Ha-Rin - 10:10 : Soirée chez Beyond (et BP Red Entertainement) ce soir. On est invités : tu viens ?
Ji-Hun 10:15 : Bien-sûr. Qui nous a invité ?
Ha-Rin 10:18 : Yu-Jun et le fils du CEO de Beyond. Sans se concerter, d'ailleurs.
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"T'as changé dernièrement." Chuchote Yu-Jun en berçant la crevette qu'il tient dans ses bras.
En retrait des groupes, nous buvons quelques verres avec Yu-Jun. Nous ne prenons que peu d'alcool, bien que ça soit Ha-Rin qui sera mon chauffeur pour le trajet du retour. Les invités VIP et autres grosses têtes du monde du divertissement discutent entre eux, tissent leur toile et resserrent les liens. Il y a quelques journalistes, quelques influenceurs invités pour couvrir l'événement mais, surtout, réseauter. Ça ne me dérange pas, j'ai une bonne occasion de revoir Yu-Jun, depuis qu'il a quitté cet univers pour s'installer en campagne, avec son épouse.
Il n'a pas chômé après le service militaire...
"Qu'est-ce que tu veux dire par là ?" M'enquis-je.
- Tu souris moins qu'avant. Pas devant la caméra, derrière elle. Ça m'inquiète, c'est tout."
Je hausse des épaules. Tant que devant les caméras je suis fidèle à moi-même, c'est ce qui compte.
Une jeune femme s'approche de nous, petite caméra et micro en mains. Je regarde furtivement la couleur de son badge : bleu, une influenceuse. Je lui souris.
"Ji, Yu-Jun. Je suis contente de voir deux princes de nouveau réunis. Surtout qu'on ne vous voit pas trop, maintenant, Yu-Jun !
- Oui," rigole-t-il en redressant son enfant contre lui. "Parfois ça me manque un peu, mais je suis bien dans ma campagne maintenant.
- Votre compte Instagram est devenu un tutoriel géant pour jardiner !
- Plutôt un journal intime de mes échecs et mes réussites," répond-il avec un large sourire. "Puis avec la crevette j'ai un peu de mal à bien m'occuper du jardin. Heureusement qu'en hiver il n'y a pas grand-chose à faire...
- Quel âge a-t-elle ? On peut la filmer ?
- Non. Et, je préfèrerais également qu'elle soit floutée.
- Pas de problème," acquiesce la jeune influenceuse, gardant son sourire, les yeux rivés sur les deux joues roses qui dépasse du torse de son père.
- Elle a cinq mois. Après-demain pour être exact.
- Sa mère ne peut pas la garder ? Il y a beaucoup de bruit ici !
- Ça ne semble pas la déranger. Pour l'endormir je dois mettre de la musique en fond, sinon elle refuse de fermer l'œil. Je pense ça doit la calmer plus qu'autre chose. Ah, et sa mère, elle a eu une petite intervention chirurgicale la semaine dernière. Rien de grave, elle se repose chez ses parents. Du coup, c'est les vacances père-fille uniquement."
Il dévoile un peu le visage de sa crevette, extrêmement fier de lui. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu Yu-Jun ainsi, et surtout, aussi heureux. Il retrouve une partie de l'univers qu'il appréciait tant et en plus, il peut parler de sa fille. Ce qu'il m'a harcelé de photo lorsqu'elle est née...
J'ai préféré ne pas lui avouer qu'elle ressemblait à un pruneau, à la naissance.
On ne vexe pas un jeune père.
Caméra détournée, l'influenceuse gagate devant l'enfant. Peut-être aurais-je dû amener Tenshi. J'aurai pu le montrer à tout le monde. Je soupire un peu.
J'aperçois au loin Kang-Dae (KD) et Ha-Rin qui discutent entre eux. Ma mâchoire se serre et je détourne le regard pour ne pas croiser le leur. Pourvu que personne ne demande une photo de trois princes réunis dans la même soirée.
"Je vais me chercher à manger," préviens-je Yu-Jun.
Il opine et continue de compter les mérites de sa fille. Je salue au passage quelques personnes, pour m'approcher du banquet. Une autre jeune femme accompagnée d'un caméraman (une journaliste, au badge vert) m'apostrophe. Derrière eux, Nang Dong-Bok qui me sourit d'un air contrit. Ah, ils veulent une photo. Je leur souris en retour.
"Bonsoir, c'est pour ?
- Cho Ji-Ah pour K-World, nous aurions voulu quelques mots de votre part. À tous les deux. Quels sont vos premiers retours quant à la diffusion de The Last Dragon Savior ?"
Dong-Bok se rapproche de moi et semble pensif. Je préfère le laisser parler en premier, lui qui est la tête d'affiche.
"De ce que j'en ai vu, les retours sont plutôt positifs. Je suis ravi que la série plaise autant qu'elle m'a plu lo..."
Il continue de parler.
Cette drôle de sensation d'être comme dans un rêve revient encore. Je les observe, à discuter entre eux, se sourire faussement, à s'apprécier en surface. J'ai l'impression de me voir à côté de mon corps, comme si je n'étais qu'une marionnette et un clown. C'est désagréable, et pourtant, je ne ressens pas de malêtre physique. Juste une sensation latente d'être extrait de mon propre corps ; comme si mon enveloppe physique ne servait plus à rien.
Mon esprit est ailleurs. Un faux sourire reste accroché à mes lèvres, je me dégoute.
Si je n'étais pas là, un autre acteur aurait pris le rôle. Si je n'étais pas là, je ne manquerai à personne, car toute l'industrie est saturée. Je me demande comment j'ai réussi à m'y faire une place. Ça tourne, en boucle, dans ma tête.
La nausée vient me réveiller et me remettre entre place entre mes os. J'opine en écoutant la question de la journaliste.
"Je ne saurai pas vraiment quoi dire de plus ; mais je suis ravi de voir que mon travail paie et qu'il plait à quelques personnes.
- Quelques ?! Vous avez gagné 120 000 abonnés l'espace d'une soirée, lors de la diffusion du premier épisode !
- C'est vrai ?" Ne puis-je pas m'empêcher de demander, surpris.
- Vous ne regardez vraiment pas vos réseaux, Ji !" Rigole la journaliste sincèrement. Je lui souris gentiment, elle n'est pas méchante.
- Eh bien... Merci à vous. J'espère ne pas vous décevoir pour la suite."
KD passe proche de nous. La journaliste sursaute et l'interpelle.
Et merde.
Mon corps pivote en direction de mon ancien camarade de 7Princes. Il m'ausculte de haut en bas, souriant : ses yeux ne sont pas plissés, je ne sens que son dédain. Il n'a pas changé d'un iota depuis nos dernières rencontres.
"Ji, quelle surprise." siffle-t-il entre ses dents.
- KD. Ravi de te voir.
- Ce n'est pas dans tes habitudes d'ainsi venir en soirée... Tu n'as jamais aimé ça.
- Je ne sais pas ce qui te fait dire ça, KD. Peut-être que tes souvenirs sont tronqués."
Il ramène ses cheveux derrière ses oreilles et vient me prendre par l'épaule.
"Peut-être ! Quel plaisir de te voir ainsi ! Prenons quelques photos, veux-tu ?"
Ce qu'il est compliqué pour moi de garder mon sang-froid. J'arrivais à faire abstraction de ses sourires de vipères à l'époque du groupe. Aujourd'hui, j'ai juste envie de lui foutre mon poing dans la figure. Le caméraman a légèrement abaissé sa caméra, mais la LED rouge est toujours allumée. La journaliste ne sait pas vraiment quand parler de nouveau.
C'est Dong-Bok, qui brise le silence, en venant me frapper vigoureusement sur l'épaule. Je faille de tomber en avant et rigole sincèrement, cette fois.
"Hey.
- Allez, prenez vite vos photos qu'on puisse continuer notre petit tour."
Le trentenaire me fixe un long moment et je comprends qu'il cherche à me sortir de là. Nos échanges étaient si peu cordiaux qu'il a compris nos griefs ? Tant mieux, j'ai une échappatoire.
Le caméraman allait échanger sa caméra contre un appareil photo lorsque nous entendons des babillements de bébé. Yu-Jun vient s'accrocher à ma taille, pose sa tête sur mon épaule, complice.
"Ah, le troisième des princes de la soirée ! Venez donc !"
Que cette mascarade cesse enfin ; qu'ils aient leur photo de groupe et passons à autre chose...
"Floutez le visage de la petite avant de publier, ok ?" Demande gentiment mais fermement Yu-Jun.
La journaliste acquiesce, sachant pertinemment qu'elle risque gros si elle ne respecte pas le souhait de mon ami. Kang-Dae reste accroché à moi, pose sa tempe sur mon épaule. Je préfère me tourner vers Yu-Jun, observant de temps à autre la petite qui s'agite. Les photos passent et je me permets de décrocher la main de KD sans ménagement. Il rigole et souffle à mon oreille :
"Je suis pas radioactif.
- T'es pire." Assénè-je sans me soucier du ton de ma voix.
Je crois que ça a laissé un froid, malgré la jolie photo qu'ils vont pouvoir publier en ligne. Espérons qu'ils ne commentent pas n'importe quoi : c'est toujours eux les pires dans les potins et l'intrusion dans la vie privée. Bref, si je suis ici, je sais que ça fuitera. Alors pourquoi je n'arrive pas à me contrôler quand KD est dans le coin ?
Nous passons le reste de la soirée ensemble, en trio. Yu-Jun, Dong-Bok et moi-même. Pour être exact, j'ai plus l'impression de les suivre comme un poisson pilote. Mais, je suis bien, en leur présence. Yu-Jun et ses traits d'humour, à montrer sa petite à qui le souhaite (ou non) et Dong-Bok qui répond à toutes les questions avec éloquence et politesse. La soirée n'est pas si mal que ça.
Deux heures et demi passées, je préfère rentrer. Demain après-midi, je vais chercher Flora. Je n'aime pas conduire en étant fatigué.
J'attends Ha-Rin, adossé à l'utilitaire beige qui nous sert de moyen de transport professionnel. La lune n'est pas là ce soir, mais les étoiles, si. Il fait doux, pour une soirée d'hiver. J'inspire en grand. Le froid me brûle les sinus un instant, puis ils se calment. Le vrombissement lointain de la voie rapide parvint à mes oreilles. Quelques hiboux hululent. J'entends les derniers invités rirent, encore dans la salle de réception aux fenêtres ouvertes.
La voix aiguë d'un Kang-Dae fatigué brise ma sérénité.
"On attend maman ?"
Le lève les yeux au ciel et penche la tête vers l'un des princes les plus appréciés de l'ex-groupe.
"Qu'est-ce que tu me veux, encore, KD ?" M'enquis-je, agacé.
- Voir un ancien camarade, voyons. Ta carrière a bien redécollé. J't'en pensais pas capable.
- Hm, hm.
- T'es passé sous la table de qui pour avoir le rôle ? La prod ? Un show-runner ? Ou alors t'as fait en sorte que Ha-Rin fasse le sale boulot pour toi ?
- Je ne suis pas One, Kang-Dae.
- J'aurai espéré que tu tombes pour proxénétisme aussi. Que ça soit vrai ou pas.
- Charmant.
- Tu mérites pas ton rôle," susurre-t-il. "Ah, par contre, ce que tu as mérité, c'est ta lettre piégée !"
Mon cœur rate un battement. J'arrivais à faire abstractions de ses pics ridicules. La lettre réapparait devant mon regard, je tends la main pour l'ouvrir, avec difficulté. Je sens la poudre atterrir sur moi, encore et encore. Ça tourne en boucle. Encore. Je tombe et me fracasse le crâne. Encore.
Je grimace et tourne la tête.
"Ah ah, voilà, j'ai trouvé ton point sensible. Ça t'a chafouiné ?
- Arrête un peu de me harceler comme un prépubère, t'es ridicule.
- J'adore t'emmerder. Et, on est enfin seuls.
- Va chier," grincè-je entre mes dents.
- Et en plus ta belle mannequin te largue alors que tu te casses la tête comme un con ; vraiment, t'as eu une bonne vie de merde dernièrement."
Je soupire en le regardant dans le blanc des yeux. Cet espèce de petit prétentieux qui n'a pas arrêté de m'emmerder lors de nos cinq ans de carrière à 7Princes. Avant, il le faisait plus discrètement, ne souhaitant pas que sa propre carrière soit affectée si l'un des membres du groupe venait à partir. Maintenant qu'il n'est plus enchainé à ça, il ne rate pas une occasion pour m'envoyer des pics, insultes et provocations.
"Kang-Dae, je sais parfaitement que tu souhaites me faire craquer. Tu veux que je te frappe, pour avoir une plainte et terminer ma carrière. Je ne te frapperai pas. Je vaux mieux que ça."
Il explose de rire et s'adosse à la voiture également, se mettant à mes côtés. Il me pousse du bras, comme un ami le ferait en se chamaillant avec un autre. Un air presque complice croise mon regard :
"Tu sais c'est pour ça que j'ai jamais pu te virer à l'époque : t'es trop malin.
- Tais-toi.
- Pas assez pour être le plus populaire du groupe, mais malin quand même." Rigole-t-il en m'observant de près. "Sauf que tu sais ce que j'ai de plus que tu n'auras jamais ?
- ...
- Du charisme. T'es trop sage, trop poli. Ça me..."
Ha-Rin se racle la gorge et nous ausculte.
"Lee Ha-Rin ! Je babysittais notre cher Ji. Je vous laisse. Bonne soirée."
Il s'en va, mains dans les poches. Comment ce type arrive à enchainer les contrats avec cette mentalité de demeuré. Ha-Rin n'a pas besoin de me demander pour connaître mon état. J'ai juste envie de rentrer chez moi.
Tout le long du trajet, je ne dirais rien.
Mon portable vibre. Je vais voir sur discord... Flora.
Pourquoi ne suis-je même pas étonné ?
🌸🌿 Hana (she/her) - 02:38
La wi-fi marche dans l'avion ehehehehehe
🌸🌿 Hana (she/her) - 02:39
Merci de me chercher demain (ou tout à l'heure)
🌸🌿 Hana (she/her) - 02:39
J'ai hâte de te voir 🥺
Je déglutis péniblement en regardant les messages. Est-ce que je mérite réellement tant d'attention...
🌒Dal🌘 - 02:40
Moi aussi.
🌒Dal🌘 - 02:40
À tout à l'heure, Flora.