Chapitre 8 - Saori

Par AxelleC

 8.

 

Sous la couverture de survie, Yuutô frissonnait à n’en plus finir. Je serrai les poings. Malgré son Changement, sa santé fragile restait problématique. Il avait toujours eu tendance à attraper froid rapidement.

— Pourquoi ne se transforme-t-il pas ? s’étonna Mato en rassemblant du petit bois à l’entrée de la grotte.

— Il délire à cause de la fièvre, il n’a pas conscience de ce qu’il se passe autour de lui.

Ian répondit à ma place, la tête dans un des sacs. Il se redressa, s'approcha de moi et me tapota le dessus du crâne.

— Il faut qu’on tente de le réveiller, Saori, il doit prendre un médicament. J’ai bien fait de faire un tour dans la pharmacie avant qu’on se barre.

Je hochai la tête et posai la main sur l’épaule de mon frère. Je le secouai légèrement en l’appelant. Au bout de quelques secondes, il ouvrit les yeux.

— Onee-chan.

Sa respiration sifflante ne me plaisait pas.

— Tu vas prendre ton médicament et te changer en panthère, Yuu-kun.

Son regard brillant me distinguait à peine. J’arrachai la bouteille d’eau et le cachet à Ian et fourrai le tout dans la bouche de Yuutô. Il s’hydrata avec avidité.

— Change maintenant.

Yuutô sembla se concentrer un moment, mais rien ne se passa. Ian me caressa doucement les cheveux, mais je le repoussai, agacée.

— Il s’est endormi, me rassura-t-il.

Le souffle régulier de mon frère demeurait entrecoupé de chuintements désagréables, mais les traits de son visage me parurent se détendre au fur et à mesure.

Je restai à ses côtés, percevant vaguement les mouvements de Ian et Mato. L’ours essayait d’allumer un feu, sans trop de succès.

— Les branches sont trop humides. Je vais sortir la deuxième couverture pour Yuutô, chuchota Ian.

Il ne plaisantait plus et ça me hérissait. Yuu-kun frissonnait encore un peu.

— Il faudrait le rhabiller un peu, marmonnai-je soudain. Je dois lui donner mes vêtements.

Mato eut un rire ironique.

— Il ne rentrera pas dedans, crétine. Tu es trop petite. Je vais lui filer mon tee-shirt. Il est presque sec. Il sera un peu grand, mais il le couvrira plus.

Je n’en finissais plus de me mordre la lèvre. J’étais perdue sans Yuutô pour me donner le petit coup dans le dos qui m’aidait tant à avancer. Je n’avais même pas la force de m’énerver contre Mato.

Ian me prit tout à coup la main et m’éloigna de mon frère.

— Laisse-moi près de…

— Saori, on doit s’organiser ! Ce n’est pas en restant à rien faire que tu l’aideras, me rabroua-t-il.

Nous nous assîmes sous l’avancée rocheuse à l’orée de la grotte. La pluie continuait de tomber, mais son rythme s’était ralenti. Je contemplais les arbres hauts et les conifères dont les branches remuaient à peine sous le vent. La brise se calmait peu à peu.

Ian s’éclaircit la gorge.

— J’ai fait le compte de nos provisions. Au niveau flotte, on n’est pas trop mal, j’ai callé deux bouteilles dehors et elles sont en train de se remplir. Par contre, on va vite manquer de nourriture fraîche. Il n’y avait pas grand-chose de disponible quand j’ai fait nos sacs.

Il faisait tourner un bâton dans ses doigts tout en parlant. Lui si zen d’habitude, me parut plus stressé que je ne l’aurais cru possible.

— Il faut que nous mangions correctement pour pouvoir marcher vers la ville la plus proche. Nos transformations consomment beaucoup d’énergie, et je pense que Yuutô a dû épuiser ses réserves. Qui sait ce qu’ils lui ont fait faire aux derniers tests.

Mato ne disait rien et je  n’avais pas envie de parler de ce que m’avait confié mon frère.

— Tu as l’air plus en forme que lui malgré ta blessure, remarqua Ian.

— Yuutô a la santé fragile, lui appris-je. Il est régulièrement malade. Je ne pense pas que notre nouvelle condition nous ait tant changé que ça.

Ian réfléchissait, les mouvements de son bâton m’hypnotisaient. J’avais envie de me relever pour retourner près de Yuutô. Avant que je n’aie pu esquisser un geste, Mato marmonna :

— Il faut de la bouffe. Allons chasser.

Le bout de bois s’immobilisa et je me figeai.

— Qui ? lui demandai-je.

L’ours se frotta la nuque.

— Ian ne peut pas ramener de proie assez grosse pour nous nourrir tous et il est bien assez crevé par ses aller-retour. Il ne vaut mieux pas que j’y aille seul. Donc…

Je fis le compte. J’étais déchirée. Devais-je rester avec Yuutô ? Je scrutai les traits de Ian, dont la pâleur m’inquiéta soudain. Nous avions besoin de lui, son sens pratique et son animal nous étaient beaucoup trop utiles pour qu’il tombe aussi malade.

Je me levai en silence, m’approchai de Yuu-kun et posai la main sur son front. Il n’irradiait plus autant de chaleur. La fièvre baissait un peu, mais il restait K.O.. Ian avait raison, il nous fallait à manger. J’attrapai un des sacs et retournai à l’entrée, les garçons s’étaient mis debout.

— On y va, Winnie. Ian, je te confie Yuutô. Profites-en pour te reposer.

Le roux me renvoya un sourire malicieux.

— Je vais me glisser sous la couverture pour faire une sieste, ma chérie, ça ira mieux après.

Je plissai les yeux et son sourire s’agrandit.

— Pas de bêtise, grommelai-je avant d’imiter Mato qui filait déjà entre les arbres.

 

Après avoir suivi plusieurs pistes infructueuses, nous nous dirigions à l’odorat vers un troupeau d’élans non loin. Je courais derrière Mato, essayant de garder le rythme soutenu qu’il nous imposait. La pluie roulait sur sa peau mordorée. Les gouttes glissaient le long de ses muscles et retraçaient les pleins et les déliés de ses bras, de son dos et de son torse. Je faillis m’étrangler. Bon dieu, ce n’était vraiment pas le moment que mes hormones me jouent des tours. Yuutô avait besoin de moi.

Mato courait devant et je le suivais tant bien que mal. Mes perceptions animales décuplaient les odeurs d’humus et d’homme qui agressaient mes narines. Mon tee-shirt collait à ma peau, son humidité glacée ne suffisait pas à faire baisser la chaleur que je dégageai.

Pourquoi fallait-il que ce mec m’attire autant ? Son côté bourru et renfrogné me donnait envie de le mordre, ses lèvres pleines me tenaient éveillée la nuit.

Je trébuchai sur une racine. Bordel, Saori ! Reprends-toi ! Je ne supportai pas l’idée que ma panthère commande mes actions, malgré l’affection que je développais peu à peu à son égard.

Soudain, Mato stoppa sa course, je dérapai et m’étalai contre son dos. Le nez dans sa peau ferme et humide, j’inspirai avant de me reculer d’un bond et de me placer à ses côtés.

— Tu pourrais prévenir !

— Chut ! Elle va fuir !

Sa voix de basse gronda près de moi, faisant naître un frisson dans mon dos. Je suivis la direction de son regard et de la salive envahit ma bouche. Une femelle élan sans défense se baladait dans le sous-bois à quelques mètres de là. Était-elle seule ? Avait-elle été séparée de son groupe ? Est-ce que les élans formaient des hardes, comme les cerfs ? Aucune idée.

Mon estomac gronda, mais heureusement, nous n’étions pas dans le sens du vent. Notre futur repas grignotait paisiblement la mousse sans détecter notre présence. Elle s’éloigna encore un peu.

Un petit reniflement me fit tourner la tête. Les épaules de Mato tremblaient, tant il riait sous cape. Le sourire qui étirait ses lèvres accrocha mon cœur et serra mon bas-ventre. Si je le poussais au sol pour me jeter sur lui, souriait-il toujours ?

— Moque-toi, va. Je suis sûre que tu as autant faim que moi, Winnie.

Le rictus disparut et il me lança son regard froid d’indien outré. Ah, ce visage m’enflammait aussi. En fait, chacune de ses réactions, le moindre aperçu de son corps me mettait au supplice. Je vis soudain ses yeux s’écarquiller alors que ses narines frémissaient.

Merde ! Il avait senti mon désir. Mes joues me brûlèrent, mais son regard sombre me retint prisonnière. Dans la lumière du matin, je remarquai que ses iris brillaient, la nuance caramel de l’ours se faisant plus forte.

Je ne bougeai pas, ma panthère attendait qu’il fasse un signe. Sans m’en rendre compte, je me mordillai la lèvre. Ce fichu tic eut enfin son utilité, car Mato reporta ses yeux sur ma bouche. Un grognement s’éleva de sa gorge, alors qu’un léger ronronnement vibrait dans la mienne.

Nous nous rapprochions l’un de l’autre. Son odeur profonde et animale me frappa tandis qu’il fondait sur moi. Sa bouche s’abattit sur la mienne, j’enroulai mes doigts dans sa longue chevelure trempée. Il retira mon sac qui glissa sur le sol. Mes seins tendus s’écrasèrent contre son torse ferme.

J’allai crever de désir. Il me le fallait, maintenant. Mes ongles se plantèrent dans ses épaules musculeuses et j’éraflai sa peau en les caressant. Accroupis dans la forêt, nous étions moins gênés par notre différence de stature que si nous nous embrassions debout. Ses grandes mains malaxaient mes fesses et je le poussais un peu. Il s’assit, m’entraîna avec lui. Mes jambes se glissèrent autour de sa taille épaisse. Nos gémissements et nos grondements accompagnaient le bruit de la pluie. Les gouttes s’écrasaient sur nous, mais je les sentais à peine. La brûlure de mon excitation avait chassé depuis un bon moment le froid que je ressentais avant notre départ pour la chasse.

Il glissa ses doigts sous mon t-shirt dégoulinant et la sensation de ses paumes calleuses sur ma peau me ravit tant que je gémis dans sa bouche. Il se colla encore plus à moi.

Son érection frotta contre mon pelvis et je crus jouir aussitôt, tant il avait d’effet sur moi.

Il dut comprendre à mon frémissement qu’il avait touché un point sensible. Il accrocha mes hanches de ses grandes mains et roula du bassin. Mes muscles internes se contractèrent d'emblée, pendant que sa langue allait et venait dans ma bouche. Il ne me laissait aucun répit.

J’accompagnai ses gestes et dansai lascivement contre lui. Ce fut son grondement qui déclencha tout.

— Saori…

La jouissance m’emporta et m’assourdit un moment. Mato s’arrêta de bouger, m’observa de son regard d’ours.

C’était la première fois que nous nous laissions aller à l’attirance qui nous poussait l’un vers l’autre. Je ne savais pas si je devais remercier mes hormones ou les détester, mais je profitai de l’instant.

Lorsque la vague reflua, le rouge me monta enfin aux joues. Mato eut un sourire arrogant. Oui, c’était grâce à toi que j’avais joui, mais étais-tu obligé de me rappeler que tu n’étais qu’un crétin macho ?

Le charme se rompit et je me relevai souplement, aidée par ma panthère. Mes genoux tremblotaient, je parvins quand même à donner le change.

— Alors, minette, soulagée ?

Là, tout de suite, je regrettai. Pourquoi fallait-il qu’il gâche tout ? Je remarquai tout à coup que lui ne l’était pas, soulagé. Un sourire fin s’étala sur mon visage et il fronça ses sourcils épais.

— Oh, mais oui, je le suis. Merci Winnie, répliquai-je d’une voix doucereuse. Désolée, on n’a pas le temps pour t’aider à te sentir moins…

Je léchai mes lèvres avec application.

— … raide.

Ses iris étincelèrent de nouveau, son désir moite emplissait mes narines. Cette fois-ci, je ne me laisserai pas tenter. Je me débarrassai de mes vêtements en un clin d’œil et entamait ma transformation. Quelques secondes plus tard, la fourrure de ma panthère me recouvrait. L’odeur de notre proie s’était éloignée, mais je me lançai à sa poursuite avec détermination.

 

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