Chapitre 9

  —Pardon ?

  La directrice sourit. 

  —Oui tu m’as bien entendue. 

  —Comment ça se fait ? 

  Sur sa chaise, Alma s’était détendue. 

  —Cette génération est impaire donc soit il y a une mission en trio soit une en solo. 

  —Pourquoi moi ?

  Alma senti le regard transperçant de la directrice. 

  —Tu le sais très bien Alma. 

  Pourtant la lueur qui brillait dans ses yeux disait tout le contraire. 

  —Tu es mon élève la plus brillante. Tu as de l’ambition et ta volonté de réussir est imperturbable. Et je sais que les travaux de groupes ne te scient pas. Tu es tout le contraire de ton grand-père. 

  Alma écarquilla les yeux.  

  —Vous avez connu mon grand-père ?! s’écria-t-elle avec entrain. 

  La directrice éclata d’un rire franc. 

  —Bien sûr. Nous étions de la même génération et je peux te dire que je me souviendrai de lui jusqu’à la fin de ma vie. 

  Alma regarda la directrice avec plus d’attention. Elle n’avait jamais vraiment fait attention aux quelques rides qui parsemaient son visage. Elle pensa tout de suite à Camilla qui était certainement plus jeune que la directrice mais qui n’avait pas eu la chance de profiter des bienfaits de la magie. Alma se rendit compte que si le mageia conserve la vie, ceux qui en ont peu et qui n’ont pas appris à le gérer n’en bénéficiaient pas. 

  —Vous pourriez me parler de lui ? 

  —Avec plaisir, sourit la directrice avec tendresse. C’était un jeune homme très vivant. Toujours avec le sourire, toujours en train de faire des bêtises. Nous suivions presque toujours les mêmes cours donc nous nous parlions assez souvent. Il était incroyable. Par sa façon de s’exprimer, de marcher, de regarder le monde avec des yeux toujours grand ouverts. Il aimait la vie c’est indéniable. 

« Il se moquait complètement de l’Académie et des examens. La seule chose qu’il voulait, c’était apprendre pour le plaisir et surtout la plupart du temps, il se servait de ce qu’il avait appris pour faire n’importe quoi avec. En plus de cela, il était nul en magie. Les sorts les plus faciles, il avait du mal à les réussir. La fois où tu as fait exploser un laboratoire m’a rappelé ton grand-père qui lui aussi en avait détruit un pendant un examen de chimie magique. Il s’en était sorti avec une note misérable et la seule chose qu’il ait fait a été d’éclater de rire. Il s’amusait, il profitait. Je me souviens d’une fois où il est monté sur le toit du bâtiment principal et s’est mis à chanter une musique inconnue de tous. Il était aimé ici. Pas seulement à l’Académie. Et puis après avoir eu son diplôme il est parti chez les humains. Nous n’avons plus jamais eu de ses nouvelles jusqu’à ce que tu arrives au royaume avec ses traits, son héritage magique et son nom. 

  Alma se disait qu’elle n’avait rien à voir avec la description de son grand-père. Comme l’avait dit la directrice, ils étaient opposés. Mais elle comprit d’où lui venait son avidité pour le savoir. Elle prit un certain temps pour assimiler toutes les informations qu’elle venait d’entendre. Elle ne voulait en oublier aucune. 

  —Merci d’avoir partagé vos souvenirs de lui. J’aurais aimé le rencontrer. 

  —Je suis sûre que tu l’aurais adoré. 

  Moi aussi, pensa Alma en souriant. 

  —Enfin ! revenons-en à notre mission. 

  La directrice fit le tri dans les papiers éparpillés sur le bureau et en fit glisser un en direction de son élève. 

  —Donc si tu acceptes tu effectueras ta mission seule.  Sinon tu as la possibilité de choisir un élève qui t’accompagnera mais qui ne sera pas évalué. Je t’avoue que j’avais pensé à Soan comme soutient, vos capacités se complètent mais c’est à toi de voir. 

  Soan ! Comme si elle allait accepter de partir en mission avec lui. 

  —Non merci je m’en sortirai mieux seule. 

  La directrice lui fit un sourire complice. 

  —Je m’en doutais. Pendant tout le long de ta mission nous te suivrons grâce au Cristal pour t’évaluer et vérifier que tout se passe comme prévu. Cela se passera dans les montagnes du nord. Tu recevras les détails quelques jours avant pour t’y préparer. 

  Alma acquiesça quand un détail la frappa. 

  —Je me pose plusieurs questions. 

  —Je t’écoute. 

  —Combien de temps dure une mission ?

  —Cela dépend, répondit la directrice qui but une gorgée d’un liquide à la couleur rose saumon. Oh je ne t’en ai pas proposé tu en veux ? 

  —Oh euh non merci. 

   La directrice reposa sa tasse si délicatement qu’elle ne fit aucun bruit. 

  —Pour te dire la vérité reprit-elle, certaines missions peuvent se dérouler sur deux jours mais en majorité cela dure une journée. Tout dépend des capacités de l’équipe, de son entente, parce que parfois les élèves s’entendent si mal que la mission en est rallongée. Il arrive aussi que la mission prenne une tournure inattendue et surprenne les élèves au point qu’il faille tout annuler. Les cas sont rares cela dit. 

  Alma était assise, ses mains croisées légèrement moites posées sur ses jambes. Un mois. C’était le temps qui lui restait avant de partir en mission. Elle en était si impatiente qu’elle tremblait d’excitation. Elle s’imaginait tellement de scénarios possibles, tous où elle réussissait à la perfection. Pouvoir partir seule était une aubaine pour elle. Elle n’aurait ni à se soucier de quelqu’un qui viendrait dérégler ses plans ni personne à sauver à cause de leur incapacité. 

  —Tu avais une autre question ? interpella la directrice coupant court aux pensées d’Alma. 

  —Ah oui. Pour les prochaines missions il y aura toujours ce problème de nombre impair pour les binômes, comment cela va-t-il se passer ? 

  La directrice se racla la gorge délicatement. 

  —Je t’avoue que nous ne savons pas encore. Il y a très peu d’élèves capables de se débrouiller seul en mission peut-être même aucun puisqu’ils partent déjà avec l’idée qu’ils seront deux et se reposent sur cette sécurité. Si tu te proposes pour faire toutes tes missions seule je devrais te répondre non. Certes les aptitudes individuelles sont jugées et très importantes mais les capacités collectives le sont aussi. Cette première mission est une exception. 

  La joie qui habitait Alma n’avait pas disparue malgré la réponse de la directrice. Elle avait tout à fait raison et elle-même s’était préparée à devoir travailler en binôme, ce n’était pas une surprise.

  —Quand commencera le championnat ? demanda-t-elle un peu trop excitée par le sujet. 

  La directrice rigola. 

  —Ce championnat tant attendu, sourit-elle. Il commencera une fois toutes les missions accomplies mais pour cela il faut réduire le nombre de participants donc il y aura une sélection dès que tous les élèves auront effectués leur première mission. 

  Alma fronça les sourcils. 

  —Une sélection ?

  La directrice hocha la tête. 

  —Je sais que tu attends plus de détails en réponse pourtant je ne peux rien te révéler. 

  Alma ne parût pas le moins du monde surprise et se contenta de sourire. 

  —Je comprends. Vous m’en avez déjà dit plus que vous ne l’auriez dû, je vous en remercie, dit-elle en se levant. 

  —C’est vrai. Parfois je ne peux pas me retenir de parler, rit la directrice. Oh et n’oublie pas ton dossier. 

  La jeune magicienne prit le tas de parchemins avant de se diriger vers la sortie. 

  —Je te souhaite bonne chance pour ta mission Alma, je suis sûre que tu la réussiras avec brio. 

  —Je ferai tout pour, sourit-elle avant de refermer la porte derrière elle. 

                                  ______________________

  Hasper et Loréa étaient assis sur l’herbe dans l’enceinte de l’Académie et profitaient du soleil autour de bouquins et grimoires. 

  Quand elle aperçue cette scène Alma ne put s’empêcher de charrier son ami aux cheveux longs.  

  —Hasper plongé dans les études ! C’est un miracle. 

  —Ha ha ha très drôle. 

  —Il n’a jamais été aussi calme, ajouta Loréa.

  Alma s’allongea dans l’herbe verte et douce à côté d’eux avant de leur faire part de sa discussion avec la directrice. 

  —Tu as de la chance, lui dit Hasper. Moi je me coltine un petit gars hyper timide. Nos deux profils de personnalités sont complétement à l’opposé ! Moi qui comptais me taper des barres en missions et bah c’est raté.  

  Ses deux amies pouffèrent à nouveau.

  —Mon coéquipier est plutôt sympathique on s’entend bien. Je pense que ça devrait bien se passer, supposa Loréa. Espérons que ta mission ne soit pas trop compliquée Alma sinon tu vas avoir du mal. 

  Alma se renfrogna légèrement. Jamais elle n’aurait de mal en comptant sur ses capacités. 

  —Oh tient Hasper j’ai trouvé un sort de feu qui pourrait t’intéresser, lui dit Loréa en lui tendant un bout de parchemin. 

  Alma se redressa. 

  —Je veux bien voir aussi. 

  Elle s’approcha d’Hasper qui mis le papier entre eux deux. Il s’agissait d’un sort hybride qui mélangeait l’élément feu et terre. Finalement Alma n’était plus intéressée, elle qui était à dominante air. 

  Le mageia pur ne faisait pas beaucoup de dégâts et ne servait qu’à former des barrières. Il fallait le modeler pour qu’il prenne forme et lancer des sorts. Chaque magicien recevait des cours en première année pour apprendre à gérer son flux et ne pas le dépenser trop rapidement. A leur arrivée à l’Académie, leur dominante élémentaire leur été révélé. Il s’agissait de nombres et de pourcentages dont Alma n’avait jamais vraiment compris d’où ils venaient mais dont les sorts dépendaient. Il était plus simple et facile d’effectuer un sort de feu lorsque le pourcentage était élevé que lorsque qu’il était plus faible. 

  —Tu utilises combien de sorts hybrides ? lui demande-t-elle. 

  —Pour l’instant j’en ai deux en réserve. Et un hyper hybride. 

  Loréa écarquilla les yeux.  

  —Je savais pas que tu en avais un. 

  Hasper profita de ce petit moment, fier de son coup. 

  —Quels hybrides ?

  —Feu/air et terre/eau. 

  Les pouvoir hybrides étaient des sorts qui mélangeaient plusieurs types de magie élémentaire, ils avaient toujours été les préférés d’Alma. Plus puissants, plus épatants : ils montraient la puissance d’un magicien. Évidement ils pompaient plus de mageia et trop en utiliser pouvait être dangereux voire fatal. Sans mageia un magicien meurt. 

  Les hyper hybrides étaient encore plus dangereux et difficiles à effectuer. Beaucoup d’énergie et de concentration, c’était un lourd poids mental. Il fallait être sûr de son coup pour en utiliser en. 

  Hasper était fait pour être un magicien, pensait Alma. De par son implacable esprit combatif comme sa génétique de mageia puissante. Elle se félicitait de ne pas être jalouse de son ami. Elle tenait bien trop à lui pour l’envier. 

  —Vous en avez de la chance tous les deux ! soupira Loréa. Je suis nulle en ce qui concerne les combats et la magie élémentaire. 

  —Oui mais toi tu es hyper cultivée ! soupesa Hasper. 

  Alma regarda son amie. Elle avait très peu de mageia et ne pouvait utiliser que quelques sorts dont peu d’hybrides. Mais malgré ce fait, Loréa avait une capacité de déduction et des connaissances inépuisables. Elle était le cerveau de leur petit groupe. 

  —Haha c’est vrai. 

  Hasper s’était levé pendant qu’il parlait. Surement pour essayer le nouveau sort que Loréa lui avait montré. Il se mit à quelques mètres d’elles, mains au sol, une douce lumière rouge émanait de lui. Son mageia avait la couleur de la force et du courage. Une couleur qui le représentait bien. 

  —Chitoru !

  Le sol se fissura légèrement pour laisser apparaître de grosses racines vertes dansantes qui s’élevaient jusqu’à deux mètres au-dessus de lui. 

  —Hika !

  La formule prononcée, les racines se recouvrirent d’une couche d’un feu ardant. Le sort était si puissant qu’Alma et Loréa en ressentirent la chaleur bien qu’elles soient loin. C’était un sort qui se montrait bien pratique tant pour attaquer que pour défendre. Une barrière de racines enflammées était bien plus solide mais comme le visage du magicien le montrait, cela semblait difficile à contenir. Une goutte de transpiration coula le long de la nuque d’Hasper. 

  Tout était sous contrôle jusqu’à ce qu’il essaye d’augmenter la température du feu. Et quand les végétaux explosèrent c’est presque l’Académie entière qui trembla. Un écran de fumé recouvrait l’espace autour de lui et le faisait tousser. Quant à Alma, elle avait reçu un morceau de racine calcinée sur ses genoux.  

  Les deux magiciennes se levèrent pour s’approcher d’Hasper. Il avait le visage tout noir, ses cheveux étaient en pétard et quand il vit le regard ébahi de ses deux amis il partit en un fou rire qui les contamina tous. 

  —C’était prévu ça ? demanda Alma entre deux souffles. 

  Il secoua la tête toujours en train de rire. 

  Mais quand une colombe se posa sur son épaule avec un morceau de parchemin accroché au cou, Hasper perdit son sourire. C’était à son tour de rendre visite à la directrice et Alma ria encore plus fort.  

  Quand leur ami partit se prendre un savon et qu’elles s'étaient calmées, Loréa attrapa le bras d’Alma et la ramena près de leur bazar.

  —J’ai besoin de tes lumières, lui dit-elle avec un sérieux qui n’était pas possible d’avoir après ce qu’il venait de se passer. 

  —Les miennes ? s’étonna-elle.

  Loréa s’assit et ouvrit un gros grimoire à la reliure marron foncé. 

  —J’ai besoin de toi pour m’aider à résoudre un mystère. 

  Alma fronça les sourcils.

  —L’année dernière tu avais pris histoire en matière ?

  —Oui. 

  —Tu as donc dû remarquer qu’il y avait un problème dans l’histoire ? 

  —Oui mais les professeurs n’en savent rien non plus donc il n’y a pas de questions dessus. 

  —Tu ne trouves pas ça bizarre ?

  Loréa avait le regard brillant de curiosité. 

  —Où veux-tu en venir ?

  —Je pense qu’il y a quelque chose qui a toujours été caché à propos de la guerre de mille ans.