Chapitre 7 -- Barre de reprise

Par Capella

Aria n’était pas la mieux cachée des Cors de Ré lorsqu’on cherchait à mettre la main sur elle. Dans son jardin rutilant des lumières de l’émeraude, elle s’occupait des fleurs avec tendresse, caressant parfois les pétales et s’amusant à suivre de la tête les oiseaux qui filaient au-dessus des broussailles.

En arrivant, la première chose que fit Emily, ce fut de poser un genou à terre. Pas de signe, de paroles à faire transcrire au garçon ; celui-ci savait déjà ce qu’il avait à faire. Demander de l’aide au Cor du Sommeil une seconde fois.

La jeune fille libéra ses fleurs, laissant pendre les bras le long de son corps, le visage tourné vers eux. Elle inclina la tête.

« C’est une douce et belle idée que de réessayer, mais pour quoi faire ? Et puis, à quoi bon, aussi. Je veux dire, nous avons déjà échoué une fois. Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas trois ? Pourquoi pas quatre…

— Jusqu’ici, mon Cor, j’avais trouvé vos arguments juste, répondit Emily. La mort nous guette. Tous. Même vous, je présume. Un jour ou l’autre, vous finirez par mourir. Peut-être de vieillesse, peut-être par un autre Ré, qu’en sais-je. Que nous soyons sans le sou, aisé, Reine en devenir, nous nous retrouverons tous au même lieu, et avec les mêmes ressources. La mort est immuable, mais la vie l’est bien moins. On peut la rendre plus douce, plus cruelle, plus simple, plus agaçante. La vie est un terrain de jeu qu’il faut modeler de sorte à l’embellir, et vous êtes bien placée pour savoir que notre vie compte plus que notre mort. »

Il y eut un silence pour Emily – jusque-là, rien d’anormal –, mais Aria conserva en prime une immobilité minérale, le visage tourné vers elle. La princesse eut un petit sourire infatué.

« Je vous dois toujours une promesse. Devenir la Reine immortelle de votre mémoire se fera plus tard, j’en ai peur. À mon trône s’ajoute désormais la sécurité des Opéra que je dois assurer ; leur condition que je dois… oblitérer ! Ne pensez-vous pas que pour un tel objectif, être celle qui a changé non pas une, mais plusieurs traditions, serait un joli plus ? »

Aria porta une main délicate à ses cheveux, qu’elle caressa d’un doigt, les enroulant parfois autour de celui-ci.

« J’aime votre façon de voir la vie. Votre philosophie m’intrigue beaucoup, en fait. Rien que pour découvrir vos pensées, j’aimerais aider. Il y a néanmoins les autres Cors… Ils ne me laisseront pas agir à ma guise…

— À moins de vous en donner une raison. Ne vous en faites pas, nous tournerons notre plan de sorte que cette fois, nous ne puissions être incriminés. Si possible, votre participation devrait même être considérée comme un sauvetage aux yeux du public, ou bien votre voix devra sonner comme celle de la raison, si vous n’agissez qu’après-coup. J’abandonne l’idée de prendre des détours, mon Cor. Prendre mon trône par l’offensive ne fonctionne pas. Je vais faire croire au monde que sans moi, tout aurait coulé ! »

Armand fronça les sourcils, voulant visiblement dire quelque chose, mais se ravisa pour traduire auprès du Sommeil ce que la princesse avait à lui transmettre.

Cette dernière frotta son pouce contre les cheveux qu’elle avait enroulés autour de son index. Un oiseau qui passa au-dessus de sa tête vint projeter une ombre sur sa douce chevelure. Vive et brusque, elle était partie en un instant.

« Mais, si cela rate…

— Eh bien tant pis ! Qu’est-ce que cela peut vous faire, que l’on puisse rater. Vous ne serez jamais punie, vous êtes un Cor. Aidez-nous à réduire notre risque, si vous savez que cela ne vous sera d’aucun dommage. Accompagnez deux simples humains à changer leur vie pour rendre leur mort moins regrettable ! »

Emily se leva brusquement, tirant un mouvement à ses cheveux roux. Le soleil vint faire briller les reflets roses qui apparaissaient sous les éclats de l’astre diurne. D’un pas en avant, une main sur le cœur, elle enchaîna à toute allure sous le regard qu’Aria braquait vers elle :

« Je suis Emily Anna Ré, fille d’Adamantite Charles Ré ! Princesse des Terres de Ré ! Héritière légitime du trône des Terres de Ré ! Fille du Cor de la Maladie, amie du plus grand Opéra de ce monde. Princesse qui défiera trois Cors, un Roi, un prince et un conseil pour, non contente d’obtenir ce qui lui reviendra, va offrir le bonheur au garçon qui compte pour elle. » Elle claqua des doigts, et ne sut jamais, qu’en cet instant, elle s’y était particulièrement bien réussie. « Les menaces du souverain de ces terres ne me feront pas abandonner. Je ne compte pas baisser docilement la tête alors que ceux que j’aime souffrent. S’il me faut vous traîner par les cheveux pour que vous m’aidiez, je bataillerai ! Si vous voulez vous défaire de moi, il vous faudra jouer du Cor ! Car si la victoire se trouve trop peu aisée à obtenir, j’arpenterai les Terres de Ré, atteindrai tous les fiefs, rallierait toutes les maisons à ma bannière : celle de la princesse de Moderato. Avec eux, mon trône me sera rendu. Que vous soyez là ou non, je m’y réussirai. Mais en cet instant seulement, celui-ci particulièrement, j’ai besoin de votre aide pour me permettre de libérer un peuple qui n’attend que de goûter à la liberté ! »

Un instant, un brusque instant, elle s’arrêta de signer, se disant qu’elle prononçait un discours très éloquent et chevaleresque, pour un peuple qu’elle ne connaissait que d’Armand. Elle avait l’impression d’être un escroc en plein discours trompeur pour pousser Aria à la faute. La princesse finit par secouer la tête ; les rôles s’étaient simplement inversés. Armand agissait, et elle était le soutien. Son trône, désormais, elle l’obtiendrait pour quelqu’un, et c’était d’autant plus motivant.

« Les Cors avaient accompagné l’Aventurier Emery Do à faire de ces terres un lieu où les humains pourraient aimer leur courte vie avant de se rejoindre dans la mort, conclut-elle. Ne soyez pas partial et aidez-moi à faire honneur à ce garçon en permettant à tous de sourire en arpentant ce monde ! »

Un long, profond et interminable blanc. Le vent agita les cheveux de la princesse, et ceux, rêches, de la jeune fille. Un instant, son regard perçant, terrifiant, apparut, directement tourné vers Emily. Sa salive coinça légèrement dans sa gorge en voulant y glisser. Elle se sentit obligée d’ajouter :

« Peu importe ce que vous direz, je vous… » pour s’arrêter quand Aria levait sa main impérieuse.

« J’en ai assez entendu, Emily Ré. » Elle fit passer son immense mèche de plusieurs mètres derrière son oreille, conservant désormais rivé à jamais sa prunelle améthyste sur elle. « Qu’attendez-vous de moi, en ce jour ? »

En la voyant sourire, sa canine proéminente saillant entre ses lèvres, Emily ne put s’empêcher de pousser une suite de souffle, le visage rieur. « Merci, mon Cor… »

De son rictus sauvage, la concernée se leva. Repoussant légèrement ses cheveux pour ne pas la gêner tandis qu’elle se mettait debout, elle se tourna vers le fond de son jardin.

« Suivez-moi. »

Elle fit traîner son voile contre le sol vert. Il saisissait des brins d’herbe à son passage, des sauterelles venaient s’y poser pour se faire emmener en économisant un peu de leurs muscles, et, toujours, il récupérait les rayons de lumière pour en faire de nouvelles lampes.

À force de passer entre rosiers et pivoines, le jardin sauvage s’ouvrit sur quelque chose de bien plus ordonné. Des allées faites de végétaux, des arbres disposés à intervalles réguliers. Ils passèrent sous une roseraie qui laissait voir, d’un côté, sur un étang et ses nénuphars – et ses grenouilles –, de l’autre, sur une fontaine naturelle de roche perméable. Au milieu de la roseraie se trouvait une sortie menant vers une coupole de jardin, là où la vue sur l’étang était prégnante. Ce fut ici, qu’Aria les invita à s’asseoir.

Un instant, personne ne parla ni ne bougea. Les regards glissaient doucement d’un paysage à l’autre ; les fleurs dansantes, l’eau remuante, les grenouilles bondissantes, le vent doucereux.

« Qu’envisagez-vous, désormais ? », demanda finalement le Cor du Sommeil.

Emily se tourna vers elle, réfléchissant un instant à la chose. « Cela reste une question difficile, j’en conviens. J’aimerais où une attaque, et nous manquons de ressource à cet égard, ou une façon plus politique d’obtenir gain de cause : lever le plus de maisons possibles pour soutenir ma non-voix. »

Pendant qu’il parlait, Armand inclina la tête, réfléchissant à ce qu’il traduisait en même temps qu’il l’énonçait. Quand il eut terminé, il tapota sa lippe du doigt, puis parla et signa en même temps :

« Si on ne peut libérer les Opéra nous-même à cause du manque de ressource, on peut toujours tenter une méthode détournée. Alors, honnêtement, je n’ai pas d’idées, mais Emily, tu aimes bien dire que “quand on manque de force, on use de ruse”, expliqua-t-il.

— Ohh… Tout à fait. Tout à fait tout à fait ! »

Elle tapa des doigts, elle, la table en métal autour de laquelle ils étaient tous assis. Une minuscule araignée vint gambader non loin. Armand arbora une grimace dégoutée, et Emily retira sa main. Aria glissa un doigt pour que l’araignée passa dessus, puis la déposa dans l’herbe.

« Mon Cor, aucune chance que l’un des autres soit de votre côté, n’est-ce pas ? Je connais la réponse – Encore que pour l’Émotion… –, mais… l’espoir ne tue pas.

— Non, mais il peut décevoir. Je peux convaincre Melodi, mais c’est tout. Cela fera au mieux, un deux contre deux, qui balancera à la faveur ennemie lorsque le Roi pourra ainsi trancher de la décision finale. »

Emily afficha une moue agacée, Aria gardant le regard rivé vers l’herbe, là où sans doute, elle voyait encore sa petite protégée courir de ses huit pattes.

« Ceci étant, si nous trouvons une raison de bannir les Opéra et que vous la mettez en avant, il n’y aura besoin de convaincre absolument… personne, proposa Armand en parlant tout en signant. Reste encore qu’il faut la justifier, je présume. »

La princesse lui offrit un signe de tête affirmatif, avant d’afficher une moue confuse. Depuis la veille, Armand parlait beaucoup des Opéra tandis qu’elle ne mettait que son trône en avant. Un moment, elle se demanda si elle n’avait pas oublié de lui dire quelque chose d’important…

« Pas besoin d’avoir beaucoup de matériel à portée de main pour faire ça, ceci dit, ajouta le garçon après une seconde de réflexion. Créer un drame assez puissant contre la popularité des Opéra pour les pousser à l’exil ne me semble pas si… difficile, vu notre réputation.

— Faites simplement attention à ne pas causer leur exécution, prévint Aria, avant de se lever. À cet égard, vous envisagez de faire bannir les Opéra, mais de Moderato seulement ? Vous attendez-vous à ce qu’ils puissent vivre ailleurs ?

— Eh bien, j’ose espérer, oui ? »

Aria fit quelques pas de l’herbe, faisant glisser ses pieds contre les brins verts. Elle adressa un regard cynique au jeune homme.

« Détrompez-vous, ils seront ou rejetés partout, ou exécutez. Vous n’aurez pas d’entre-deux. Changez de plan, utilisez-moi pour édulcorer l’événement, si cela vous chante, mais ne laissez pas les Opéra parcourir les Terres de Ré, car ils n’y auront jamais leur place.

— À moins, bien sûr, de changer les mœurs des habitants…, inféra Armand. Mais, ce sera sur le long terme, forcément… »

Un instant, Emily regarda dans le vide pour s’aider à réfléchir du sujet de la discussion du moment. Après quelques secondes, Aria avança un peu plus loin.

« Je reviens, je dois m’occuper des plantes de l’étang. »

Elle s’éloigna sous l’œil de ses deux interlocuteurs. En marchant, elle remettait derrière son oreille les mèches de ses cheveux qui tenaient à cœur de revenir dissimuler ses yeux en raison de leur abondance. Plus elle regardait cette fille, plus Emily tendait à s’habituer à son œil mauvais et son sourire de gamine des rues.

Quand elle vit le doigt d’Armand taper sur la table, elle se tourna vers lui.

« Il va falloir aller dans son sens, oui. Je veux dire, nous sommes des Opéra, nous n’avons pas de valeur. Si nous faisons une faute, ils ne vont pas nous offrir le gîte ailleurs. Je pense qu’il va falloir nous faire fuir… vers le Pays brun ?

— Trop dangereux…, répliqua Emily. Qu’est-ce qui te prend d’en arriver à cette conclusion ?

— Oh, pour des Opéra, pas tant, tu sais… » fit-il avec un sourire. Il se tourna un instant vers Aria, son rictus se faisant plus tendre. Durant l’instant qu’il prit pour réfléchir, ses cheveux s’agitèrent doucement, et il plissa son seul œil visible quand un violent rayon réverbéré sur les plafonds de la grotte immense tomba sur sa paupière. « Nous pourrions sans mal arpenter le Pays brun de nous-même ; je veux dire, ma famille a été les éclaireurs de l’Aventurier. On sait y faire ! Et en prime, personne n’osera jamais poser le moindre orteil là-bas pour nous traquer. Aussitôt dehors que nous sommes libres. »

Emily poussa son rire singulier, vidant simplement ses poumons en suite d’expiration saccadée. Accoudée sur la table, la tête blottie dans sa paume, elle darda au jeune homme un regard soutenu. Elle souleva sa tête pour être à l’aise en agitant ses bras :

« Je comprends que tu veuilles réfléchir au long terme et aux solutions les plus pessimistes, mais je ne comprends pas pourquoi tu parles de tout ça avec Aria, depuis tout à l’heure. Les Opéra seront acceptés, ne t’en fais pas. Une fois reine, je ne compte pas rester les bras croisés pour vous. »

Armand eut un sourire, avant de, brusquement, virer à la grimace. Sourcils froncés, yeux plissés, ses prunelles étaient directement rivées vers celles de sa princesse.

« Emily, arrête-moi si je me trompe, mais tu ne fais que parler de ton projet de coup d’État… Je croyais qu’on avait convenu de la priorité ?

— Ah… Merde, d’accord, j’ai pas été assez claire… Cette idée de sauver les Opéra… maintenant, s’entend… on est d’accord que c’est pas une idée de folie, hein ? » Elle poursuivit, comme le garçon écarquillait cette fois les yeux. « Je veux dire, vous pouvez rien faire de vous-même, et comme tu l’as bien dit avec Aria, vous serez pas super bien considéré si vous tentez de fuir, donc, reste sous ma protection, et je te libérerai une fois certaine que tu pourras te promener partout sans chance d’être menacé.

— Emily, réagit-il aussitôt, se penchant en avant. Ma famille. Le discours d’hier, tu as tout oublié ?

— Oublié ? Rien du tout. Je te dis juste qu’on va viser un plan un peu mieux. J’ai pas envie qu’il t’arrive malheur. Je comprends ta peine, tout ça, mais… sois réaliste.

— Quoi, mais… »

Armand resta figé, bras levés à hauteur de poitrine. Ce fut au tour de la princesse de se pencher légèrement vers la table de sorte à regarder le garçon d’un peu plus près et de pouvoir le rassurer.

« Armand, hier soir, tu sais, je n’ai jamais dit que j’allais t’aider, au bout du compte. »

Cette fois, ses bras tombèrent le long de son corps, dépité, car il sembla comprendre avec un temps de retard qu’elle avait raison. Emily approcha sa main de son épaule, mais ce fut ce geste qui réalimenta le courant dans la batterie d’Armand, car il esquissa un geste de rebuffade, empêchant ainsi la fille de poursuivre.

« Je n’ai pas le temps d’attendre que tu deviennes reine, Emily ! Je ne vais quand même pas me répéter.

— Pas le temps… pas le choix non plus, chéri, ironisa-t-elle. Tu vas faire, quoi, en tant qu’Opéra ? Et malade, qui plus est. Tu crois que Symphonie va te laisser vivre, après avoir permis à toute ta bande de fuir.

— N… Non, mais tu aurais pu…

— Trouver un moyen ? Oui, le seul possible. Devenir Reine et ordonner à mère de tout conclure sur une touche positive. »

Le garçon baissa son regard vers la table, hagard, tremblant. Il porta son pouce à ses lèvres et le coinça entre ses deux, presque aussi terrifié que s’il vivait un cauchemar. Emily n’osa pas retenter d’approcher sa main, préférant attendre avec patience qu’il reprit l’envie de s’exprimer.

« Je ne veux pas… mourir. C’est vrai… Mais je ne veux pas que ma famille souffre encore…

— Vous avez vécu comme ça des années, vous pouvez bien attendre deux ou trois de plus, non ? Je veux dire, allez, Armand, vous êtes plus forts et courageux que n’importe qui, non ?

— Emily…, fit-il avec un soupçon de colère dans le regard. Tu es maligne, tu as un Cor avec toi, tu peux tenter juste une chose, accéder au bonheur de ce que j’aime, non ?

— Bah… Je ne sais pas trop, répondit-elle en s’adossant contre le siège. Je serais plus rassurée de te savoir près de moi, faut dire.

— Je dépends encore d’une Ré…

— C’est le principe. Je veux dire… t’es esclave, Armand. Ça ne m’amuse pas plus que toi.

— En tout cas, ça te perturbe pas autant, je vois !

— Ne joue pas là-dessus, je te prie. Ta famille, leur sort m’inquiète. Juste, on ne peut pas tout avoir tout de suite. Je suis bien placée pour le savoir, tiens. Patiente, et en temps et en heure, les Opéra seront aussi aimés que n’importe quelle maison mineure.

— Je ne veux pas patienter ! Et ma maladie ne va pas tenir deux ou trois ans… Si ?

— Je pense honnêtement que si. Et puis, ta maladie est le cadet de nos soucis. Me suffit de faire bonne figure sous peu pour convaincre mère de te guérir. Et dans l’ombre, je me gagne des alliés. Rien de bien fou.

— Rien de bien fou… J’ai une maladie mortelle dans le corps…, argua-t-il en serrant sa poitrine. Si tu peux me guérir en un mois tout en complotant pour ton trône, pourquoi pas sauver ma maison en coulisse aussi ?

— Les retombées ne seront pas les mêmes. Tu fais exprès de pas comprendre ? Entre te sauver toi et permettre à toute une maison d’esclave de fuir, tu te doutes bien que c’est pas la même chose.

— Pourquoi ?! On aura fui !

— Oui, mais… ta maladie.

— Tu viens de dire que tu avais un moyen de me guérir ! Pourquoi pas faire fuir les Opéra tout de suite après !? »

Emily pinça les lèvres, ce qui n’était pas un facteur très alarmant pour elle, mais elle garda en prime les poings fermés, incapable de faire le moindre geste ; cela, à cause de son cœur. Il battait fort, il lui donnait terriblement chaud, et sa tête pourrait devenir fiévreuse sous peu. De la colère, visiblement.

« Tu parles comme si c’était simple, réagit-elle finalement. Mais tu sais…

Tu réagis comme si c’était simple ! Ma maladie : rien du tout ! Ma famille : elle peut prendre sur elle. Ton trône, Emily, en ce jour, je m’en fiche !

— J’ai cru comprendre. Je t’en veux pas, d’ailleurs, mais… Non, tu ne fuiras pas. Hors de question.

— Tu es profondément égoïste ! Tous les jours, ma famille à une chance de se faire exécuter, de se faire abuser de toutes les manières possibles sans chance de réagir.

— La vie est cruelle… Les Ré le sont tout autant… Je le sais.

— Alors daigne être la seule qui… »

Elle claqua les deux mains d’Armand ensemble pour les empêcher de bouger. Il n’était désormais plus que capable de signer avec les yeux. Son regard finit d’ailleurs par tomber sur Aria, la princesse l’imitant alors, découvrant le Cor parlant avec enjouement, les invitant à venir de signes de bras.

Quand Emily libéra les mains d’Armand, elle en profita pour être la première à user des siennes.

« Ma décision est irrévocable. Tu resteras aussi, et ta famille attendra de m’avoir pour reine pour changer de vie. »

Armand signa en retour, mais Emily ne le regarda pas. Se levant, elle approcha d’Aria, découvrant que la jeune fille désirait lui montrer un couple de grenouille ayant élu domicile dans l’étang de ce jardin aménagé au sein d’un jardin sauvage.

Emily regarda la bestiole sans le faire vraiment. Toujours, son cœur était un tambour lancé à plein rythme, et sa tête tournait cette fois d’autre chose que de la colère. Seulement, que pouvait-elle faire d’autre, sinon protéger Armand ? Sinon, le garder auprès d’elle ?

Si je ne suis pas reine, la seule solution des Opéra, c’est de fuir… Fuir, loin d’ici, loin des Terres de Ré. Sauf que si je perds Armand… Je perds le seul être de ce monde à avoir été là pour moi.

Elle eut une puissante expiration qui s’avéra inconsciente. Une seconde, il lui fallut réapprendre à respirer pour réacclimater ses poumons à l’air perdu.

Je n’aurais plus envie de vivre sans Armand. Si quelqu’un venait à me rappeler que j’étais sourde… Si une seule personne venait à me le dire en face et qu’Armand n’était pas à côté de moi pour absorber tout ça…

Alors peut-être qu’à ce moment-là, la vie n’en vaudrait plus la peine…

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Cléooo
Posté le 19/05/2024
Hello Capella :) J'espère que tu vas bien !

Ce chapitre m'a un peu déstabilisée pour plusieurs choses, je te fais mon retour !

J'avais un peu pressenti ça au chapitre précédent, mais je suis surprise quand même : j'ai l'impression que ton histoire change de trame principale.
Je m'explique : jusque-là, on suivait une Emily un peu "vengeresse" qui voulait son trône. Ici, sa nouvelle obsession, c'est le libérer les Opéra (ce qui n'avait été que très peu mis en avant dans les chapitres précédents). Alors sur la fin du chapitre elle dit qu'elle avait toujours le même objectif, mais j'ai l'impression, moi, d'une pirouette parce qu'on est bloqué sur le reste.

Je me dis aussi que ce serait intéressant de savoir ce qui a fait que les Opéra sont ainsi traités. Pour l'instant (peut-être parce qu'on n'en a pas beaucoup parlé au final) je n'ai aucune info de ce côté-là.

Dans les choses que je me demande aussi : il y a une raison pour laquelle le Cor du Sommeil soutient toujours Emily ?

Par ailleurs, pour en revenir au problème des Opéra, si c'est pour fuir, être bannis, quel intérêt apporte Emily ? Je veux dire, ils ne peuvent pas fuir sans qu'elle dise "ok, fuyez" ? Je ne suis pas sûre de comment elle va pouvoir leur apporter la moindre aide pour le moment, ni d'en quoi ce sera utile (elle n'est pas reine, elle n'a pas de pouvoir décisionnaire... elle n'a que son épée au final, cela suffirait-il à retenir l'armée de son père ?).

Voilà pour ce chapitre ! Tu réponds peut-être à ces questions plus tard, mais j'avoue qu'à ma lecture je me suis un peu demandée "mais où on va ?", donc je pense que ça vaut le coup de te le dire :)

À bientôt !
Capella
Posté le 23/05/2024
Concernant le problème de :
- Emily revirement d'objectif
- Opéra ont-ils besoin d'Emi ?
Je règle ça d'une pierre deux coups en lui faisant refuser au chapitre d'avant la proposition d'Armand. Elle va refuser de s'intéresser aux Opéra et focus sur son trône, donc le scénario va juste se poursuivre sur ce point, et non plus concernant les Opéra (même s'ils l'histoire ne changera pas, donc ils seront toujours utiles et compagnie)

Aria y a pas de "raison" à pourquoi elle continue de suivre Emily. Emily lui a dit "je serais une reine immortelle", donc Aria attend que ce moment arrive, globalement!
Daichi
Posté le 10/05/2024
Re !

Ce chapitre est sympa mais... on passe trop du « coq à l’âne ». Le sujet n’a jamais été les esclaves. On n’a jamais mentionné ce thème-là, ni ces personnages. On nage dans du filler complet. Ok Armand d’accord, on était ému pour lui, mais c’est tout.

Et même leur plan de base : rallier le peuple… C’est jeté à la poubelle. Déjà parce que Séon est tué oui (d’ailleurs faudrait en préciser les conséquences (le peuple)). Mais ce que je veux dire, c’est qu’on ne reparle même plus de tous ces plans, qui ont accompagné le lecteur pendant 4 chapitres. Au final que nous a apporté ce début ? Ok l’attachement aux persos – mais visiblement pas assez pour justifier ce « nouveau scénario » !


Quelques passages à relever :

"Mais en cet instant seulement, celui-ci particulièrement, j’ai besoin de votre aide pour me permettre de libérer un peuple qui n’attend que de goûter à la liberté !"
-> Tu mets beaucoup l’accent là-dessus d’un coup sauf qu’à la fin du précédent chapitre, c’était certes prenant, mais pour ARMAND uniquement. Pas pour les Opéra, dont on ne sait RIEN (y’a eu aucun lore sur eux), et dont on ne connaît personne d’autre. On a juste aperçu Tess, c’est tout. Dans les faits, on s’en tape d'eux, ET le récit ne parlait pas de ça à l’origine. Tu fais un brusque (trop !) revirement, là. C'est Armand qui compte sur le moment.

"Une minuscule araignée vint gambader non loin. Armand arbora une grimace dégoutée , et Emily retira sa main."
-> Contre son camps, Armand :)

"— Oh, pour des Opéra, pas tant… » fit-il avec un sourire. Il se tourna un instant vers Aria, son rictus se faisant plus tendre. Ses cheveux s’agitèrent doucement, et il plissa son seul œil visible quand un violent rayon réverbéré sur les plafonds de la grotte immense tomba sur sa paupière. « Nous pourrions sans mal arpenter le Pays brun de nous-même ; je veux dire, ma famille a été les éclaireurs de l’Aventurier. On sait y faire ! » "
-> Pourquoi une description d’Aria à ce moment précis, coupant la réplique d'Armand ? Faut que ça ait du sens. Pas que ça soit random et non lié au personnage parlant.


Voilà, c'est à peu près tout. Le changement de scénario est TROP brusque, on ne sait rien des Opéra et voilà que l'histoire penche sur "il faut sauver ce peuple inconnu". Limite, je suis plus inquiet pour Luc qui ne verra plus sa crush que pour les Opéra maltraités ("comment" ? On sait même pas).
Capella
Posté le 11/05/2024
-> Pourquoi une description d’Aria à ce moment précis, coupant la réplique d'Armand ? Faut que ça ait du sens. Pas que ça soit random et non lié au personnage parlant.

ET POURQUOI PAS ??
En vrai je voulais vraiment 1er degré juste couper la narration pour faire reposer un peu l'abondance de dialogue. J'aime pas quand ça parle trop et qu'il se passe rien à côté. J'allais dire mon côté Anne, mais même pas mdr
Daichi
Posté le 11/05/2024
Certes moi aussi. Mais là c'est pas en rapport avec sa réplique.

Enfin, c'est ce que j'aurais dit au départ. Sauf qu'en relisant, je constate que j'ai confondu "il" et "elle". Comme les deux n'ont qu'un seul œil visible, et que j'avais oublié les blessures d'Armand, j'ai cru que c'était la description d'Aria. Du coup ça faisait bizarre...

Mea culpa donc.
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