Chapitre 8 - Fête végétale

Par MLdlG

Ce fut le bruit lointain d'un violon qui les alerta. Toujours à la recherche d'un lieu idéal pour se cacher et se reposer, les deux amis entendirent une musique joyeuse, entraînante. Sans pouvoir se contrôler, leur tête dodelinait en rythme, leurs membres s'agitaient et battaient la mesure. Le charme musical faisait son oeuvre, ils suivirent malgré eux la piste de la mélodie envoutante, oubliant toute prudence.

Perchés dans les hautes branches, des dryades jouaient de leurs instruments. Des acclamations accueillirent leur arrivée. Elles venaient d'un petit groupe au sol qui formait une ronde et dansait en musique. Les danseurs invitèrent Hazel et Grüd à se joindre à eux, tout naturellement.

Le jeune ours, peu habitué à ce type d’exercice, s'y prêta toutefois de bonne grâce, imitant les gestes ses comparses. Sa maladresse faisait rire mais aucune méchanceté ne se traduisait dans l'hilarité générale. Une bonne humeur se dégageait de chacun et incitait à s'adonner avec eux à la sarabande. À la fin de l'air, un jeune homme se détacha du groupe et vint, les bras grands ouverts, leur offrir l'hospitalité.

« Bonjour à vous, Hazel et Grüd. Ne faites pas cette tête ! rit-il, les arbres nous ont déjà tout raconté. Quant à moi, je suis Adar, pour vous servir. Vous arrivez à point nommé, la Fête Végétale vient de commencer.

- La fête végétale ? s'enquit Hazel.

- C'est notre rassemblement annuel. Nous fêtons la nature. Nous dansons, chantons toute la nuit. Cela peut aussi être le temps d'une intronisation, alors dans ce cas nous lions une dryade à son arbre pour le restant de ses jours. Malheureusement, cette année comme depuis de nombreuses, nous n'avons plus fait cette cérémonie. Mais je ne vais pas vous embêter avec ça ! C'est le moment des réjouissances ! Place à la musique et au buffet ! »

Les instrumentistes continuaient à prodiguer une liesse irrésistible. Adar les mena jusqu'à la table ou des vivres s'accumulaient en montagne. Une jeune fille assise sur un rocher les regardait arriver.

« Voici Orri, ma soeur. Vous avez déjà fait connaissance avec Salomé, son animal totem.

- Bienvenus à vous ! Adar, c'est parfait, il fallait que je te parle, dit-elle en se levant, peux-tu venir avec moi ?

- Bien, je vous laisse ici, nous nous recroiserons tout à l'heure ! En attendant, faites comme chez vous. »

Se retrouvant seuls, Grüd desserra enfin les dents.

« J'sais pas toi, mais nom d'une verrue sur un bolet, tout ça m'dit rien qui vaille.

- Quoi ? fit Hazel en regardant avec envie les mets appétissants, je ne vois pas pourquoi vous dites ça ! De la nourriture, des gens prévenants et serviables... Je me sens bien ici.

- Mouai, et bien moi, des gens trop gentils dans l'coin, j'en ai pas encore vu. Alors j'demande à voir.

- Vous vous bilez trop. Vous êtes constamment sur la défensive ! Reposons-nous un peu ici, et nous verrons bien demain. »

Sans attendre de réponse, Hazel se servit copieusement. À peine avait-il englouti une partie de ses réserves, que les danseurs vinrent le chercher. Ils tentèrent d'embarquer le lutin qui lutta de toutes ses forces. Sans insister plus que cela, ils le laissèrent bouder dans son coin et se plongèrent dans une danse frénétique.

*

« Hazel, réveille-toi ! »

Un pas à droite, un pas à gauche...

« Hazel ! Bougre de plantigrade avachi ! »

Changement de partenaire, révérence, tour sur soi-même...

« Nom d'une châtaigne biscornue ! HAZEL ! hurla Grüd en lui tirant les oreilles.

- Oui-quoi-qu'est-ce-que-c'est ? balbutia l'intéressé.

- Ça se couche tard et c'est incapable de s'lever quand il faut. Il faut qu'on s'en aille d'ici !

- Mais pourquoi ? On est bien là, on est en sécurité...

- Oh que non ! J'ai vu, moi, j'ai vu qui s'trâme quelque chose de pas honnête.

- De quoi parlez-vous ?

- Ils sont en guerre ! J'ai tout vu ! Ils aiguisent leurs lames, affutent leurs flèches. Pendant que môssieur l'ourson s'amusait, j'ai fait du repérage, moi. Ils ne sont pas comme ils prétendent être. »

Hazel était complètement réveillé désormais. Mis dans un état d'alerte, il écoutait le lutin sans trop savoir quoi penser. La veillée qu'il venait de passer avec ces dryades était si charmante ! Que lui chantait-il ?

« Oh ! Je vois. Vous êtes jaloux ! J'ai passé la plus merveilleuse des soirées, je me suis amusé et pas vous ! Enfin, des personnes qui se soucient de mon bien-être ! Libre à vous de partir !

- Ah, tu l'prends comme ça ! Et bien j'y vais ! J'sais pas s'qu'y m'a pris d'aller t'chercher chez ses folles de naïades ! »

Rouge de colère, Grüd tourna le dos au jeune ours. Il marmonnait dans sa barbe, égrainant des insultes à tort et à travers.

Hazel se retrouva seul. Lui aussi était en colère, mais le départ de son ami lui provoqua un pincement au coeur.

Je vais lui prouver qu'il n'en est rien, se pensa-t-il.

Bâillant allègrement, l'ours se mit en quête d'un endroit pour faire sa toilette. L'ambiance joyeuse de la veille s'était tarie. Il ne restait que peu de vestiges visibles. Le son d'un marteau qui frappe une surface métallique lui parvint aux oreilles. Se dirigeant vers la source du vacarme, Hazel arriva auprès d'Orri. Sur une enclume, une épée courte était en cours d'affinage par ses soins. Elle battait le fer chaud, concentrée dans sa tâche, puis le plongea dans un baquet d'eau froide à proximité. Elle releva les yeux vers Hazel et lui demanda :

« Alors, bien reposé ?

- Oui. Je cherche un lieu pour me rafraîchir... Mais dites-moi, que faite-vous ?

- Oh ça ? elle assena des coups de marteau, prenant son temps pour faire sa réponse. Je me prépare.

- Vous vous préparez ?

- Oui. Demain, c'est l'assaut ! » dit-elle avec calme.

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