Chapitre I: Un coucher du soleil

Par Nini24

La lumière. L'ombre. Puis la lumière une nouvelle fois. Et finalement, une langue éclaircie.

Un rayon de lumière dorée se dirigea vers ses paupières closes. Si elle avait eu les yeux ouverts, elle aurait pu apercevoir clairement les petites particules de poussière flotter dans la lumière, puis disparaître dans l'ombre avant de briller une nouvelle fois lors qu'elles atteignaient un autre rayon. De petites taches dorées mouchetaient la pierre autour d'elle et le sable en dessous brillait légèrement.

Elle ouvrit les yeux. Semblables à un rayon de soleil, ses iris étaient mordorées. Ses paupières lui semblaient presque collées, et elle avait eu quelque mal à les écarter. Son regard glissa de la paroi rocheuse devant elle au sol sablonneux. Elle leva les yeux vers le haut, vers un petit carré de ciel bleu sans nuages ; vers les murs autour d'elle, de roche humide, recouverte en partie par ce qui ressemblait à une algue étrange, d'un vert foncé, gluantes. Au fur et à mesure que ses yeux s’habituaient à cette novelle affluence de lumière, les contours de tout ce qui l’entourait  se précisèrent, son champ de vision s’élargit, elle fut capable de voir tous ces éléments dans leur ensemble.

Elle inspira.

L'air afflua dans ses poumons, et une sensation d'immense soulagement l'envahit. Cela ressemblait vaguement à la sensation que devait éprouver un poisson en replongeant dans l’eau après en avoir été sorti contre son gré. Immédiatement, elle se sentit mieux, même si elle ne se sentait pas mal auparavant. Elle expira, puis inspira me nouvelle fois et se contenta d'apprécier la sensation étrange d'extase que cela provoquait en elle. Elle continua de répéter ces mêmes mouvements, encore et encore, inspirer, expirer. Respirer. Puis, lorsque son corps se mit à effectuer ces mouvements seul, elle cessa de s'en préoccuper. L'air semblait entrer et sortir de ses poumons par volonté propre, sans qu'elle n’ait rien à faire. L'oxygène circulant à présent dans son corps redonnait de la force à ses muscles, alors qu’ils lui semblaient trop faibles pour effectuer le moindre mouvement. Elle eut alors l'étrange pressentiment que ces deux mouvements — inspirer et expirer – étaient vitaux. Que si elle cessait un jour de les effectuer en permanence, elle n'aurait plus l'occasion de recommencer.

Elle balaya ces idées de son esprit et profita simplement de l'agréable bruit de sa respiration, qui brisait l’opacité du silence qui régnait. Elle poussa un soupir de soulagement et referma les yeux un instant, avant de les rouvrir tout aussi vite : elle ne voulait pas perdre une
miette de son étrange et nouvelle situation.

Elle tourna légèrement la tête vers la droite, avec difficulté. Elle aperçut une sorte d'amas marron, d'un matériel qu'elle ne se souvenait pas d'avoir déjà vu auparavant. Elle continua de le fixer pendant quelque temps, se rappelant vaguement un objet qui ressemblait à cet amas brun. Elle tendit une main tremblotante et fragile vers lui. Ses doigts se posèrent sur le matériel et tâtèrent une surface rugueuse, épaisse, qui ressemblait à... du cuir. Voilà, cela lui revenait à présent, c'était bien du cuir. Un sac en cuir, à en juger par la forme.

 Elle laissa retomber sa main sur le sol et posa sa tête sur la pierre derrière elle, contre laquelle son dos était appuyé. Peu à peu, il semblait que des choses se clarifiaient dans la brume qu'était son esprit. Une vapeur blanche, fine et à la fois si épaisse qu'elle ne parvenait même pas a voir sa propre main. Mais quelques trouées dans la brune laissaient entrevoir des bribes de quelque chose. Des traits tracés au hasard, des phrases incomplètes, des notes de musique isolées, des visages flous, des noms aux lettres mélangées et des sentiments indistincts qui ne faisaient que créer un état de confusion retentissant. Puis, tout à coup, plus rien.

La brume se dissipa, et elle se retrouva dans une vaste salle blanche, aux murs blancs, au plafond blanc, au sol blanc, sans la moindre imperfection, sans le moindre accroc. Aucun signe ni du brouillard, ni des lignes, des phrases, des mélodies, des visages, des noms ou des sentiments. Seule persistait cette blancheur immaculée et la réalité. Un sentiment de clarté l'envahit, de soulagement. Elle pouvait enfin tout voir, seulement bornée par les murs blancs de son esprit et les parois de roche de la réalité. Les pensées arrivèrent peu à peu, formant des ribambelles de points, de virgules, de lettres, qui s'affichaient dans la blancheur, en gros caractères d'imprimerie, noirs et épais. Et puis vint le moment où toutes pensées se terminèrent par un point d'interrogation inquisiteur, étonné, douteux, inquiet.

"Où sont passées toutes ces choses?"

Le vide était soulageant, clarifiant. Mais le vide était aussi effrayant, nouveau, solitaire. Toutes ces choses qu'elle n'avait pas pu voir en entier, elles ‘intriguaient. Elles lui manquaient.

“Pourquoi sont-elles parties ?”

A présent, elle se sentit abandonnée, comme si toutes ses premières pensées lui avaient tourné le dos, s'étaient enfuies. Et les points d'interrogation continuaient d'affluer:

“Pourquoi tout est blanc ?”

Ce monde, cet univers de blancheur et de perfection ressemblait à un masque. Un masque sur lequel on aurait peint un sourire, un masque qu'en aurait utilisé par occulter la tristesse de quelqu’un. Une fausse joie. Un sourire trompeur. Un rire creux. Tout cela ressemblait à un immense mensonge.

Si même son esprit semblait lui mentir, comment pourrait-elle faire confiance à qui que ce soit ? À quoi que ce soit ?

Soudain, elle éprouva un besoin irrépressible de remplir sa pièce blanche et vide de dessins, de phrases, de chants, de visages, de noms et de sentiments. Bien sûr, ils ne ressembleraient pas à ceux qu'elle avait vus dans la brume, mais rien ne l'empêchait d'en trouver des nouveaux. Des nouveaux souvenirs, une nouvelle mémoire, qui commençait à cet instant.

Son esprit était comme un livre vierge. Il lui restait toutes ces pages à remplir.  Un livre vierge, à tel point qu'il n'avait pas de titre, comme elle n'avait pas de nom, pas de nom, pas d'âge, pas d'histoire, pas d'identité, pas d'amis, pas de famille, pas de souvenir. Seul ce blanc immaculé, laiteux, parfait, qui lui faisait perdre ses repères. Pas de passé, mais un présent, et peut-être un futur.

 

***

 

Lyana Terrin

AVENTURIÈRE.

Ces mots étaient gravés sur une petite étiquette en cuir à l'intérieur du sac. Dedans, elle avait trouvé de la corde, des gourdes vides, un couteau rouillé, des cailloux pointus, de la nourriture avariée, une petite bourse remplie de pièces dorées, des vêtements rongés par les termites, ce qui avait dû être une carte et cette étiquette.

Elle avait dû servir autrefois à identifier le sac, à savoir à qui il appartenait en cas de perte. À qui il appartenait ? Ce sac était-il le sien ? Comment le savoir ? Était-elle Lyana Terrin? Elle décida de croire que oui. C'était l'alternative la plus plausible. Pourquoi porterait-elle ce sac dans le cas contraire ?

Lyana. Son nom avait une belle sonorité. Il lui évoquait des anneaux de lumière, des courbes brillant dans la même lumière que celle du soleil.

Lyana réalisa alors que, si elle connaissait son nom à présent, elle n'avait absolument aucune idée de qui elle était. Elle ne savait pas non plus où elle était, ni pourquoi, ni comment elle s'y était retrouvée et encore moins où aller, comment sortir de cette sorte de grotte, ni même si elle devait en sortir.

Toute une ribambelle de points d'interrogation, honte amère et une joyeuse danse devant ses yeux, tant et si bien qu'elle dut les fermer pour remettre de l'ordre dans ses pensées. Depuis combien de temps était-elle là ? Dix minutes ? Dix heures ? Dix ans ? Elle ne saurait le dire. Elle avait une impression étrange, un goût amer dans la bouche.Comme si elle avait senti peu à peu son corps se remettre à fonctionner à grand peine. Comme un vieux mécanisme à l'abandon, inutilisé depuis des années, qu'il faut huiler avant de remettre en marche, au risque de l'abîmer. Comme si son corps, lui, n'avait pas pris cette peine avant de se remettre à fonctionner.

Elle inspira profondément, puis expira longuement et rouvrit les yeux. Lyana se mit alors à détailler l'endroit où elle se trouvait. Ça ressemblait à une sorte de trou dans le sol. Au dessus de sa tête, pour seule ouverture, il y avait un petit carré découpé dans la pierre, tout juste assez grand pour qu'elle puisse s'y glisser, laissant entrevoir le ciel bleu, dont la couleur commençait à changer. Sous ses pieds, du sable, qui semblait devenir plus humide à chaque seconde.

Elle laissa filer quelques minutes en contemplant son abri rocheux. Où devrait-elle dire sa prison ? Peu importait maintenant. Elle allait sortir, partir à la recherche de réponses à ses questions. Essayer de retrouver une famille, des amis, un passé, une histoire, des souvenirs. Et si cela n'était pas possible, elle s'en forgerait des nouveaux.

Sur le sable, dans un coin de la grotte, une fine pellicule d'eau s'était formée. Elle y trempa son petit doigt, puis le porta à ses lèvres. Salé. C'était de l'eau de mer. Elle regarda l'eau continuer de monter, puis s'avisa que ce n'était pas anodin. L'eau montait vite, sûrement. Dans peu de temps, si elle restait là, elle serait engloutie. Il fallait qu'elle sorte à tout prix. Sa vie en dépendait, au sens le plus littéral possible.

Elle se précipita sur les objets qu'elle avait trouvés dans le sac. Dans son sac ? Et les fourra à l'intérieur, excepté la nourriture avariée qui ne valait pas la peine.En une seconde, elle fut sur ses pieds, les deux hanses de son sac passaient sur les épaules. Lyana contempla le petit carré de ciel, orange à présent, qui ne tarderait pas à devenir rose, puis violet, bleu nuit, et qui accueillerait ensuite des milliers d'étoiles.

Elle leva ses bras fins, qui ne semblaient pas vraiment forts, sans paraître faibles, et ses doigts effleurèrent la voûte rocheuse. Elle se hissa sur la pointe des pieds et réussit à poser sa paume à plat sur la pierre. Lyana se déplaça de quelques centimètres et passa ses mains par le trou. Elle s'accrocha au bord extérieur et sauta, s'agrippant au caillou de toutes ses forces, ses ongles et le bout de ses doigts s'enfonçant dans le sable. Puis, elle commença à se hisser. Bientôt, elle ne sentit plus ses bras. Elle dut tordre ses coudes douloureusement pour parvenir à glisser sa tête à l'extérieur. Ses points se refermèrent et elle frappa le sol un peu plus loin avant de hisser son corps dans cette direction. Ses pieds se balançaient toujours dans le vide.

Ses bras se mirent à trembler sous l'effort. Des gouttes de sueur perlèrent l'air sur son fond. Elle entendait le clapotis de l'eau remplissant la grotte à présent, se mêlant à ses grognements et à sa respiration saccadée. Elle fit un dernier effort pour se hisser et, dans un cri victorieux, parvint à poser un genou sur le rebord du trou. Lyana fit alors basculer tout son poids dessus et ramena son autre genou à elle, puis elle rampa sur un demi-mètre environ et s'écroula dans le sable.

Elle se retourna sur le dos, haletante, sentant les grands chauffés par le soleil à travers ses vêtements, contemplant le ciel, beaucoup plus grand et infini que le petit carré qu'elle apercevait de la grotte.

À présent, d’un bleu céleste parsemé d'étoiles, il tirait sur le violet vers le nord-ouest, puis se fondait en rose claire, en un orange digne d'un coquelicot, avant de laisser place au tout dernier rayon du soleil. C'était un spectacle d'une immensité et d'une beauté cosmiques. Elle aurait pu croire à un tableau, pas voir des mains divines, sans réelle logique, striées de dégradés et de centaines de tons de chaque couleur. Une toile qui se renouvellerait chaque soir, que le même artiste se plairait à repeindre à chaque fois que le soleil plongerait derrière la ligne d'horizon. Elle aurait beau le voir tous les jours, rien n'atténuerait jamais la beauté du tableau, ni l'avait vivacité des couleurs. Elle pourrait passer à côté, ne voir le coucher du soleil que d'un bref coup d'œil évasif. Elle avait la certitude que si elle y prêtait vraiment attention, il s'agirait d'un des plus beaux spectacles que la vie aurait à offrir.

Lyana profita pleinement de ce premier coucher du soleil, allongée les bras en croix sur le sable doux, admirant l'immensité des cieux et l'intensité du moment. C'était son tout premier coucher du soleil, le premier qui ferait partie de sa mémoire. Celui-ci aurait une place d'honneur dans sa pièce blanche.Elle espérait qu'après celui-là, il y en aurait beaucoup d'autres, et qu'à ses yeux, la resplendissante magie de ce spectacle resterait intacte, comme à cet instant.

Des étoiles brillaient dans l'or de ses yeux.

 

***

 

Depuis plusieurs heures déjà, Lyana Terrin, du nom qu'elle s'était récemment découvert, comme elle avait récemment commencé à vivre, marchait sous le ciel étoilé. Son sac pesait lourd, mais elle tenait la route. Ses pieds nus s'enfonçaient dans le sable doux. Si ce n’eût été la luminosité que lui procurait la pleine lune, elle aurait été plongée dans le noir complet. D'autant plus que cela ne faisait que rendre le paysage plus magnifique qu'il ne l'était déjà. C'eût été un incommensurable gâchis si elle n'avait pu en profiter.

Elle longeait une longue plage, si longue que même après plusieurs heures de marche, elle n'en voyait pas le bout. Cette bande de sable lui semblait interminable, et contrastant avec le léger état d'extase dans lequel elle se trouvait vis-à-vis du paysage, elle avait le désagréable sentiment qu'elle pourrait tout aussi bien marcher pendant des années, qu'elle n'arriverait jamais au bout de la plage.

En contrepartie, elle pourrait profiter du bruit apaisant régulé des vagues séchant sur le rivage, ce qui lui apportait une profonde paix intérieure. Les reflets de la lune sur l'onde lui donnaient l'impression de se tenir devant un immense océan d'argent liquide. Sur sa droite, juste avant que l'obscurité ne lui permette plus de voir malgré l'éclairage lunaire. Elle distinguait la silhouette de quelques palmiers solitaires, assez écartés les uns des autres, ce qui, en plein jour, devait apporter sa touche paradisiaque à l'endroit.

Malgré ce spectacle nocturne d'une pure beauté indiscutable, son épaule commença à l'élancer sous le poids du sac, et elle ne sentait plus ses pieds endoloris. Ses cheveux emmêlés lui tombaient devant l'œil droit, réduisant considérablement son champ de vision, et bien qu'elle ne se soit... réveillée, en quelque sorte, que depuis quelques heures, la fatigue commençait à la gagner et elle sentait ses paupières s'alourdir à chaque instant. Une pause lui aurait fait le plus grand bien, mais Lyana s'y refusait. Quelque chose d'étrange l’y poussait, peut-être un trait de caractère lié à celle qu'elle était autrefois, ou alors la conviction que si elle s'arrêtait, ne serait-ce qu'une minute ou deux, elle ne repartirait pas avant plusieurs heures. Elle ne pouvait se permettre de perdre autant de temps. Même si la faim ou la soif ne se faisaient pas encore sentir, elle savait que leur poids ne tarderait pas à lui peser tout autant, voire plus que son sac, qui était pour elle à cet instant un lourd fardeau. Et c'est là qu'était le problème. Elle n'avait ni aliment, ni eau potable. Il était donc d'une importance capitale pour sa survie qu'elle trouve une source d'eau douce et de nourriture sans trop tarder, ou au mieux, une ville, où elle pourrait se restaurer, passer la nuit et s'informer sur sa situation.

Depuis le temps qu'elle marchait, Lyana avait eu tout le loisir de réfléchir à quantité de choses, et bien sûr, fidèle à ses habitudes, de se poser des dizaines de questions. À présent, elle avait bien du mal à s'en souvenir, tellement il y en avait. À l'avenir, peut-être devrait-elle songer à les noter quelque part pour ne pas oublier d'y répondre.

Le fait était qu'une multitude de phrases commençant par « qui, pourquoi, comment, où, que, quand, quel, combien » se bousculaient dans sa tête, cherchant toutes à triompher sur les autres pour être la première examinée.

Lyana se tourna vers l'océan et écouta pendant quelques instants le bruit des vagues, tout en faisant le vide dans son esprit. La fraîche brise souffla un peu plus fort, soulevant quelques grains de sable, caressant sa nuque. Le goût du sel, charrié par l'air, se déposait sur sa langue.

Elle décida de s'atteler à la tâche et choisit la première question qui lui vint à l'esprit alors, la première qui osa parler, après qu'on les ait toutes réduites au silence.

Pourquoi ne se souvenait-elle de rien ?

 

***

 

Le jour pointait à l'horizon. Une faible lueur d'abord, vers laquelle Lyana marchait. Puis les cieux s'éclaircirent jusqu'à attendre cet indescriptible ton de bleu.

A la lumière du jour, la mer était d'une magnifique teinte turquoise et les vagues apportaient toujours plus d'écume blanche. Les feuilles vertes des palmiers se balançaient lentement au vent, parcellant ce qui ressemblait à une lande. Une longue étendue de sable avec des buissons épineux aux branches sèches et aux feuilles d'un vert terne, où pointaient les dix palmiers, à des distances régulières. Ce paysage s'étendait à perte de vue, jusqu'à l'horizon brumeux et indistinct, qui lui apparaissait comme un mélange de couleurs floues. D'un côté, tout se fondait en une fumée blanche, de l'autre, ciel et océan ne faisaient plus qu'un. 

À présent, Lyana avait la sensation de tourner en rond, dans le sens où elle ne percevait aucune modification de son environnement. Elle avait l'impression étrange de marcher sur place, déployant toujours plus d'effort, mais n'avançant pas d'un pouce.

Le soleil grimpait dans le ciel beaucoup plus vite qu'elle ne l'aurait cru. La chaleur devenait peu à peu étouffante. Elle suait déjà à grosses gouttes qui roulaient sur son visage et sur son corps. Elle se sentait poisseuse et épuisée. Le sable autrefois si doux se mit à lui brûler la plante des pieds et elle n'eut pas d'autre choix que de commencer à marcher sur le sable mouillé. Mais au fur et à mesure que le soleil grimpait dans les cieux, la chaleur devenait plus pesante, lui brûlant la peau. Lyana sentait l'air chaud emplir ses poumons, elle avait la sensation d'étouffer. Sa gorge se desséchait rapidement, la soif devenait sérieusement un problème et la faim lui taillait de l'estomac. Elle ne sentait pratiquement plus ses jambes ni ses épaules que les lanières du sac cisaillaient.

Apercevant l'ombre projetée par un palmier, ses feuilles se balançant lentement au vent, Lyana décida de faire une pause. Il était temps. Et de toute façon, il faisait à présent beaucoup trop chaud pour continuer à ce rythme.

Avec un soupir de soulagement, elle se laissa tomber sur le sable à l'ombre feuillue du palmier. Une légère brise, dont la fraîcheur était auparavant occultée par la chaleur du soleil, souffla et glissa sur sa peau. Elle fouilla dans son sac et, découpant une bande de tissu dans ses vieux vêtements rongés au mites à l'aide du couteau, elle attacha ses cheveux terriblement mêlés, libérant ainsi son champ de vision. Le vent pouvait à présent caresser aisément sa nuque. Quelques minutes plus tard, elle se surprit même à frissonner quelque peu.

Lyana s'allongea sur le sable, prenant garde à ne pas exposer de parcelles de sa peau au soleil avec son sac pour oreiller, et se perdit dans la contemplation du ciel une nouvelle fois. Immensité bleue, parsemée de nuages, il semblait être la seule vérité dans sa réalité mensongère. Dans sa réalité aux horizons brumeux, aux contours indistincts, à la blancheur immaculée et parfaite, où tout était faux jusqu'à son esprit, le ciel était le seul qui osait être honnête, le seul à qui elle pouvait faire confiance.Lui resterait toujours bleu et immense quoi qu'il arrive. Même partant de pluie, elle saurait que sous les couches de nuages et de gris, le ciel le bleu serait toujours là.

Quelques oiseaux traversaient le ciel se dirigeant vers un horizon qu'eux seuls pouvaient apercevoir. Leurs ailes grandes, légères, plumées battaient avec force pour maintenir leurs corps dans les airs. Leurs becs brillaient à l'éclat du soleil, et sur le sol filaient tout aussi vite les ombres qu'ils projetaient. Ils étaient si… libres. Libres d'aller où bon leur semble, de remodeler les horizons et de dessiner dans le ciel, volant à leur guise d'un bout à l'autre du continent.

Ce beau et paisible spectacle qu'est la nature retint toute l'attention de Lyana pendant quelques instants. Tout semblait avoir été créé dans un but précis, parfaitement modelé pour pouvoir s'emboîter avec les autres pièces dessinées par des mains divines. Tout cela s'apparentait à des milliers de tableaux qui, réunis, formaient une seule et unique œuvre complète.

Au-dessus de sa tête, les feuilles du palmier continuaient à se balancer tranquillement, poussées par la fine brise. Le tronc de l'arbre était doux, son bois tendre, et pourtant écorché de toutes parts par le sable et les intempéries, si on creusait dans sa chair comme autant nos blessures. Malgré ses plaies, qui étaient plutôt des cicatrices en réalité, le palmier rayonnait. Il paraissait fort et sain, fourmillant de vie. En levant les yeux, Lyana réalisa qu'elle s'était trompée. Il ne s'agissait pas d'un palmier, mais d'un cocotier. Juste sous ses feuilles, à l'abri du soleil direct, quatre noix de coco, à l'extérieur verts et lisses, étaient rattachées à l'arbre par leur tige épaisse.

Dans un soudain éclair de génie, Lyana se leva d'un bond. Elle ouvrit son sac à la hâte, farfouilla dedans pendant quelques secondes, en sortit la corde et le couteau. Elle enroula la corde autour de sa taille et autour de l'arbre, mit le couteau entre ses dents et, ravalant une grimace goût amer et métallique de la rouille, elle se servit de la corde pour grimper péniblement en haut de l'arbre.

Une fois arrivée en haut, Lyana enroula ses jambes autour du tronc en serrant les cuisses pour ne pas tomber. Lentement, sans perdre l'équilibre, elle lâcha une main pour venir prendre le couteau entre ses dents. Tout en continuant de se tenir à l'arbre de sa main libre et de ses cuisses, elle se mit à scier maladroitement les épaisse-tiges qui relevaient les noix de coco au haut du tronc à l'aide de son couteau. Comme il était très rouillé, elle a eu quelques difficultés à trancher les tiges, mais finit par y arriver malgré tout.

Sous le cocotier, une noix de coco s'écrasa sur le sable doré après une chute d'environ deux mètres. Les trois autres noix de coco suivent, s'écrasant sur le sol avec autant de force que la première. Finalement, Lyana sauta à terre à son tour. Lorsque ses pieds heurtèrent le sol, elle vacilla et, fatiguée, s'écroula dans le sable. Après quelques instants pour reprendre son souffle, puis se releva en déglutissant avec des difficultés. Sa gorge était plus sèche que jamais, mais heureusement, elle avait trouvé une solution.

Un sourire s'étira sur ses lèvres quand elle se redressa. Puis elle retourna vers son sac et saisit une des pierres. Elle commença par creuser une fine ornière sur la première noix. Elle glissa sa lame dans l'ornière de façon à faire tenir le couteau verticalement. Puis elle se mit à frapper le manche à l'aide de la pierre, enfonçant chaque fois plus la lame dans la noix. Lorsque l'ornière qu'elle avait creusée plus tôt s'étendit et s'élargit, elle retira le couteau et glissa deux doigts dans l'ouverture afin de tirer vers l'extérieur, agrandissant encore le trou jusqu'à ce que la noix se fonde en deux. Assoiffée, elle porta l'un des morceaux de la noix à ses lèvres et but goulûment tout le liquide qui s'est trouvé. De l'eau de coco, un liquide extrêmement nourrissant,

qui sert à la base à nourrir la graine du cocotier, mais qui peut tout aussi bien être bu. La sensation de l'eau fraîche qui glisse dans sa gorge desséchée, qui mouille sa langue tout aussi sèche, lui rappela ce qu'elle avait ressenti à son réveil en inspirant pour la première fois. Elle termina de boire toute l'eau de sa noix et gratta la chair blanche et juteuse avec son couteau. Puis elle la mit dans sa bouche et savoura le goût de fraîcheur avant d'avaler, soulageant ainsi la faim qui lui tailladait l'estomac et qui lui pesait tout autant que la soif.

Bien que sa soif ne fût pas étanchée, Lyana se força à arrêter de boire de peur de tomber malade, ce qui serait la pire chose à faire dans cette situation. Elle ouvrit les trois autres noix par le même procédé qu'elle avait ouvert la première, puis vida leur eau dans ses gourdes. Elle gratta la chair et improvisa une bourse avec les restes de vêtements qu'il y avait dans son sac glissant la nourriture dedans. Puis, elle rangea ses gourdes et sa bourse dans son sac qu'elle jeta sur son épaule, reprenant sa route et abandonnant derrière elle les restes de noix de coco.

 

***

 

Quelques heures plus tard, la sensation de tourner en rond se fit plus poignante, à tel point qu'elle bifurqua pour s'enfoncer dans la lande, ne supportant plus de marcher vers nulle part. Au moins, elle avait à présent la sensation d'avancer dans ce paysage plat, fait de sable et de buissons tortueux, de palmiers et de touffes d'herbes sèches. L'horizon, bien que toujours flou, semblait repousser ses limites pour lui forger un nouveau monde à chaque pas.

Lyana continua de marcher jusqu'au coucher du soleil qu'elle observa avec la même lueur de ravissement brillant dans les yeux que la veille. Une fois que les étoiles et la lune prirent possession du ciel, elle se remit à marcher, s'arrêtant à nouveau quelques heures plus tard. Elle s'allongea sur une dune herbue et son regard se perdit dans la voûte céleste, appréciant la vérité et la simplicité de ce spectacle nocturne.

 

***

 

Lyana marcha trois jours durant. Le jour, elle s'abritait à l'ombre des cocotiers lorsqu'il faisait trop chaud. La nuit, elle marchait jusqu'à tard le soir avant de fermer ses yeux et de plonger dans le sommeil. Elle continue de se fier au ciel et de le contempler lorsque tout semble éperdu. Il lui donnait du courage, il semblait lui souffler à l'oreille des mots rassurants. Et malgré la chaleur, malgré la difficulté, malgré la faim et la soif, Lyana continuait d'avancer.

Après de longues heures de réflexion, elle était parvenue à la maigre conclusion qu'elle n'avait pas tout oublié, si on peut appeler cela oublier. Sa mémoire avait été effacée et ce n'était pas faute d'effort pour se souvenir. Ses souvenirs de l'Avant, comme elle s'était mise à l'appeler, ce passé dont elle connaissait l'existence sans en connaître les détails, ce elle-ne-savait-quoi qui venait avant son réveil, avant son premier souvenir, existait toujours.

Elle savait se servir d'un couteau, elle connaissait le nom et la fonction des choses, et plusieurs astuces qui lui avaient été très utiles, notamment celles sur l'eau de coco. Pourtant, elle était bien incapable de se rappeler son passé. Même son prénom lui avait échappé. C'était comme si ses souvenirs avaient été minutieusement sélectionnés pour effacer seulement ceux qui étaient liés à elle-même. Tout ce qui faisait partie de ses capacités intellectuelles, liées à son instant de survie, avait été préservé. Les informations sur le monde, tout cela, elle le savait. Mais ce qui était lié à celle qui avait été liée à Lyana Terrin, et celle qu'elle était, avait tout simplement disparu.

C'était le matin du quatrième jour. Le soleil venait à peine de se lever. Les premières lueurs de l'aube vantaient à l'horizon, éclaircissant la teinte du ciel. Lyana ouvrit un œil, puis l'autre, et resta quelques instants allongée sur le sol, regardant les cieux virer peu à peu de l'obscurité nocturne au bleu clair parsemé de nuages des journées de marche. Finalement, elle se leva et se remit à marcher dans la même direction qu'elle avait emprunté ces trois derniers jours. Au fil du temps, le paysage s'était modifié. Elle progressait à présent sur un territoire strié de rivières qui s'entrecroisaient de temps à autre. Entre les rivières, des langues de terre herbeuses étaient parfois recouvertes de bosquets. Malgré le terrain plutôt plat, Lyana ne va pas avancer aussi rapidement qu'elle l'aurait voulu. Car la plus tard du temps, elle avait trouvé un guet pour traverser les rivières. Le courant était trop fort, ce qui l'obligeait à longer les cours d'eau pendant des kilomètres pour pouvoir traverser.

Lyana s'immobilisa. Elle venait de sortir d'un petit bosquet dans lequel elle avait marché pendant environ deux heures. Devant elle, il y avait un pont de pierre énorme à la rambarde sculptée qui enjambait la partie la moins large d'un lac jusqu'à une île. Sur cette île, cachée derrière d'immenses murailles protectrices, il y avait une ville.

Elle avait passé tellement de temps à chercher une ville qu'à présent qu'elle l'avait trouvée, cela semblait irréel. Elle resta quelques instants encore bouche bée, contemplant cette vision avec étonnement. Puis, elle se décida à s'avancer sur le pont et se dirigea vers les grandes portes en bois aux jonctions métalliques. L'eau qui passait sous le pont était cristalline, aussi transparente que du verre, et s'écoulait dans un agréable clapotis.

Lyana s'arrêta à nouveau devant les portes ouvertes. De l'autre côté de la muraille, on apercevait la ville. Les maisons sagement alignées le long de la rue principale, les toitures bleu clair, les murs blancs, les fleurs aux fenêtres, les passants qui se baladaient l'air paisible, les canaux d'eau qui longeaient les rues jusqu'à ce qu'ils percent les murailles et que l'eau qui coulait dedans ne se jette dans le lac. De chaque côté de la porte, un garde, muni d'une hallebarde dont la lame brillait à l'éclat du soleil. Celui qui était à sa droite s'approcha:

— Bonjour, lui dit-il.

— Bonjour, répondit Lyana.

Mais la voix qui sortit de sa gorge était enrouée, et le mot qu'elle avait prononcé fut inaudible. Elle-même, surprise par sa voix, tout sauta un peu et recommença.

– Bonjour.

Cette fois, le son fut plus naturel et le garçon ne l'entend.

– Je dois contrôler votre identité si je ne vous dérange pas, annonça-t-il en fronçant légèrement les sourcils lorsqu'il détailla un peu plus la jeune fille qui s'est née devant lui.

– Non, non, bien sûr que non. De quoi avez-vous besoin ?

– Euh… De votre carte d'identité, dit-il d'un air étonné.

– De ma quoi ?

– Vous savez, une petite carte où sont écrites vos données.

– J'ai dû la perdre, prétexta Lyana, tout en ignorant toujours ce qu'était une carte d'identité. 

– Oh.

Il fit une pause avant de déclarer en haussant les épaules.

– Je pense que nous pouvons faire autrement. Venez.

Il adressa un signe à son collègue et pénétra dans la ville. Lyana lui emboîta le pas. Ils traversèrent la rue principale au pas de course. Le garde marchait vite et elle devait courir à moitié pour rester à sa hauteur.

– Euh, excusez-moi, mais où allons-nous ?

Sans ralentir ni même lui jeter un regard, le garde tourna à gauche et s'engagea dans une volée de marches avant de répondre.

– Ne pas avoir de carte d'identité sur soi, ce n'est pas commun. D'habitude, je dois juste la vérifier et laisser entrer les voyageurs. Mais là, surtout en ce moment, nous devons nous rendre au bureau de l'Ordre de Nautilus pour réaliser la procédure.

– La procédure ?

– Oui, la procédure pour vous obtenir une autorisation de séjour.

– Tout le monde en a besoin ?

– Non, pas vraiment. Nous n'en faisons que lorsqu'il s'agit de conditions... suspectes.

– Ah.

Il y a eu un silence gêné.

Aux yeux de ce garde, Lyana était donc suspecte. Après tout, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Elle-même trouvait sa situation plus qu'étrange, alors comment espérer que les autres ne soient pas en accord avec cette impression ?

– Nous sommes arrivés, déclara le garde, coupant court à ses pensées.

Devant elle s'élevait un haut bâtiment de pierres blanches à des allures de château. Chacune de ces sept tours était surmontée d'une longue flèche aux tuiles bleu clair, s'accordant harmonieusement avec l'esthétique du reste de la ville. Le garde monta les marches, jusqu'à l'entrée et ils pénétrèrent dans un hall pratiquement vide, à l'exception de quelques réceptionnistes absorbés par leur travail et un petit groupe de personnes plongées dans une conversation animée. Le garde s'approcha d'une réceptionniste qui griffonnait quelque chose sur un morceau de papier et l'interpella. Il commença à lui expliquer la situation, que Lyana n'écoutait que d'une oreille absorbée par la contemplation de cet endroit.

Elle était arrivée dans une ville. C'était presque surréel. Elle avait du mal à y croire. Ce matin, elle s'était réveillée presque convaincue que son voyage durerait encore. Et à présent, seulement quelques heures plus tard, elle était arrivée et elle se tenait debout dans un bâtiment.

– Je m'en charge, déclara une voix.

La conversation entre le garde et la réceptionniste s'interrompit. Lyana se tourna vers eux et vit une femme d'une vingtaine d'années, des cheveux châtains longs, des yeux verts, une peau claire. Elle semblait déterminée à résoudre son problème, mais Lyana pouvait déceler dans son empressement d’autres intentions.

– Je m'en charge, répéta-t-elle. Je vais l'emmener voir Lilia. 

– Oh, euh... – commença la réceptionniste. Je ne crois pas que ce soit nécessaire, ne vous dérangez surtout pas.

Mais la femme avait déjà fait signe à Lyana de la suivre, et avant qu'elle n'ait pu se rendre compte, elle l'avait conduite dans un couloir.

– Euh... Excusez-moi, mais où allons-nous ?

– Dans le bureau de Lilia. Son visage s'illumina en prononçant ce nom. Euh, je veux dire, se reprit-elle. Dans le bureau de la commandante générale de l'ordre de Nautilus.

Il y eut un bref silence.

– Sans vouloir être malpolie, mais qui êtes-vous ? – demanda Lyana, curieuse de comprendre ce qui poussait cette femme à vouloir à tout prix l’emmener dans le bureau de cette Lilia.

La jeune femme, perdue dans ses pensées, se tourna vers elle avec un air interrogateur peint sur le visage. Lyana répéta sa question.

– Oh, je suis Ellie, la magicienne de l'ordre.

Avant qu'elle puisse poser plus de questions, Lyana et Ellie arrièrent devant une porte en bois ouvragée. Ellie frappa deux coups contre le bâton, attendit quelques secondes puis entra Lyana sur ses talons. La pièce dans laquelle elles pénétrèrent n'était pas vraiment spacieuse, ni vraiment exiguë. Un mur entier était recouvert de livres et une grande fenêtre occupait le mur du fond, déversant un flot de lumière sur le bureau positionné de dos à la fenêtre et face à la porte. À ce bureau était assise une autre femme dont l'aura était imposante. Ses cheveux blonds étaient relevés en une queue de cheval et elle semblait concentrée sur son travail. Elle termina de griffonner quelque chose sur un bout de papier avant de relever la tête avec un air quelque peu exaspéré.

– Ellie, je t'ai déjà dit de pas me déranger pendant que je travaille. Elle s'interrompit en voyant Lyana. Euh... Excusez-moi. Qu'est-ce qui vous amène ?

Ellie expliqua à la femme blonde de la situation – l'absence de carte d'identité de Lyana –  qui acquiesça. Lorsqu'Ellie eut fini, la femme se tourna vers Lyana.

– Tu n'as pas de carte d'identité ?

– Non.

– Bon, ce n'est pas très grave. Même si je ne comprends pas très bien pourquoi cette affaire m'a été relayée, ce n'est pas bien compliqué à résoudre. Il suffit que tu remplisses un formulaire. Attends, je vais t'en trouver un. Asseyez-vous.

Lyana prit place sur une des deux chaises en bois qu'il y avait devant le bureau. Élise assis sur la deuxième, même sans y avoir été invitée.

– Euh... Excusez-moi, commença Lyana. Mais euh... Où sommes-nous ?

La femme blonde qui fouillait dans son tiroir releva la tête avec un air étonné un document à la main.

– A Tilinhamé ?

– Où ?

– A Tilinhamé, la capitale du Nord. Oh, et je crois que je ne me suis pas présentée, dit-elle en lui tendant la main. Lilia, commandante générale de l'Ordre de Nautilus. Et toi?

– Lyana Terrin. Je suis... aventurière.

Lyana, qui n'avait toujours aucune idée de ce qu'était Tilinhamé, la Région Nord ou encore l'Ordre de Nautilus, se tut.

– Tu viens d'où ? –  demanda Ellie pour faire la conversation.

– C'est plutôt compliqué.

Ellie et Lilia continuèrent de la regarder, attendant une explication.

– Nous avons tout le temps pour écouter cette histoire, n'est-ce pas Lilia ? – dit Élie en jetant un regard éloquent à Lilia.

Cette dernière soupira, mais lâchant un petit sourire fatigué quelques secondes plus tard.

– Oui, je suppose qu'une pause me ferait du bien. Je vais envoyer quelqu'un chercher à manger chez Roberta. Que dites-vous de déjeuner avec moi ?

– Avec plaisir ! – accepta Ellie, même si la question devait s'adresser à Lyana. En attendant, Lyana, tu pourrais peut-être remplir ce formulaire ? Demande à Ellie si tu as besoin de quoi que ce soit. 

Lilia quitta la pièce, et Lyana se pencha sur le formulaire que la commandante avait déposé devant elle, qu'elle commença à remplir. Elle dut laisser beaucoup de champs en blanc, notamment « Où allez-vous ? » ou « D'où venez-vous ? » ou encore « Âge » ou « Origine ». Mais elle remplit le formulaire de son mieux, grâce aux maigres informations dont elle disposait sur elle-même. Lorsqu'elle eut terminé, elle tendit le formulaire à Elie.

– Tu dois tout remplir, dit-elle.

– Je sais, se justifia Lyana, mais ce sont des informations que je n'ai pas.

L'expression curieuse d'Elie s'accentua encore à ces mots. Qui était donc cette jeune fille ? Mais elle posa simplement le formulaire rempli au centre du bureau de Lilia. Juste à cet instant, cette dernière rentra dans la pièce, trois sacs en papier à la main.

– Personne n'était disponible, j'ai dû y aller moi-même. Tenez, je t'ai pris des nouilles, Lyana, j'espère que tu aimeras.

Elle tendit un sac à chacune d'entre elles, puis s'assit à sa place, jeta un regard tout aussi étonné qu'il y eut au formulaire, mais ne fit aucun commentaire, l'écarta simplement et posa son propre sac en papier à la place du document. Elle l'ouvrit et en sortit un bol de nouilles. Ellie et Lyana firent de même et elles se mirent toutes les trois à manger. La première bouchée lui fit l'effet d'un mur en pleine face.

Lyana n'avait pas mesuré à quel point elle avait faim jusqu'à ce moment. Ses nouilles n'étaient sûrement pas le meilleur plat qu'elle mangeait dans sa vie. Pourtant, elle se sentirait heureuse d'en manger pour toujours. Elle se contrôla pour ne pas engloutir tout son bol d'un coup, et pour se changer les idées de cette perspective alléchante, elle décida de faire la conversation.

– Donc nous sommes à l'ordre de Natilus ?

 – De Nautilus, corrigea Lilia. 

– Et euh, qu'est-ce que c'est exactement ? »

Ellie eut un sourire amusé avant de réaliser que Lyana parlait sérieusement.

– C'est un des quatre ordres du SGA, expliqua-t-elle. Il est responsable de l'administration et de la protection de la région Nord et de sa capitale.

– Le SGA?

– Ou le système gouvernemental d’Asgjë si tu préfères.

Il y eut une brève pause puis Lilia demanda:

– Alors, cette histoire ?

Lyana soupira puis se lança dans le récit de ses singulières aventures. Elle raconta minutieusement ses réflexions, ses impressions, son rivière, son réveil, sa longue marche, son amnésie et son ignorance des lois qui régissaient ce monde inconnu.

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Elohane
Posté le 20/03/2024
Coucou !
Vraiment pas mal, hâte de lire la suite.
J'ai bien aimé ce moment :
Je m’appelle Siloé. Je suis marin. Merci de m’avoir sauvé.

_ Lyana. Aventurière. Heureuse de vous connaître.
Nini24
Posté le 24/03/2024
Coucou Elophane!
Je suis contente que tu aies aimé, ça me fait très plaisir!
D'ailleurs, ça m'intrigue beaucoup que ce passage soit ton préféré. Est-ce que tu sais pourquoi? Parce que je trouve ça très intéressant.
Elohane
Posté le 24/03/2024
Parce qu'elle répond qu'elle est aventurière avec tellement de simplicité mdr
Alors que c'est pas commun
Nini24
Posté le 26/03/2024
Hahaha il faut encore lire la suite. En fait, dans les prochains chapitres, on rencontre basiquement que des aventuriers donc de mon côté ça paraît assez normal, mais c'est vrai que vu comme ça...
Elohane
Posté le 27/03/2024
Ouais ;)
Florian
Posté le 16/02/2024
Bonjour ! Et bravo pour ce texte ! Je n'ai pas grand chose à dire sur le fond, mais sur la forme une petite remarque : il y a quelques incohérences de temps, particulièrement dans les premiers paragraphes, où on s'entremêle entre présent et passé, tandis que le reste du récit est au passé.
Nini24
Posté le 17/02/2024
D'accord merci beaucoup! J'avais déjà remarqué ces erreurs, mais j'ai une très mauvaise mémoire pour les choses utiles, donc merci de me le rappeller. Je vais résoudre ça au plus vite!
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