« Par les sept enfers de Xyron, avez-vous bientôt terminé ? »
Je darde un regard exaspéré sur la femme voûtée devant moi et je regrette aussitôt mon impertinence. Son front ridé se plisse, ses yeux lancent des éclairs. Je me ratatine sur ma chaise comme un gamin qui vient de se faire taper sur les doigts. Personne à Ambreciel n’ose manquer de respect à la vénérable Ibakana. Du moins, pas à haute voix.
« Cessez de vous agiter, commandant Ravinel. Sculpter la chair est un art qui demande à la fois patience et concentration. Vous n’aimeriez pas vous retrouver avec un nez atrophié ou une troisième oreille, n’est-ce pas ?
Sa main plonge dans le ramequin posé sur ses genoux et elle m’étale sur la joue une généreuse quantité de boue grise et malodorante. Un rictus amusé déforme le coin de sa bouche et elle ajoute dans un murmure :
- Si vous détestez à ce point me rendre visite, il suffit de ne plus vous faire défigurer. Que vous est-il arrivé cette fois-ci, d’ailleurs ? Vous êtes tombé dans une barrique d’acide ? »
Sa question est ironique, la vieille bique a évidemment eu vent de ma rencontre avec Jaken Main-Noire sur la place du marché. À chaque fois que je viens la voir, elle prend un malin plaisir à se moquer de moi pendant des heures. Je grimace d’inconfort tandis que ses doigts fripés malaxent la pâte pour qu’elle pénètre tous les pores de ma peau. Elle place ensuite son index et son majeur sous mon menton et m’oblige à relever la tête. Pendant de longues secondes, elle observe mon visage sous tous les angles, émet des hochements de tête approbateurs. Puis elle s’empare d’un outil qui ressemble à un racloir et redessine par petites touches les contours de ma mâchoire à l’aide de sa boue infâme.
« C’est toujours pareil avec vous autres Sorcelames, grommelle-t-elle. On vous a confié une épée magique, alors vous vous croyez invincibles et vous courez au devant du danger sans réfléchir. Regardez dans quel état je vous récupère ! J’avais fait du si bon travail avec cette joue la dernière fois. »
Elle fait claquer sa langue de contrariété en hochant la tête. Je pousse un long soupir en me demandant combien de temps cette torture va encore durer. Sculpter ma nouvelle oreille a déjà pris une éternité, j’ai atteint depuis longtemps les limites de ma patience. Je dois retourner au plus vite à l’Académie pour finir d’interroger Coddie Vilmer.
« Nous allons procéder à la transmutation, m’annonce la vieille Iba. Je vais préparer une infusion de corboisier pour atténuer la douleur.
- Inutile, dis-je. Je préfère rester conscient. Je ne veux jamais oublier ce que la Main-Noire m’a fait subir.
- Comme vous voudrez, commandant. Mais je tiens à vous prévenir, ce sera bien plus éprouvant que pour une simple estafilade. La plupart de mes clients souffrent d’hallucinations pendant le sortilège, certains perdent même définitivement la raison.
- Commencez à chanter, vénérable. J’ai hâte qu’on en finisse. »
Avec une infinie lenteur, la Sculptechair se redresse et s’empare de sa canne en bois pour maintenir son équilibre. Je n’ai jamais compris l’obstination de cette vieille chouette à refuser d’exercer ses talents sur son propre corps. Bientôt, elle sera incapable de se déplacer toute seule alors qu’elle pourrait se sculpter les jambes d’une femme de vingt ans. Elle détient le secret d’une longévité éternelle mais préfère laisser son enveloppe charnelle se flétrir comme un bourgeon contaminé par la putrescane. C’est affligeant.
Les perles dans sa chevelure s’agitent et une odeur suave d’épices commence à envahir la pièce. Iba ferme les yeux et se concentre, la magie ne tarde pas à répondre à son appel. Un vent léger et chaud caresse mon visage, soulève de la poussière et fait trembler les gousses d’ail qui sèchent sur le rebord de la fenêtre. Bientôt la brise devient bourrasque et la voix râpeuse de la vénérable s’élève. Des milliers de filaments étincelants nous enveloppent, dessinant une sphère de couleur émeraude dans l’air. J’ai l’impression qu’un étau me brise les côtes et m’empêche de respirer. La magie d’Ibakana ressoude mes os, transforme progressivement l’argile en chair pour réparer mes tissus brûlés. Lorsqu’elle s’attaque à ma mâchoire, la souffrance déferle dans mon corps et je pousse un hurlement. Iba continue de chanter, indifférente à ma douleur. J’ai l’impression qu’elle me transperce la peau avec un millier d’épingles, qu’une bête sauvage est en train de m’arracher la joue pour se nourrir. Finalement, je regrette l’infusion de corboisier. Mais il est hors de question que je défaille, je ne laisserai pas cette commère raconter partout que le commandant Ravinel s’est évanoui dans son sculptorial.
« Aaaaaaaaaaarg ! »
Mon pouvoir s’éveille en écho au sien, il tente de me défendre, érige un rempart contre sa magie. Il me faut toute ma volonté pour laisser la vieille bique faire son travail sans la pulvériser contre un mur. La souffrance devient insupportable, elle irradie dans chaque cellule de mon corps comme si on me déchiquetait de l’intérieur. Alors pour la canaliser, je la projette avec rage contre ce salopard de Jaken, je m’imagine en train de l’écraser sous ma botte comme un cloporte. Sur mon honneur de Sorcelame, je jure que cet excrément de boursoufleux va me le payer ! D’une manière ou d’une autre, je finirai par tirer les vers du nez de cette gamine qui cherche à le protéger, et une fois que je saurai qui se cache sous le masque de cet emmerdeur, je ferai de sa vie un véritable enfer. Je démolirai sa réputation minable de héros des bas-quartiers, j’arrêterai ses proches un par un pour les torturer, je détruirai tout ce qu’il possède de plus cher. Et quand ce sera terminé, quand ce rat d’égout puant sortira de sa tanière pour me supplier, je le jetterai au fond d’une cellule sordide et je l’y laisserai pourrir jusqu’à ce que le remord et la folie se chargent de l’achever pour de bon.
Je te briserai, petit homme.
La douleur s’intensifie encore. Mon cri d’agonie devient un hurlement sauvage, je ne parviens plus à maîtriser ma magie. Comme une vague brûlante, elle s’échappe par tous les pores de ma peau, crée autour de moi un immense tourbillon de feu noir. La vieille Iba tente de se protéger mais le brasier pousse un rugissement bestial et se jette sur elle avec férocité.
Nourris-toi de ta colère, Ezio. Elle te rend plus fort.
Le monde cesse d’exister et je plonge dans un océan de ténèbres. Une autre conscience s’écrase contre la mienne, une présence impérieuse fait voler toutes mes protections mentales en éclat. L’attaque est si violente que je n’ai même pas le réflexe de me défendre. Mon agresseur s’engouffre dans mon esprit et tente de contrôler mon corps. Dans mon fourreau, je sens ma Lame d’Arcane frémir. Elle réagit à sa présence, elle a terriblement envie de faire couler le sang.
Libère-la, Sorcelame ! Montre-leur notre fureur, déchaîne ton pouvoir !
Non.
Cette haine n’est pas la mienne. C’est lui, je reconnais sa présence maléfique. Il s’insinue dans mes pensées, il profite de ma faiblesse et m’écrase de sa puissance. Je dois absolument réussir à le repousser.
Pauvre fou. Ton esprit m’appartient. Tu ne peux pas me résister.
Je m’accroche à ma chaise, je hurle de toutes mes forces. Il décuple ma rage pour m’inciter à chanter. Ma main se rapproche dangereusement de mon arme, il tente de la dégainer. Sa magie sinistre me déchire de l’intérieur, j’ai l’impression qu’on me fend le crâne en deux avec une hache. Mais je refuse de céder. Je n’abandonnerai pas tant qu’il me restera une étincelle de vie. Je suis Ezio Ravinel, Première Lame d’Ambreciel et commandant du Guet.
Je ne laisserai pas Morgulath s’échapper et détruire ma cité.
Le feu noir pousse un rugissement de colère et la pression sur mon esprit devient insoutenable. Sous mes yeux, la tête d’un immense dragon se dessine dans les flammes. Je ne parviens plus à distinguer la réalité du rêve, je suis complètement en train de délirer. Il me dévisage de ses yeux flamboyants, sa gueule est un four ardent pourvu de deux énormes rangées de crocs. Lorsqu’il reprend la parole, sa voix raisonne dans mon crâne comme un coup de tonnerre.
Tu as perdu, Ravinel. L’heure de ma libération est proche. Tu ne peux plus rien faire pour l’empêcher. Ton monde brûlera et tu seras le témoin de ma fureur. Je tuerai ces pitoyables humains qui ont osé m’enfermer, tous ces Sorcelames orgueilleux et leur magie répugnante. Je vais tous vous massacrer et je réduirai ta cité en cendres.
Dans un grondement de fin du monde, le démon se jette sur moi et m’entraîne dans les profondeurs.
Obscurité.
Douleur.
Je bascule en arrière et me cogne le crâne contre une surface dure. J’ouvre des yeux paniqués et je reconnais autour de moi le sculptorial d’Ibakana. La pièce est plongée dans la pénombre, il y flotte une odeur rance et capiteuse qui se mélange au parfum des encens. La moitié gauche de mon visage est comme endormie, mon bras et mes côtes me font atrocement mal. Je suis tombé de ma chaise, je peux sentir le contact froid du marbre contre ma joue toute neuve. Combien de temps suis-je resté inconscient ? Quelques minutes ou bien des heures ?
Par les sept enfers de Xyron, quel cauchemar atroce !
La vieille Iba m’avait prévenu pour les hallucinations, mais je ne m’attendais pas du tout à ça. Encore sonné par cette vision affreuse, je me relève maladroitement et je trébuche en direction de la fenêtre pour faire entrer de l’air frais et un peu de lumière. Je me fige cependant à mi-chemin et ne peux m’empêcher de blêmir d’effroi.
La Sculptechair gît dans une mare de sang.
Son corps rabougri est avachi dans son fauteuil de cuir rapiécé, elle a été poignardée à de multiples reprises. Son agresseur s’est tellement acharné sur son visage que je la reconnais à peine. Avec appréhension, je porte la main à mon fourreau et je dégaine ma Lame d’Arcane. Elle est couverte d’hémoglobine. Ce que je craignais est arrivé. Le torrent de flammes noires était une hallucination mais l’attaque de Morgulath était bien réelle. Le démon a pris le contrôle de mon corps un bref instant. Insuffisant pour se libérer totalement du sceau qui l’emprisonne, mais assez pour déverser sa rage sur le seul être vivant qui se trouvait avec moi dans la pièce. Ce n'est pas la première fois qu’il me torture avec sa magie, mais jamais encore il n’avait réussi à s’incarner physiquement dans mon corps. J’ai de plus en plus de mal à le repousser, à chaque heure qui passe il devient plus fort. Aujourd’hui, c’est la vénérable Iba qui en a payé le prix.
Combien seront-ils à mourir demain ?
Un bruit sourd et insistant me ramène à la réalité. Quelqu’un frappe à la porte avec frénésie. C’est probablement Eskel, mon porte-Lame. Ce bon à rien est incapable de diriger la garnison sans moi. J’avais pourtant ordonné qu’on ne vienne pas me déranger ! Qu’importe, après tout. La vieille chouette ne terminera jamais son œuvre. J’espère seulement qu’elle ne m’a pas trop défiguré avant de rendre l’âme.
« Commandant, vous êtes là ? »
Je me redresse sur mes jambes flageolantes et je fais quelques pas hésitants. Bonne nouvelle, j’arrive à respirer normalement. La Sculptechair a eu le temps de rafistoler mes côtes cassées, c’est déjà ça. Je rengaine ma Lame d’Arcane, j’enfile maladroitement ma tunique et je lace mes manches au niveau des poignets. Les coups à la porte se font plus insistants.
« Entre, Eskel. Le sculptorial est ouvert. »
Paraît dans l’embrasure un homme de la quarantaine à la crinière poivre et sel et au visage couvert de tâches de rousseur. Il est revêtu de l’uniforme du Guet mais ce n’est pas mon porte-Lame. Sur sa cuirasse, un carré de tissu blanc l’identifie comme un messager. En découvrant la pièce obscure, l’odeur capiteuse qui flotte dans l’air et le corps ratatiné de la vénérable sur son fauteuil, le héraut a un mouvement de recul.
« Entrez, soldat. N’ayez pas peur, c’est juste un cadavre amoché. Il ne peut rien vous arriver. »
L’homme hésite, se balance nerveusement d’un pied sur l’autre, décide finalement de me rejoindre. J’en profite pour arracher la tenture accrochée devant la fenêtre, ce qui laisse entrer de la lumière dans cet endroit sinistre. Le visage mutilé d’Ibakana apparaît alors clairement. Ses traits figés pour l’éternité témoignent d’une terreur absolue. Au nom de Ran, est-ce vraiment moi qui lui ai infligé un tel supplice ?
Comme un écho à ma culpabilité, le héraut me demande d’une voix chevrotante :
- Commandant, est-ce que c’est vous qui l’avez… ?
Non, imbécile. C’est l’œuvre d’un démon millénaire qui a pris possession de mon corps pour tenter de se réincarner et de détruire Ambreciel.
Je retiens cette réponse in extremis avant qu’elle ne franchisse mes lèvres.
- Bien sûr que non, soldat. Je viens d’arriver et j’ai trouvé la vénérable dans cet état. J’inspectais la pièce à la recherche de traces laissées par son meurtrier. »
Le messager me scrute avec insistance, il esquisse une moue effrayée. Il ne me croit pas. Et il a bien raison, après tout. Il vient de me découvrir seul avec un cadavre encore chaud portant des stigmates significatives. Les traces de brûlure autour des plaies ne laissent guère place au doute : la vieille chouette a été tuée avec une Lame d’Arcane. Même un Souterreux atrophié du cerveau serait capable d’en déduire l'identité du coupable. Or, l’homme qui se tient devant moi n’est ni un imbécile ni un lâche. D’une main tremblante, le bougre dégaine son arbalète de poing, place un carreau dans l’encoche et vise résolument dans ma direction.
« Ezio Ravinel, sous le regard des Dieux vous êtes à présent mon prisonnier. Au nom de la princesse Ceara d’Ambreciel, je vous bannis de l'Académie des Sorcelames et révoque votre grade…
- Ce ne sera pas nécessaire, soldat. »
Je l’interromps sèchement avant qu’il ne termine de prononcer la formule rituelle du Briselien.
Il s’agit d’un sortilège ancestral tissé par les Façonneurs dans toutes les Lames qui sortent de leurs ateliers. Le principe est simple : lors de la cérémonie du Forgelien, tout nouveau Sorcelame prête serment de protéger le peuple d’Ambreciel, de servir la Justice et de ne jamais brandir sa Lame d’Arcane contre un innocent. S’il déroge à cette règle, n’importe qui connaissant la formule peut révoquer son serment, ce qui a pour effet de détruire le lien qui l’unit à sa Lame et de le priver de ses pouvoirs. Alors même si, techniquement parlant, je ne suis pas certain que le Briselien fonctionne contre moi – c’est le démon Morgulath qui a tué la vieille Iba, n’est-ce pas ? – je préfère ne pas prendre un tel risque pour prouver mon innocence.
Hélas, en coupant la parole du messager, je viens d'admettre ma culpabilité à ses yeux.
Je n’ai plus le choix désormais. Si cet abruti va au bout de la formule et me prive de mes pouvoirs, plus personne ne pourra empêcher Morgulath de se réincarner. Je dégaine discrètement ma Lame d’Arcane d'un pouce et je tisse un sortilège à voix basse. L’homme se fige, écarquille les yeux pendant quelques secondes, tente de me résister. Mais très vite, les traits de son visage se détendent et il me regarde avec le sourire béat des pauvres hères qui consomment de la poudre mandesprit et que l’on repêche au fond des caniveaux. Parfait.
« Vous ne m’avez jamais vu dans ce sculptorial, soldat. Jaken Main-Noire a assassiné la vénérable Ibakana avant de prendre la fuite. Personne ne doit savoir ce qui s’est vraiment passé ici. »
L’homme acquiesce, répète mécaniquement tout ce que je dis comme une marionnette. Il est tellement docile que je pourrais le faire sauter d’une muraille si j’en ai envie. Je commence à comprendre pourquoi mon prédécesseur a interdit aux Sorcelames d’utiliser la magie de l’esprit. La facilité avec laquelle j’ai brisé sa volonté… c’est un pouvoir effrayant. Je rengaine ma Lame d’Arcane avec le sentiment d’avoir commis un acte impardonnable que je regretterai un jour. Mais pour l’heure, j'ai atteint mon objectif : le messager ne me dénoncera pas pour ce crime. Je m’occuperai de ma mauvaise conscience plus tard.
Le héraut sort de sa transe et balaie la pièce d’un œil hagard comme s’il s’éveillait d’un très mauvais rêve. Puis son regard se pose sur moi et un déclic semble se produire dans sa mémoire. Il s’exclame d’un air affolé :
« Commandant Ravinel ! Je vous ai cherché partout !
Pour ne pas le brusquer et chasser les effets de mon sortilège, je décide de rentrer dans son jeu.
- Que se passe-t-il, soldat ? J’ai demandé à ne pas être dérangé !
- C’est le porte-Lame Eskel qui m’envoie, commandant ! Une patrouille a découvert le corps d’un Façonneur dans le quartier des marchands. Il a été tué avec une Lame d'Arcane. Vous êtes attendu devant le comptoir de maître Hélirio Silas immédiatement. »
Encore un meurtre ? Un frisson glacial remonte ma colonne vertébrale. Décidément, cette journée n’a pas fini de me mettre à l’épreuve. Se pourrait-il que Morgulath se soit incarné dans un autre Sorcelame ? Je chasse cette pensée terrifiante et je fais de mon mieux pour dissimuler mon trouble. Je dois absolument reprendre mes esprits et cesser de paniquer comme un imbécile. Si le démon était libre, Ambreciel serait déjà à feu et à sang.
« Merci, soldat. Je vais rejoindre le porte-Lame au plus vite. Occupez-vous de vider le sculptorial et débarrassez-moi de cette vieille chouette avant qu’elle n’empeste.
- À vos ordres, commandant. »
Je dissimule un rictus de satisfaction en constatant à quel point mon sortilège de confusion est efficace. Le héraut n’a même pas tiqué quand j’ai mentionné le cadavre d’Ibakana. Il m’accompagne jusqu’à la sortie du bâtiment où ma fidèle Nyx s’impatiente en grattant la poussière. J’appelle ma cavaline et elle redresse la tête, pousse un sifflement de joie et me rejoint au trot. Quelques instants plus tard elle enfouit ses naseaux dans mon cou et me bouscule, tourne autour de moi, se pavane et me fait la fête. Je lui souris et lui flatte l’encolure.
« Ce n’est pas l’heure de jouer, ma grande. On a encore du travail. »
D’un bond souple, je me hisse en selle. J’attrape la poignée de ma Lame, insuffle un peu de magie à l’intérieur pour faire apparaître ma cuirasse sur mes épaules. Je me sens aussitôt moins nu, moins vulnérable. Comme si quelques plaques d’acier et de cuir avaient le pouvoir de chasser la menace qui plane en permanence dans un coin de mon esprit.
« Excusez-moi, commandant ? Que dois-je faire du corps de la vénérable ?
Je pousse un soupir d’exaspération et me tourne vers le messager. Par pitié, qu’on me donne un subordonné capable d’exécuter mes ordres tout seul !
- Mettez de côté ses perles et ses vêtements, balancez-la dans une fosse commune et brûlez sa dépouille.
Le héraut déglutit et me jette un regard horrifié.
- Commandant Ravinel ! Il s’agit de votre grand-mère, tout de même !
- Et alors, soldat ? Vous préférez qu’elle serve à nourrir les crache-sable ? »
Je talonne Nyx et nous nous élançons à vive allure, laissant cet imbécile sur le seuil du sculptorial. Le vent dans mes cheveux me fait du bien, j’ai l’impression de revivre. La chaleur du zénith écrase les pavés de la Cité-Monde mais ne m’empêche pas de profiter de cette chevauchée endiablée. La sculptemagie a ankylosé mon dos et je ne suis pas fâché de faire de l’exercice pour chasser les crampes qui tétanisent mes muscles. Nyx en a besoin elle aussi : elle accélère sa course et slalome entre les passants à toute vitesse, poussant de temps à autres des sifflements joyeux. Nous dépassons sans ralentir l’esplanade de Ran où une armée de fidèles quitte la syndoma après l’office du matin, puis le quartier des tours d’argent et ses multiples fontaines de marbre blanc. Enfin, nous arrivons devant la Porte du Négoce qui délimite la place du grand marché et marque l’entrée de la seconde enclave. Ici la foule devient cohue et se change même en foire d’empoigne : un chariot a brisé son essieu au milieu de la chaussée et bloque la circulation. Un gros homme joufflu menant trois cavalins chargés de sacs de grains invective vertement le propriétaire de la charrette accidentée. Les deux lourdauds s’insultent et le premier ne tarde pas à écraser son poing dans la figure du second. Comme si c’était là le signal du départ, une rixe généralisée éclate et l’affaire tourne en bousculade où plusieurs passants malchanceux se retrouvent piétinés ou écrasés contre les murs des bâtisses qui bordent la ruelle.
Heureusement, une patrouille du Guet arrive en courant pour rétablir l’ordre. Depuis le cambriolage de Jaken la nuit dernière, j’ai ordonné que tous les effectifs soient doublés dans ce quartier et je me félicite de cette décision. Avec une efficacité redoutable, mes hommes isolent les fauteurs de trouble et les placent en état d’arrestation. Le capitaine qui commande le détachement déploie une douzaine de soldats pour disperser les badauds et organise un couloir de circulation qui contourne le chariot brisé. Lorsque je talonne Nyx pour franchir la porte à mon tour, il me reconnaît et sa voix grave m’interpelle.
« Commandant Ravinel ! »
Je pousse un profond soupir d’agacement et fais volter ma monture pour mettre pied à terre. Je devine déjà ce qui va suivre mais il est trop tard pour me dérober. La foule s’immobilise lorsqu’elle entend mon nom, des murmures d’excitation remplacent les vociférations des gardes. J’aperçois un groupe d’enfants qui me montrent du doigt, leurs yeux remplis d’espoir. Ils rêvent tous de voir la magie du plus célèbre des Sorcelames en action.
Un étau glacé se referme sur ma poitrine et me broie le cœur.
Mon regard se pose sur le véhicule endommagé et j’esquisse un mouvement de recul. Je ne peux pas utiliser le pouvoir de ma Lame d’Arcane, c’est bien trop risqué. Pas ici, pas au milieu de tous ces gens ! Le visage mutilé de la vieille Ibakana s’impose dans ma mémoire et je déglutis difficilement. Mes mains tremblent, j’ai l’impression qu’une montagne s’est abattue sur mes épaules et je n’arrive plus à respirer. Tout mais pas ça ! Par pitié, ne me demandez pas de réparer ce foutu chariot !
« Commandant ? Vous pourriez façonner un nouvel essieu, s’il vous plaît ? »
Mon cœur rate un battement et je chancelle, j’ai l’impression qu’un horrible piège se referme sur moi. Je peux presque entendre le rire grinçant du démon dans un coin de mon crâne, il doit se délecter de ma terreur. Il ne pouvait rêver d’une meilleure occasion que celle-là. Des centaines d’yeux sont braqués sur moi, j’ai le sentiment d’être une bête de foire. Je meurs d’envie d’arracher cet insigne accroché à ma poitrine. Si jamais je dégaine ma Lame et que je perds le contrôle…
Non. Je ne dois surtout pas y penser. J'ai échoué dans le sculptorial parce que le démon m'a attaqué par surprise. Cette fois, je suis prêt. Je suis capable de vaincre Morgulath et je vais le lui prouver.
« Écartez-vous, capitaine. »
Je tente de faire bonne figure en avançant vers la carriole mais j’ai les entrailles en compote. La rue tangue autour de moi, cette horde d’inconnus qui m'observe me donne la nausée. J’ai l’impression de les entendre me maudire sur mon passage, comme s’ils devinaient la part d’ombre qui sommeille en moi. Comme s’ils pouvaient voir le sang de la vénérable Ibakana entacher mes mains.
« Assassin ! Meurtrier ! Monstre ! »
En réalité, un silence de plomb s’est abattu devant la Porte du Négoce. Tous attendent que leur protecteur fasse une démonstration de son pouvoir. Alors, la mort dans l’âme, je dégaine ma Lame d’Arcane et je laisse sa magie m’envahir. Je la sens déferler avec la force d’un torrent inarrêtable, l’air se met à vibrer et un tourbillon éclatant de saphir et d’argent se forme autour de moi. La foule pousse un « ooooh » d’admiration et je retrouve un peu ma confiance.
Je m’efforce de visualiser le nouvel essieu dans mon esprit, puis le chariot dans son ensemble et j’en profite pour ajouter un cerclage métallique autour des roues. La façomagie n’a jamais été mon point fort, mais je crois que je ne m’en sors pas trop mal. Lorsque l'image me satisfait, je prononce un mot de pouvoir et une sphère de lumière éblouissante enveloppe le véhicule accidenté. Quelques instants plus tard, je mets fin à mon sortilège et les badauds poussent des exclamations de joie. Au milieu de la chaussée se dresse un véhicule flambant neuf que les soldats du Guet se hâtent de déplacer sur le côté. Les gens applaudissent avec entrain, plusieurs personnes se mettent à scander mon nom. Le capitaine m’adresse un sourire satisfait mais moi, je veux juste disparaître. Une solide migraine menace de me fracasser le crâne, j’ai envie de vomir et mon corps tout entier me brûle comme si j’avais du feu liquide à l’intérieur des veines.
Sans ajouter un mot, je rejoins Nyx d’une démarche hésitante et je remonte en selle. La cavaline comprend ce que j’attends d’elle et s’élance à toute vitesse pour m’éloigner de la foule, traversant en trombe l’esplanade du marché.
Il était temps.
J’ai encore senti sa présence, telle une ombre immense qui m’épie d’un œil vorace dès que j’utilise la magie. Le démon me surveille sans cesse, il attend avec impatience ma prochaine erreur. Tous ces gens n’ont pas la moindre idée du danger que je représente. Ils admirent ma cuirasse et mon emblème, ils rêvent de posséder une Lame d’Arcane et de me ressembler. Mais qu’en serait-il s’ils connaissaient la vérité, s’ils savaient le fardeau que je porte ?
Je suis à la fois le dernier rempart qui protège cette cité et celui qui risque de tous les massacrer.
Par les sept enfers, je déteste être un Sorcelame.
Les remarques au fil de ma lecture pour commencer :
"Elle est couverte d’hémoglobine" -> c'est sûrement un avis perso, mais je trouve le terme 'hémoglobine' assez marrant, du coup ça casse l'ambiance xD Soit je répéterai 'sang', soit j'écrirais 'Elle est rouge' pour laisser l'horreur arriver dans la fraction de seconde où on comprend... ?
"Le visage mutilé de la vieille Ibakana s’impose dans ma mémoire et je déglutis difficilement." (Et tout le passage, en fait) -> bah il serait temps qu’il commence à avoir des états d’âme le frérot xD Si c’est complètement voulu (pour montrer que le personnage est un peu en état de choc jusque là, ou dans le déni tant qu’il a des actions concrètes à faire, ou encore qu’il se découvre une conscience que quand il est mis face au regard des autres, etc), aucun problème ! Mais si ce n’est pas le cas, c’est bizarre qu’il n’ait pas tant de réaction que ça une fois qu’il comprend l’avoir tuée, qu’il ne s’inquiète pas trop que ça recommence – ou en tous cas, qu’il s’inquiète de façon très rationnelle, alors que là, dans ce passage, avec les descriptions de sensations et tout on s’approche plus d’une bonne vieille crise de panique il me semble. Ça fait un gros contraste.
"Alors, la mort dans l’âme, je dégaine ma Lame d’Arcane" -> elle était pas couverte de sang la lame en question ?? Je me rappelle pas qu'il l'essuie...
C'est super cool d'avoir le point du vue d'un perso qui jusque là apparaissait seulement comme un antagoniste assez... euh... direct dans sa façon d'être un antagoniste, disons, et assez ridicule aussi vu le style de narration des chapitres de Jaken ^^ Et puis effectivement on en apprend plus sur l'univers et tout, c'est bien !! J'ai hâte :P
D'ailleurs, à propos de l'univers, j'admire vraiment ton worldbuilding et surtout la manière que tu as de l'exposer : c'est clair, c'est riche, y a plein de termes inventés et pourtant on ne se sent pas perdu, mais on n'a pas non plus trop l'impression que la narration est interrompue pour nous prendre par la main et nous expliquer ce qu'il se passe - beau dosage.
Je file au chapitre suivant pour te donner un avis plus global sur ce nouveau narrateur !
(ah, et RIP la mamie, aussi)
Content que la suite de l'histoire te plaise toujours autant ! Merci pour tes compliments sur le worldbuilding, il faut dire que c'est un univers que je construis depuis de nombreuses années :)
À la base, c'est celui de mon autre histoire de fantasy, le Sildaros. J'ai décidé d'y inclure Jaken en ajoutant la cité d'Ambreciel.
Je tiendrai compte de tes remarques au moment des corrections/d'une éventuelle réécriture, c'est vrai qu'il y a un contraste dans ce passage.
Au plaisir,
Ori'
Je ne m'étais pas attendu à ce point de vue, et ça m'a agréablement surpris. On en apprend plus sur les Sorcelames et sur le démon. C'est bienvenu !
J'aime vraiment bien ce personnage et sa façon de penser.
Petite remarque : Je ne suis pas certain de ce que tu veux essayer de nous dire par le manque d'attache qu'il a avec sa grand-mère (ça m'a semblé finalement une précision "décorative"), car ça me l'a rendu foncièrement antipathique sur l'instant, alors que j'ai l'impression qu'il est finalement plutôt gris (ce qui me plaît) que noir. En témoigne la dernière phrase.
Du coup, pourquoi ne pas se "racheter" de son crime avec des funérailles un peu moins cruelles que la fosse commune ? Pourquoi la traite-t-il de vieille chouette ?
Toujours aussi sympa à lire et bien écrit sinon.
Artichaut
Content que le point de vue d'Ezio Ravinel te plaise, ça m'a paru intéressant et amusant de présenter l'histoire sous le jour de l'antagoniste aussi !
Cela dit, ce n'est pas juste un effet de style puisque grâce à lui on apprend pas mal de choses sur les Sorcelames et le danger qui plane sur la Cité-Monde.
Comme tu le dis si bien, Ezio est un "gris", un de ces personnages que j'aime tellement écrire. En l'occurrence c'est une ordure, capable de commettre des actes abominables parce qu'il est convaincu de faire le bien. Le passage sur l'enterrement de la vieille Iba est justement là pour choquer le lecteur et lui rappeler que oui, Ezio Ravinel fait tout ce qu'il peut pour sauver la Cité-Monde à sa manière, mais il n'en demeure pas moins un salaud cruel. Je veux maintenir le lecteur dans cette ambiguïté, que le comportement d'Ezio le choque et l'interroge, qu'on se demande sans cesse si c'est la cruauté du personnage ou celle du démon qui frappe à travers lui.
À bientôt pour la suite,
Ori'
Comme toujours, j'aime la qualité de l'écriture tant en terme de vocabulaire qu'en fluidité de lecture !
J'ai particulièrement aimé ce chapitre qui est très soigné et très bien construit !
On s'attache à Ezio qui pourtant tue et torture... On a le sentiment d'entrer dans sa tête (sa crise, telle des migraines semble t il, est particulièrement bien amenée...) et c'est cela qui est plaisant... et donne envie de connaître la suite !
Va t il pouvoir se libérer ou au contraire tout détruire sur son passage ?
Comment ces différentes voix (chapitres) vont ils se recouper et où cela va t il mener ? Telle est la question !
Hâte de retrouver Jaken, Coddie, Salim et Ezio... !
A bientôt ! :)
Bienvenue sur les terres d'Ambreciel et merci pour ton commentaire !
L'objectif n'était pas nécessairement d'amener le lecteur à s'attacher à Ezio Ravinel (ça reste une ordure après tout 😅) mais de proposer son point de vue sur l'histoire pour offrir un autre regard sur ce personnage et ses motivations. Il appartient à cette gamme de persos que j'adore écrire, ceux qui sont capables de commettre des horreurs en etant persuadés de faire le bien.
La deuxième partie de ce chapitre arrive d'ailleurs bientôt ;)
Au plaisir,
Ori'
On dirait bien que tu fais une part belle aux "mauvais" ;)
Décidément, y a toujours un petit twist inattendu dans tes histoires. Le personnage dans lequel sommeille une entité/un pouvoir maléfique, c'est un trope assez courant (que j'aime beaucoup, par ailleurs) mais c'est généralement pas l'antagoniste qui est possédé. Disons que le méchant a pas besoin de ça pour faire des trucs de méchant. XD C'est plutôt inattendu, donc !
Bon, j'irai pas jusqu'à dire que ça rend Ravinel plus sympathique. Le gars est à peine embêté d'avoir transformé sa grand mère en chaire à saucisse... C'est quand même un gros sac à caca. Mais. Ça rajoute une facette intéressante au personnage. Qui, aussi détestable qu'il soit, s'oppose au démon au lieu de, je ne sais pas, pactiser avec pour plus de pouvoir.
Évidemment, ça amène plein de questions... Notamment, comment il s'est retrouvé avec cette condition ?
Très bon chapitre en tout cas ! Compte sur moi pour lire la suite, je veux le fin mot de l'histoire !
Ahahah, j'ai adoré lire ton commentaire à propos de Ravinel, c'était croustillant xD
Effectivement, j'aime amener de petits twists dans mes histoires, et crois-moi que tu n'es pas au bout de tes surprises, qu'il s'agisse de Jaken ou du Sildaros :p
En tout cas si ça t'a plu, tant mieux ! Le but n'est pas de rendre Ezio sympathique, loin de là, on est d'accord que ce mec est une ordure. Mais je voulais exposer ses motivations et son duel intérieur contre Morgulath pour donner de l'épaisseur au personnage, ce n'est pas juste un gros c**nard ambitieux qui déteste tout le monde comme Fieryn Dolan. D'ailleurs, heureusement que Morgulath a attaqué Ravinel et pas Dolan, parce que lui je le vois bien pactiser avec le démon pour écraser tout le monde et détruire la cité xD
Après, comme je l'ai souvent répété à Péridotite, un de mes délires dans Jaken Main-Noire, c'est justement d'amener tous les gros tropes bien gras de la fantasy dans l'histoire et de m'amuser à les démolir ensuite. Donc méfiance, Ravinel possédé par le démon, c'est peut-être pas aussi évident qu'on le croit... Mais je n'en dis pas plus pour le moment :p
La partie 2 du chapitre arrive bientôt, je suis en train de la terminer. A très vite ;)
Mais j'ai oublié de te poser une question ! En lisant le passage où Ravinel manipule le soldat, j'ai pas pu m'empêcher de me demander : pourquoi est-ce qu'il n'utilise pas ce pouvoir pour persuader Cody de répondre à ses questions ? :O Ça irait plus vite que la torture. Après, y a peut-être une donnée qu'on a pas encore qui explique pourquoi il le fait pas ?
Excellent !! Super chapitre, vraiment j'ai adoré ! Déjà, je trouve ça hyper intéressant d'avoir le pdv d'Ezio Ravinel, ça rend le personnage beaucoup plus intéressant. Et je trouve que tu le gères très bien. On retrouve toute la dimension violence et haine à l'égard de Jaken que l'on ressentait dans les précédents chapitres mais le chapitre gagne beaucoup en épaisseur. La mission de protection dont il se pense investi le rend vachement plus nuancé. J'aime beaucoup l'idée d'une lutte intérieure contre Morgulath, qui peut le faire sombrer dans la violence dès qu'il perd le contrôle. La scène d'assassinat est très prenante et bien écrite, prévient de ce qui pourrait arriver à d'autres innocents.
Cette phrase résume très bien le personnage je trouve : " Je suis à la fois le dernier rempart qui protège cette cité et celui qui risque de tous les massacrer."
L'histoire gagne une nouvelle voix, un autre point de vue qui la rend encore plus complexe et passionnante, je suis conquis xD
Petite remarque :
"Paraît dans l’embrasure un homme de la quarantaine à la crinière poivre et sel et au visage couvert de tâches de rousseur." paraît dans l'embrasure plutôt en fin de phrase ?
Un plaisir,
A bientôt !
Et bien, quel enthousiasme ! J'aime beaucoup ce chapitre moi aussi, j'ai pris plaisir à écrire le point de vue d'Ezio. À la base, je ne pensais pas en faire un narrateur, mais j'ai eu l'inspiration l'autre jour et je me suis dit "allez, j'essaie, on verra bien". Je suis content de voir qu'il t'enthousiasme à ce point !
Ezio est l'un de ces personnages que j'adore écrire de manière générale, ceux qui sont capables de commettre des horreurs en pensant faire le bien. Ce duel avec Morgulath va prendre une place importante dans l'histoire également, donc s'il est bien réussi d'entrée de jeu, c'est un vrai point positif :)
Un grand merci pour ton retour et à bientôt pour la suite !
Ori'
Yes, très pressé de lire la suite !