Chapitre 9 - Le complexe Vipère

Notes de l’auteur : Ce chapitre a été corrigé. J'ai retravaillé le début pour ôter pas mal de dialogues explicatifs inutiles. Le final conserve quelques longueurs, je ferai d'autres corrections bientôt pour améliorer le rythme.
Bonne lecture,
Ori'

Mis à jour le 29/07/2025

Irotia, casernes militaires, annexe Vipère. 13 septembre 3224.

Feris et Jens s’approchèrent du complexe Vipère à pas prudent. Lorsqu’ils franchirent le portail de sécurité, il devint évident qu’une effraction avait eu lieu. Quelqu’un avait tiré sur les caméras de surveillance pour les neutraliser. Le système de verrouillage des portes était hors service et les coupables avaient forcé le rideau blindé qui protégeait l’entrée au moyen de charges explosives. Il n’y avait plus un seul Ginger en faction autour du bâtiment.

« Par l’empereur ! s’exclama Jens en découvrant les dégâts. Ces mafieux n’ont vraiment peur de rien !

– C’est exactement ce que je craignais, commenta Feris. Il y a un traître dans les casernes, et c’est sans doute un gradé.

– Pardon ?

Le mercenaire lui fit signe de baisser la voix.

– L’attaque du Troquet des Parieurs s’est déroulée la nuit dernière, donc le vol des exoarmures a eu lieu avant. Pourtant, tu m’as confirmé que tout était normal ce matin.

L’amiral blêmit.

– Tu veux dire qu’ils auraient dérobé du matériel hier et qu’ils seraient revenus tout casser aujourd'hui ? Mais ça n’a pas de sens !

– Sauf s'il s'agit d'une mise en scène pour faire croire à un cambriolage.

– Et dissimuler la manière dont le vol a été commis ! »

Cette fois, Jens commençait à comprendre. Le traître s’était présenté la veille avec un faux ordre de mission pour réquisitionner les exoarmures. Il suffisait de les charger dans un vaisseau militaire pour quitter la base. De cette façon, même si quelqu’un s’apercevait de leur absence, tout le monde penserait qu’elles avaient été embarquées à bord d’un destroyer pour préparer la campagne. C’était un plan risqué mais sacrément ingénieux.

« À mon avis, le coupable ignorait que les mafieux s'en serviraient si vite, reprit Feris. Quand il a appris la nouvelle, il s’est mis à paniquer : quelqu’un viendrait forcément visiter cet entrepôt pour contrôler les stocks. Alors il a décidé de revenir ce matin pour détruire les preuves.

Jens approuva d'un air grave.

– Dans ce cas, il doit réinitialiser les caissons des exoarmures. Cette procédure prend du temps, il est peut-être encore à l'intérieur.

– Suis-moi, on va jeter un œil. » 

Les deux amis se glissèrent sans bruit dans le bâtiment. L’annexe Vipère s’ouvrait sur un gigantesque hall plongé dans la pénombre. En levant les yeux, Feris aperçut des plateformes métalliques qui couraient sur trois niveaux. Près de l’entrée, des capsules élévatrices servaient de monte-charge pour rejoindre les étages, mais elles paraissaient hors service. Jens alluma le faisceau lumineux de son arme et se dirigea vers le local technique. En arrivant sur place, il pesta à voix basse.

« Evidemment. Notre lascard a détruit l’alimentation électrique.

– Tu peux rétablir le courant ? 

– Pas sans l’intervention d’un technicien, mais il y a un générateur de secours à l'étage.

– Ça vaut le coup de le mettre en marche. On pourra déclencher le système de confinement d'urgence.

– Et le traître se retrouvera piégé à l’intérieur ! Feris, tu es vraiment génial !

Le mercenaire ricana.

– On dirait que ça t’étonne encore. »

Ils reprirent leur progression vers le centre du grand hall où un escalier hélicoïdal en acier s’enroulait sur lui-même comme un serpent. Il desservait les passerelles permettant d’accéder aux différents niveaux du bâtiment. La devise du commando Vipère, “toujours prêts à mordre”, était gravée sur chacune de ses marches. Près de celui-ci, le mercenaire fit une découverte macabre : cinq sentinelles gisaient dans une mare de sang. On leur avait tranché la gorge avant de les entasser comme des poupées de chiffon. L’absence de traînée de sang depuis l’extérieur indiquait que les Gingers étaient morts sur place. Leur agresseur les avait assommés dehors puis déplacés ici pour les tuer à l’abri des regards. En touchant l'un d'eux, Park constata que les cadavres étaient encore chauds. Cette fois, plus de doute possible : l’ennemi n’avait pas quitté les lieux.

« Il faut appeler des renforts et cerner le bâtiment, ordonna Feris. Retourne près du zipper et surveille l’entrée au cas où elle tenterait de s’échapper. Je vais continuer l’exploration tout seul. 

– Elle ? 

Le mercenaire releva le faisceau de sa torche. Sur le front de la première victime apparut un monogramme en lettres de sang. Lorsque Jens le reconnut, il crut défaillir. 

La Mort Rouge. 

– Elle est ici... murmura-t-il d’une voix blanche. 

– Non, c’est une copy cat. Elle travaille pour la Murcia, mais elle est encore plus dangereuse que la vraie.

– Comment sais-tu que... 

– Plus tard. Fais ce que je t’ai dit : appelle des renforts et vas te mettre en sécurité. »

L’amiral voulut protester mais Feris ne lui en laissa pas l’occasion. S’il devait affronter la Mort Rouge, il préférait ne pas s’encombrer de quelqu’un à protéger. Cette femme venait de terrasser cinq membres d’un commando d’élite, il s’agissait à coup sûr d’une adversaire redoutable. Il éteignit sa lampe, enjamba les cadavres d’un pas vif et disparut dans l’obscurité.

Les ténèbres se refermèrent sur lui comme un linceul.

D’un pas alerte, le mercenaire escalada les marches qui menaient au premier étage, guettant le moindre mouvement dans le noir. Arrivé sur le palier, Feris franchit une porte et déboucha dans un long couloir qui conduisait aux dortoirs. La salle de repos se situait un peu plus loin sur sa droite. Le générateur mentionné par Jens devait s’y trouver, mais le mercenaire préféra changer son fusil d’épaule. La présence de la Mort Rouge modifiait la donne. Il ne s’agissait plus d’un simple complice venu dissimuler sa forfaiture. La Murcia profitait de ce faux cambriolage pour avancer ses pions. Elle avait besoin de pénétrer ce bâtiment dans un autre but. Mais lequel ? Feris avait la désagréable impression de jouer une partie d'échecs avec trois coups de retard. S’il parvenait à neutraliser cette tueuse, il pourrait reprendre l’initiative.

Ses pas le conduisirent vers le deuxième étage et le bureau de Jens. Si la Mort Rouge voulait des informations, c’était l’endroit idéal. Très vite, son odorat lui confirma qu’il avait raison. Il flottait dans l’air une odeur boisée inhabituelle, un parfum d’eucalyptus et de fruits rouges. Un instant plus tard, Feris perçut une lueur par l'entrebâillement d'une porte et le son discret de quelqu'un qui pianote sur un terminal. Bingo. Son ennemie était dans la place. Elle avait même apporté une batterie externe pour allumer le poste informatique de Jens. Le cœur battant, il s’immobilisa dans le couloir. Il bénéficiait de l’effet de surprise, mais ce n’était qu’un maigre avantage. Il devait choisir le bon moment pour intervenir.

Avec précaution, il ôta le cran de sûreté de son arme. Le léger clic métallique retentit dans ses oreilles comme s’il avait heurté un gong, mais la personne dans l’autre pièce ne parut pas le remarquer. Le mercenaire inspira pour se détendre. Les premières secondes de l’affrontement seraient décisives. Il s’approcha à pas feutrés et se colla contre le mur pour écouter. Une voix d’homme sèche et râpeuse lui parvint alors. 

« Ne traîne pas, Amina. Ces imbéciles ne vont pas tarder à s’apercevoir de notre présence. 

– J’ai presque terminé. Il ne reste que le plan de bataille de Maz à télécharger. » 

Le sang de Feris ne fit qu’un tour. Il ne devait surtout pas les laisser s’en emparer ! Il bondit dans l’encadrement de la porte et alluma sa torche pour ne pas rater sa cible. Au moment de presser la détente, il se figea. 

« Oni ?! » 

La jeune femme lui lança un regard stupéfait et s’empara de son arme. Il eut juste le temps de s’esquiver : trois coups de feu retentirent. Le plasma laissa des impacts brûlants sur le mur à l’endroit où il se tenait une seconde plus tôt.

« Ne reste pas plantée là, Amina ! s'égosilla l’homme dans l’autre pièce. Débarrasse-nous de lui ! » 

Avec horreur, le mercenaire comprit qu’il venait de gâcher sa chance. Au nom d'Utar, quel était ce maléfice ? La nouvelle Mort Rouge était le portrait craché de la fille de Maz !

Un tir de plasma lui frôla l’épaule et il choisit de battre en retraite. Dans son dos, il entendit les pas de la tueuse qui se lançait à sa poursuite. Feris coupa de nouveau sa lampe et se dissimula dans les ombres. Amina visa et le loupa d’un cheveu. Formidable. Son ennemie portait une lentille de vision thermique. La partie s’annonçait serrée. Sa meilleure chance était de l’entraîner vers la sortie et d’attendre les renforts, mais il prenait le risque de laisser filer son complice avec des informations capitales.

Hélas, il n’avait pas le choix.

Deux coups de feu surprirent Feris et le touchèrent en pleine poitrine. Il sentit la chaleur du plasma à travers sa combinaison protectrice. Elle n'encaisserait pas une autre salve. À tâtons, il tituba et tourna l’angle du couloir. Un troisième rayon s’écrasa juste derrière lui. La panique l’envahit et il se jeta dans les escaliers. Arrivé à mi-hauteur, il trébucha et dégringola tête la première. Il s’écrasa dans le hall et se reçut douloureusement sur ses côtes déjà endolories. Son seize-coups lui échappa et disparut dans l’obscurité. Il pesta en se redressant. Un mouvement sur sa droite l’avertit d’une présence et il frappa d’instinct. Amina avait sauté la rambarde et il la cueillit d’un coup de pied dans le ventre. La Mort Rouge poussa un cri et tomba à la renverse, lui offrant de précieuses secondes. Feris plongea sur elle pour la maîtriser, mais un sifflement dans l’air lui indiqua au dernier moment qu’elle avait une lame. Il dévia sa propre chute de justesse et sentit le poignard déchirer le col de sa veste. Affolé, il roula sur lui-même et voulut se mettre à courir, mais il buta dans les cadavres des sentinelles et retomba à plat ventre. Un tir de plasma frappa le soldat mort à côté de lui et il comprit que le suivant ne le manquerait pas. Au comble du désespoir, il agrippa la dépouille du malheureux et s’en servit comme bouclier pour se protéger. Bien lui en prit car un rayon brûlant toucha le corps sans vie à l’épaule : pendant que la Mort Rouge se relevait, son complice le canardait depuis l’étage. Il devait absolument réussir à les séparer. 

Sans réfléchir, Feris abandonna le mort et se précipita vers l’entrepôt où le commando Vipère stockait son matériel. Il avait besoin d’une nouvelle arme. Il ne pourrait pas vaincre ce tandem à mains nues. Il regrettait à présent d’avoir envoyé Jens au zipper chercher des renforts. Le temps que ceux-ci arrivent, il serait peut-être mort. Hélas, il était trop tard pour se raviser : Amina était déjà sur ses talons. Feris poussa une porte battante de toutes ses forces : le choc qu’il entendit dans son dos confirma que la tueuse l’avait reçue en plein visage. La Mort Rouge pesta et ouvrit le feu deux fois ; le mercenaire se baissa pour éviter les tirs. Il traversa en coup de vent le réfectoire, renversant les chaises sur son passage pour faire trébucher sa poursuivante. Un bruit de vaisselle cassée lui indiqua qu’elle avait choisi de grimper sur une table pour lui couper la route. Feris s’accroupit à l’extrémité de celle-ci, compta trois battements de cœur et se redressa en balançant un crochet du droit. Son poing heurta l’estomac de la tueuse, mais au même moment il sentit la morsure du poignard lacérer son flanc. Saisissant l’opportunité, il ignora la douleur et  attrapa le canon du revolver que la Mort Rouge tenait dans sa main gauche pour le retourner contre elle. Hélas, au moment où il pressa la détente, le percuteur s’actionna dans le vide et ne produisit qu’un clic décevant. Amina lui expédia un coup de crâne qui heurta son nez avec un crac sonore. Une douleur fulgurante explosa dans son visage, suivie d’une autre encore pire lorsqu’elle retira le poignard de sa blessure. Feris vacilla, mais son instinct de survie prit le dessus. Il se jeta sur Amina, attrapa le bras où elle tenait sa lame et la mordit de toutes ses forces. La tueuse hurla et laissa tomber son arme. Elle répliqua d’un coup de genou dans les parties qui le plia en deux, avant de refermer ses mains autour de sa gorge. Sentant l’issue de ce duel lui échapper, le mercenaire bascula subitement en arrière pour la déséquilibrer. Il entraîna la Mort Rouge dans sa chute et utilisa son élan pour l’envoyer s’écraser contre le mur.

Soudain, une porte s’ouvrit à la volée et un tir de plasma déchira l’obscurité. Un deuxième suivit presque aussitôt et Amina se redressa pour prendre la fuite. Feris essaya de lui crocheter les jambes pour la ralentir, mais elle parvint malgré tout à s’esquiver. Le mercenaire entendit une cohorte se lancer à sa poursuite et comprit avec soulagement que Jens était de retour avec des renforts. Quelques secondes plus tard, un rayon de lumière se posa sur son visage. Le faisceau de la torche l’éblouit mais il reconnut sans mal la silhouette de son ami qui se tenait de l’autre côté.

« Un médecin ! s’écria l’amiral. J’ai besoin d’un médecin dans le réfectoire ! »

Feris voulut grommeler un remerciement mais ne réussit qu’à cracher du sang sur son menton. Il sentit qu’on lui retirait sa veste et sa combinaison anti-plasma. Le bip caractéristique d’un bioscan se fit entendre et une voix grave déclara :

« Elle l’a salement charcuté mais la lame a glissé sur l’os. La plaie est superficielle. On va le recoudre sur place. »

Une aiguille perfora le creux de son coude et Feris sentit tout son côté gauche s’engourdir. Deux infirmiers de l’unité Vipère étaient penchés sur lui, sous le regard inquiet de Jens. L’un d’eux bascula sa tête en arrière et s’occupa de son nez pour arrêter le saignement. Le second nettoya sa blessure et s’empara d’un kit de suture dans son paquetage. Pendant ce temps, les Gingers installèrent des projecteurs mobiles et une vive lumière éclaira bientôt la pièce.

« La prochaine fois, évite de jouer les héros dans ton coin », lui reprocha Jens.

Park essaya de lui répondre, mais son corps s’endormait déjà sous l’effet de la seringue anesthésique. Le mercenaire flottait dans une bulle de coton, les sons lui parvenaient déformés comme à travers un casque dépourvu d’intercom. Il sentit les médecins s’affairer sur l’entaille au niveau de son flanc et décida de s’abandonner à leurs soins. Au bout de quelques minutes, l’escouade qui pourchassait Amina fut de retour. Feris reconnut la trogne antipathique de Danwil Butler parmi eux. À en juger par sa mine défaite, les nouvelles étaient mauvaises.

« Elle a réussi à s’enfuir par les toits, annonça-t-il d’un air contrarié. Elle disposait d’un grapin ascensionnel. Une navette l’attendait au-dessus du complexe pour l’évacuer. Ils ont filé plein gaz vers le sud, j’ai transmis son signalement à toutes les unités.

– Contacte la Sécurité Civile, ordonna Jens. Je veux toutes les forces disponibles en alerte maximale. Quadrillez les spatioports, établissez des barrages dans tous les couloirs aériens. Il faut absolument arrêter cette tueuse. 

Butler acquiesça et s’éloigna d’un pas rapide en pianotant sur son terminal.

– La Mort Rouge n’était pas seule, parvint finalement à articuler Feris. Je l’ai surprise dans ton bureau en compagnie d’un homme. La cinquantaine, le crâne chauve et vêtu d’un uniforme d’infanterie. Je n’ai pas eu le temps de le détailler davantage. »

L’amiral adressa un geste à ses hommes et quatre membres du commando se précipitèrent arme au poing vers les étages.

« Il est probablement déjà loin, pesta Jens. On s’est fait balader en beauté. J’aurais dû suivre mon intuition et prévenir Johan et Milicent dès le départ.

– On ignore toujours qui sont leurs complices au sein des casernes.

– Je n’ai plus le choix, Feris. Après un fiasco pareil, je ne peux pas étouffer l’affaire. Ces vauriens ont cambriolé nos entrepôts et assassiné cinq de nos sentinelles. S’il y a une taupe au sein de l’état-major, je ferai mon possible pour la débusquer, tu as ma parole. En attendant, je vais devoir briefer les autres officiers.

Le mercenaire l’accepta de mauvaise grâce.

– Je comprends. Mais par pitié, promets-moi d’agir avec prudence. On a désormais la preuve que notre traître est lié à la Murcia et à la nouvelle Mort Rouge. S’il est aux abois, il sera prêt à tout pour effacer ses traces.

– Ne t’inquiète pas. Le commando Vipère me protège et Danwil ne me quittera pas d’une semelle jusqu’au départ de la flotte. »

Park lança un regard ombrageux en direction du lieutenant qui transmettait les consignes de Jens à la Sécurité Civile.

« Je n’ai pas confiance en Butler, dit-il. C’est sans doute un excellent combattant, mais c’est un chien fou toujours prêt à mordre. Laisse-moi affecter deux de mes baltringues à ta protection. S’il t’arrivait malheur, je ne me le pardonnerais pas.

– Ta sollicitude me touche, Feris. Mais je pense que tu devrais davantage te préoccuper de ta propre sécurité. C’est toi qui as surpris le traître dans mon bureau, et la Mort Rouge ne tardera pas à découvrir qui tu es. Tu viens de te peindre une cible géante dans le dos.

Le mercenaire esquissa un rictus calculateur.

– Tant mieux. S’ils cherchent à m’attaquer, ce sera l’occasion de leur tendre un piège.

– Tu ne crois pas que tu prends déjà bien assez de risques ?

– Tu l’as dit toi-même, Jens. Nous devons à tout prix arrêter cette tueuse. Quels que soient les plans de la Murcia, ça n’augure rien de bon. Ce n’est pas un hasard s’ils débarquent sur Irotia au moment précis où Maz annonce une campagne militaire. »

Le médecin termina de le recoudre et lui injecta un stimulant pour contrer les effets de l’anesthésie. Feris grimaça en sentant revenir la douleur dans son flanc. La cicactrice offerte par Amina se situait juste en-dessous des hématomes qu’il devait à Danwil Butler. S’il continuait à ce rythme, son corps entier serait couvert de plaies et de contusions avant la fin de la semaine.

« Aide-moi à me relever, s’il te plait. »

Avec l’appui de Jens, il parvint à se remettre debout et à faire quelques pas. Son côté gauche était encore engourdi, il avait l’impression que ses muscles lui obéissaient en retard. L’amiral lui prêta son épaule le temps qu’il retrouve son équilibre et sa démarche habituelle. Le médecin insista pour poser une compresse désinfectante au niveau des sutures et banda solidement les hanches du mercenaire. Lorsqu’il demanda à Feris de rester au repos quelques heures, celui-ci l’envoya paître. 

« Bien, grogna-t-il dès qu’il fut en mesure de marcher tout seul. Allons inspecter les dégâts dans ton armurerie.

L’amiral afficha une moue amère.

– Patience. Mon équipe sécurise encore le bâtiment, et je dois annoncer à Maz que son plan de campagne est compromis. S’il entend parler de ce fiasco par quelqu’un d’autre, je suis bon pour les corvées de surveillance dans les mines de Dortamund.

Le mercenaire ne put réprimer un rire nerveux.

– À mon avis, il est déjà au courant. Tu viens de mettre la Sécurité Civile en état d’alerte. Si tu veux sauver ta tête, tu as intérêt à lui prouver que tu gères la situation.

Jens poussa un soupir éloquent.

– Je n’ai pas le temps de m’occuper de ce vol d’armures, Feris ! Maz m’a confié la préparation de son armada. J’ai un million de choses à faire.

– Apprends à déléguer. Je suis sûr que Butler saura superviser le chargement des vaisseaux. Au besoin, Mili pourra te remplacer pendant qu’on élucide cette affaire.

Le baltringue marqua une courte pause avant d’enfoncer le clou.

– Il y a sept ans, la Murcia a mis la capitale à feu et à sang avec des semi-automatiques et une poignée de lance-grenades. Aujourd’hui, ils ont l’aide de la Mort Rouge et une vingtaine d’exoarmures. On parle d’une mafia qui n’hésite pas à ouvrir le feu au milieu des civils. Ces gars-là sont des tueurs, Jens. Le Troquet des Parieurs n’était qu’un avertissement. Si on ne fait rien pour les arrêter, il y aura des centaines de victimes.

L’amiral approuva d’un air résolu.

– Tu as raison. Cette histoire est trop grave pour laisser la Sécurité Civile s’en occuper toute seule. Je vais faire en sorte de libérer mon emploi du temps. Allons déjà inspecter les caissons de nos exosquelettes, avec un peu de chance le traître aura laissé des traces permettant de l’identifier. »

Ils quittèrent le réfectoire en emportant deux projecteurs mobiles avec eux. Un long couloir plongé dans la pénombre les séparait de l’armurerie du commando Vipère. Feris ne put s’empêcher de constater que toutes les caméras sur leur chemin étaient détruites. Amina et son comparse avaient fait du bon travail pour simuler un cambriolage. S’il ne les avait pas surpris en flagrant délit, Feris n’aurait jamais compris comment le vol avait été commis. Pire encore, personne n’aurait suspecté que des données ultra confidentielles étaient tombées entre leurs mains. Une fois de plus, la Murcia prouvait à quel point elle se montrait redoutable pour planifier ses opérations.

« C’est la bonne vieille technique de l’arbre qui cache la forêt, remarqua Feris à voix haute. Ils attirent notre attention sur le cambriolage pour dissimuler leur véritable objectif.

– Pardon ?

– Inutile de chercher pendant des heures qui a réquisitionné les exoarmures. La Murcia a sans doute eu recours à un intermédiaire, un officier de toute bonne foi qui a reçu l’ordre de les déplacer sans savoir qu’il participait à un vol. Le temps qu’on trouve un coupable, ils seront déjà passés à l’étape suivante de leur plan. 

– Autrement dit, ils veulent nous envoyer dans une chasse à l’épouvantail pendant qu’ils continuent d’avancer leurs pions.

– Exact. Affronter cette mafia, c’est comme un jeu d’échecs. Si nous voulons gagner la partie, on doit prendre du recul et réfléchir à l’ensemble du plateau. Tant qu’on sera obnubilés par une seule pièce, leur padrón gardera trois coups d’avance.

L’amiral approuva d’un hochement de tête.

– Qu’est-ce que tu suggères ?

– Un changement de perspective. Au lieu de s’acharner à identifier la taupe, on essaie de comprendre pourquoi la Murcia prend tous ces risques pour voler des exoarmures dans une base militaire. Ils n’avaient pas besoin d’un tel arsenal pour raser le Troquet des Parieurs, donc ils visent un plus gros poisson. 

– Il y a forcément un lien avec les données piratées dans mon bureau. S’ils ont envoyé la Mort Rouge les récupérer, c’est qu’elles sont essentielles.

Le mercenaire afficha un rictus de satisfaction.

– Je suis d’accord. La réponse que nous cherchons se cache dans ces données. Si on trouve l’élément qui les intéresse, on pourra anticiper leur prochaine cible. On a la liste des dossiers qu’ils ont téléchargé ?

– Pas encore. Je vais mettre nos meilleurs techniciens sur le coup.

– Non, surtout pas. Laisse-les travailler sur les caissons d’exoarmures. Il faut que le traître pense qu’on a mordu à l’hameçon. Je me charge d’éplucher les logs de ton terminal.

L’amiral haussa un sourcil moqueur.

– Tu es devenu un expert en cybersécurité, Feris ?

– Non, répondit le mercenaire. Mais j’ai la chance d’avoir dans mon équipe l’homme qui a conçu votre système informatique.

Il s’empara de son propre terminal, pianota quelques secondes dessus et ajouta :

– Allo, Franz ? Tu vas être content, mon vieux. J’ai un boulot pour toi. »

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Edouard PArle
Posté le 18/07/2025
Coucou Ori !
C'est cool, on arrive bien plus vite au combat. Je persiste sur le fait que tes deux persos sont un peu bavards en début de chapitre. Je pense que certaines "constatations", peuvent passer par les introspections du narrateur, par sûr que Feris et Jenz doivent tout se dire, ils peuvent aussi se regarder, comprendre qu'ils pensent la même chose....
Sur la fin, elle arrive cette fois de manière bien plus logique et développée mais une fois encore, je trouve que c'est un peu bavard, notamment toutes les explications de Feris, peut-être qu'il y a un petit tri à faire sur les infos à donner au lecteur à ce stade du récit. On a pas besoin de tout de suite tout comprendre.
Mes remarques :
"du complexe Vipère à pas prudent" -> prudents
"Mais il y a un générateur de secours près de la salle de repos du premier étage." Dans ce moment où leur ennemi est peut-être encore l'intérieur, je verrai des dialogues plus courts, ici par exemple quelque chose comme -> mais il y a un générateur de secours au premier étage
Un plaisir,
À bientôt !
MrOriendo
Posté le 19/07/2025
Hello Edouard !
Eh bien merci encore une fois pour ce retour très pertinent !
Content de voir que le premier élagage a plutôt bien fonctionné, je vais faire une repasse pour essayer d'assainir encore les dialogues, c'est vrai que ça discute encore pas mal.
Je note ta remarque concernant la fin, je vais peut-être passer des infos sous silence et les amener plus tard 🙂
Au plaisir,
Ori
Edouard PArle
Posté le 19/07/2025
Avec plaisir, hâte de découvrir la suite !
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