Le dortoir était silencieux ce matin-là. Alma sortit de sa chambre vêtue de son uniforme mal attaché, le ventre gargouillant pour aller prendre son petit déjeuner dans la cuisine commune. Comme elle s’y attendait, elle ne croisa pas un seul élève dans les couloirs. Il était tard et les cours avaient commencé depuis deux bonnes heures déjà. Alors elle profita de cet instant de calme et de tranquillité, chantonnant une mélodie dont elle avait quelques souvenirs, se balançant sur ses jambes. Bientôt, une bonne odeur sucrée envahissait l’espace.
Il y avait une centaine d’élèves qui peuplaient le dortoir de l’Académie et tous avaient leurs raisons. C’était la seule maison que possédait Alma. Quoique posséder n’était pas vraiment un terme approprié. Comme tous les autres elle devait payer un loyer tous les mois. Pour un total de trois cent soixante-cinq cinas elle avait une chambre et une salle de bain à disposition, un accès libre à la cuisine et à la nourriture fournie par l’Académie. Avec son petit salaire de six cents cinas en moyenne par mois c’était parfaitement raisonnable pour elle. Et puis le dortoir étant sur le campus de l’Académie, elle n’avait pas trop de distance pour se déplacer, surtout le matin quand elle avait encore la tête dans l'oreiller. Les seules fois où elle sortait c’était pour aller à la boutique ou pour prendre l’air loin du boucan de la vie étudiante.
A son arrivée il y a six ans, seule, dans un monde parfaitement inconnu, avoir pu compter sur l’Académie a été une occasion en or pour elle. C’était seulement à partir de douze ans que les cours pouvaient commencer pour le cursus habituel. Mais elle fût la seule exception. Elle entra à l’Académie à l’âge de dix ans.
C’est avec une tranche de blidi dans la bouche et son sac à la main qu’elle quitta le dortoir pour rejoindre le bâtiment principal.
Une semaine s’était écoulée depuis le bal. L’excitation était redescendue et les élèves étaient à nouveau concentrés sur les cours.
Comme elle l’avait promis à Loréa, Alma n’avait fait aucun duel depuis son dernier et avait refusé toutes les propositions. De nouvelles rumeurs circulaient déjà. On disait qu’elle avait perdu ses pouvoirs ou qu’il été arrivé un problème avec ses capacités. D’autres pensaient qu’elle avait du connaître une défaite qui l’avait fait redescendre de son petit piédestal (même s’ils n’étaient pas si loin de la vérité).
Si au fond du couloir elle aperçu l’objet de ses troubles, elle fit comme si elle ne l’avait pas vu. Soan était devenu rapidement populaire et un nombre incalculable de filles lui couraient après. Même les professeurs l’adoraient. Sociable, gentil, généreux, ambitieux, et tant d’autres. Certes mais c’était seulement ce qu’il laissait les autres voir de lui. Qui portait un masque maintenant que la popularité lui avait arraché la sérénité d’une vie dans l’ombre ?
Alma aussi avait connu ça.
—Quand tu es fort les gens s’intéressent à toi, ils ne te lâchent plus, te prennent pour modèle. Et peu importe le nombre de bonnes choses que tu vas faire ils ne guetteront plus que tes mauvais pas. Alors tu dois faire tout ce que tu peux pour rester forte, ne montrer aucune de tes faiblesses, avait-elle dit à Loréa quand elle commençait à être au centre de l’attention.
—Mais au bout d’un moment ça va être dur de vivre, lui avait répondu son amie.
—Au début tu en profites, ensuite tu commences à être écrasée et puis tu finis par ne plus te reconnaître toi-même.
Certes elle n’avait pas choisi de connaître une ascension fulgurante dans la popularité à peine arrivée au royaume, mais elle avait participé à s’implanter dans le cycle tortueux de ce jeu. Aujourd’hui elle en payait les conséquences. Être au centre des rumeurs était si épuisant. Devoir porter un masque devant tous ces abrutis était peut-être pire.
Son casier ouvert, elle en sortit une cape bleu nuit, couleur de l’académie, qu’elle enfila par-dessus son uniforme, recouvrant sa chemise blanche.
L’amphithéâtre était bondé d’élèves de cinquièmes années, tous d’âges différents. Il y en avait même dont elle n’avait jamais vu le visage.
En silence, Hasper arriva derrière elle et lui cola une bonne tape dans le dos qui résonna dans l’habitacle. Alma aurait été surprise si elle n’était pas habituée à recevoir ce genre de coups. Alors en réponse elle se retourna et lui donna un bon coup dans la côte gauche avec la tranche de sa main. Il fit semblant d’écraser sur son siège en velours rouge et Alma rigola. Lui aussi portait la cape officielle par-dessus son uniforme qu’il n’avait pas pris la peine de porter correctement.
—Toujours aussi cruelle, dit Hasper feignant la douleur.
—Dit celui qui a commencé, rigola Alma.
Ils s’esclaffèrent ensemble.
—Je ne pensais pas te voir à cette réunion, avoua Hasper.
Elle baissa les yeux.
—Tu ne viens jamais d’habitude.
—C’est vrai. Mais je pense qu’il est temps que je m’informe sur comment va se dérouler notre dernière année ici.
L’expression de son ami se radoucit.
—Je sais que tu as arrêté les duels.
Elle hocha la tête.
—Je suis fier de toi.
Elle leva des yeux surpris vers lui. Il avait un doux sourire sur les lèvres.
—Tu ne t’en rendais surement pas compte mais Loréa et moi étions inquiets pour toi. Tu ne vivais que pour être la meilleure de tous et parfois je me demandais comment tu allais te dépatouiller de cette obsession.
Alma sourit tristement à son tour.
C’était bien une obsession. Elle l’avait développé à cause de cette popularité qui l’oppressait tant. Elle avait appris à détester que les autres fassent mieux qu’elle. Pour elle cela voulait dire qu’elle avait des difficultés ou une faiblesse que d’autres n’avaient pas. Les autres profiteraient de cet écart pour l’accabler. Alors elle ne vivait plus que dans la compétition et l’acharnement. C’était de l’autodestruction et ses amis le savaient. Mais elle ne l’avait remarqué seulement il y a quelques semaines.
—Tu sais que nous ne te demandons pas de changer celle que tu es et je pense c’est important d’avoir de l’ambition mais il faut simplement que tu acceptes tes faiblesses et surtout que tu acceptes de faire des erreurs parfois, parce que tout le monde en fait. Vivre avec cette pression continuelle de toujours devoir être la meilleure va te rendre folle. Même si tu l’es déjà, rigola-t-il.
—Eh !
Alma le frappa à l’épaule.
—Je blague.
Il tira la langue et elle rigola.
—Merci Hasper. Merci de me soutenir.
—Haha c’est normal on se connait depuis un moment déjà et je sais que tu n’es pas qui tu aimes laisser penser.
Elle hocha de nouveau la tête.
Pendant qu’ils parlaient la salle s’était encore plus remplie. Bientôt les sièges allaient manquer. Heureusement Loréa arriva à temps pour ne pas se faire prendre sa place à côté d’Alma. Sur l’estrade le micro était installé sur un pupitre en bois. Le brouhaha des élèves s’interrompit quand la directrice apparut.
—Bien le bonjour mes chers élèves.
Tous les regards et oreilles étaient concentrés sur cette superbe femme blonde au regard roux relevé par un rouge à lèvres rouge flamboyant.
—Je vous félicite pour ces cinq dernières années, vous avez tous atteins un niveau formidable et c’est la raison pour laquelle vous êtes ici. L’heure est maintenant venue pour votre dernière année d’étude dans mon établissement. Vous le savez sans doute mais cette année sera la plus dure et la plus mouvementée pour vous tous. Entre les examens théoriques et les examens pratiques vous serez amenés à nous prouver votre valeur et vos compétences.
Alma tripotait ses doigts tout en écoutant le discours de la directrice. Un pincement lui compressait les entrailles sans savoir d’où il venait.
—Comme vous le savez, continua la directrice, vous nous avez transmis le choix de vos matières et les dates sont maintenant désignées. Les épreuves pratiques commenceront dans un mois à compter d’aujourd’hui. Soyez prêt. Physiquement et mentalement. Les attentes sont plus élevées que les années précédentes et vous allez expérimenter pour la première fois les missions qui sont l’aboutissement de toute la pratique que vous avez acquise.
Dans l’assemblée un élève leva la main.
—En quoi consiste ces missions ?
—Ce sont des épreuves pratiques qui vous mettront dans des conditions réelles de toutes sortes. Elles seront effectuées en duo et seront différentes pour chaque groupe. Le niveau de difficulté est établi en fonction des capacités des deux élèves et chaque élève devra accomplir un minimum de trois missions réussies.
—Comment seront défini les duos ?
Sa question fut accueillie par un acquiescement général, comme si tout le monde se posait la même question.
—Par nos soins. Pour votre première mission vous groupes sont déjà fait et il est impossible de revenir sur notre décision. Les choix sont faits de la manière la plus judicieuse qui vous permettra de montrer ce dont vous êtes capable.
Un autre bras se leva dans l’assistance.
—Et si nous ne remplissons pas le total de trois missions réussies que se passe-t-il ?
Encore une fois la majorité des élèves approuvèrent l’interrogation.
—Cela aura une incidence sur vos résultats finaux. Les missions valent cent points chacune et vous serez noté en fonction de la performance que vous produirez. Vos résultats s’additionneront donc pour former un total sur trois cents. Si vous n’effectuez pas une mission vous aurez une note de zéro sur cent qui peut faire basculer le classement final.
La directrice marqua une pause avant de reprendre.
—Ce qui va définitivement définir votre classement sera votre avancée dans le championnat final. Les détails vous seront communiqués prochainement. En attendant entraînez-vous, suivez vos cours et dépassez-vous dans vos missions. Vous êtes désormais dans une compétition. Seuls les meilleurs pourront prétendre aux postes royaux. Je vous souhaite à tous de réussir.
Son discours fini la directrice quitta l’estrade et laissa place à la secrétaire.
—Bonjour à tous. Il est maintenant temps de vous distribuer vos dossiers complets. Ainsi vous pourrez savoir à partir de combien de points vous commencez cette année et connaître votre programme annuel. Une fois appelé vous pourrez disposer. Célie Adler. Yuri Anmo…
Le temps qu’elle appelle tous les élèves de cette année Alma avait le temps de faire une sieste. Elle s’avachie sur son siège, le bras ballants et bailla de toutes ses forces.
Hasper et Loréa se moquèrent d’elle.
—Alors la petite vieille déjà fatiguée ?
—La vieille vous emmerde.
Ils pouffèrent de plus belle.
Elle se redressa et s’assit en tailleur.
—Vous avez pris quelles matières ? elle leur demanda les coupant dans leur fou rire.
Hasper compta sur ses doigts.
—Combat, stratégie et magie élémentaire.
— Magie élémentaire, histoire, et politique. Et toi ? demanda Loréa.
Alma se craqua les doigts.
—Médecine magique, magie élémentaire et combat.
—Il ne reste qu’à espérer avoir un bon binôme pour les missions.
Loréa et Alma acquiescèrent d’un mouvement de tête.
—Hasper Leryan.
Il se leva et attrapa le dossier qui volait en sa direction.
—On se retrouve plus tard les filles !
D’un mouvement bref il s’en alla et sortit, les yeux fixés sur son score de départ. Quelques minutes plus tard c’est Loréa qui se fit appeler et elle aussi s’en alla reprendre ses cours, encore plus gaie après avoir vu ses résultats. Jamais ils ne partageaient leurs points entre eux. Ils ne voulaient pas de compétition entre eux surtout que leurs matières étaient différentes et se comparer par rapport à ce facteur n'avait aucune espèce d'intérêt.
Quand vint son tour, il ne restait presque plus personne dans la salle.
Un petit bout de parchemin était accroché sur son dossier. La directrice lui avait écrit. Elle lui demandait de la rejoindre dans son bureau avant la fin de la semaine.
Les missions promettent d'être intéressantes, et j'ai le pressentiment qu'Alma et Soan vont être dans la même équipe... Après peut-être que je me trompe complètement ! Reste à lire la suite.
Je me demande ce que la directrice va bien pouvoir lui dire, et pourquoi Alma a été accepté à dix ans alors que les autres à douze ans. Il y a pas mal de mystères, et ils gravitent presques tous autour de notre héroïne.
Il y a quelques petits oublis de mots dans ce chapitre, principalement des verbes, mais il est globalement bien !
des mystères autour de l'héroïne ? j'adore ça ! et en plus il y en a plein ;)
merci du petit rappel ! :)