En vrai, j'ai boudé tout le long du trajet. Je m'y suis rendu seul, sans prévenir ma meilleure amie, parce que putain, en vrai, ça m'a foutu les boules d'y aller. Mais par moment, vous avez la sensation que c'est la chose à faire, vous n'avez pas le choix. Y'a aucune raison, excepté celle du cœur, comme on dit.
Et c'est frustrant, parce que je ne sais même pas d'où ça peut venir. Qu'est-ce qui peut m'attirer autant vers un type que, visiblement, je ne connais ni d'Adam, ni d'Eve ? Est-ce qu'on va rejoindre le cliché des manga romantiques où il m'a un jour sauvé la vie, alors que j'étais au plus bas, et que mon cœur s'est entiché pour ses beaux yeux ? Non. Promis, ça n'a rien à voir avec une telle situation.
La situation était juste mauvaise. Il a ouvert la porte des toilettes pendant que je faisais la grosse commission ? Ah, peut-être. Moins romantique, mais plus crédible - mais non, ce n'est pas ça non plus.
Je descends de la voiture, faisant claquer la portière avec moins de douceur que je ne l'aurais voulu - pardon, ma jolie.
Déjà, le parking est pas mal rempli. L'extérieur est plutôt sobre - je m'attendais à une décoration du genre rose, avec des silhouettes de beau mec clignotant sur les murs, des numéros égarés... mais rien de tel. Il y a une petite allée accueillante, illuminée par des lampes installées au sol - alors pour le coup, je suis pas fan du tout, parce que ce système explose les yeux.
Mais bon, au moins, je vois où je mets mes pieds.
J'ai le cœur qui palpite, bordel. Je sais pas si c'est l'angoisse ou que je fais de la tachycardie, mais il me fait bien comprendre que je suis pas totalement serein dans ma tête, là. Aller, j'ai juste à pousser la porte.
Je m'exécute, passant discrètement la tête dans l’entrebâillement, histoire d'analyser un peu le territoire ennemi. Et encore une fois, l'ambiance est sobre. Il y a un bar avec quelques places de libre, plusieurs comptoirs et des tables éparpillées un peu partout. Une musique se laisse entendre. Ah, et un peu plus loin, une scène. Ils font des spectacles ?
J'ouvre un peu plus - bon, déjà que les bars, ce n'est pas ma tasse de thé, alors seul, c'est le pompon.
"Bienvenue !" J'ai un sursaut, avant de constater l'homme vêtu dans une belle tenue de serveur - le typique noir et blanc. "Pardon de vous avoir surpris. Vous êtes seul ?"
"Euh- ben... je-" Puis j'ai commencé à dire un truc incompréhensible. Après la tachycardie, l'AVC ? "Je me suis trompé," je déclare alors, sentant mon courage se démonter en l'espace de quelques secondes.
"Vous cherchiez quoi ? On peut vous renseigner si vous le souhaitez." Ah, la carte de la deuxième chance ? Je jette un coup d’œil par dessus son épaule - il se retourne par réflexe. "Quelqu'un, plutôt."
Perspicace, le gars.
"Non." Ah, assume, crétin !! "Euh- enfin. Je cherche un... un certain William. Qui travaille ici," je bafouille - mais crève, crève ! C'est pas possible d'être aussi empoté !
"... je vais vous le chercher."
C'est quoi ce regard méfiant ? J'ai l'air aussi suspect que ça ? Oui, bon, en même temps, vu comment je dois paraître débile, il doit craindre que je m'en prenne à quelqu'un ici.
J'attends pas plus d'une minute, avant de voir le client du café qui me perturbe tant. Il semble étonné, mais le sourire qu'il esquisse a le mérite de me rassurer. Je ne suis pas passé pour un tordu qui vient jusqu'au travail de ses clients pour- euh, si, y'a pas moyen que ça ne fasse pas tordu.
"Je vous manquais ?" il me demande, amusé.
"..."
D'une certaine manière, il a pas tord. Enfin, non, mais- ah, merde ! Je dis plus rien.
...
...
Là, il a l'air mal à l'aise. Ok, rattrape-toi, Lukas.
"Non- euh- .."
Combien de fois j'ai eu l'air débile en l'espace de cinq minutes ? Beaucoup trop. C'est l'heure de rentrer.
"Vous êtes libre pour prendre un verre... ce soir ?" je demande. Ah, c'est la meilleure excuse que j'ai trouvé.
"Ah..." Il a l'air un peu gêné. "Non."
... ça, c'était du refus.
"Ok. Merci- pardon du dérangem-"
"Votre café ferme entre midi et deux, non ?" il m'interrompt. Oh. Mon cœur se gonfle d'un espoir qui n'a pas lieu d'être. Sérieusement !
"Je ne travaille pas demain..." je glisse, décontenancé.
"Alors demain, au bar-resto du centre ?"
Trop rapide.
"Je suppose... vers quinze heures ?" Il acquiesce. "Super..."
"Bon, j'y retourne. Ce n'est pas très poli de faire attendre mes clients. A demain alors ?"
"... ouais."
Il me fait un sourire, avec un bref signe de la main en guise d'Adieu.
Oh bordel.
Je le regarde s'éloigner, ... j'ai rien compris à ce qu'il s'est passé. Pourquoi je l'ai invité à prendre un verre, au juste ? Je passe une main dans mes cheveux, tournant les talons. Mais au fond... j'ai une certaine satisfaction à l'idée de pouvoir discuter avec lui en dehors du contexte du travail. Il faudrait juste que j'arrête de bégayer comme un idiot incapable de construire une phrase sans céder à la panique. Si possible...
J'ai pas osé entrer dans le bar, en fait. Il était pas encore l'heure, j'avais la sensation d'avoir passé trois heures à me préparer pour rien - alors qu'au final j'ai pas été plus lent ni plus rapide que d'habitude, en vérité. Par contre, j'ai bien passé trois heures à tourner en rond : voilà mon jour de repos foutu à n'avoir absolument rien fait.
Alex l'a bien pressenti lorsque je me suis réveillé ce matin, et que je suis allé squatter le canapé du salon pendant qu'elle prenait son p'tit déjeuner en rouspétant - comme d'habitude. Parce que je ne suis qu'un branleur pendant qu'elle se tue à la tâche à étudier au lycée, miséreuse... en attendant, c'est le frangin qui t'héberge, bouffonne. Généralement, ça lui en bouche un coin, mais aujourd'hui, elle m'a juste répondu que je serais bien malheureux sans elle.
C'est ma petite sœur, une sacrée emmerdeuse, mais je l'aime bien quand même. Ça doit faire deux ans qu'elle vit avec moi en semaine, les vieux habitant en pleine campagne où le seul bus disponible se pointe aux environs de midi - il y en a bien un spécial qui passe pour les bouffeurs de paille, mais tous les matins, à sept heures pétantes... bref, c'était plus agréable pour elle de venir vivre avec moi. Puis, ça aurait pas été elle, j'aurais adopté un chien.
Enfin, je m'égare. Du coup, en me voyant en plein stress ce matin, elle m'a posé une tonne de questions, et j'avais qu'une envie, c'était de lui faire bouffer ses chaussures par les trous de nez. Ça ne m'a pas aidé à me détendre.
J'aurais pu lui dire simplement que je voyais un mec que je suis certain de connaître d'Adam ou Eve, mais que, franchement, ma mémoire me fait sérieusement défaut. Mais je la connais, et elle aurait amené de quoi me perturber un peu plus.
Du coup, je lui ai dit d'aller se faire foutre. Je suis probablement le grand frère le plus remarquable au monde, non ?
Voilà, je continue de dévier le sujet.
En fait, il est arrivé très rapidement - j'ai eu droit à un sourire, je crois, masqué derrière l'écharpe qui lui remontait jusqu'au nez. Il l'a abaissée ensuite, et m'a ouvert la porte en me faisant signe de rentrer : clairement, il se pelait les fesses et voulait pas qu'on commence la conversation à l'extérieur.
On s'est installés à une table, et j'ai commencé à ôter les couches superflues de vêtements, me retrouvant avec un pull gris pas forcément renversant, mais basique. Par contre, lui, il affichait un pull beige torsadé avec un col boutonné - on sent qu'il prendre soin de son apparence. En tout cas, je reconnais que ça lui sied à ravir.
Et comment j'ai eu le temps de parler de tout ça ? C'est qu'il est parti prendre les commandes en me confiant qu'il connaissait bien le patron, et que ce dernier lui faisait régulièrement des prix. Autant m'en faire profiter - enfin, du coup, il a insisté pour payer... ça m'embête un peu.
Du coup, faut bien que je m'occupe l'esprit pour ne pas flancher sous l'effet de la panique. Oui, parce que franchement, je ne suis absolument pas rassuré. Y'a quelque chose qui cloche, avec lui. Ou avec moi. Ou c'est notre chimie qui est complètement foireuse - est-ce qu'il ressent la même chose ?
Je pourrais lui demander.
Je m'appuie contre ma main, l'observant attendre les commandes. Ça n'attend pas non plus - j'ai demandé une simple pression, et lui, euh...
Il revient avec les verres, les posant sur la table.
Un truc vert ? Sans bulle ? Je fronce les sourcils, un peu curieux.
"T'as pris un sirop à la menthe ? T'as quel âge ?"
"J'évite l'alcool," il me sourit, visiblement habitué à ce genre de remarques. "Bon, je pense que pour bien commencer, ça serait sympa que tu me dises ton prénom ?"
... ah oui.
"Lukas." Je le fixe, dans l'espoir que mon prénom lui rappelle quelque chose - mais non. "Je ne te dis rien ? Vraiment ?"
"Non. Mais on peut bien faire connaissance, maintenant qu'on est là."
Ah, ça n'a pas vraiment l'air de lui plaire, ma remarque.
"Bien sûr," je dis avec un sourire. Ça semble le rassurer. C'est vrai que j'aurais pu être un peu plus délicat, au lieu de sauter directement sur le vif du sujet - ou du moins, la raison pour laquelle je l'ai invité aujourd'hui. "Kirsten m'a dit que tu écrivais une - enfin, la fille qui est venue te questionner la dernière fois. Elle m'a dit que tu écrivais une chanson."
"C'est mon passe-temps. Mais rien de sérieux." Il semble un peu intimidé. "Ça me fait du bien..."
"Tu cherches pas un groupe ?" Il secoue négativement la tête. "Pourquoi ?"
"Je passe un interrogatoire ?" il me demande, amusé. "Bah, j'avais essayé il y a longtemps, mais..." Il hausse les épaules. "Nos routes ont pris des chemins différents."
"A cause de quoi ?"
"Compliqué. Et toi ?"
Changement de sujet.
"J'adore le basket," je lui avoue, un peu fier de mon plaisir. "J'ai une guitare qui traîne aussi, mais ça fait un moment que je n'y ai pas touché."
Mais elle a été d'un sacré soutien, celle-là.
"Électrique ?" J'acquiesce. "Ça doit bien t'aller."
... il a un regard qui me déconnecte quelques secondes de la réalité. Parce que franchement, il a de beaux yeux. Un regard plein de charme. Vraiment. Ça peut paraître exagéré, mais c'est ce que j'ai ressenti sur le coup.
"Ah- ouais, Kir me disait la même chose. Mais je n'ai pas le temps de m'y remettre sérieusement."
"C'est ta petite copine ?"
"... non." Ah, la tristesse d'une telle réponse. "Elle a son fiancé," je maugrée, un peu agacé.
"Amoureux ?"
"Comment ne pas l'être..." Un amour à sens unique depuis tellement d'années. Bon, je n'en souffre pas spécialement - à vrai dire, avec le temps, on finit par vivre avec et ça devient normal. "Enfin, ce n'est pas le sujet."
"Tu n'aimes pas en parler ?"
"Oh, je pourrais t'en parler pendant des heures. Donc on va éviter ?"
"J'ai connu pire," il me taquine.
"J'apprécie," je fais mine de râler. "Tu as toujours travaillé dans ton bar ?"
"Euh..." Il semble réfléchir. "... ouais ? Enfin, ça fait cinq ans que j'y suis maintenant." Cinq ans ? Wow. Visiblement, ma surprise ne passe pas inaperçue. "En vrai, c'est sympa, tu sais. La clientèle est différente de ton café, c'est sûr."
"Tu as quel âge ?" je lui demande, fronçant légèrement les sourcils. Parce qu'il ne m'a pas l'air bien vieux non plus - j'ai même des doutes quant au fait qu'il ait mon âge. Je dirais en dessous.
"Vingt-cinq." Ah, raté. "Pourquoi ?"
... mais de quoi je me mêle, au juste ? En plus, ma Kir m'avait dit qu'il avait un an de plus que moi - mais ça m'était complètement sorti de l'esprit.
"Tu fais plus jeune."
"C'est le sirop à la menthe, ça."
J'ai un sourire.
Et au final, malgré notre conversation qui s'est rapidement déverrouillée, je n'en ai pas appris davantage - ou du moins, pourquoi est-ce que j'en ai un tel souvenir. Peut-être que j'ai halluciné depuis le début, et que je me casse la tête pour rien. Ou peut-être que mon inconscient a voulu me diriger vers ce type en me faisant croire que j'avais un passé commun avec lui - et franchement, ce n'est plus si dérangeant, maintenant.
Ça m'a presque peiné de mettre fin à notre petit rendez-vous. Il m'a proposé de passer au bar dans la semaine, histoire de me débarrasser du cliché des bars gays - même s'il a rajouté que demain ça ne serait pas une très bonne idée de s'y pointer pour se faire une idée de ce type d'endroit.
J'ai pas refusé. J'ai dit que j'y réfléchirai - m'enfin, je dois aussi avouer que ma décision était déjà prise. Quant au jour...
Alors que j'allais entrer pour me changer, je tombe nez à nez avec Krista, en train d'enfiler sa chemise. Non pas sans surprise, je me retourne - quoi que, à ce niveau-là, y'a-t-il réellement nécessité à respecter la pudeur de la demoiselle ?
"Putain, qu'est-ce que tu fous dans les toilettes pour mec ?" je lui demande avec un grognement.
"Y'a eu une fuite à la douche, du coup, c'est détrempé dans les miens," elle m'explique. "Tu peux te retourner." J'ai un soupir, agacé. "Bon, raconte, avec ton cher souvenir perdu. Tu t'es souvenu d'une promesse échangée lorsque vous aviez quatre ans, et aucune conscience du monde extérieur ?"
"Hein ?" Je mets un moment à réaliser. Avant de tilter. Elle me parle probablement de William, au vu de la conversation qu'on avait eu avec Kirsten - mais je n'avais rien dit de plus. Seule ma jolie blonde est au courant que, effectivement, je suis allé le recruter directement sur son lieu de travail. "Oh, bah, ouais, il m'avait promis de m'offrir un château pour que je puisse y vivre. Je l'attends toujours, d'ailleurs."
"Sérieusement ?!"
Crédule.
"Non. Aucun souvenir, rien... mais il est sympa."
"Alors j'avais raison, t'as juste craqué pour lui."
"... non."
"Tu l'as revu alors, si j'ai bien compris ?" J'acquiesce. "Tu vas le revoir ?" Je l'ignorant, retirant mon pull, et mon t-shirt. "Putain, mais t'es musclé en fait."
"Que-" J'ai une grimace, assez mal à l'aise. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'elle me fasse une remarque. "On verra."
"T'as son numéro, au moins ?"
J'enfile à mon tour la chemise de combat.
"... non." C'est vrai que je n'y ai pas pensé. Lui non plus. Elle me fait une expression désespérée, comme si j'étais le roi des couillons - c'en est pas loin, par moment. "Je sais où il travaille."
"Mais il sera occupé, non ?"
Je hausse les épaules.
"C'est lui qui m'a dit de passer."
Elle termine de s'habiller, rangeant ses affaires dans son sac.
"Il t'apprécie, mais il est curieux de voir si y'a une réciproque," elle me dit, se la jouant fine psychologue. "Ou alors il va t'aider à trouver un mec pour que tu lui foutes la paix."
J'ai un sourire, avant de troquer mon jean contre le pantalon de travail, alors que Krista s'éclipse - je m'active pour la rejoindre au comptoir. Elle a déjà ouvert le volet, indiquant que la boutique est ouverte. Eliott me salue en baillant.
"Encore deux jours," je le console, voyant sa mine fatiguée. "Mal dormi ?"
"Y'a eu une mise à jour dans mon jeu, alors j'en ai profité. Tu viendras me réveiller si les commandes n'arrivent plus, ok ?"
"Nop, on va te laisser gérer la boutique en solo en guise de punition."
Il me fait un doigt, avant de me faire signe du menton que trois personnes étaient en train de s'installer. Matinaux.
Je suis sûr et certain qu'il y en a toujours un dans le tas qui vient parce que chez lui, c'est tellement crasseux qu'il n'arrive même plus à ouvrir son frigo. Ou alors qu'une autre vient pour éviter d'avoir à déjeuner avec la marmaille bruyante. Parce que l'un ou l'autre ne se supportent plus. Ou oui, effectivement, parce qu'il aime notre bar bien aimé, bien entendu ! Mais tous les jours, ça m'interroge quand même.
Enfin, je diverge. Je vais faire mes tables, Krista va s'occuper des siennes - certains clients d'ailleurs ont repéré qui fait quelles tables, et les horaires de l'étudiante. Mais dans ces moments-là, je jette toujours un coup d’œil pour éviter qu'elle ne se fasse emmerder. Ça n'est arrivé qu'une seule fois, mais raison de plus pour que ça ne recommence pas.
D'ailleurs, j'ai bien cru qu'Eliott allait m'arracher la tête ce jour-là.
J'ai, mh, disons... un peu de mal à garder mon calme selon les situations ? Mais bon, la clientèle ne m'en a pas tenu compte - ou pas ceux qui viennent régulièrement.
Je fais mon service, songeant à ma conversation avec Krista - c'est vrai que j'ai été pas mal occupé, et que j'ai laissé les jours défiler sans me décider à retourner le voir. Je pourrais m'y rendre ce soir. Ça me tracasse un petit peu, mais au fond, j'en ai bien envie. Au moins pour lui demander son numéro - non. Ça ferait vraiment glauque de se déplacer au travail de quelqu'un pour obtenir son numéro. ... mais bon, s'il bosse-
Ah, crotte. Je verrai bien ce soir.
D'ailleurs, on y arrive bien rapidement. Eliott a tenu difficilement, donc je lui ai proposé de fermer la boutique. Krista m'a tenu compagnie pour tout vérifier.
Et puis je suis repassé par chez moi pour prendre une douche, mettre des habits propres, et annoncer à ma petite sœur que je m'éclipsais. J'ai ignoré ses jacassements d'emmerdeuses - du type "ooh tu as enfin une meuf" - oui, parce que, avec elle, si je ne vais ni chez Kir, ni chez Eliott, je me rends chez ma petite copine. ... bon, elle n'a pas tord, étant donné qu'à part mes deux amis, c'est relativement rare que je vois d'autres personnes.
Du coup, me voilà arrivé à ma destination, toujours ce même bar, duquel je n'ai pas grand chose à dire. La devanture reste relativement attirante, bien qu'il y ait un poster qui indique clairement que ce bar n'est pas réservé aux hétéros, aux femmes, et qu'il y avait de quoi s'amuser autour d'une barre en aluminium. Mais le tout dans un style tout à fait respectable.
Je rentre avec un peu moins d'appréhension que la dernière fois. Je reconnais vaguement le gars à qui j'avais demandé de voir William - ah, sérieusement, je ne me sens définitivement pas à ma place. J'dirais pas que j'suis pas gay, mais j'peux pas dire que je suis hétéro non plus. J'suis juste amoureux de ma jolie Kir, et du tout, j'ai jamais vraiment ressenti d'attirance pour qui que ce soit.
Alors je doute que Krista ait juste en me disant que c'est une forme d'attirance, ce que je ressens pour le blondinet, parce que pour le coup, ma mémoire est tenace. Et même quand j'essaie de me dire que je me trompe, que ce n'est pas lui... non, ça me revient en flash.
Je vais m'asseoir à une table - je vais éviter d'agacer encore une fois le serveur. Et je sors mon téléphone pour envoyer un message à ma Kir, et lui dire que, ça y est, j'ai osé rentrer sans grande difficulté, mais que je ne vois pas le concerné. Elle me félicite avec un émoji pouce en l'air. J'ai un sourire.
Pas facile de la savoir fiancée - mais franchement, son mec est acceptable, pour une fois. Le pire, c'est que je crois qu'il m'aime bien, et c'est bien le premier à me tolérer à sa manière...
"Jeune homme," m'interpelle une voix, me faisant lever le nez de mon télé- le sourire qu'il m'offre est magnifique. Mon cœur en manque un bond.
"Ah- salut," je bafouille, un peu mal à l'aise - bordel, pas besoin de me mettre dans tous mes états pour un sourire. Mais je dois reconnaître qu'il sait attendrir son public, le bougre.
"J'pensais pas que tu reviendrais. Je te laisse cinq minutes."
Ah ? Pas de commande ? Je le regarde partir, un peu perplexe. J'en profite pour regarder la liste des commandes - il y a les boissons typiques, et pas mal d'alcool forts, des cocktails... bon, c'est normal, dans un bar. Par contre, les prix sont assez élevés. C'est sûr que la clientèle doit être pas mal amoindrie comparé à un bar où tout le monde peut y entrer.
Il ne tarde pas à revenir, habillé non plus en serveur, mais dans une tenue quotidienne. Je fronce les sourcils, un peu curieux.
"J'ai droit à ma soirée si je bosse de nuit," il me dit. "Bon, en vérité, j’dois être là pour vingt-deux heures. Ça nous laisse deux bonnes heures."
"... c'est sympa," je lui réponds, un peu surpris. J'avais pas vraiment prévu de passer du temps avec lui, mais ça ne me déplaît pas pour autant. "Il- il faudrait que tu me donnes ton numéro de téléphone."
"Mh, ouais. Tu veux qu'on aille manger un bout ?"
"Faut juste que je prévienne ma petite sœur- oh, tu peux passer à la maison, si tu veux. Ça sera déjà plus sympa qu'un resto."
Quand on bosse toute la journée au milieu de clients, parfois, ça fait du bien de s'isoler du monde.
"Tu habites loin ?" il me demande, tandis qu'on sort du bar pour regoûter à l'air glacial.
"... à vingt minutes," je grimace - c'est vrai qu'on est limités par le temps. "Je-"
"Viens chez moi alors. Mon appart est à cinq minutes."
J'accepte - ça reste toujours mieux que d'aller manger dehors. On se dirige vers sa voiture, et je me sens soudainement super intimidé. Il me fait signe de rentrer, et je profite qu'il s'installe et lance le moteur pour vite envoyer un message à ma sœur, histoire de la prévenir que je ne rentrerai que tard, finalement.
"Tu vis chez tes parents ?" il m'interroge, prenant la route.
"Non, Alex vit avec moi. C'est plus pratique pour elle. Elle rentre le week-end chez les parents, mais comme elle doit voir ses copines demain, elle squatte encore une nuit," je maugrée, faussement agacé.
"Ça doit être sympa."
"Ouais, on se dispute par moment - déjà moins qu'à la maison. Mais j'avoue qu'aux vacances scolaires, je suis bien content d'être un peu seul chez moi. J'peux me balader à poils sans qu'elle me beugle que je suis qu'un gros porc," je rigole.
Il souffle du nez, visiblement amusé par ma remarque. Et on se retrouvent rapidement dans sa résidence - il se gare, et on sort de la voiture, et me fait signe de le suivre. Frileux, l'ami ? J'ai un sourire à cette pensée. C'est vrai qu'il ne m'a pas l'air de vraiment trop apprécier le froid.
Il rentre le code, et nous voilà à l'abri de la nuit glaciale.
"Bonne nouvelle, j'habite au rez-de-chaussée," m'annonce le blondinet, sortant les clés de sa poche. "Ah, fais pas attention au bordel."
Il ouvre la porte - et me voilà accueilli par une boule de poils grise, qui fait demi-tour en voyant un étranger pénétrer son antre. Will a un rire, avant d'aller le suivre pour le faire sortir de sa planque. Je m'autorise à rentrer, fermant derrière moi.
"Je te présente Dali. Il est pas super social, mais quand il te connaît, il ne te lâche plus," il m'exhibe l'animal, visiblement pas trop à l'aise de devoir tenir un échange de regard avec moi. Le blondinet le prend dans ses bras pour le saluer, avant de le libérer. "J'aurais voulu un chien, mais dans un appart..."
Je le regarde, d'ailleurs, cet appartement. Il y a pas mal de posters de films accrochés, mais rien de plus de personnels n'est affiché dans ce lieu - qui est donc le salon, à en deviner par le canapé, la bibliothèque et la télévision. Il y a aussi une petite table à manger, entourée de quatre chaises.
"Je te laisse t'installer. On peut commander une pizza, si ça te dit."
"J'apprécie l'idée," je lui dis, allant me poser dans le canapé. Le chat, planqué derrière le meuble télé, semble me surveiller de son poste.
"Ouf. Je déteste cuisiner." Il s'affale à côté de moi, et sort son téléphone. "Tu veux un truc en particulier ?"
"Prends ce que tu veux. Mais par pitié, pas le délire de l'ananas avec la pizza."
"Promis."
Il passe son appel - et vu le ton de la conversation, c'est un habitué de la malbouffe. Sans le sport, je pense que je serais tombé très facilement là-dedans. Mais bon, il faut un minimum pour s'entretenir comme il faut pour pousser ses capacités au maximum. Même si un écart de temps en temps ne va pas me tuer non plus...
Il raccroche, me lançant un regard... je sais pas ? Enfantin ?
"Tu veux jouer à la play avec moi ?"
"... aller."
Et sans attendre, il me sort les manettes, et allume sa play. Même dans ses mimiques, ce mec est mignon. C'est hallucinant. Il doit bien avoir un défaut, non ?
"Dave veut jamais jouer avec moi," il grommelle. "Il préfère bouquiner au fond du lit."
"Dave ?"
Je sens une sueur froide dans l'entier de mon pauvre corps. Ne me dites pas qu'il a un copain - non pas que je sois venu dans ce but là, mais... ah, merde hein !
"Euh... le gars avec qui je vis ?" il tente de trouver une explication. "En fait, je vis chez lui, en quelques sortes. C'est compliqué." Il sélectionne le jeu - un jeu co-op tout à fait sympathique. "En gros, on s'arrange. Mais si ça peut te rassurer, je suis célibataire," il me dit, taquin. J'ai une moue, blasé. "Tu penses encore qu'on se connaît ?"
"Je finirai bien par m'en rappeler."
"Pourquoi ça t'obsède autant ?"
Pourquoi... oui, bonne question. Je me mords la lèvre, un peu mal à l'aise.
"J'en sais rien."
"... du coup tu es venu uniquement dans cet optique là ?"
Il ne sourit plus. Je me suis souvenu de la conversation au bar, où il n'avait pas apprécié que je cherche uniquement à savoir d'où je peux le connaître. En vérité, ce n'était pas mon but, ce soir. Ni au moment où il m'a proposé de le revoir et que j'ai - dans ma tête - accepté avec plaisir.
"Pour faire connaissance."
Il a l'air soulagé.
"Super."
"Désolé si je t'ai paru un peu brutal à ce sujet-là."
"C'est pardonné."
Et voilà la petite mimique souriante qui revient.
"Comment tu peux être célibataire, au juste ?" je lui demande - avant de me sentir rougir. Ah, c'est sorti tout seul !! La honte ! "Je- je veux dire, t'es quand même sacrément canon, et-"
Oh, ferme-la, Lukas.
"Je te plais ?" il me demande, intrigué. Son regard est joueur.
"Non !" je proteste. "C'est juste curieux. Tu ne te fais jamais draguer par tes clients ?"
Il ne me répond pas. Il a même une grimace, semblant plus perdu quant à la réponse à donner qu'autre chose.
"Euh... ouais, si, mais... c'est pas super pro de fréquenter ses clients. N'est-ce pas ?" Sa mimique se transforme en un sourire victorieux. J'ai un soupir, avant de me reconcentrer dans le jeu, et de choisir mon personnage et mes équipements. "Hé, je rigolais, Lukas."
"J'vais venir consommer dans ton bar juste pour te faire chier."
"Mais c'est trop tard, vu qu'on se connaît d'avant."
"T'es bête," je rétorque, histoire de couper court à la conversation qui, clairement, ne va pas dans mon sens. Il m'envoie un coup de coude. "Hé !"
"J'te permets pas de m'insulter."
"Par contre, t'as le droit de me frapper ?"
"J'suis chez moi," il me taquine. "Ah, j'ai même pas envie de retourner travailler après. C'était pas une bonne idée," il râle, s'enfonçant un peu plus dans le canapé, les yeux rivés sur l'écran.
"C'est pour ça que si tu me donnes ton numéro, on peut se voir en dehors de tes heures de travail."
"Ça va être compliqué." ... c'est vrai que s'il travaille le soir, et moi en journée... à part le lundi- puis j'envisage réellement de le voir régulièrement ? Pas que ça m'en déplaise, mais... je sais plus vraiment quoi penser. De base, c'est vrai que je voulais savoir qui c'était, mais là, je commence à y trouver un intérêt autre. "Écoute, on verra."
Je me mords la lèvre. Il a peur que je le harcèle ? Bah.
On continue de jouer, discutant distraitement. Je ne pensais pas que je passerai une aussi bonne soirée avec lui, à grignoter des pizzas, buvant son fameux sirop à la menthe - et le pire, c'est qu'il y met la dose de glaçons. En plein hiver. Puis l'heure est passée, trop rapidement à mon goût. Il m'a ramené à son boulot, et m'a salué avec un magnifique sourire.
"A bientôt."
Il ne m'a pas donné son numéro. Je n'ai pas osé redemander. Notre prochaine rencontre se fera si lui en a envie. Je l'espère.
Je retourne à ma moto, m'excusant de l'avoir délaissée dans ce froid abrupt. Direction la maison, le cœur rempli de belles émotions, de rires... et de ce sentiment qui ne me quitte pas.
Bon, ça avance tranquillement ! Je suis une peu curieuse de savoir pourquoi ça dérange tant Will que Lukas cherche d'où il le connait, c'est suspect. Et je suis toujours hypée par cette histoire de souvenir qui se planque, parce que oui, faut un sacré refoulement pour que ça soit à ce point, genre trauma, sauf que dans ce cas, pourquoi courir après ? Il est maso un peu Lukas ? xD
Bon, sinon, j'ai encore relevé deux ou trois petites choses :
" Je sais pas si c'est l'angoisse ou que je fais de la tachycardie, mais il me fait bien comprendre que je suis pas totalement serein dans ma tête, là. " > Si tu commences avec si, il vaut mieux continuer avec, le "que" casse la fluidité de ta phrase.
"en guise d'Adieu" > Pas besoin de majuscule.
"Non pas sans surprise, " > Tu peux enlever le "pas".
"la clientèle ne m'en a pas tenu compte" > Tenu rigueur.
"Mon cœur en manque un bond. " > Soit il manque un battement, soit il fait un bond, au choix.
"Et on se retrouvent rapidement dans sa résidence " > On se retrouve.
"En fait, je vis chez lui, en quelques sortes. C'est compliqué." > en quelque sorte.
Voilà, c'est tout pour moi !
À bientôt !
J'adore le commentaire sur sa soeur. C'était elle ou un chien... xD
Bon, je veux savoir ! Comment ils se connaissent ?! Me fait pas attendreeeeeeuuuuhhhh !!!!!!
Sinon c'est toujours aussi mignon ♡
Tu le sauras, patience hihi. Merci pour tes commentaires <3
Trop mignon ces premiers rendez-vous et la soirée console ! Ya plein de trucs que j'avais oublié et que je redécouvre avec bonheur ! Will est décidément bien mystérieux... <3