Midtown Sky, 2009
D’aussi longtemps que je m’en souvienne, le travail de papa a toujours été trop prenant. Presque tous les trois ans, il fallait qu’on déménage. Soit à cause des affectations, soit pour fuir ses détracteurs qui auraient pu nous faire du mal, à l’époque.
Cette année-là, je n’avais encore que onze ans. J’étais un petit garçon timide, crispé et terriblement passionné de cinéma. Donc, je ne pouvais pas dire grand-chose. Je n’avais pas encore le pouvoir d’exprimer mon opinion… tout comme le reste de mes frères, d’ailleurs. On se contentait juste de se faire trimballer à travers tout le pays à l’image de vulgaires baluchons.
La vida loca !
Quand je me rappelle bien de cette époque, je ne peux m’empêcher de remarquer que j’étais assez différent d’aujourd’hui… physiquement et psychologiquement aussi. Je ne savais pas très bien m’habiller ; j’avais une coupe de cheveux médiocre (tout le crâne complètement rasé) ce qui me valut de tomber malade à chaque fois. J’avais également du mal à aller vers les gens pour leur adresser la parole – aujourd’hui, je suis toujours un peu pareil vu que je n’aime pas trop me sociabiliser, mais je sais au moins aller vers les gens quand on est dans un milieu qui nécessite de la communication – J’étais frêle, peureux, pleurnichard. J’étais même tellement timide que je me cachais des gens pour pleurer.
C’était dur, la période préadolescente !
Pourtant, je m’étais déjà habitué à traîner avec certaines personnes que je considérais comme des potes. Mais, les affectations intempestives de mes parents avaient sans doute contribué à ce que je sois un adulte moins abordable, contrairement à la courtoisie spontanée que j’arborais au temps de l’époque enfantine.
Réservé, mieux dans sa bulle, ayant peur de s’attacher aux autres de peur d’être à nouveau triste quand il sera le moment de les quitter, je ne faisais jamais le premier pas pour aller vers les autres et j’étais toujours seul dans mon coin sans hypothétiques projets de me faire des amis… qui puisse est, si c’était pour une amitié durable… comme celle qu’on voit dans les films.
Pourtant, cette année, je fie la rencontre deux personnes qui allaient changer ma manière de voir les choses, révolutionner ma conception archaïque des relations humaines.
Seulement, au début, je ne le savais pas encore.
Mildtown High School, 14 Septembre 2009
Jour de la rentrée des classes
Classe de 4ème
Comme chaque jour de rentrée, j’étais pris d’excitation à l’odeur de fournitures neuves et à l’idée de faire de nouvelles rencontres. Même si je savais que les relations « ne mettraient pas long feu », j’étais néanmoins disposé à mettre toute mon énergie dans les activités que j’allais faire avec mes pseudo-amis pour cette période d’un an.
La première semaine passa comme du flan. Rien de spécial n’avait eu lieu en dehors de la rencontre avec quelques personnes quelconques de la classe, dont la plupart d’entre eux avait effectué leur cycle dans ce même lycée. Conséquences : Ils étaient entre eux, les anciens de l’établissement, et j’étais obligé de me raccommoder à la bande de bleus. À ce propos, ceux-là n’étaient pas particulièrement intéressants, non-plus. C’était une bande de guignols avec des rêves encore plus débiles que leur personnalité.
D’ailleurs, quand j’y pense, je comprends mieux maintenant pourquoi je m’étais aussi facilement acclimaté à eux.
Mildtown High School, 21 septembre 2009
Deuxième semaine des cours
Classe de 4ème
Lors, de la deuxième semaine, un phénomène de foire pointa sa tronche dans le bahut et dans notre pauvre salle de classe à l’ambiance pas si mal.
- Oh non ! Pas toi ! Tu as commencé trop tôt, cette année, avança Claude, l’une des filles les plus populaires de la classe.
- Moi aussi, je t’aime chérie, répondit le crétin de service. Je vous aime toutes, d’ailleurs.
À priori, ce type avait l’air d’être un gros pervers. Le physique trapu, les mains baladeuses, les yeux aussi gros que le ventre… sinon moins… tels étaient les caractéristiques du plus grand salopard de tout Mildtown High School. Il avait des copines par-ci par-là, il s’entendait parfaitement bien avec les membres de l’administration. D’ailleurs, il avait un pouvoir presque absolu dans la salle puisse qu’il était le chef de classe.
Tellement d’aptitudes pour un imbécile du genre.
Il était l’exact opposé de celui que j’étais : populaire, avec une personnalité qui en imposait, une socialisation fulgurante. La seule chose qui lui manquait, c’était le charisme du chef. À la place, c’était un rigolo qui sautait sur tout ce qui bouge. Pourtant, je sentais étrangement qu’il fallait que je me rapproche de lui, même si je n’appréciais pas un tas de choses chez lui… comme le contenu qu’il avait dans la galerie de son téléphone, par exemple… et son comportement tendancieux et libidineux. Enfin, ça, c’était le cas jusqu’au jour où il avait fait la rencontre d’une certaine Mathilde Dominique.
Mildtown High School, 12 octobre 2009
Deuxième mois des cours
Classe de 4ème
Un mois plus tard, je fie également la rencontre d’un autre gars qui, lui, dégageait une énergie totalement différente de celui de l’autre trapu. C’était également un ancien de l’établissement sauf qu’il était plus discret que le premier et qu’il avait du charisme, par contre. C’était un mec bien, calme et très jovial. Pourtant, il avait, lui aussi, son semblant de folie saupoudré d’un petit côté farfelu. Bien que simple et rangé, il était loin d’être du genre à se laissait faire et n’hésitait pas à se défendre quand il le fallait. Et ce, même face aux plus grands voyous de la classe. Alors, forcément, moi qui étais plutôt du genre à éviter les confrontations, je savais bien qu’il fallait également que je me scotche à ce sacré numéro. Heureusement pour moi, ces deux zigotos se connaissaient avant de me connaître et s’entendaient plutôt pas mal. J’avais ainsi dégoté ma team de l’année.
Enfin, à l’époque je pensais que notre relation n’allait durer que cette année.
Midtown Sky, Les années 2010
Au fil du temps, on était devenu inséparable. Chacun restait d’abord dans sa bulle, au départ. Mais, plus on se découvrait, plus on s’appréciait et plus il était difficile de se passer les uns des autres. Même si on avait eu plusieurs altercations dans la foulée et même après avoir emprunter des voix différentes, nous étions quand même restés très soudés.
Des soirées un peu trop arrosées dans des bistrots, aux gueules de bois du matin après s’être réveillé dans la même piaule, nos liens d’amitié s’en voyaient plus consolider. Ces gars, je les considère plus comme des frères que comme autre chose sur cette terre. Aujourd’hui encore, j’aime tellement être avec eux que je ne peux plus m’arrêter de les voir.
On se connaissait mieux. Nos parents se connaissaient également. Et, la team Ethan, Jonathan et Vidal était prête à mettre le feu partout où elle allait fouler le sabot.