CHAPITRE XIX – Désir.
« Les yeux fatigués et injectés de sang à force de rester fixés sur l'écran, Lily-Rose se massait les tempes. Ses petites lunettes de travail vissées sur son nez, une migraine lancinante infestant son esprit, elle fronçait le nez de mécontentement. En ce mardi matin, elle s'était levée tôt, et cela faisait quelques heures qu'elle restait sur cette traduction lui prenant tout son précieux temps. Et sommeil, également. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu à bûcher sur un papier aussi complexe. Sur une vie aussi tourmentée par des sentiments tant contradictoires et développés. Qui, en plus de tout cela, se déroulait dans une époque qui était bien loin d'être la sienne.
Lily-Rose fit craquer ses doigts, s'étira, puis se leva de la chaise dont son postérieur semblait vissé pour une nouvelle tasse de café. Elle en profita également pour s'allumer une cigarette, fatiguée de la vie du jeune Rudolf dont elle traitait. Devoir traduire l'existence d'un jeune mendiant allemand en pleine guerre mondiale n'était certainement pas des plus aisés. Elle devait rentrer dans des termes historiques qu'elle ne pratiquait que rarement, et, en plus de tout cela, essayer de comprendre des ressentis si poussés qu'elle en ignorait même l'existence. Elle s'accorda alors une légère pause, appuyée contre sa cuisinière, laissant échapper de la fumée opaque de ses cloisons nasales. Ses pupilles se portèrent sur la silhouette féline profitant du soleil en face d'elle. Assit noblement, son chat profitait des rayons incandescents chauffant son pelage de jais sur le rebord de sa fenêtre. Les paupières fermées, il semblait figé dans le temps. Ce mois de mars était doux. En ce moment, tout semblait aussi calme que l'instant qu'elle vivait en cette douce matinée. Lily-Rose soupira néanmoins. Un mauvais pressentiment la tiraillait. Le calme prévoyait souvent la tempête, et elle sentait l'orage proche.
Il serait bête de préciser qu'il ne s'agissait pas ici de la météo.
Pourtant, malgré sa gueule de bois magistrale ressentie dimanche, tout semblait aller pour le mieux. Son éditeur lui avait fourni une nouvelle traduction lundi, Noa était partie pour la semaine chez ses parents vivants dans le Sud de la France, et Grégoire enchaînait comme un forcené ses journées à la bibliothèque et ses soirées à travailler sur son manuscrit. Avec l'arrivée propice du printemps d'ici deux jours, la vie coulait au ralentis. Chacun menait ses obligations comme il le devait, Lily-Rose y comprit. Adam travaillait également, son poste d'agent de marketing l'occupant de nombreuses heures pendant la semaine. La jeune femme pouvait alors occuper ses journées à son propre travail. Ce qui, elle devait l'avouer, lui avait manqué, d'un certain côté. Se retrouver seule avec ses papiers, accompagnée uniquement d'une présence rassurante et animale, lui conférait le plus grand bien. Lily-Rose aimait son travail. Réellement. Et elle avait l'impression que cela faisait des années qu'elle n'avait pas eu le privilège de ressentir à nouveau ce calme l'envahir. La fatigue saine d'un nouveau défi littéraire à relever.
La grande brune, uniquement vêtue d'un débardeur délavé et d'une culotte, se servit un nouveau café, une nouvelle cigarette, puis retourna face à son ordinateur, bien décidée à finir ce chapitre dans l'heure.
Lorsque l'horloge murale avoisina les treize heures passées, Lily-Rose n'arrivait plus à contenir son esprit sur la description qu'elle avait sous les yeux. Ses pensées divaguaient, pensaient à la fois anglais et français, et elle comprit que son temps de concentration avait atteint sa limite. Elle se leva une nouvelle fois, se servant un verre de vin en contre-partie. Son fameux Chardonnay entre les paumes, elle rejoignit son chat contre sa fenêtre, caressant machinalement ses poils brûlants.
_ Comment fais-tu pour ne pas mourir de chaud sous ce soleil, toi ? Marmonna-t-elle à son attention.
Elle obtint comme seule réponse un ronronnement puissant. Souriant à cette simplicité, elle continua de perdre ses doigts dans la fourrure, fixant son regard sur les toits parisiens. Lily-Rose n'avait pas fait l'amour depuis samedi, avec Adam. Cette affirmation s'insinua en son esprit comme une évidence. Mais, contrairement aux fois précédentes, elle n'en fit pas une affaire d'État. Après la soirée de samedi soir, où elle avait poussé ses limites jusqu'à la déraison la plus totale, elle s'était rendue compte d'une chose. Toujours nymphomane à sa façon, elle ne l'était plus désormais qu'avec un seul homme. C'était comme ça. Elle se préparait mentalement à la fin de ce semblant de relation sexuelle qu'ils entretenaient, bien qu'elle ne la souhaitait guère, et c'était tout. Elle n'était pas assez naïve pour s'imaginer que ça dure. Lily-Rose était du genre terre-à-terre. Même si elle désirait plus que tout continuer à côtoyer cet homme le plus longtemps possible, elle gardait la tête sur les épaules.
Elle se disait que c'était mieux ainsi.
Au lieu de se perdre dans ses déboires internes sur ce qu'il lui arrivait en ce moment, elle avait décidé de prendre comme ça venait. Et, étrangement, elle s'en sentait apaisée. Elle savait qu'elle désirait Adam plus que de raison. C'était un fait. Mais elle n'ignorait pas que désirer un Homme ainsi la conduirait à sa perte. La première raison était la nature de son sentiment. Le désir. Pas uniquement sexuel, il prenait également de multiples envergures. Sauvage et anarchique, à l'image de l'hydre dont les têtes repoussaient au fur et à mesure qu'elles se trouvaient coupées, son désir était puissant et insatiable. Elle le ressentait envers son corps, mais également envers son être. Elle appréciait les moments de simple discussions qu'ils avaient ensemble. Pire même. Elle les chérissait. Souhaitait les renouveler autant que possible.
Seulement, une chose était bien connue.
Le synonyme évident du désir était la souffrance. Vécu obligatoirement comme un manque, le fait que sa satisfaction ne soit qu'éphémère et renouvelable ne faisait que le rendre plus fort.
Lily-Rose n'avait pas peur de souffrir.
Elle avait seulement peur de perdre cet objet qui lui inspirait tant de convoitises. Lily-Rose savait que sa recherche utopique du bonheur ne se trouverait pas satisfaite avec Adam. Qu'elle serait condamnée à souffrir à constamment désirer le désir que représentait pour elle ce garçon.
Seulement, tant qu'elle n'aurait pas le sentiment de l'avoir en sa possession, elle ne pourrait pas faire machine arrière.
Elle ignorait si il s'agissait d'un nouveau jeu pour son esprit instable.
Mais, si cela en était un, elle en ignorait catégoriquement les règles.
**
Adam enfila sa veste, avant de serrer simplement les mains de ses collaborateurs. « Soignes-toi bien, elle a l'air vilaine ton intoxication ». Il leur adressa un dernier signe de tête avant de quitter son bureau, bien trop heureux de rentrer chez lui. Fier de sa combine pour pouvoir profiter d'une après-midi de repos bien méritée, il sautillait presque jusqu'à sa rame de métro.
Adam, il était comme ça. Il embobinait avec de beaux sourires, de belles paroles, et obtenait toujours ce qu'il voulait. Au travail comme au privé. Il avait l'habitude que rien ne lui résiste.
Patientant patiemment sur un siège dans le véhicule peu occupé, un exemplaire d'un journal quotidien entre les paumes, il en vînt à penser à Lily-Rose.
Cette prédatrice.
Elle aussi, avait finit par tomber dans ses filets. Pourtant, il se surprit de penser à elle. Il en vînt presque à s'en demander la raison.
Secouant la tête énergiquement, il s'autorisa un demi-sourire. Il était bête. Cette grande femme aux cheveux de bronzes et aux formes si envoûtantes, il ne s'agissait qu'un nom de plus à son tableau de chasse. Et d'un putain de bon coup. Ni plus, ni moins.
Pourtant, en marchant jusqu'à son appartement, une légère lueur d'ambre ne le quittait pas.
**
Lorsque sa sonnette retentit plusieurs fois d'affilée, Lily-Rose sursauta. Elle jeta un coup d’œil à l'heure indiquée sur son ordinateur. À peine quinze heures. Adam et Grégoire étant au travail, Noa chez ses parents, elle se demanda qui pouvait bien lui rendre visite en pleine après-midi. Elle enfila rapidement un short en toile, songeant quelque peu à ses cheveux noués négligemment et à ses yeux enflés derrière ses lunettes, mais n'y prêta pas attention. Il devait s'agir d'une erreur. Sans se poser trop de questions, elle se dirigea alors vers l'entrée, hurlant un « j'arrive » enroué par une voix trop longtemps inutilisée.
Lorsque sa porte s'ouvrit sur un châtain chatoyant et un océan brumeux, sa surprise fut totale.
_ Baptiste ? Qu'est-ce que tu fais là ? Couina-t-elle, totalement prise au dépourvu.
_ Je peux rentrer ? Se contenta-t-il de quémander, la mâchoire tressautant imperceptiblement.
Contre toute attente, Lily-Rose s'effaça. Si elle ignorait la raison de cette visite, elle se demandait d'autant plus pourquoi elle laissait ce garçon pénétrer dans son antre. Elle ne voulait rien avoir à faire avec lui. Et pourtant, elle l'autorisait à une plausible discussion.
Lily-Rose était bel et bien une femme contradictoire.
Baptiste s'arrêta au milieu de la vaste pièce, pointant du doigt l'ordinateur allumé.
_ Je ne te dérange pas trop pendant ton temps de travail ?
_ Fais vite, se contenta de répondre la jeune femme en se dirigeant vers la cuisine. Pendant de longues secondes silencieuses, elle se servit un verre de vin, puis s'accouda au bar. Face au mutisme de Baptiste, elle haussa un sourcil dédaigneux, le fixant de son regard le plus froid.
Baptiste croisa ses longs bras musclés, essayant de se donner le plus de contenance possible. De s'affirmer.
Lily-Rose en laissa échapper un sourire moqueur, tant elle trouvait la situation risible et pathétique.
_Écoute Lily. Je n'arrive pas à te sortir de ma tête. Et j'ai beau retourner tout ce qui s'est passé dans mon cerveau, je ne vois clairement pas ce qui a bien pu te faire fuir d'un coup, comme ça.
La grande brune enleva ses lunettes, puis les déposa doucement sur le revêtement en bois du bar. Elle se pinça l'arête du nez. Si son papier l'avait exténué, il n'en était rien par rapport à ce que lui faisait ressentir le garçon en cet instant.
_ Baptiste, combien de fois il faut que je te le dise. C'était juste un coup comme ça, fin de l'histoire. Du cul pour du cul. Depuis le début, je n'ai rien voulu de plus que te sauter, c'est suffisamment clair ou il faut que j'utilise du vocabulaire encore plus vache ?
L'intéressé cilla légèrement aux paroles de la belle mais ne se démonta pas. C'était tout à son honneur. Si il voulait se battre contre la lionne, il se devait au moins de faire bonne figure pendant sa défaite.
_ Je ne comprends pas. Tu as l'air si douce, si... femme. Tu ne ressemblais pas à une traînée, cingla-t-il, le visage tordu par le dégoût.
Traînée. Il venait de la traiter de traînée. Si Lily-Rose se sentit profondément blessée par ce petit mot pourtant si insignifiant, elle n'en montra pas un frémissement de sourcil.
C'était ça, la froideur britannique. La force de Lily-Rose.
Son stoïcisme légendaire.
_ Tu as dit ce que tu avais à dire. Tu peux partir, désormais, siffla la jeune femme entre ses dents.
_ Lily, je ne voulais pas...
_ J'ai dis que tu pouvais partir.
Lily-Rose, elle n'élevait jamais la voix. Elle se contentait de montrer toute la haine du monde sur son visage. Lily-Rose énervée, rien qu'avec un regard, elle vous faisait vous sentir comme la dernière des merdes. Dans ces cas là, peu arrivaient à trouver le courage de braver la lionne montrant les crocs, feulant. Et, malgré son élan de courage, Baptiste restait une gazelle. Une simple et faible petite chose.
Lily-Rose n'aimait pas être aussi méchante.
Mais si il y avait bien une chose qu'elle ne supportait pas, c'était la faiblesse.
Et Baptiste était un faible.
Ouvrant grand ses yeux de stupeur, il recula d'un pas, puis de deux.
Avant de partir sans un mot, précipitamment.
_ Salope, lâcha-t-il avant de claquer bruyamment la porte.
La jeune femme laissa échapper un rire jaune, seule, toujours son verre à la main.
_ Je sais que je suis une salope. Ce n'est pas nouveau. Mais une traînée, ça, jamais, murmura-t-elle à son encontre avant de boire une gorgée du vin fruité.
*
Le matin suivant, Lily-Rose fut réveillée par la sonnerie tonitruante de son téléphone. Ronchonnant, les yeux à moitié fermés, elle répondit d''une voix traînante et abîmée.
Son chat, dérangé par tant de vacarme si tôt, miaula avant de descendre du lit maladroitement.
_ Qui que vous soyez, rappelez-moi dans deux heures, gronda-t-elle.
_ Désolé de te réveiller marmotte, mais il faut qu'on cause. Je viens d'apprendre que je bossais pas aujourd'hui, et je suis à deux rues de chez toi là, annonça la voix bien trop réveillée de son ami bien trop emmerdant.
_ Putain Greg il est sept heures, tu peux pas attendre ?
_ Non. Je suis là dans cinq minutes, répondit-il avant de raccrocher.
Cet homme avait le don de toujours l'appeler pendant son sommeil. Et Lily-Rose le détestait pour cela. Et haïssait aussi quiconque avait eu la merveilleuse idée de construire la bibliothèque où travaillait Grégoire aussi près de chez elle.
En définitif, Lily-Rose n'avait jamais été et ne serait probablement jamais du matin.
Elle se leva de son lit chaud et confortable avec regret, se dirigeant comme un automate vers sa machine à café. En l'allumant, elle entendit son interphone sonner des trois coups caractéristiques de son ami. Comme une petite musique désagréable l'annonçant. Deux fois précipitées, une dernière plus espacée et plus longue. Le genre à vous taper sur le système dès la première écoute.
La jeune femme se contenta d'appuyer sur le bouton d'ouverture, puis retourna vers sa tasse de café fumante. Elle s'assit en tailleur sur son canapé, uniquement vêtue d'un petit short de pyjama et d'un vieux débardeur. Ses longs cheveux ressemblaient à un nid d'oiseau, et ses yeux gonflés n'arrivaient toujours pas à s'ouvrir complètement. Lily-Rose ne comprendrait jamais ces femmes qui, au réveil, semblaient déjà prêtes à sortir pour un dîner mondain. Elle, le matin, elle ressemblait à une choucroute.
_ Ma jeune amie, c'est toujours un plaisir de te voir, s'annonça Grégoire en pénétrant dans l'appartement.
Lily-Rose répondit d'un grognement pas franchement féminin. Elle s'étira de tout son long, s'alluma une cigarette, puis regarda Grégoire se faire couler une tasse de café avant de la rejoindre. Ses cheveux bruns étaient encore humides de sa douche matinale, et il arborait son éternel sourire sur ses lèvres. Ses yeux bruns pétillaient de malice. Il était vêtu simplement, d'un pull brun et d'un jean, baskets aux pieds. Le look d'éternel adolescent lui allait définitivement bien.
Lorsqu'il s'assit aux côtés de la jeune femme, les relents de son after-shave lui piqua doucement les narines. Il n'avait pas changé depuis leur rencontre. Depuis maintenant quatre ans, Grégoire arborait le même style vestimentaire, la même odeur, et la même gentillesse.
_ T'as couché avec Baptiste ? Lui demanda-t-il, sans appel.
Lily-Rose faillit en recracher sa gorgée de café. Elle avait connu plus doux, comme réveil. Depuis quatre ans, Grégoire avait également gardé sa franchise et son manque de tact légendaires.
_ Fais pas ton innocente. Il me l'a dit. Ou plutôt, il s'est plaint à moi comme un putain de gosse. Après ça, j'ai décidé que je ne l'aimais pas, continua le grand brun face à la mine interloquée de Lily-Rose.
_ Il t'a dit quoi ? Osa-t-elle demander.
_ Rien de plus que ce qui s'est passé. Il s'est pointé chez moi hier soir alors que j'étais en plein travail d'écriture, l'air au bord des larmes. Il a commencé en te traitant de salope, a continué en m'expliquant votre histoire, comment tu l'avais viré l'après-midi même, et a terminé avec de nombreux noms d''oiseaux. J'ai pas vraiment apprécié, je te l'avoue. Je lui ai dit que tu faisais ce que tu voulais de ton cul, que ça ne me regardais pas, et que si il venait me voir dans l'unique but de te traiter de prostituée, ce n'était même pas la peine de revenir, se contenta de répondre Grégoire en haussant les épaules.
La grande brune laissa échapper un profond soupir, se détendant. Elle n'avait pas remarqué qu'elle était en apnée depuis le début de son récit. Si elle en avait rien à faire de Baptiste, cela n'en était certainement pas le cas pour Grégoire. Ce garçon, elle l'aimait à la folie. D'un amour platonique et fraternel, certes, mais d'une puissance totalement démesurée. Et qu'il la juge ou lui en veuille à cause de son comportement envers Baptiste l'aurait détruite.
Elle sonda quelques instants ses yeux, à la recherche d'un quelconque signe d'énervement. Il ne semblait pas en colère ni ennuyé. Fidèle à lui-même, il gardait sa bonne humeur constante.
_ Après, j'ai beau m'en foutre royalement de cette histoire, je ne te cache pas que j'ai pas réellement aimé le fait que tu ne m'en parles pas et de l'apprendre par sa bouche à lui, avoua-t-il, le regard sévère.
_ Je me vois mal de te parler de mes histoires relationnelles, Greg.
_ Justement. J'ai toujours eu l'impression qu'on était proches, toi et moi, mais j'ai le ressentis que c'est un peu à sens unique. Je parle, je me plains, tu m'écoutes. Et jamais inversement. J'ai finis par comprendre que tu étais comme ça, introvertie, mais quand un mec vient se plaindre à mon encontre d'une histoire dont je ne suis absolument pas au courant, je me sens un peu con. Surtout quand il s'agit de ma meilleure pote.
Lily-Rose resta interdite un petit moment. Elle laissa échapper de la fumée opaque de ses narines, gardant en tête sa dernière phrase. Surtout quand il s'agit de ma meilleure pote. Ses mots lui firent étrangement plaisir. Un bien fou, en réalité. Le sentiment d'importer pour quelqu'un, de ne pas laisser indifférent, et de savoir qu'elle n'était pas seule. Elle avait beau en avoir conscience, cela lui rappelait que Grégoire et Noa étaient bel et bien là pour elle. Qu'elle pouvait compter sur eux. Sans trop savoir le pourquoi du comment, elle sentit sa vision se troubler, et une seule et unique larme descendre le long de sa joue.
Et, pour une fois, elle ne l'essuya pas. Elle ignorait à quand remontait ses derniers pleurs, mais elle savait que cela faisait bien trop longtemps. Et, ici, avec Grégoire, l'homme l'aimant peut-être autant qu'elle, Lily-Rose se sentait en sécurité. Elle laissa alors cette unique goutte salée se perdre dans son cou, et les bras de son ami l'entourer, protecteur.
_ Hé, ma belle, le prends pas mal, ce n'était pas vraiment un reproche, s'excusa-t-il en l'enlaçant.
_ Je ne le prends pas comme tel. Ce sont des larmes de joie. Tu sais que je tiens à toi, Greg, murmura-t-elle en se lovant dans le creux de son épaule.
_ Et c'est réciproque Lily. C'est pour ça que ça me tue que tu ne me parles jamais. J'ai l'impression que c'est à sens unique.
_ C'était plutôt moi qui le ressentais comme tel.
_ T'es débile.
_ Peut-être bien, gloussa Lily-Rose en arborant un sourire franc.
_ Sache juste que je serais toujours là, que tu veuilles te confier ou non, conclut Grégoire en embrassant sa tempe.
Elle se contenta de l'enlacer encore plus profondément, ne comprenant pas réellement comment elle pouvait avoir tant de chance. Avec Grégoire et Noa, elle savait que son bonheur dont elle rêvait tant était à portée de main. Et, pour une fois, cela ne lui fit pas peur.
Pour la première fois de sa vie, la jeune Lily-Rose, elle avait envie de s'abandonner à ce bien-être qui la rongeait.
Lily-Rose, vingt-cinq ans, était peut-être une traînée, mais avait des amis. De vrais amis.
Finalement, Lily-Rose ne travailla pas de son mercredi. Elle se contenta de somnoler le matin sur l'épaule de Grégoire, puis de discuter de tout et de rien l'après-midi. Profitant juste de la présence de l'un et de l'autre. Lorsque l'horloge numérique du four annonça les dix-sept heures, Grégoire trouva l'idée plaisante d'aller boire un verre au Rockwood.
En pleine semaine et à une heure aussi avancée, le bar était presque vide. Quelques lycéens à la sortie des cours et deux trois étudiants dialoguaient calmement autour de leur verre, créant au bar vintage une atmosphère détendue. Antoine, toujours fidèle à son poste, offrit gracieusement un verre de vin à Lily-Rose quand il la vit.
_ Très sincèrement Lily, je ne comprendrais jamais comment tu fais, s'indigna Grégoire après avoir commandé une pinte de Guiness.
_ J'ai un vagin, je pense que c'est aussi simple que ça, répondit-elle, amusée, en trempant ses lèvres dans son Chardonnay.
_ Ouais, et c'est clairement dégueulasse. Parce que j'ai beau avoir un pénis, c'est pas pour autant que les serveuses m'offrent ma bière.
_ T'as qu'à être un habitué, tout simplement, intervint Antoine en apportant sa bière.
Le jeune homme se contenta de pousser une sorte de grognement avant de trinquer avec la belle brune.
_ À nous ! Lança-t-il en faisant tinter leurs verres.
_ Oui. À nous, confirma Lily-Rose en souriant.
Une nouvelle belle promesse.
Les heures passèrent rapidement, mais pourtant ils n'en étaient qu'à leur deuxième verre. Ils parlaient tant qu'ils en oubliaient de boire, rendant les bulles de la bière de Grégoire inexistantes et réchauffant le vin fruité de Lily-Rose. Ils riaient, ils s'échangeaient des regards entendus, ne voyaient pas le temps passer. Ils étaient bien, tout simplement.
_ T'es amoureux de Noa ? Finit par demander Lily-Rose de but en blanc.
_ Je crois bien que oui. Cette femme est fantastique. J'aurais jamais cru le dire, mais à présent, je ne vois clairement pas ma vie sans elle à mes côtés. Je pense même n'avoir jamais été autant amoureux. En fait, ce qui m'arrive, c'est clairement un truc de fou. Et toi, un garçon pour qui la grande et belle Lily aurait des sentiments cachés ? Tu peux me le dire. Ça restera sous le secret professionnel, je te le jure.
_ Pas vraiment. Tu sais, depuis mon histoire au lycée avec Lucas il y a maintenant belle lurette, je ne pense pas être retombée amoureuse. Je me contente de prendre ce que la vie veut bien me donner, murmura Lily-Rose, une certaine pointe de nostalgie se ressentant au travers de sa voix basse.
_ Lucas, ça fait maintenant quoi, sept, huit ans ? On s'en branle, éluda Grégoire, mais Baptiste ? Je veux ta version des faits.
_ Baptiste rien. On s'est rencontrés, on s'est bien entendus, on a couché ensemble. C'est tout. Je ne m'attendais juste pas qu'il revienne avec autant d'aplomb.
_ Sérieusement, Lily ? Si c'est le cas, il va falloir que je t'apprenne à mieux cerner les mecs. Il suffit de lui parler juste deux secondes pour comprendre que c'est un romantique endurci à fleur de peau. Sa réaction est logique par rapport à son tempérament.
_ Certes. Quoi qu'il en soit, merci de m'avoir soutenue, le remercia Lily-Rose.
_ Pas besoin de me remercier. C'est normal. Noa aurait fait la même chose. Et Adam, alors ? Ne me dis pas qu'il ne s'est jamais rien passé entre vous. Dès que vous êtes tous les deux, ça pu la phéromone à des kilomètres à la ronde.
Lily-Rose gloussa à cette remarque. Elle avait oublié que, si Noa était au courant de tout par rapport à son histoire avec Adam, il n'en était pas le cas de Grégoire. Il était dans l'ignorance la plus totale. Aussi, après la journée qu'ils venaient de passer, elle ressentait le besoin de le mêler à ses déboires. En réalité, ce n'était pas aussi profond que ça. Le côté encore adolescent de Lily-Rose voulait dialoguer. Ne souhaitait pas se confier, mais parler. Comme au collège, juste tout raconter à ses amis.
Elle se laissa le temps de boire une longue gorgée de vin avant de fixer les yeux bruns chaleureux de son ami.
_ On est toujours dans le secret professionnel ? S'amusa Lily-Rose, un sourire en coin apparaissant sur ses traits.
_ Toujours. Ce qui se passe entre nous, reste entre nous, répondit Grégoire, hilare.
_ On s'est rencontré il y a environ quatre mois, début décembre. Par pur hasard, au Rockwood, un soir où j'en avais assez de me tuer les yeux sur une traduction, commença la grande brune, essayant de trier dans son esprit ce dont elle devait parler ou non.
_ Et ? S'impatienta Grégoire, suspendu à ses lèvres.
_ Et que veux-tu que je te dise ? On a couché ensemble.
_ Je le savais ! J'en étais sûr ! Rien qu'à voir le regard qu'il te lance à chaque fois qu'il te voit, s'émerveilla son ami, laissant échapper son rire rauque si caractéristique.
_ Comment ça ?
_ Il te regarde comme si il voulait te bouffer. Aussi simple que ça, se contenta-t-il de répondre, avant de continuer, la curiosité déformant son visage : Vous avez recouché ensemble depuis ?
Lily-Rose se contenta de hocher la tête, un sourire énigmatique qui voulait tout dire comme réponse. Grégoire poussa un cri de joie, les bras en l'air, comme si elle venait de lui annoncer une promotion mirobolante. Son ami était un éternel optimiste. Sa réaction, bien qu'exagérée, était revigorante.
_ Et t'es pas amoureuse de lui non plus ? Finit par demander ce dernier après s'être calmé.
_ Non plus.
_ Ma chère Lily, je crois bien que le mec qui réussira à ouvrir ton cœur, ce sera un héro et l'homme de ta vie. Je l'appellerai Hercule.
Lily-Rose pouffa à la réflexion de son ami, tant par son côté comique que par sa véracité.
Après, il ne fallait pas oublier une chose.
Il s'agissait de Lily-Rose. Tomber amoureuse ne faisait pas partie de son vocabulaire.
En rentrant chez elle ce soir-là, Lily-Rose se sentait éreintée et potentiellement bourrée. Elle ignorait l'heure qu'il était, mais elle savait déjà qu'il était encore tôt, et que minuit n'était pas passé. Elle jeta ses clefs sur la table, puis s'affala dans son canapé, faisant sursauter son chat profondément endormi. En proie à ses désirs premiers, elle sortit de sa poche de pantalon une petite carte de visite. Elle se souvenait de Grégoire, la lui donnant, pendant le cours de la soirée. Pourtant, le pourquoi du comment lui restait inconnu. Son esprit était encore trop embrumé par l'alcool.
Sans se poser davantage de questions, elle composa le numéro sur son téléphone, écoutant les premières tonalités résonner contre son oreille.
Son cœur pompait son sang à un rythme effréné.
_ Allô ? Fit une voix rauque et ensommeillée à l'autre bout du fil, lui provoquant instantanément de nombreux frissons.
_ Je veux te voir.
En cet instant, en s'imaginant le sourire satisfait d'Adam, Lily-Rose se rendit compte d'une chose. D'une seule et unique chose, qui lui donnait presque l'envie de pleurer.
À cause d'Adam, Lily-Rose était devenue faible. »
Avec Baptiste, les rôles sont vraiment inversés. Je le plain un peu, mais en même temps, sa sortie etait vraiment lamentable... Une fille qui se contente d'un plan Q c'est une traînée, mais si c'était un mec, ce serait presque normal... Mauvais joueur...
bref... J'espère te revoir pour la suite :)