franchement rien ce soir qui pourrait forcer son père à tenir le discours contre vent et marées. Et avec le drame des Opéra à anticiper cette nuit, le Roi ne songerait sans doute pas à la faire discourir non plus le lendemain matin, aussi pourrait-elle prendre la poudre d’escampette vers un fief qui serait prêt à l’assister.

Et il ne veut pas d’une Reine aussi madrée que je le suis ? C’est à n’y rien comprendre, définitivement…

Chemin faisant vers sa chambre, elle se laissa presque à aller à sautiller, son sourire impertinent décorant son visage comme un collier. Ce fut avant, du moins, de tomber sur le visage souriant d’Oléna Fa à l’instant où elle dépassait la porte du palais. Elle sursauta, mis les mains en position de défense et grimaça. Elle avait anticipé de tomber sur le chef des armées ; cela ne lui aurait pas fait de mal de jouer avec son cœur une fois de plus…

« N’ayez pas peur, je ne suis pas là pour cela », dit-elle avant de porter ses doigts à ses lèvres, ses épaules se secouant. « Cela vous dérange si nous allions discuter un peu dans les jardins, princesse ? »

L’intéressée se retint de lâcher un soupir. Elle en était quitte pour faire demi-tour et regagner le dehors qu’elle venait de laisser derrière elle. Au moins, la demande d’Oléna lui faisait comprendre qu’elle désirait s’entretenir avec elle à l’abri des oreilles, et puis des regards. Cela eut au moins le mérite d’attiser la curiosité de la jeune femme qui prit les chemins les plus reculés du jardin, s’assurant qu’on ne pourrait la regarder signer depuis les fenêtres du château.

« Envisagez-vous toujours le trône ? » questionna-t-elle à brûle-pourpoint.

Emily se retrouva dans l’incapacité de répondre aussitôt. Cela tira un grand sourire de la bouche de la femme. Elle sortait un éventail de sa robe pour se faire un peu d’air.

« Pour ce que j’en ai appris, vous ne travaillez pas grandement votre discours de ce soir…

— Certes. Disons que la proposition du conseil me taraude un peu trop l’esprit pour cela.

— À la bonne heure ! En vérité, j’en avais déjà parlé à votre père aujourd’hui-même. Il apprécie grandement l’idée.

— Il n’est donc pas dénué de mépris à mon égard ? Bon à savoir. »

Armand les arrêta, profitant du fait que personne ne reprenait la parole, pour leur annoncer que le coin dans lequel ils se trouvaient était parfait pour parler à la seule vue du vent et des arbres. Le rictus d’Oléna s’étira légèrement.

« Je vous propose mon aide. Peu importe ce que je peux faire pour vous, je le ferai. En échange de quoi je ne vous demanderai qu’un peu plus de pouvoir s’agissant d’un sujet en particulier. »

Emily ne cacha pas sa prudence, plissant les yeux et se retenant de croiser ses bras crispés. Depuis les événements de Séon, il valait mieux pour elle de dépecer l’esprit de ses interlocuteurs avant de leur faire confiance ; au versant d’Armand qui faisait des yeux ronds.

« Une Fa en guise de soutien, c’est le rêve, Emi. » Et il le disait avec tout le sérieux du monde.

Emily arbora un rictus dégouté face à ce simplet.

« Ça commence à vouloir un avantage, et ça demande le trône plus tard. »

Quand Armand la vit dire, il eut un sourire moqueur, qu’il finit par perdre en comprenant quelque chose.

« Attends, je suis censé le lui dire ?

— Bah… Oui ? »

Il se tourna vers Oléna, qui lui darda un merveilleux sourire. Le garçon prit un air désabusé, parla, et soudain, la femme porta une main à ses lèvres en pliant son dos en arrière. Quand elle se redressa, ce fut pour essuyer ses yeux depuis lesquelles s’écoulaient des larmes.

« Princesse, voyons, non. Le trône est loin d’être enviable. Les bonnes positions valent mieux que celle qui se trouve au sommet. »

Emily inclina la tête, curieuse, et Oléna essuyait les dernières larmes, son sourire était devenu rien de moins qu’amusé et pur.

« Il vaut mieux gagner l’amour des grands que d’avoir leur exposition. »

La princesse acquiesça, une ridule au coin des lèvres. Ce petit commentaire prononcé d’un sourire et un œil pétillant lui donnait l’envie de jeter ses soupçons au-derrière des collines qui servaient de lit aux vieilles lunes. Pourtant, on ne l’y reprendrait pas. Séon avait été la seule goutte du vase, et il n’avait pas fallu plus que cela pour le briser.

« Je comprends votre désir et je vous remercie pour votre aide, mais je préfère m’entourer de ceux en qui j’ai confiance. Je ne peux pas gagner la vôtre en un après-midi…

— Pourtant, aucune raison de douter », lui répondit Armand sans s’embarrasser de faire passer les mots précédents à l’interlocutrice.

Il s’attira naturellement les soupçons d’Emily qui croisa les bras, fronçant les sourcils. Son visage rimait désormais avec mépris.

« Séon avait des raisons de nous trahir. Se protéger, s’assurer que les Ré enterreraient la hache de guerre pour ses actes. Dame Oléna, en revanche, elle n’y gagnerait rien.

— Se faire bien voir par mon père le Roi, rien que ça.

— Non… Pas avec un plan concocté en une journée, d’autant qu’elle ne cherche pas à s’en enquérir, visiblement. Elle veut aider, peu importe ce qu’on attend d’elle, et cela l’empêche de diriger au mieux ses desseins pour se faire bien voir de ton père.

— Je ne comprends pas… En quoi ce serait inutile pour elle de me trahir ? »

Armand se tourna un instant vers Oléna, prononçant quelques mots d’un visage embarrassé, mais la femme, d’un mouvement de main amène, paraissait le rassurer. Le jeune homme redirigea le visage vers elle, se passant une main dans les cheveux, effleurant son masque de cuivre.

« Si tu es ramenée à ton père, celui-ci va simplement penser à ta faute, ton incartade, tes erreurs. Oléna n’aura fait que son travail, celui de trouver la princesse en pleine bêtise et de le dire. Pour s’attirer ses grâces, il faudrait qu’elle tourne la situation pour devenir la sauveuse, celle dont on ne pouvait se passer, celle qui a sauvé le Roi, les nobles voire les peuples, si elle a de la ressource. Mais je suppose que cela serait un peu difficile pour elle, sans idée précise de ton plan. Et puis, tu sais quoi, Emi, soyons honnête. Ton père te prioriserait. Si tu lui glissais le mot que tu avais été trahie, il se dirait sûrement qu’Oléna n’est pas une femme de confiance, non ? Vous seriez tous les deux punis, je pense. »

Emily arbora une moue boudeuse. Elle n’avait pas envie de répliquer, de peur de perdre, seulement armée de sa mauvaise foi. En cas de trahison, certes, Oléna prendrait aussi, mais la princesse et son Opéra ne se feraient pas épargner pour autant.

« Ce que tu viens de me dire, Armand… Dis-le-lui, pour commencer.

— Si tu veux. »

Il se tourna vers la concernée, et la Fa acquiesça d’un visage plus sérieux, une main posée sur les lèvres, le regard braqué sur Armand.

Alors, soudain, comme si l’illumination venait d’atterrir sur sa tête avec la violence d’une brique, Emily décroisa les bras, entrouvrit la bouche, écarquilla les yeux.

Il y en a d’autres, comme ça, qui regardent Armand dans les yeux et lui parlent comme s’il existait ?

D’un mouvement, elle saisit l’attention des deux autres. Puis d’un autre mouvement de bras désinvolte, elle introduisit sa conclusion :

« On n’en parle plus, j’accepte d’écouter son offre. De toutes les personnes des Terres de Ré, si je ne suis pas capable de faire confiance à celle qui te parle comme un humain, qui choisir pour aider ton peuple ? Dis-le-lui, sans préciser que c’est pour ton peuple qu’on fait tout ça, bien sûr. On est amis, elle comprendra où je veux en venir sans faire de rapprochements. »

Armand se décora d’un radieux sourire. Il opina et se retourna vers Oléna pour lui offrir la nouvelle. Elle ouvrit la bouche, surprise, et son rictus réapparut tandis qu’elle se considéra Emily avec une formidable satisfaction. Elle tendit son bras.

Après une seconde d’hésitation et un souffle cynique, elle saisit la paume qui lui était offerte.

« N’oubliez pas que de nous deux, je suis celle qui possède les Opéra », avertit la princesse une fois sa main libérée, histoire de se rassurer.

Et à cela, Oléna éclata de rire.

« Maintenant, concernant votre faveur ? s’enquit Emily.

— Je vais vous montrer, répondit-elle en s’éloignant. Suivez-moi donc. »

Elle regagna le couloirs du palais, grimpant aux troisièmes étages où, en condition de membre du conseil et de membre d’une maison majeure, elle avait ses appartements. Là-bas, elle entra dans sa chambre, invitant Emily et Armand à pénétrer à l’intérieur de leur suite.

Aussitôt eut-elle fait un pas à l’intérieur qu’Oléna fut accueillie par un homme qui la prit dans ses bras pour l’embrasser. Comme elle, il partageait les reflets turquoise de ses cheveux blonds, mais ses yeux avaient au moins le mérite d’être seulement bruns, sans ornement extravagant. En voyant les deux intrus suivirent sa femme, l’homme eut un sursaut tandis que sa femme riait avec plaisir.

Armand commença à peine à mettre ses mains dans le cadre de signe pour transcrire les paroles d’Oléna, qu’une petite fille apparut soudain vers eux. Un adorable petit bout blond, aux yeux noisette, et au minois plus adorable que celui d’une fée ; impression renforcée par ses petites oreilles pointues qui faisait moins d’elle une humaine qu’un lutin.

« Je vous présente mon mari, et seigneur du fief de Pianissimo, Hugo Fa. Voici ma fille, Layla. C’est pour eux que je veux m’allier à vos objectifs. »

Elle prit sa fille dans ses bras et commença à baiser sa joue à plusieurs reprises, telle la mère entichée qu’elle donnait désormais l’impression d’être devenue.

« Alors ça y est, finalement, on passe le pas ? demanda son mari.

— Oui. Nous avons rien à y perdre, tant que la princesse ne nous jette pas au-devant du bus. »

Emily secoua la tête et la main, tirant un rire à la conseillère qui se tenait devant elle.

« Bien, fit Hugo, songeur. Très bien. Effectivement, la princesse Emily, ça me semble être un parti de confiance. Tu lui as déjà tout dit ?

— Non, je m’apprêtais à le faire. » Elle se tourna vers Emily, laquelle se redressa bien droite, attendant la demande, une lueur d’expectative dans le regard. « Pourriez-vous nous offrir le monopole sur la Mémoire Musicale une fois devenue Reine ? »

Emily écarquilla les yeux avant de porter une main à son menton, méditative. La question fut vite réglée, car elle envoyait balancer son bras avec désintérêt.

« Bien sûr. Ce n’est pas l’objet le plus important de notre collection, et qui de mieux pour un Fa que d’obtenir le droit de garde sur tous ces souvenirs. Pour quelle raison, ceci étant ? »

Oléna déposa sa fille, lui disant quelque chose, après quoi l’enfant partait en courant dans sa chambre à coucher, des étoiles plein les yeux. Sa mère se releva tranquillement, se tournant vers la princesse.

« Pour avoir la protection des souverains. Si nous obtenons la Mémoire Musicale, nous devenons importants. Vous nous protégerez. Vos enfants protégeront ma fille. Ses enfants protégeront ceux de ma fille. Tout ça, encore une fois, sans atteindre l’exposition d’un Roi, tellement sujette à trahison et envie de mort. »

Emily croisa les bras, le regard dirigé vers le plancher, la moue tordue en une réflexion ardente. Elle finit par délier ses bras avec lenteur.

« Bon, obtenir la Mémoire Musicale ne vous écartera pas des complots, ceci dit…

— Un peu plus. Toute amélioration est bonne à prendre. »

Elle baissa le regard, soudain mélancolique. Au moment où elle releva le visage, glissant un index sur son sourcil pour le redessiner convenablement, sa fille revint, un livre dans les mains. Oléna se pencha sur elle et lui offrit un radieux sourire.

« Princesse, puis-je faire se rencontrer ma fille avec votre petit frère ?

— Oui, vous pouvez. »

Elle lui sourit, se tournant un instant vers Hugo, qui lui adressa un baiser. Armand n’ayant pas trouvé judicieux de rapporter leur parole, elle suivit Oléna et sa fille sans protester.

Les mains derrière le dos, la princesse considéra les murs et les couloirs, l’esprit ailleurs.

C’est fou comme on pourrait croire que les gens trop gentils font tache, entre les murs de ce château.

En entrant dans la chambre de son frère, elles le trouvèrent, aux côtés d’une domestique Instrulia qui n’avait que pour mission de s’occuper de lui avant que le garçon ne reçût son Opéra personnel, d’ici à quelques années, pour son huitième anniversaire.

Le petit garçon aux bouclettes rousses s’étonna de voir débarquer autant de monde dans sa chambre, son regard passant d’Oléna, à Layla, à sa grande sœur. La Fa fit alors s’avancer sa fille et prononça quelques mots à Kyss qui finit par acquiescer, ravi, prenant la main de Layla pour l’emmener au fond de la pièce. D’un signe de main, il lui ordonnait d’attendre et se jetait dans sa chambre.

Emily se tourna vers Armand, curieuse. Au même instant, la domestique quittait la pièce.

« Bon, pour la domestique, Oléna lui a demandé de nous préparer de quoi boire. Concernant les enfants, Oléna a dit que sa fille voulait faire la connaissance de Kyss en lui montrant ses dessins, et ton frère a dit qu’il allait chercher quelques-unes de ses inventions en cuivre-chant. »

Emily ne répondit pas, mais de neutre, ses traits se firent soudain prodigieusement énamouré en voyant ainsi naître une nouvelle amitié entre son frère et une autre enfant. Ce dernier ressortit avec un fatras de cuivre couleur vanille qu’il déposa devant Layla, laquelle considéra tout cela avec grand émerveillement.

La princesse vit alors Oléna se tourner vers elle, les mains liées au niveau de son ventre, son sourire se faisant tendre et avenant.

« Il y aura toujours des complots. Peut-être des gens voudront ma position que sera celle de gardienne de la Mémoire Musicale. Peut-être des gens profiteraient de mon absence de protection si j’étais membre d’une famille mineure. Peut-être ma tête serait-elle menacée si j’étais Reine. Alors je me battrai sans cesse pour réduire les risques. »

Emily eut un sourire en coin, ses yeux se faisant doux envers la femme.

« En vous alliant à la princesse, Reine en devenir, et en faisant s’acoquiner le deuxième prince à votre fille ? Je trouve cela… très sage.

— N’est-ce pas ? »

Au même instant, la domestique revenait avec un service à thé.

« Ah ! Bien, et si nous allions nous installer et discuter entre femmes. J’aimerais que vous me parliez de votre frère !

— Oui, pour sûr. »

Oléna prit place sur le seul fauteuil de la pièce, et Emily se mit en tailleurs à même le sol. Un regard pour son frère le montra en train de s’extasier sur le dessin d’une simple maison qu’avait dessiné Layla à l’intérieur de son cahier, tandis qu’il tenait dans ses mains une libellule en cuivre-chant.

Redirigeant son œil vers Oléna, elle vit son sourire. Sereine, Emily le lui rendit.

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Cléooo
Posté le 27/05/2024
Bonjour Capella.

Avant de commenter ce chapitre, je reviens sur le précédent : je t'avoue que je n'ai pas tout compris à ta réponse à mon commentaire sur le chapitre . Tu fais refuser à Emily la proposition d'Armand... d'aider les Opera ? Elle le fait pourtant... À moins que tu aies modifié quelque chose ? C'est un peu obscure.

Sur ce chapitre maintenant. Quelques remarques de forme :
- "particulier d’Oléna ; ses iris plus particulièrement... des êtres naissent avec ce genre de particuliers physiques." -> un peu répétitif ce paragraphe.
- "En quoi les Opéra feraient fuiter la seule chance qui leur offrirait la liberté." -> "pourquoi", plutôt que "en quoi", non ?
- "La princesse était bien placée pour savoir qu’il sera un excellent grand frère." -> je n'ai pas compris cette remarque. Pourquoi il serait un excellent grand frère ? Par rapport à qui ?
- "Je comprends votre désir et je vous remercie pour votre aide, mais je préfère m’entourer de ceux en qui j’ai confiance. Je ne peux pas gagner la vôtre en un après-midi…" ->
"Vous" ne pouvez pas gagner la mienne en une après-midi, non ? Le sujet étant la confiance qu'Emily peut ou non accorder à Oléna...
- "En voyant les deux intrus suivirent sa femme" -> manque un mot

Ensuite sur le fond :

- Noté pour Armand malade à la place de Seon. A-t-il quand même subi les sévices (au chapitre 6 je crois)? En tout cas je crois que ça fait plus sens, pour faire pression sur Emily. Aura-t-elle du coup quémandé sa guérison à son père ?

- Cette brusque arrivée au conseil m'a déstabilisée. En avait-on très peu parlé de ce conseil, ou est-ce moi qui ai zappé l'information, je ne sais pas, mais je ne sais pas à quoi il sert, ni qui il conseille.

- Concernant le personnage d'Oléna :
Si Oléna ne s'intéresse pas au trône parce qu'elle trouve que c'est une position risquée et qu'elle veut mettre en sécurité sa famille, j'ai du mal à concevoir qu'elle puisse envisager un rapprochement entre le frère d'Emily et sa fille. Ça la placerait en l'occurrence au premier rang d'éventuels complots. La logique m'échappe un peu.

Voilà pour ce chapitre.
Capella
Posté le 27/05/2024
Pour Armand oui, il a eu la maladie du Cor au chapitre 4, mais aussi les sévices du 6.


"Tu fais refuser à Emily la proposition d'Armand... d'aider les Opera ? Elle le fait pourtant... "

Oui, c'est une modification générale que je dois faire, mais que je n'ai pas fais. Franchement, pas sûr que je poste la suite, mais dans les faits, imagine toi que tout ce que fais Emily, c'est pour se faire des alliés parmi les maisons majeures, et non plus pour aider Armand.

Concernant Oléna... Point de worldbuilding que j'ai complètement oublié de préciser dans cette histoire (logique, dans la Voix des Ré y a un élément qui n'existe pas, mais que je vais pas expliquer pour un OS de 300 pages sinon au secours). Mais en gros, pas de mariage entre maisons majeures, donc, la fille devenant ami avec Kyss = amitié, et rien de plus. La fille ne deviendra pas la reine, mais l'amie du prince, donc on n'aura aucune raison de s'en prendre à elle, mais en même temps, elle comptera pour le prince qui voudra la protéger ou l'aider au moindre problème. En sommes, c'est comme dans la ligne de conduite d'Oléna : les avantages sans les gros défauts.
Cléooo
Posté le 27/05/2024
"en faisant s’acoquiner le deuxième prince à votre fille" -> ce terme m'a fait penser à un rapprochement plus qu'amical, mais ça marche !

Tu vas arrêter de poster cette histoire du coup ? Parce que tu veux faire des modifications dessus avant ou tu n'as tout simplement plus envie de la partager ?
Capella
Posté le 27/05/2024
C'est une question de modification, sauf qu'au demeurant... Je ferai pas les modifications avant un certain temps... (avant la réponse de l'éditeur quoi, pour savoir si ça sert à quelque chose que je fasse lesdites modifs), et comme je veux pas poster des chapitres qui sont plus du tout en lien avec les idées que j'ai eues, je préfère juste garder les retours que j'ai déjà jusque-là et voilà...
Cléooo
Posté le 27/05/2024
Ah tu l'as envoyé à un éditeur ! Ça marche, et bien bonne chance alors :)
Capella
Posté le 28/05/2024
Merci beaucoup !
Daichi
Posté le 16/05/2024
"Tess est d’accord pour prendre part à notre plan."
-> D’OÙ DEUX ESCLAVES PARLENT D’UN TEL PLAN AU BEAU MILIEU DES JARDINS ROYAUX

"« Rien d’important, ça ne concerne qu’elle , et ça ne gênera pas notre plan. »"
-> Pour avoir tout lu, je remarque qu'à aucun moment ce sujet n'est abordé dans les chapitres suivants...

"Elle regagna le couloirs du palais, grimpant aux troisièmes étages où, en condition de membre du conseil et de membre d’une maison majeure, elle avait ses appartements. "
-> J'apprécie le changement !

"En voyant les deux intrus suivirent sa femme"
-> suivre


Avis global sur le chapitre :

Il a été réécrit, et dans les bons côtés. Oléna devient bien plus intéressante, et plus nuancée. Elle veut protéger sa famille et agit pour cela, pas JUSTE par gentillesse. Mais surtout, assume totalement se servir d'Emily et surtout de son frère (ceci-dit, lier leurs deux familles n'est pas forcément le moins risqué, mais avec des détails, peut-être que ça peut être considéré comme intéressant).

Pour la Mémoire musicale (SANS MAJUSCULE), de ce que j'en sais, les Fa sont les seuls à pouvoir la lire. Quel intérêt, donc, ce monopole ? Que la Mémoire soit uniquement stockée chez les Fa ? (ceci-dit il faudrait toujours un Ré pour les boîtes)

Pour le reste, hm, je trouve Armand et Emi toujours aussi peu discrets. Parler d'un plan d'évasion en plein milieu des jardins, entre esclaves en plus, franchement...
Capella
Posté le 17/05/2024
-> D’OÙ DEUX ESCLAVES PARLENT D’UN TEL PLAN AU BEAU MILIEU DES JARDINS ROYAUX
C'est mieux pour la discrétion que deux esclaves parlent là où ils ont le droit s'ils savent qu'ils sont seuls mdr

-> Pour avoir tout lu, je remarque qu'à aucun moment ce sujet n'est abordé dans les chapitres suivants...
Principe de la surprise mais oui à voir si je le mentionne

Que la Mémoire soit uniquement stockée chez les Fa ? (ceci-dit il faudrait toujours un Ré pour les boîtes)
Si la mémoire passe chez les Fa on fait des boîtes qui ne sont pas Ré et problème réglé

Je pense que t'es biaisé sur les jardins. Y a personne. Tu dois imaginer un truc ou tout le monde passe h24 mais c'est c'est pas le quoi
Capella
Posté le 17/05/2024
pas le cas*
Daichi
Posté le 17/05/2024
Concernant la mémoire, toi qui gère ton lore ! Mais va falloir bien expliquer ce que ça implique.
(+ j'ai oublié que la fin de VR changeait ce qu'on voyait dans CS....)

Pour les jardins, non, je t'assure que ça fait peu sens. Déjà, des esclaves se baladent pas comme ça. Ensuite, non, qui sait qui pourrait les surveiller ? Les écouter/entendre ? Comment savent-ils qu'ils sont vraiment seuls ? T'as littéralement l'esclave personnel d'Emily la traitresse.
On parle quand-même de révolte contre la couronne, de fuite de tout un peuple, potentiellement de massacres.... On prend pas de risques !!!
Capella
Posté le 17/05/2024
Mazette c'est littéralement toi qui m'as dit comment des esclaves peuvent être seuls... Armand va mourir, on l'autorise (sous mots du Cor lui-même) à voir sa famille de temps en temps.
Ensuite bon pour des Opéra je pense que je peux assez facilement justifier le côté "ils savent qu'il y a personne autour d'eux"...
Daichi
Posté le 17/05/2024
T'as un soucis avec le concept d'esclave :
"Personne qui n'est pas de condition libre, qui est sous la puissance absolue d'un maître."
-> Par "voir sa famille", je pensais à Armand qui rend visite pour 5 minutes sa famille dans les quartiers résidentiels des esclaves, enchaînés et lourdement surveillés pendant la courte entrevue. Et, pendant cette entrevue, il glisserait un indice, jsp, quelque-chose qui ferait que Tess comprend ce qui veut lui dire subtilement, implicitement.
Pas "une discussion au milieu des jardins comme deux simples travailleurs en pause du midi" x)
C'est des ESCLAVES. Ton récit va s’appuyer à mort sur ce fait-là, autant l'appuyer réellement. Car j'ai réellement du mal à considérer des Opéra comme des esclaves, juste "c'est dit, c'est comme ça", mais rien de plus.
Capella
Posté le 17/05/2024
Okkkk sur cet argument final je dois en convenir mdrr
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