Chapitre 9

Par Naou
Notes de l’auteur : Bonne lecture 💜

ZYAN

Elle s’assied sur son cheval. Tout son corps s’affaisse avant que son visage se lève vers le ciel étoilé. Elle tend les rênes et lance sa jument au galop, laissant une traînée de poussière derrière elle.

Je retourne m’asseoir, mais n’arrête pas de penser à elle. Son regard m’a percuté, elle était si triste, j’ai senti qu’elle abandonnait, que le dernier espoir s’est envolé, et par ma faute. Je me frotte la nuque nerveusement.

— Et mince, marmonné-je.

Je quitte l’auberge, m’installe sur mon cheval pour rattraper la jeune femme juste avant son domaine.

— Alégria ! Attends ! hurlé-je.

Elle arrête sa monture et je me positionne à ses côtés. Son attention reste rivée sur les crins noirs.

— Je vais m’arranger pour t’obtenir une invitation.

— Quoi ?

Elle se redresse et me dévisage.

— Ne me le fais pas répéter. Par contre, il faut être accompagné.

— Je… je n’ai personne…

Ce n’est pas étonnant.

— Je viendrai te chercher.

Pour la première fois depuis que je l’ai rencontrée, je la vois sourire. Elle est… adorable.

Enak va me tuer.

— Merci. Merci beaucoup, commandant.

— Je passerai te chercher avant midi.

Elle acquiesce vivement. Nous nous saluons, je fais demi-tour sur quelques mètres, avant de bifurquer dès que je suis hors de son champ de vision. Je longe un chemin pour contourner leurs prés et rejoindre deux gardes.

— Vous avez vu quelque chose ?

— Non, rien, commandant.

— Bon. Une patrouille vous relève bientôt, les informé-je.

Je rallie les trois autres groupes de surveillance et tous me donnent une réponse identique : rien à signaler. Je commence à douter que Gildric vienne récupérer sa fille, mais il reste imprévisible.

 

J’arrive dans la cour du château et un soldat se précipite vers moi.

— Commandant, le seigneur veut vous voir tout de suite.

— Merci.

Je lui confie mon cheval et marche rapidement jusqu’au bureau d’Enak. Après trois coups contre la porte, il m’autorise à entrer.

— Enfin ! Où étais-tu ?

— À l’auberge.

— Faux.

Un grognement m’échappe en m’asseyant sur la chaise en face de lui.

— J’ai dû rattraper Alégria.

Il hausse les sourcils et s’appuie contre le dossier de sa chaise. Ses phalanges craquent. Il m’invite à lui donner une explication – et très vite.

— Elle va venir avec moi à la fête du printemps, soupiré-je.

Il se redresse d’un bond et frappe la paume de ses mains sur le bureau.

— Tu veux ma mort ? T’as pensé à Éline ?

— Bien sûr ! me révolté-je. Je n’ai pas accepté sans raison. Ce serait le moment idéal pour que son père réapparaisse. Il arrivera facilement à se fondre dans la masse et à l’emmener. Nous n’aurons qu’à le cueillir. Imagine si ça marche ?

Il lâche un cri de fureur et se met à tourner en rond.

— Pourquoi tu lui as dit oui ? Elle peut y aller avec n’importe qui !

— Elle n’a personne, j’ai eu pitié… et comme je viens de t’informer, j’ai pensé que ça pourrait être une occasion de choper son père, riposté-je calmement.

— Tu m’énerves.

— Je sais.

— Tu peux l’amener.

— Je sais.

— Zyan ! me gronde-t-il, menaçant.

Je hausse les épaules innocemment et me relève.

— T’es bien le seul à pouvoir me répondre, remarque-t-il d’un air faussement agacé.

— Je sais.

— Peut-être pas pour longtemps.

— Voyons, ne dis pas des paroles que tu pourrais regretter. Mis à part ça, comment tu vas ?

— Ça va.

Il se redresse et contourne son bureau nerveusement.

— Je peux faire quelque chose pour toi ?

— Non, tu fais tout ce que je te demande, presque sans broncher, ça m’aide déjà.

Je lui fais une révérence, ce qui a le mérite de le faire sourire. Nous décidons de déguster un verre de vin ensemble.

 

J’entre dans ma maison au pied de la colline. Elle n’est pas grande : une pièce à vivre, une chambre et une salle de bains rustique. Le strict nécessaire, mais c’est chez moi, et j’y ai la paix.

Bien que les soldats viennent facilement me chercher au moindre problème dans le district.

J’accroche ma veste et me dépêche d’allumer un feu dans la cheminée. Je chope une pomme, puis m’assieds dans mon fauteuil et croque dedans. Les pupilles rivées sur la petite flamme, je repense à Alégria. Il est évident que les gens vont la mépriser et ça lui fera plus de mal qu’autre chose, j’en ai conscience et j’imagine qu’elle aussi. Nous devons attraper son père, peu importe s’il faut se servir d’elle. Ça me chagrine, mais c’est également possible qu’elle puisse vivre en paix une fois que son père sera condamné.

 

***

 

Je m’examine dans mon petit miroir. Rasé de près pour l’occasion, je parais cinq ans de moins que mon quart de siècle.

Je ne me raserai plus jamais.

Je déteste ma tenue de cérémonie. Plus serrée que mes habits de commandant, on ne peut pas dire qu’elle soit confortable, mais une chose est sûre, je fais une sacrée bonne impression. J’ai l’air moins intransigeant que d’habitude. Un coup de peigne dans mes cheveux et me voilà satisfait. Je suis propre, bien habillé et rasé, je ne vois pas ce qui manque.

 

Je monte jusqu’au château et confie mon cheval à l’écuyer, puis entre dans le bâtiment principal.

Je passe la matinée à organiser la sécurité pour la fête, à donner les instructions pour les relèves et vérifier qu’ils sont tous à leur poste à l’heure que j’ai dit. Si un manque à l’appel, il est viré.

Et peut-être fouetté.

Je traverse le corridor pour me rendre dans le bureau d’Enak quand je croise deux personnes. Les sourcils froncés, je leur demande leur identité.

— Je suis l’apprenti du forgeron.

— Moi aussi.

Le forgeron n’a pas d’apprenti, car il ne supporte pas « ces mioches incapables ». Je les analyse. Leur visage ne m’est pas du tout familier.

— Que faites-vous là ?

Ils se regardent, puis me poussent en même temps et prennent la fuite. Je saisis le poignard à ma cheville et le lance de toutes mes forces. La lame se plante dans le mollet, le garçon s’effondre en criant. Je le dépasse et continue de poursuivre l’autre qui est sacrément rapide. En bas des escaliers, j’appelle les soldats qui lui barrent la route avant qu’il ne sorte du bâtiment. Je le plaque contre le mur et ordonne à deux de mes hommes d’aller récupérer celui resté dans le couloir et de me donner des menottes.

— Qu’est-ce que vous foutiez là ? demandé-je sévèrement en emprisonnant ses poignets.

— Je ne dirai rien.

— Et bien, on verra tout ça après une nuit au cachot.

Les soldats arrivent avec le deuxième et les saisissent.

— Envoyez le médecin recoudre sa plaie, histoire que ça ne s’infecte pas. Je les interroge demain à la première heure. Pas de nourriture et pas d’eau.

— Oui, commandant.

Je prends de grandes inspirations pour faire descendre mon rythme cardiaque. Pourvu qu’il n’y ait pas d’autre surprise. Cette fête doit bien se dérouler, le peuple en a besoin, après ces jours sombres.

Et moi aussi, ça ne me fera pas de mal.

 

 

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enahis.hayl
Posté le 06/09/2020
J’aime vraiment bien la façon d’être de Zyan avec Enak, on évite les protocoles relous, même si je ne doute pas de l’allégeance de Zyan... enfin presque pas. Pas dit qu’Enak fasse le poids face à Alégria 🤗

Bref, c’était un chouette chapitre. Je me demande ce faisaient les deux gars, et ce que tu mijotes pour la fête 🤔
Naou
Posté le 06/09/2020
Oh... je mijote bien... mouhahaha
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