Chapitre 9

Notes de l’auteur : Bonjour, bonjour !

Bonne lecture :3

/ ! \ Meurtre / Torture

Lien vers l'illustration (également en warning, même si elle est censurée) : https://www.instagram.com/p/CuJh5jMNwvk/?img_index=1

Quelques minutes auparavant.  

 

Chan YinMai s’était assis sur son lit de fortune tout en écoutant distraitement les voix de ses deux amis qui discutaient dehors. Il était enchanté de voir que Zhen YuJin sympathisait avec Zhang JingXi. D’ordinaire, son frère adoptif préférait rester dans son coin et ne cherchait pas à se rapprocher de quiconque, en dehors des membres de la Troupe. Et encore, certains d’entre eux pouvaient estimer qu’ils ne faisaient pas à proprement parler partie des « amis » de Zhen YuJin.  

Le Maître du Vent but quelques gorgées de l’infusion préparée par son nouveau compagnon de route. Un sentiment d’urgence le prit tout à coup, alors qu’il étalait devant lui de quoi écrire. Ping Yu ne lui avait pas encore répondu, il devait absolument essayer de le contacter.

Dans un état un peu second, il n’écrivit que quelques mots, presque un appel désespéré. 

 

« Je t’en prie, réponds-moi.

J’ai besoin de savoir que tu vas bien. »

 

Comme à son habitude, il plia la lettre, bien qu’un peu à la hâte cette fois, puis envoya une impulsion de Qi pour la laisser rejoindre son destinataire. Un frisson d’effroi le parcourut lorsqu’il réalisa que le courrier restait dans sa main, immobile.  

À nouveau, il tenta de la faire partir. À nouveau, la missive ne bougea pas. 

Son cœur rata plusieurs battements alors que la vérité lui explosait à la figure. Si sa lettre ne partait pas, c’était qu’il n’y avait personne pour la recevoir ! Un vertige le laissa chancelant et il sentit vaguement son corps s’affaisser sur les couvertures. Son esprit dégringolait dans un tourbillon abyssal. 

Il se trouvait une fois encore dans la cellule sombre et humide dont les échos des pleurs résonnaient toujours autour de lui depuis sa dernière visite. Son corps lui semblait lourd et une forte nausée lui nouait l’estomac. Non sans peine, Chan YinMai releva la tête pour observer le plafond et remarqua à nouveau l’emblème d’une lune accompagnée de trois étoiles.  

« Il faut prévenir A-Yao, murmura une voix triste à son oreille. Il ne sait pas… » 

La voix féminine qu’il avait perçue se trouva engloutie parmi des dizaines d’autres. Un brouhaha informe de paroles et de phrases surgissait de nulle part tout autour de lui. Pourtant, sa solitude dans la petite pièce devenait écrasante. 

« Aide-nous… » « S’il vous plaît ! Est-ce que quelqu’un peut prévenir ma famille ? » « J’ai cru que nous faisions le bon choix… Je l’ai sincèrement cru ! » « Moi aussi, je l’ai suivi, je lui ai fait confiance, mais… » « Et moi, je t’ai fait confiance et tu as vu où ça nous a menés ?! » 

Chan YinMai leva les mains pour couvrir ses oreilles et secoua la tête en gémissant. Les voix ne cessaient pas. Elles parlaient toutes en même temps, se disputaient pour certaines, mais il devinait la détresse que chacune d’entre elles portait. Des âmes abandonnées qui ne trouvaient pas le repos.  

La première voix reprit la parole, l’air plus proche de lui que les autres : 

« Si vous ne faites rien, ça va empirer. Tes amis risquent de finir par mourir aussi… » 

Une main glacée et invisible se posa sur ses yeux. Le décor se distordait tout autour de lui, et Chan YinMai se retrouva dans un couloir étroit. Sur le sol gisait une silhouette qu’il reconnut immédiatement à ses robes marron et jaune. Ses lèvres articulèrent le nom de Zhang JingXi. Lorsqu’il s’approcha, il constata que son camarade était blessé à l’épaule, inconscient, si pâle que l’ombre de la mort semblait sur le point de l’emporter. Chan YinMai se pencha pour le toucher, mais bascula en avant et se retrouva soudain étalé sur un nouveau sol de dalles froides. La salle circulaire où il se trouvait à présent était éclairée par des torches. Il se tenait au cœur d’une foule, mais son attention fut accaparée immédiatement par celui qui était au centre de cette attention : Ping Yu.  

Torse nu, Ping Yu était solidement attaché à une table par les pieds et les mains. 

Il courut vers lui, aussi vite qu’il le pouvait, mais plus il s’approchait, plus la table s’éloignait. Les ombres s’avançaient vers son homme et il vit nettement l’éclat de la lame briller à la lueur des torches.  

Ping Yu se tordait de douleur, la bouche ouverte dans un hurlement de souffrance. Chan YinMai parvint à se retrouver à ses côtés, il lui toucha la main et sentit à cet instant le métal froid le poignarder en plein ventre et se frayer un chemin dans ses entrailles. Il cria à son tour en se courbant en deux et vit ainsi la robe de son bien-aimé gisant au sol. Dans ses plis, il reconnut les lettres qu’il lui avait envoyées et qui étaient restées sans réponse.  

Le sang coulait sur la table et gouttait lentement sur les missives. 

Chan YinMai se laissa tomber à genoux en hurlant sa détresse, sentant son cœur exploser dans sa poitrine. 

— A-Mai ! 

La voix de Zhen YuJin lui parvint à travers un brouillard, suivi de celle de Zhang JingXi dont il perçut la présence proche : 

— Tu es blessé ?  

Il savait que non. La douleur qu’il ressentait dans le ventre n’était pas une blessure physique. Il parvint à couiner entre deux sanglots : 

— … Pas… pas moi… ! gémit Chan YinMai. C’est Ping Yu. 

Il fallait qu’il les prévienne. Qu’ils sachent que c’était déjà trop tard. Il n’y avait plus d’espoir pour lui…  

— A-Mai… 

— Je l’ai vu ! Je l’ai vu, je l’ai senti ! Il… Il vient de mourir… 

Aveuglé par les larmes, il ne vit pas la réaction de ses compagnons.  

— … Non… murmura Zhen YuJin d’une voix vacillante. 

Un instant plus tard, le Musivateur le redressait juste assez pour le serrer très fort dans ses bras. En général, son ami d’enfance n’avait pas de vision, en dehors de ses rêves étranges. C’était la première fois qu’il en avait une, hors sommeil, ce qui en disait long sur son importance et l’impact qu’elle pouvait avoir sur lui. 

— … Je suis désolé, A-Mai… tellement désolé… 

Chan YinMai s’accrochait à lui en pleurant à chaudes larmes, le cœur brisé.  

Impuissant, Zhang JingXi baissa les yeux tandis que Zhen YuJin berçait leur ami, puis quitta la tente en silence pour leur donner un peu d’intimité.  

Il se laissa tomber près des braises encore brûlantes du feu qui venait tout juste de s’éteindre puis s’allongea, les bras croisés sous la tête. Le regard perdu dans les étoiles, la gorge nouée, il estimait qu’il serait déplacé de rester sous la tente. Il ne connaissait pas Ping Yu aussi bien que ses deux compagnons. Sa rencontre avec lui n’avait duré que quelques heures, mais il se souvenait d’un homme attentionné envers Chan YinMai. Il lui avait paru très protecteur également. C’était sans évoquer sa si jolie voix. Ping Yu avait chanté à plusieurs reprises pendant la représentation de la Troupe à laquelle il avait eu le plaisir d’assister, l’an passé.

Un soupir souleva la poitrine de Zhang JingXi. Même s’il ne le connaissait qu’à peine, il se sentait attristé par cette perte et écœuré de savoir qu’une bonne personne venait de quitter ce monde… Il ne doutait pas un instant que cette mort ne pouvait pas être naturelle.  

            Ce départ laissait un vide béant pour Chan YinMai qui ne méritait absolument pas de perdre son amour de la sorte. Quant à Zhen YuJin… Il avait vu son ami blêmir plus qu’il ne l’aurait jamais cru possible en découvrant l’épouvantable vérité. Il était même certain d’avoir vu des larmes dans ses yeux. Étant donné qu’il paraissait très proche de Chan YinMai, le Cultivateur ne doutait pas que la perte de Ping Yu devait être tout aussi douloureuse pour lui. La peine qu’il ressentait restait légère, à ses yeux, comparée au chagrin qui devait peser sur ses deux compagnons. Il se sentait si désolé pour eux. Et si impuissant… Il avait échoué, encore une fois.  

Zhang JingXi se rassit et commença à arracher nerveusement quelques brins d’herbe devant lui. Il voulait faire tout son possible pour trouver le ou les responsables afin qu’ils ne nuisent plus. Aux prémices de l’enquête, il se sentait déjà très concerné par toutes ces disparitions. À présent, il en faisait une affaire personnelle. Pour Ping Yu. Pour Zhen YuJin. Pour Lu Lei. Pour Chan YinMai. Et pour toutes ces familles qui attendaient encore le retour de leurs enfants, conjoints, compagnes, frères ou sœurs qui ne donnaient plus signe de vie et qui, certainement, n’en donneraient plus jamais. Après ce qui venait de se produire, combiné aux dernières informations qu’ils avaient glanées, il y avait fort à parier que les survivants se comptaient sur les doigts d’une main. L’affaire prenait la glaçante tournure de meurtres en série et ceux-ci semblaient concerner aussi bien les gens ordinaires que les Cultivateurs. À moins que Ping Yu ne soit une exception et ait été tué pour que ne fût pas divulgué ce qu’il avait peut-être percé à jour.  

Zhang JingXi ne sut pas combien de temps il resta assis sur le sol, à contempler le vide, perdu dans ses pensées. Le feu qui se ralluma tout à coup devant lui le fit sursauter. Il sentit au même instant une couverture chaude se poser sur ses épaules et l’envelopper. Le Cultivateur tourna la tête pour voir Zhen YuJin debout près de lui, les yeux rougis et le visage encore plus fermé que d’habitude. Prenant conscience qu’il grelottait, Zhang JingXi s’empressa de le remercier en resserrant les pans de tissu autour de lui et se rapprocha un peu plus des flammes. 

— Tu aurais dû venir sous la tente, si tu avais froid, lui fit remarquer le Musivateur d’une voix enrouée en prenant place à côté de lui. 

— … Je ne voulais pas vous déranger, murmura Zhang JingXi. Vous aviez besoin d’être justes tous les deux. Comment va-t-il… ? 

Son compagnon tourna brièvement le regard vers la tente, avant de reporter son attention sur le feu de camp : 

— Il vient de s’endormir, plus par épuisement qu’autre chose.  

Le Cultivateur sortit ses mains de sous la couverture et les approcha des flammes pour les réchauffer : 

— …. Je suis sincèrement désolé pour tout ça… Pour ce qui est arrivé à Ping Yu. 

Zhen YuJin secoua la tête : 

— Ce n’est absolument pas de ta faute.  

— Vous m’avez un peu attendu à ZhenShen. Si vous étiez parti à votre horaire matinal, celui que vous aviez prévu la veille, avant que je ne vous rejoigne, peut-être que vous auriez pu… 

Il se tut en sentant les doigts de l’autre homme se poser sur son épaule et la presser doucement. Malgré la délicatesse du geste, il y perçut une certaine fermeté sous-jacente : 

— Non, je te le répète, tu n’y es pour rien. Même si nous étions partis plus tôt, même si nous avions directement volé sur nos épées, je pense que nous n’aurions jamais pu le sauver. Peut-être que nous serions déjà à Jinhar, mais rien ne dit que nous aurions facilement trouvé Ping Yu pour autant. Ça ne sert à rien d’avoir des regrets de toute façon. Nous ne pouvons pas revenir en arrière, seulement faire en sorte d’honorer sa mémoire et le venger. Et trouver son corps. 

Zhang JingXi entoura ses jambes de ses bras, et posa le menton sur ses genoux en contemplant le feu. Il finit par tourner la tête et observa Zhen YuJin qui le dévisageait en retour.  

— … Est-ce que tu veux que je m’occupe de prévenir Lu Lei ? s’enquit-il à mi-voix. Si ça peut te soulager. Ou quelqu’un d’autre. Il a de la famille, peut-être ? 

Le Musivateur fut touché par sa proposition. Sa main se trouvait toujours sur son épaule. Il la déplaça, le temps de repousser une mèche rebelle qui tombait sur le visage de Zhang JingXi.  

— … Non, il n’a pas de famille, à part nous. Tu sais, la plupart des membres de la Troupe sont soit des orphelins, soit des personnes qui veulent justement laisser famille et passé en arrière.  

La mèche rebelle repoussée derrière une oreille, il frôla la joue de l’autre homme qui rosit légèrement sous le contact, sans chercher toutefois à s’en écarter.  

Zhen YuJin se demanda si ce qu’il était en train de faire était bien raisonnable. Il n’avait pas l’habitude d’avoir ce genre d’attitude… Sans compter le fait que son meilleur ami venait de s’effondrer de fatigue après avoir pleuré toutes les larmes de son corps. Ils étaient en plein deuil et pourtant, à cet instant, il voulait juste savoir s’il pouvait encore faire rougir Zhang JingXi. S’il pouvait… 

— Et je me chargerai de Lu Lei, continua-t-il en espérant calmer ses pensées. Mais je ne veux pas la prévenir maintenant, c’est trop tôt. Telle que je la connais, elle va vouloir se précipiter à Jinhar et…. 

— … c’est trop risqué, acheva le Cultivateur à sa place dans un murmure. 

Le Musivateur acquiesça en silence et se sentit happé par ses yeux verts qui semblaient vouloir sonder les siens en retour. Il repensa à ce que Chan YinMai lui avait raconté sous la tente, ce dont il se souvenait, et qu’il avait vu dans sa vision.  

Je n’ai pas envie de te perdre, toi aussi… 

Et pourtant, il ne le connaissait que depuis quelques jours. Mais plus les heures passaient, plus sa compagnie devenait agréable.  

Il recula cependant sa main : 

— Nous devrions aller nous coucher, il est tard. Et nous devons presser le pas, demain. 

Zhang JingXi baissa les yeux pour pouvoir lui dissimuler son expression et approuva d’un hochement de tête, avant de lever les bras pour s’étirer. Il avait l’impression de sentir encore les doigts de Zhen YuJin sur sa joue et, pendant quelques brèves secondes, il avait espéré que l’autre homme allait se pencher un peu plus près. Il se gifla mentalement en se remettant debout et le suivit jusqu’à l’intérieur de la tente, tout en se demandant si son imagination s’emballait ou si le Musivateur avait également des idées derrière la tête. 

En silence, le feu s’éteignit à l’extérieur, et tous deux s’allongèrent dans l’obscurité pour se reposer. Le Cultivateur entendait la respiration calme de Chan YinMai, et sentit à nouveau son cœur se serrer en songeant que son ami venait de perdre l’homme qu’il aimait. Il se retourna pour chercher une position confortable, mais quelle que soit celle qu’il prenait, il avait une conscience aigüe de la présence de Zhen YuJin juste à côté de lui qui ne bougeait pas du tout. Il ne remuait tellement pas qu’il se demanda s’il avait déjà sombré. Allongé sur le côté, il l’observa conserver sa posture sur le dos, regrettant que l’obscurité l’empêche de voir si ses yeux étaient ouverts ou non. Il finit par fermer les siens. La fatigue de sa précédente nuit écourtée, combinée aux émotions et à toute l’énergie utilisée en cette journée commençait enfin à se faire sentir. Dans un demi-sommeil, pas vraiment conscient de ce qu’il faisait, il tâtonna à peine et rencontra une des mains de Zhen YuJin. Après quelques secondes, cette dernière se referma sur la sienne et il se sentit étrangement apaisé.  

De son côté, Zhen YuJin écoutait le souffle de Zhang JingXi devenir plus calme, signe qu’il venait de s’endormir à son tour. Son pouce caressa très doucement la main qu’il tenait et il devina le relief de la cicatrice qui la marquait. Il n’avait pas remis son gant cette fois-ci. 

 

 

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Chuu_chanFr
Posté le 02/02/2024
JE TE DETESTE ! Mon dieu mon dieu, c'est horrible ! Je m'attendais à quelque chose de terrible mais fouu ! Et puis l'illustration, c'est vraiment le coup de grâce ! Je l'avais déjà vu mais pas la partie non censurée !
Pauvre YinMai ! J'aurai aimé qu'on s'attarde un peu plus sur lui, mais bon le pauvre doit être si exténué. Et j'imagine qu'on aura tout le loisir de le voir dans les prochains chapitres (ça va être sympa l'ambiance ._.) !
AlodieCreations
Posté le 05/02/2024
((prend son air le plus innocent et angélique))

Effectivement, on revoit YinMai de toute façon dans les prochains chapitres x) il a pas fini de faire de la peine aux lecteurs ((sifflote))
Sly King
Posté le 14/08/2023
Voilà, je le savais bien !! *renverse une table*
Terrible ! Chapitre très fort en émotions, en tout cas, j'ai beaucoup de peine pour tout le monde. YinMai, ce bébou, il mérite tous les câlins du monde !
AlodieCreations
Posté le 14/08/2023
Laisse les tables tranquilles é_è les tables sont nos amies. On ne les renverse pas èé

Mais par contre tu peux aller faire tous les câlins que tu veux à YinMai <3

(Et merci pour tes commentaires au passage o/ toujours un plaisir de les lire)
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