Chapitre I

Par Nini24

La lumière. L’ombre. Encore la lumière. Et puis l’ombre revint. Lorsque la clarté réapparut, elle était plus forte. La tache lumineuse se propagea dans l’obscurité, illuminant les recoins les plus sombres. Faisant briller de mille feux les petites larmes qui constellaient le pourtour de ses yeux clos. Ses paupières s’écartèrent. Ses iris mordorées voyaient, captant la lumière pour la première fois depuis bien longtemps.

Elle releva la tête. Son oreille droite quitta lentement la surface froide de la pierre contre laquelle elle reposait. Elle leva les yeux et aperçut un carré de ciel bleu, teinté de violacés et d’oranges par endroits. Puis, elle remarqua les contours flous de la roche. Ce petit carré de ciel bleu était encadré par une voûte en pierre à peine deux mètres au-dessus du sol.  Au fur et à mesure que sa vision devenait plus nette, elle s’aperçut qu’elle était dans une sorte de grotte, un trou aux parois rocheuses deux mètres sous le sol.

Tandis que les rouages rouillés de son cerveau se remettaient lentement en marche, elle continua d’observer la grotte. Le sol était sablonneux et un peu humide. Des sortes d’algues poussaient sur les parois. Elle passa une main dans ses cheveux emmêlés, puis porta ses doigts à ses lèvres ; le goût du sel envahit sa bouche. Elle prit une grande inspiration ; l’air marin emplit ses poumons. Cette bouffée d’air lui fit autant de bien que le contact de l’eau à un poisson que l’on aurait pêché. L’oxygène circulant à présent dans son sang redonnait leur force à ses muscles, alors qu’elle se croyait trop faible pour effectuer le moindre mouvement.

Elle ramena ses jambes vers elle à grand peine, puis s’assit dans une position confortable. Jusque là, elle était appuyée contre une pierre plus saillante que les autres, tout le corps tordu de manière désagréable, tel un pantin désarticulé que l’on aurait jeté dans un coin sans ménagement.

La tête lui tournait un peu, sa vision redevenait floue par moments, mais elle parvenait à rester consciente, globalement. Alors qu’elle tentait de s’adosser à la paroi, elle remarqua qu’elle portait... quelque chose sur son dos.

Doucement, sans mouvements brusques pour éviter un évanouissement, elle fit glisser des sangles de ses épaules. La chose heurta le sol avec un bruit sourd, presque métallique. Elle passa une main derrière son dos et aggripa un morceau de cuir, qu’elle tira lentement vers l’avant, jusqu’à poser un sac-à-dos sur ses genoux. Bien que ce fût un moindre effort, elle se massa le poignet endolori, légèrement essouflée. Elle pencha la tête en arrière et ferma les yeux. Elle déglutit avec difficulté, la gorge sèche, puis prit une grande inspiration et se concentra sur sa trouvaille.

Elle ouvrit le sac en désserrant d’autres sangles, en ménageant toujours ses mouvements. Elle sentait le sang battre à ses tempes à un rythme régulier, celui des battements de son coeur.

Elle manipula délicatement le cuir rêche entre ses mains et en souleva un pan. Sur la partie intérieure, elle remarqua un nom inscrit à l’encre noire, practiquement indélébile.

« Lyana Terrin

Aventurière »

Soudain, une vive douleur lui transperça l’épaule. Elle porta la main à l’endroit où cette souffrance l’affligeait. Du sang s’écoula entre ses doigts. Tremblante, elle tressaillit lorsque la douleur explosa dans son crâne. Elle se prit la tête entre les mains, laissant des marques ensanglantées sur son visage.

Un flot de questions ininterrompu la frappa alors qu’elle prenait conscience de la réalité et reprenait ses points d’ancrage au monde charnel.

Que faisait-elle là ?

Comment avait-elle atterri ici ?

Pourquoi était-elle blessée ?

Pourquoi ses membres étaient si maigrichons ?

Pourquoi avait-elle cette impression si profonde de ne plus être capable d’un seul mouvement ?

Pourquoi se sentait-elle si épuisée ?

Pourquoi cette inspiration lui avait fait tant de bien ?

Elle avait une impression étrange, un goût amer dans la bouche... comme si elle avait senti peu à peu son corps se remettre à fonctionner à grand peine. Comme le vieux mécanisme d’une horloge à l’abandon, inutilisé depuis des années, qu’il faut huiler avant de remettre en marche, au risque de l’abîmer. Comme si son corps, lui, n’avait pas pris cette peine avant de remettre son organisme en marche... ce qui avait entraîné des conséquences à coup sûr.

Son sang se glaça dans ses veines. -Comment avait-elle pas remarqué cela plus tôt ? Elle ne le savait même pas.

Qui était-elle ?

*

Elle ouvrit les yeux dans un tressaillement. Elle était étendue sur le sol, comme si elle avait glissé sur le côté et s’était affalée par terre. Ses jambes étaient repliées sous elle dans un angle étrange, alors elle s’empressa de les dégager et sentis ses muscles engourdis reprendre de l’ardeur.

Au lieu de se redresser, elle resta étendue sur le sol, prenant simplement la peine de se retourner pour s’allonger sur le dos. Son regard se perdit pendant un instant dans le ciel nocturne qui était visible par le petit carré découpé dans la roche au-dessus de sa tête. Avec une grande inspiration, elle écarta les bras pour vérifier qu’elle pouvait encore bouger, ne serait-ce qu’un tout petit peu.

Ses doigts coururent sur le sol sablonneux, explorant superficiellement les imperfections saillantes de la surface. Au bout d’une vingtaine de centimètres, sa main droite s’immobilisa. Elle venait de toucher quelque chose d’anormal. Là, plus près de la paroi de droite, le sable était... mouillé. Non pas humide, mais mouillé, gorgé d’eau.

Finalement, l’évidence s’imposa à elle : le trou se localisait sur une plage, et il avait probablement un accès à la mer. Il suffisait qu’il soit un peu proche du rivage pour que ce soit possible. Et, contre toute attente, la marée était en train de monter, ce qui voulait dire que, très bientôt, le trou se remplirait d’eau et elle serait submergée.

En soupirant, elle tourna à nouveau la tête vers les cieux, contemplant la noirceur de la nuit constellée d’étoiles, exténuée. Elle devrait bouger, elle le savait, mais rien ne l’empêchait de réfléchir encore un peu à la situation.

Elle s’est réveillée (de quoi ?), après avoir été dans une sorte de coma pendant on ne sait combient de temps, dans lequel elle ne sentait plus rien, comme si elle s’était mise à hiberner comme un ours. De plus, il semblait que son organisme avait cessé de fonctionner pendant ce laps de temps : plus de circulation sanguine, plus d’activité cérébrale, plus de respirations.

Point culminant, elle ne se souvenait de rien qui puisse concerner une vie passée, une famille, un peuple, une culture. Toute chose à laquelle elle aurait pu se raccrocher n’effleurait même pas son esprit. Ce n’était pas comme si on lui interdisait l’accès à une partie de ses souvenirs mais plutôt comme si ces souvenirs n’existaient tout simplement pas. Un peu comme la mémoire d’un nouveau-né : aussi vierge qu’une feuille de papier. Ce n’était pas normal, si ? En tout cas, elle se refusait de le croire. Elle avait une conviction trop profonde qu’il lui manquait quelque chose. Elle ne se sentait pas complète.

Qui était-elle... En voilà une bonne question. Elle avait quelques indices quant à son nom, par exemple. Tout portait à croire qu’elle était Lyana Terrin. Sinon, pourquoi portait-elle le sac d’un e autre ? Non, il était plus plausible qu’elle-même se prénomme Lyana.

Lyana lui prit la tête entre les mains, découragée. Comment était-elle censée vivre tout en sachant – ou plutôt, en ne sachant pas – qui elle était ? Elle connaissait à peine son nom, mais n’était même pas sûre que c’était bien le sien. Elle ne savait pas si elle avait des parents, un frère ou une soeur qui l’attendaient quelque part. Elle était incapable de savoir où elle était, ne pouvait pas connaître le chemin de sa maison, ni même s’il y avait un lieu en ce vaste monde qu’elle pût nommer « maison ».

Tout ce qu’elle voulait à présent, c’était se blottir contre le sable en position foetale, se rendormir sous les étoiles, laisser l’océan l’engloutir dans ses eaux les plus profondes.

Mais bien sûr, il fallait que la curiosité et l’instinct de survie ne prennent le dessus sur sa volonté.

Elle soupira, puis se redressa. Elle leva la tête vers le ciel nocturne, et cette vision lui redonna du courage.

_ Allez, un petit effort, murmura-t-elle d’une voix enrouée qui la surprit. Puis, tout s’expliqua : tout comme le reste de son corps, ses cordes vocales étaient restées longtemps inutilisées. Il fallait donc qu’elle garde en tête que sa voix mettrait un peu de temps à retrouver un timbre normal.

Elle prit sur elle et remit son sac sur son dos. À nouveau, la douleur lui transperça l’épaule, et elle posa une main sur son épaule. Une croûte de sang séché s’était fermée autour de la plaie. Lyana interpreta cela comme un signe de cicatrisation. Étrangement rapide, d’ailleurs.

Elle dût se fair violence pour se relever, mais dû s’appuyer à la paroi pour que ses jambes ne cèdent pas sous son poids. Elle était toujours épuisée, mais à présent, elle se sentait capable de bouger, même faiblement, et de, peut-être, se hisser hors du trou.

Lorsque son souffle se calma, elle leva les yeux vers le petit carré de ciel et évalua ses chances de parvenir à l’atteindre. Même en levant les bras, elle n’effleurait même pas la voûte rocheuse.

Alors, elle grimpa sur un rocher saillant, et, cette fois, réussit à glisser ses mains à l’extérieur. Là, elle comprit qu’elle devait porter tout son poids sur ses bras pour se hisser au-dehors, à la seule force de ses muscles fatigués.

Déterminé, elle essaya une première foiset retomba avec un bruit sourd. Elle lâcha un cri de douleur en sentant sa blessure se rouvrir et se raccrocha de justesse au rocher. Si elle était tombée plus bas et avait heurté une pierre pointue, elle aurait probablement eût le crâne fêlé à cette heure-ci. Cette terrible pensée suffit à lui faire réaliser à quel point cette situation était dangereuse.

Malgré toute attente, elle se refusa à abandonner et se remit sur pied en un instant. Elle remonta sur le rocher et rééssaya encore une fois. Alors que ses bras se mettaient à trembler sous l’effort, elle ne lâcha pas l’affaire et continua de se hisser de toutes ses forces.

Finalement, elle s’écroula sur le sol, enfin à l’extérieur. Pendant quelques minutes, le bruit de sa respiration saccadée emplit l’air nocturne. Lorsque les battements de son coeur se calmèrent, un sourire se dessina sur ses lèvres et elle se retourna sur le dos, admirant l’immensité des cieux à présent qu’elle pouvait voir plus que le petit carré qu’elle apercevait deux mètres plus bas.

Elle était parvenue à s’extirper du trou. À présent, malgré le fait que son passé avait été effacé, Lyana ne pouvait pas simplement rester allongée là éternellement. Elle devait décider de la marche à suivre.

Elle se releva avec difficulté et contempla le déferlement mousseux des vagues, leur façon si légère de s’écraser sur le sable, le son constant et si calme qu’elles émettaient. Ses jambes semblaient plus fermes à présent, elle se sentait prête à se mettre en route.

Elle était parvenue à la conclusion qu’elle devait trouver une ville au plus vite. Il s’agissait d’acheter des vivres, mais aussi soigner son épaule. Étonamment, la soif ne se faisait pas trop sentir. Alors, elle se mit à marcher sur le sable.

La plage était si longue que Lyana n’en voyait pas le bout. Le trou d’où elle était sortie était entouré de rocs et se situait sur une bande de sable qui plongeait dans la mer une dizaine de mètres plus loin. À gauche, l’eau bleu turquoise de l’océan ; à droite, une végétation basse, des palmiers épars, quelques buissons, le tout s’étendant jusqu’à l’horizon brumeux, indistinct. Au-dessus, le ciel, immense, et d’une noirceur abyssale, se reflétait sur la mer, qu’il constellait d’étoiles, tel un miroir de la voûte céleste.

Lyana lâcha un soupir, fatiguée. Les derniers évènements et toutes les émotions qu’elle avait éprouvées en un si court laps de temps l’avaient épuisée aussi sûrement  que les efforts qu’elle avait dû founir pour s’extirper du trou. Un bâillement s’échappa de ses lèvres, mais elle persista sur son intention de profiter de la nuit et de sa frâicheur pour avancer le plus possible. Elle ne connaissait pas la distance qui la séparait de la ville la plus proche, il valait donc mieux ne pas perdre de temps.

Alors, elle commença à marcher.

*

La pâle lueur de l’aube pointait à l’horizon, cette indescriptible teinte de gris et de rose entremêlés qui striait le ciel de plus en plus clair. Une grande partie des étoiles avaient déjà disparu, mais il en restait encore beaucoup dont la faible lueur se percevait toujours. Au fur et à mesure que le soleil se levait, la mer se pailletait d’or tandis que le sable se mettait à briller, réflétant les rayons dorés de l’astre du jour.

Cela faisait une nuit entière qu’elle marchait.

Au début, la faim et la soif n’étaient pas des problèmes, seule la fatigue entravait ses mouvements. Peu à peu, son épuisement avait disparu, et, profitant de ces heures de répit, Lyana avait accéléré le rythme, marchant de plus en plus vite.

Mais, au bout d’un moment, son corps semblait s’être rendu compte qu’il avait besoin de nourriture et d’eau pour continuer à avancer.

À présent, elle était étendue sur le sable, reprenant son souffle, la gorge plus sèche que jamais, tandis que la faim lui tordait l’estomac. Jusque là, elle n’avait aperçu la surface miroitante d’aucun lac, le cours argenté d’aucune rivière. Et encore moins de quoi se nourrir.

Lyana se redressa et mit son sac devant elle. Depuis qu’elle l’avait ouvert une première fois et était tombée sur l’étiquette, elle ne savait pas ce qu’elle transportait. Peut-être y avait-il de l’eau ou des vivres ? On ne sait jamais ce que l’on peut trouver dans le sac d’un aventurier.

Elle souleva le pan de cuir après avoir désserré les lanières qui l’entouraient. Puis elle retourna le sac et son contenu s’étala sur le sable avec un fracas métallique, d’objets s’entrechoquant entre eux. Devant elle, il y avait à présent une vingtaine d’objets, en comptant une bonne partie dont elle ne connaissait pas l’utilité. Elle dressa mentalement l’inventaire de tout ce qu’elle avait : un couteau rouillé, deux silex, une corde, une bouteille d’encre vide, une plume cassée, quelques vêtements à moitié déchirés, deux gourdes – elle s’empressa de les ouvrir, espérant y trouver de l’eau – vides. Pour ce qui en était de vivres, il y avait bien des aliments pourris qui empestaient, autour desquels des dizaines de mouches s’amoncelaient. Lyana les jetta un peu plus loin et décida de les enterrer. Elle les recouvrit de sable, puis rangea toutes ses affaires dans son sac. Il n’y avait là rien qui pourrait lui être utile dans l’immédiat. Tout ce qu’il lui restait à faire, c’était continuer à marcher, croisant les doigts pour tomber sur une rivière au plus vite.

Alors qu’elle reprenait sa route et que le sable sous ses pieds se réchauffait à cause du soleil levant, ses questionnements lui revinrent em mémoire. Pour le moment, elle ne pouvait pas savoir qui elle était, ni pourquoi elle était bléssée et encore moins pourquoi son corps semblait se remettre à fonctionner par étapes. Mais elle pouvait tout à fait essayer d’élucider ces questions : où était-elle ? Que faisait-elle là ? Comment elle s’y était retrouvée ?

Lyana commença par énoncer l’évidence : elle était sur une plage. Une plage très longue, puisqu’elle avait marché toute la nuit, et dont le rivage semblait être au bord de l’océan, sans quoi l’eau ne serait pas salée. Ensuite, il était possible que le trou où elle s’était réveillée ait pu servir comme une sorte d’abri. Quelqu’un – peut-être elle-même – avait voulu protéger son corps et l’avait abritée dans le trou. Mais il y avait un problème : comme le trou avait un accès à la mer, - elle avait pu le constater très clairement – ce ne devait pas être la première fois que la marée montait. Logiquement, le trou avait été submergé de nombreuses fois... et, par conséquent, Lyana avec lui.

Voilà qui expliquait le goût du sel sur ses cheveux. Pour ce qui en était du moyen par lequel elle était parvenue ici ou de la raison de sa venue, elle n’avait pas beaucoup d’indices ; aucun en fait. Sur ce sujet, elle ne pouvait que formuler des hypothèses. Peut-être était-elle sur un bateau quand une terrible tempête s’était abattue sur l’embarcation ? Le bateau avait pu être réduit en miettes et le courant avait pu amener son corps s’échouer sur cette plage. Mais cette théorie n’expliquait pas l’absence de mémoires, et encore moins le fait que son organisme se remettait en marche au fur et à mesure que le temps passait.

Autre hypothèse – et cette simple idée lui arracha un cri victorieux : et si, depuis le début, toute cette histoire n’était qu’un rêve ? Il arrivait souvent que, perdus dans leurs songes, les gens oublient des éléments de leur vie réelle. Et pour le reste, tout était possible dans le royaume des rêves !

Après quelques instants de jubilation, Lyana se rendit compte que cette théorie avait bien des failles. Tout d’abord, les sensations, les sentiments qu’elle éprouvait, tout semblait bien réel. Ensuite, il y avait trop de détails dans le décor, et, si c’en était un, c’était un rêve anormalement long. Mieux valait partir du principe que tout ce qui se passait, s’était passé et arriverait encore était bien réel. Ça pourrait lui éviter bien des problèmes et des malentendus.

Pendant les heures qui suivirent, elle ne cessa d’échaffauder des hypothèses et des théories, toutes plus folles les unes que les autres. À chaque nouvelle possibilité, elle listait d’abord les points positifs, puisles négatifs, et finissait toujours par démentir ce qu’elle avait pensé au départ.

Mais même si le temps passait vite quand elle imaginait d’innombrables manières de nier la vérité, la faim, mais la soif surtout, se faisaient de plus en plus sentir, et la douleur lui tordait l’estomac. Finalement, l’épuisement eût raison d’elle, et dès qu’elle aperçut un arbre, Lyana alla s’abriter à l’ombre de son dense feuillage aux larges feuilles vertes. Quelques fleurs jaunes jonchaient le sol ou ornaient les branches, s’épanouissant aux côtés des feuilles, dans une harmonie indescriptible.

Elle s’écroula sur le sol et jetta sur le sol et jetta son sac un peu plus loin, massant son épaule blessée. Quelques gouttes de sang perlaient à nouveau sur la plaie. Lyana fouilla dans son sac, puis se servit de l’étoffe déchiré des vieux vêtements pour improviser un bandage précaire. Bien sûr, il y avait des risques d’infection, mais pas plus qu’en exposant sa blessure à l’air libre et au sel marin ; de plus, la plaie semblait presque refermée, et annonçait une cicatrisation rapide et efficace.

Mais ce n’était pas vraiment les risques d’infection qui l’inquiétaient le plus. Lyana craignait plutôt de succomber à la faim ou à la soif, ou même à l’épuisement si elle ne trouvait pas vite de quoi remettre son organisme d’applomb.  Elle parcourut la plage de ses yeux fatigués, espérant apercevoir un cours d’eau qu’elle n’aurait pas remarqué auparavant. Elle ramena ses genoux contre sa poitrine et se balança d’avant en arrière, effleurant précautionneusement ses pieds brûlés par le sable chaud, jusqu’à tomber sur le côté, avec un choc douloureux pour son corps courbaturé.

Son regard se posa sur un cocotier, haut de plusieurs mètres, les feuilles se balançant au vent,  le tronc érodé par le temps et les quatre noix de coco brillantes et vertes, fièrement attachées à l’arbre par leur épaisse tige verte, comme des perles énormes et lustrées par le dur travail d’un bijoutier. Soudain, elle se redressa, et, dans un éclair de génie, comprit que la solution était sous ses yeux depuis le début.

Elle se jetta sur son sac et fouilla dedans précipitamment, en sortit la corde et le couteau, puis s’élança vers le cocotier et passa la fourreau du couteau à sa ceinture, où il y avait une sangle destinée à cet usage. Ensuite, elle s’attela à la tâche de replier plusieurs fois la corde sur elle-même, puis fit un noeud à chaque extrémité pour la passer derrière l’arbre et ainsi s’en servir d’appui pour grimper au sommet.
Lyana prit une grande inspiration et leva les yeux vers les feuilles ciselées qui se balançaient lentement, portées par le vent. Puis elle commença son ascension.

Plusieurs fois, elle dût s’arrêter pour reprendre son souffle, à mi-chemin entre le sol sablonneux et les noix de coco brillantes. Elle sentait le soleil sur sa peau, la brûlant légèrement. Ses cheveux étaient plaqués sur son front par la sueur, qu’elle sentait également perler sur tout son corps.

Une fois qu’elle eût reprit assez de forces, Lyana reprit son ascension et ne tarda pas à contempler la plage depuis la cime du cocotier. Une fois qu’elle fût à la hauteur des noix de coco, elle dégaigna son couteau et s’attaqua aux épaisses  et vertes tiges qui rattachaient les noix au cocotier. La première tige céda et la noix de coco alla s’écraser au sol, s’enfonçant à moitié dans le sable. Aussitôt, elle commença à entailler la seconde tige, cherchant à terminer sa besogne au plus vite pour pouvoir descendre à son tour et détendre les muscles de ses jambes, contractés au maximum pour la maintenir accrochée au cocotier – la corde ne lui était plus d’aucune aide, à ce stade – qui commençaient déjà à trembler.

Bientôt, la deuxième noix de coco s’enfonça dans le sable. La troisième suivit quelques instants plus tard. Alors qu’elle commençait seulement à déouper la quatrième tige, ses pieds glissèrent sur l’écorce du cocotier et l’étreinte de ses jambes autour de l’arbre se relâcha. Elle allait tomber. Lyana s’empressa de rengaigner son couteau et s’arrangea pour ne pas atterrir sur les noix, puis sauta du haut de son perchoir. Elle heurta le sol avec un bruit sourd, puis trébucha lorsque ses jambes cédèrent sous son poids.

Elle déglutit avec difficulté, hoquetant, le souffle coupé. Lorsqu’elle put enfin faire entrer l’air dans ses poumons, elle ramassa les noix de coco et les emmena à l’ombre de l’arbre aux grandes feuilles, sous lequel elle avait laissé son sac à dos, pour échapper à la brûlure du soleil. Une fois à l’ombre, elle s’arma de son couteau et assena un grand coup à la partie supérieure de la noix, qui vola en éclats. Assoiffée, elle saisit la noix et la retourna au-dessus de sa tête, pressant ses lèvres contre le trou qu’elle avait percé dans la noix pour ne pas perdre une goutte du précieux liquide. Dès que l’eau fraîche au goût un peu spécial pénétra dans sa bouche, elle bût goûlumment jusqu’à la dernière goutte. Elle n’avait pourtant pas l’impression de boire si vite, mais le fait était que, quelques secondes plus tard, elle tenait entre ses mains une noix de coco entièrement vide.

Lyana s’abstint de boire la deuxième noix. Même si sa soif n’était pas complètement étanchée, sa faim, elle, s’était légèrement calmée. Elle pourrait marcher plusieurs heures encore, et il serait plus judicieux de garder le contenu des deux autres noix de coco pour quand elle en aurait vraiment besoin. Elle transvasa l’eau des noix dans les deux gourdes vides qu’il y avait dans son sac. Puis elle jeta un œil à son épaule. Etrangement, la plaie s’était pratiquement refermée, une nouvelle fois. Seules quelques croûtes de sang séché demeuraient.

Lyana marcha pendant trois jours. Lorsque la soif se faisait sentir, elle buvait l’eau qu’il restait dans ses gourdes ou grimpait à un cocotier pour en obtenir plus. Lorsque la fatigue la frappait, elle creusait un trou dans le sable chauffé par les rayons du soleil et se pelotonnait dedans pour une nuit de sommeil. Peu à peu, elle avait tourné à droite et quitté la plage, s’enfonçant plus profondément à l’intérieur des terres. Le paysage avait drastiquement changé : elle traversait à présent d’immenses plaines striées de rivières.

Alors que le soleil indiquait la mi-journée du troisième jour, Lyana aperçut au loin une île plus grande que les autres, au beau milieu d’un lac à l’eau cristalline, sur laquelle se dressaient les hautes murailles d’une ville. L’espoir jaillit dans son cœur et elle accéléra le pas, consciente qu’elle serait arrivée dans moins d’une heure.

Le terrain se fit plus pentu lorsqu’elle grimpa sur une petite colline boisée. Elle pénétra dans le bosquet et déboula quelques minutes plus tard sur un chemin de terre battue, qu’elle suivit pendant quelques kilomètres. Finalement, elle s’immobilisa.

Devant elle, un grand pont de pierre enjambait la partie la plus étroite du lac et rejoignait l’île, menant directement aux deux battants de bois d’une grande porte, seule ouverture dans les murailles. Elle traversa le pont en grande vitesse, impatiente d’atteindre la porte pour pouvoir pénétrer dans la ville.

Une fois arrivée devant l’entrée, deux gardes qui occupaient leur poste à la porte l’interpellèrent :

_ Mademoiselle ?

Elle hocha la tête et s’approcha de l’un d’eux.

_ Oui ? – depuis son réveil, sa voix avait repris un timbre normal.

_ Nous devons tenir un registre de toutes les entrées et sorties de Tiliinhamé, j’espère que vous comprendrez.

Le garde était brun, il avait des yeux marrons et une peau claire et il semblait intrigué par elle. En même temps, il ne devait pas être très commun de voir arriver une jeune fille salie de toutes parts, les cheveux emmêlés comme jamais, vêtue d’une tenue de voyage rapiécée avec un vieux sac en cuir sur le dos.
_ Non, ça ne me dérange pas le moins du monde.

_ Votre nom ?

_ Lyana Terrin.

_ Profession ?

_ Aventurière.

_ Combien de temps comptez-vous rester ?

_ Je ne sais pas ?

_ Très bien, ce sera tout. Vous pouvez entrer.

_ Monsieur, j’aurais une question pour vous.

Le garde se retourna vers elle, intrigué.

_ Comment vous appelez-vous ?

Il lui adressa un sourire bienveillant.

_ Mon nom est Estelor. Ecoutez, Lyana, vous semblez jeune et très mal en point. Si vous cherchez un endroit où récupérer et passer la nuit, allez Chez Roberta. C’est l’auberge de ma femme, je suis sûr qu’elle sera ravie de vous accueillir.

_ Merci beaucoup. Je m’y rendrais peut-être. – dit-elle avant de franchir les portes de la ville de Tiliinhamé.

Elle se retrouva dans la légère agitation de la rue principale de la ville. De tous côtés, des gens discutaient de choses et d’autres, insouciants. Certains étaient attablés autour de leur déjeuner, voir petit-déjeuner pour les retardataires. Lyana monta plusieurs volées de marches et atteignit la place principale, au centre de laquelle  il y avait une fontaine de marbre à l’eau transparente.

Tout semblait si paisible, si dénué de problèmes, si… normal.

Insouciant.

*

_ Comment va-t-elle ?

Bien qu’elle soit consciente, à présent, Lyana ne parvenait pas à ouvrir les yeux. C’était comme si ses paupières étaient… collées. Finalement, elle décida de les garder clos pendant quelques instants encore pour écouter un peu la conversation qui se déroulait autour.

_ Elle s’en remettra. Je pense qu’elle a juste besoin de manger. Ca ressemble à une crise d’hypoglycémie assez grave. Quoi qu’il en coûte, nul besoin d’appeler Fatma.

_ D’accord, merci Ellie. Tu pourrais aller lui chercher à manger ? J’ai encore du travail.

La dénommée Ellie soupira, puis déclara :

_ Bon, d’accord, mais juste parce que c’est toi.

Lyana entrouvrit les paupières et vit une femme brune déposer un baiser sur le front d’une blonde avant de quitter la pièce.

_ Je vois que tu es réveillée, dit la blonde en tournant la tête vers elle.

Surprise, Lyana se redressa.

_ Je m’appelle Lilia, dit la femme blonde. Je suis la Commandante Générale de l’Ordre d’Illonius. Ravie de te rencontrer…
_ Lyana. Aventurière. Est-ce que je peux vous demander… où on est ?

_ A Tiliinhamé, capitale de la Région Nord.

Cette déclaration fût suivie d’un bref silence, pendant lequel chacune d’entre elles réfléchit : Lyana tentait de découvrir ce que sa localisation impliquait, Lilia, intriguée, se demandait qui était la singulière jeune fille qui se tenait devant elle.

_ On t’a retrouvée évanouie dans la rue principale. Tu aurais quelques explications à me donner.

Lyana soupira, hésitant à être honnête – Lilia la croirait-elle ? – puis elle décida de lui dire toute la vérité, en fin de compte.

_ Il y a trois jours, je me suis réveillée sur une plage que je ne connaissais pas. J’étais blessée à l’épaule, mais la plaie a cicatrisé anormalement vite. Ma mémoire a disparu, tous mes souvenirs ont été effacés, mais je ne comprends pas pourquoi ni comment. J’avais la sensation étrange que mon organisme se remettait à fonctionner après une longue période d’inertie. J’étais très faible, mais j’ai marché jusqu’ici. Malheureusement, je n’ai pas pu manger ne serait-ce qu’une miette de pain depuis mon réveil et je suppose qu’une fois arrivée à destination, mon corps a… relâché la pression.

Pensive, Lilia ne dit rien pendant quelques instants. Puis elle déclara :

_ Aussi étrange que ça puisse paraître, je te crois. Ellie est partie te chercher à manger. Il ne faut pas que tu restes encore le ventre vide. J’ai rarement vu des crises d’hypoglycémie aussi graves.

Elles furent interrompues par le brusque mouvement de la porte qui s’ouvrit à la volée. Une femme à la peau claire, aux yeux verts et brillants et aux longs cheveux bruns apparut dans l’encadrement de la porte. Elle portait un plateau de bois sur lequel il y avait un repas relativement copieux. Pour pouvoir ouvrir la porte, elle avait dû pousser les battants d’un violent coup de pied, ses mains étant occupées par le plateau.

_ Je suis là ! – déclara-t-elle. Oh, elle s’est réveillée !

Elle s’avança dans la pièce et déposa le plateau sur le bureau de Lilia, qui était très organisé. Derrière le bureau de bois verni, il y avait une grande fenêtre qui occupait le mur entier et déversait un flot de lumière dans la pièce. Les deux murs latéraux étaient tapissés de livres en tous genres.

Lilia prit la parole :

_ Ellie, voici Lyana. C’est une aventurière. Lyana, je te présente Ellie, c’est la magicienne de l’Ordre et la responsable des archives.

_ Et ta petite amie surtout ! – dit Ellie en embrassant Lilia, dont les joues virèrent instantanément au cramoisi.

_ Ravie de vous rencontrer, répondit Lyana.

Ellie et Lilia s’écartèrent, gênées. La commandante invita la magicienne et l’aventurière à s’asseoir. Lilia expliqua ce que Lyana lui avait raconté sur ce qu’elle savait de sa propre histoire à Ellie, pendant que la jeune fille s’attaquait avidement au repas que la magicienne lui avait apporté.

_ Je n’avais jamais entendu parler d’une telle histoire auparavant, déclara Ellie lorsque Lilia eût fini.

_ Tu penses pouvoir en découvrir plus sur ce qui est arrivé à Lyana ? – lui demanda Lilia.

_ Peut-être. Mais il faudrait que je consulte les archives. Je devrais en avoir pour plusieurs jours de recherches… Mais ton histoire m’intrigue, ce sera avec plaisir.

Un sourire plein de reconnaissance illumina le visage de Lyana.

_ Oh, heu… Je ne saurais pas comment vous remercier.

Ellie partit d’un rire amusé, avant de lui assurer :

_ Pas besoin. Lyana, je me permets de te demander de rester dans les parages. Si je trouve quelque chose, j’aurais besoin de toi. A présent, et si Lilia accepte de te libérer le libre accès à la ville, tu peux y aller, déclara-t-elle en jetant un regard à la commandante.

Elle acquiesça et adressa un sourire entendu à Ellie

_ Oui, bien sûr, il ne fait aucun doute que tu n’est pas une menace pour notre ville ni pour la Région Nord d’Asgjë, dit-elle avec un sourire ironique peint sur les lèvres. Une bonne nuit de sommeil te fera du bien, continua Lilia en reprenant de son sérieux. Avant que tu y ailles, prends ça, ajouta la commandante.

Elle lui tendit une petite bourse. A l’intérieur, on entendait le tintement de pièces de métal.

_ Oh, non, je ne peux pas accepter.

_ J’insiste, répondit Lilia en déposant la bourse dans la paume de Lyana avant de refermer ses doigts dessus. Pour que tu puisses te débrouiller à Tiliinhamé.

Puis elle ajouta, plus bas pour que seule Lyana puisse l’entendre :

_ Et si tu pouvais éviter de parler d’Ellie et de moi… On voudrait encore garder ça secret pendant un moment.

Lyana acquiesça. Elle releva la tête et remercia vivement le couple de jeunes femmes qui l’aidait tant. Puis elle quitta la pièce.

Une fois à l’extérieur, Lyana prit quelques minutes pour profiter de la douce chaleur du soleil sur sa peau, du léger souffle de vent qui passait dans ses cheveux, de la sensation de la pierre sous ses pieds. Elle décida finalement de trouver un endroit où elle pourrait se laver et passer la nuit.

Elle descendit quelques marches, traversa une rue, contourna une fontaine, sauta par-dessus une dizaine de canaux et finit par se perdre. Finalement, Lyana décida de demander aux passants s’ils connaissaient une auberge.

Elle interpella un homme qui sortait d’une taverne :

_ Bonjour, excusez-moi...

Mais l’homme ne semblait pas l’entendre, il chantait à tue-tête une chanson de marins. Il tenait une bouteille de rhum ouverte à la main et puait l’alcool à plein nez. Il trébucha sur une pierre et s’affala sur le sol, renversant le contenu de la bouteille sur lui.

_ Heu... vous allez bien ? – demanda Lyana.

_ À l’abordage ! – hurla l’homme, complètement ivre, en brandissant sa bouteille vide. Il se releva en vitesse et partit en courant dans la rue, bousculant les passants. Lyana décida de le suivre : dans un état d’ivresse pareille, il risquerait de se blesser ou de blesser quelqu’un.

Alors que Tiliinhamé commençait à s’illuminer à la lueur des chandelles ou des lampes à huile, Lyana s’élança à travers les rues qui commençaient à s’animer. L’ivrogne courait vite vite, poursuivant son délire. Il fit voler en éclats sa bouteille contre une caisse de marchandises, près de ce qui ressemblait à un port. Avant que Lyana ne le rattrape (elle n’était pas au meilleur de sa forme), il avait déjà tourné au coin d’une rue et s’était perdu dans la foule.

Elle le retrouva grâce à ses cris stridents, à l’intention des passants :

_ Bouge de là, moussaillon !

_ Excusez-le, il est ivre ! – criait à son tour Lyana quand elle passait à toute vitesse devant les passants interloqués.

Elle perdit à nouveau l’ivrogne pendant quelques instants, avant de le retrouver dans une ruelle cul-de-sac, se terminant par un mur de trois mètres de haut. Il tenait à la gorge un jeune homme qu’il avait plaqué contre le mur, et qu’il menaçait de rouer de coups si celui-ci ne lui indiquait pas où était son « trésor ».

_ Bon sang, moussaillon ! Tu vas me dire où il est ?

_ J.… je ne... v.…vois pas... de quoi... v.… vous parlez... – disait le jeune homme terrifié par les tessons de verre tranchants eque l’ivrogne tenait à la main.

Lyana trouva un pied de biche qui traînait dans un coin et s’en servit pour assomer l’ivrogne d’un gros coup sec sur le crâne. Il s’écroula sans faire de bruit, lâchant le jeune homme, qui tomba lui aussi.

_ Ça va ? – lui demanda Lyana.

_ O.… oui. V.… vous ne l’avez pas... t.… tué...

_ Non, non. Il aura juste une bosse, tout au plus.

Le jeune homme se releva, il regagnait peu à peu confiance en lui et se remettait du choc.

_ Je m’appelle Siloé. Je suis marin. Merci de m’avoir sauvé.

_ Lyana. Aventurière. Heureuse de vous connaître.

_ Que faisiez-vous à poursuivre cet ivrogne ?

_ Je l’ai vu sortir d’une taverne et je me suis dit qu’il pourrait faire du mal à quelqu’un.

Siloé avait la peau brun clair, de yeux d’une impressionante couleur marron et des cheveux en bataille. Il était vêtu d’un uniforme de la marine, ce qui confirmait ses allégations.

_ Bref, Siloé, est-ce que vous connaissez une auberge où je pourrais passer la nuit ?

Siloé réfléchit un instant.

_ Hum... Il yu a cette auberge, qui vient d’ouvrir. Chez Roberta, je crois. C’est dans la rue principale. Ça a eu un succès fou depuis que ça a ouvert et les prix sont honnêtes.

_ Merci beaucoup ! – lança Lyana en partant, se remémorant les conseils d’Estelor, qui lui avait recommandé la même auberge.

_ Merci à toi ! – dit Siloé, qui tourna au coin de la rue.

Lyana passa une heure de plus à traîner dans les rues à la recherche de l’auberge en question. Finalement elle tomba sur un bâtiment en bois illuminé par des dizaines de chandelles. Toute la façade était couverte par le lierre et une myriade de fleurs différentes. Elle poussa la porte et un tintement de cloches retentit quand le vent s’engouffra à l’intérieur.

Une dizaine de personnes se trouvaient là. Les uns étaient attablés autour d’un bon dîner, les autres discutaient avec animosité. Une femme se tenait derrière le comptoir. Elle devait avoir la quarantaine, avait de longs cheveux bruns et un sourire chaleureux peint sur les lèvres.

_ Bonsoir ! Est-ce que je peux vous aider ? – demanda-t-elle.

_ Heu... oui. Je voudrais prendre une chambre pour la nuit.

_ Aucun problème. Suivez-moi, je vais vous montrer où vous installer.

La femme quitta le comptoir et guida Lyana jusqu’en haut d’un escalier. Elle ouvrit une porte au bout d’un couloir et donna la clé à Lyana.

_ Voilà. Vous pouvez rester là jusqu’à demain midi. Prévenez-moi si vous comptez prolonger votre séjour ou si vous avez besoin de quoi que ce soit. Le dîner se terminera dans deux heures et vous pouvez venir prendre votre petit-déjeuner à partir de huit heures du matin. Ah, et je suis Roberta. J’espère que cette chambre vous plaira.

Lyana entra à l’intérieur. C’était une petite pièce, mais elle était admirablement illuminée et décorée. Dans un coin, il y avait un lit, un placard en bois appuyé contre le mur et une fenêtre, ainsi qu’une petite table de travaile et une salle de bain.

_ Ce sera parfait Roberta, merci beaucoup. Je m’appelle Lyana. Bonne chance pour tous vos clients.

_ Merci.

_ Merci à vous !

Roberta redescendit les escaliers. Lyana pouvait entendre distinctement le bruit de ses chaussures claquant sur le sol pendant qu’elle refermait la porte de sa chambre. Elle déposa son sac dans un coin et fit couler de l’eau chaude dans la salle de bain.

Tandis que l’eau coulait avec son clapotis rassurant, Lyana se déshabilla et contempla son reflet dans le miroir, qui détaillait ce corps un qui lui était étranger dans son entiereté. Sa peau était claire, ses cheveux blonds, ses yeux mordorés. De la boue et du sang séché collaient à sa peau et du sable et de la terre recouvrait ses pieds. Ses joues étaient rosies par les brûlures du soleil brûlant qu’elle avait affronté pendant plusieurs jours. Une fine cicatrice blanche, presque imperceptible, subsistait là où il y avait avant sa blessure à l’épaule.

Elle lâcha un soupir de satisfaction en sentant la chaleur réchauffer son corps d’une manière réconfortante lorsqu’elle se glissa dans l’eau. Lyana posa la tête sur le rebord de la baignoire et ferma les yeux. Elle se laissa aller à oublier ses problèmes présents pour un cours instant. L’eau réchauffait tout son corps et enbrumait son esprit, ce qui lui permettait de mieux se détendre. Elle chassa toute pensée de son esprit, se relaxa au maximum. Oublia tout ce qui lui était arrivé ces derniers jours, tous les derniers évènements, aussi troublants soient-ils, pour se laisser couler dans la chaleur agréable de l’eau.

Au bout d’une dizaine de minutes sans réfléchir, Lyana tendit le bras vers un savon. Elle ne s’était pas lavée depuis des lustres, et une épaisse couche de terre et de saleté recouvrait certaines parties de son corps. Peu à peu, l’eau du bain vira du transparent au brun clair, tant il y avait de saleté. Lorsqu’elle sortit de l’eau, Lyana avait l’impression d’avoir mué comme un serpent, d’avoir changé de peau. De s’être renouvelé.

Elle se sécha avec une serviette toute douce et revint dans sa chambre. Elle trouva sur le lit un paquet d’affaires que Roberta avait dû laisser là à son intention. Quelle gentillesse de sa part ! Lyana ne pouvait s’empêcher d’admirer la jeune femme.

Dans le paquet, Roberta avait laissé certaines affaires d’hygiène, des vêtements propres, du papiere, une plume, de l’encre, et une paire de pantoufles à porter dans sa chambre. Vu que la nuit devenait froide, Lyana s’empressa de revêtir les habits propres prêtés par Roberta et sortit de sa chambre pour aller dîner en bas.

Elle remercia Roberta une nouvelle fois pour ses petites attentions et commanda un bol de soupe et une miche de pain. Quelques minutes plus tard, Lyana était attablée et buvait sa soupe avec avidité. Quand elle eut fini, elle remonta à l’étage et alluma un feu de cheminée pour réchauffer un peu l’atmosphère. Elle ferma les rideaux de sa fenêtre et se glissa sous les couvertures de son lit.

Malgré l’heure pas trop tardive, Lyana s’endormit aussitôt qu’elle eut les yeux fermés. Elle sombra dans un sommeil réparateur. Une nuit sans rêves. Exactement ce dont elle avait besoin.

Le lendemain matin, Lyana fût réveillée par le tintement de cloches. Elle ne savait pas d’où le son provenait, mais elle décida de se lever. Les vêtements qu’elle avait porté pendant son voyage étaient trop sales et rapiécés, à moitié déchirés, pour qu’elle puisse les remettre. Elle décida donc de conserver ceux empruntés à Roberta.

Puis elle prit son sac-à-dos en cuir et le vida complètement, pour pouvoir se débarasser de certains objets qui ne lui seraient d’aucune utilité et les remplacer grâce à l’argent que lui avait offert Lilia, comme la bouteille d’encre vide, la plume cassée, le couteau rouillé et les vêtements déchirés. Pourtant, quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’elle découvrit entre les silex et ses deux gourdes un objet qu’elle ne se souvenait pas avoir déjà vu.

Un carnet à la couverture de cuir et aux feuilles jaunies par le temps, dont les dix premières pages étaient recouvertes d’une écriture arrondie. Sur le cuir lisse il était écrit, avec la même encre noire et indélébile que l’étiquette qui portait son nom dans le sac :

« Journal de Voyage

Lyana Terrin »

Elle tourna la première page, se préparant à peut-être trouver des réponses sur celle qu’elle avait été.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Elohane
Posté le 20/03/2024
Coucou !
Vraiment pas mal, hâte de lire la suite.
J'ai bien aimé ce moment :
Je m’appelle Siloé. Je suis marin. Merci de m’avoir sauvé.

_ Lyana. Aventurière. Heureuse de vous connaître.
Nini24
Posté le 24/03/2024
Coucou Elophane!
Je suis contente que tu aies aimé, ça me fait très plaisir!
D'ailleurs, ça m'intrigue beaucoup que ce passage soit ton préféré. Est-ce que tu sais pourquoi? Parce que je trouve ça très intéressant.
Elohane
Posté le 24/03/2024
Parce qu'elle répond qu'elle est aventurière avec tellement de simplicité mdr
Alors que c'est pas commun
Nini24
Posté le 26/03/2024
Hahaha il faut encore lire la suite. En fait, dans les prochains chapitres, on rencontre basiquement que des aventuriers donc de mon côté ça paraît assez normal, mais c'est vrai que vu comme ça...
Elohane
Posté le 27/03/2024
Ouais ;)
Florian
Posté le 16/02/2024
Bonjour ! Et bravo pour ce texte ! Je n'ai pas grand chose à dire sur le fond, mais sur la forme une petite remarque : il y a quelques incohérences de temps, particulièrement dans les premiers paragraphes, où on s'entremêle entre présent et passé, tandis que le reste du récit est au passé.
Nini24
Posté le 17/02/2024
D'accord merci beaucoup! J'avais déjà remarqué ces erreurs, mais j'ai une très mauvaise mémoire pour les choses utiles, donc merci de me le rappeller. Je vais résoudre ça au plus vite!
Vous lisez