CHAPITRE I - Une voie pour quatre étoiles - Arcturus - Partie 2

Notes de l’auteur : ATTENTION : À la suite des différents conseils-commentaires concernant la longueur des scènes, je les mets à nouveau en ligne en plusieurs parties. Il ne s'agit pas de relecture, et de nouveaux chapitres sont à venir chaque semaine comme d'habitude.
J'espère que ça sera plus confortable pour vous.

La porte refermée, le Général continua aussitôt sa route, passant ainsi devant William qui prenait le café avec quelques membres du service diplomatique allemand – occupés à discuter des dernières réformes du Kaiser en économie et santé publique, deux secteurs si liés de nos jours. Mais le Français ne lui accorda qu’un fugace regard en avançant d’un pas résolu vers la sortie, en repensant à ce que Ludwig avait dit à propos du LM, des guerres nouvelles ou de ce ReichForschlung-Abteilung – simplement surnommé RFA la plupart du temps.

Peut-être avait-il raison ? Peut-être que Gabriel devrait-il immédiatement se mettre en contact avec des savants de la trempe de ce soi-disant petit Leibniz ? L’idée d’utiliser tous ces médicaments chimiques sur ses soldats le dégoûtait mais, après tout, si c’était pour gagner et qu’un maximum d’entre eux puisse survivre, n’était-ce pas la chose à faire, n’était-ce pas son devoir ? Et, pour couronner le tout, il se demandait bien à quel genre de médecine révolutionnaire le maréchal avait fait référence, au sujet des toutes dernières avancées du RFA. Je ferais mieux de contacter le représentant de Solar Gleam France, en conclut-il donc, une fois rendu au rez-de-chaussée, il pourra me mettre en contact avec cette directrice française qui refuse tout partenariat avec notre armée depuis huit ans, ça la concerne aussi après tout.

Mais à peine eut-il franchi le seuil de l’ambassade allemande que ses pensées l’abandonnèrent soudainement, qu’elles s’évanouirent en moins d’un instant, lorsqu’il aperçut un homme confortablement assis sur la banquette de sa voiture thermique officielle – l’une des premières du genre. À vrai dire, il en vint même à se figer durant une seconde, choqué de voir que quelqu’un se soit introduit dans une voiture de l’état-major, sans que ses chauffeurs ne disent rien. Pourtant, dès qu’il réalisa qui était cet élégant jeune homme, il pardonna à ses conducteurs un tel écart de protocole, puisqu’il était justement à la recherche d’un moyen pour contacter la directrice de Solar Gleam France. Et la présence de ce visiteur imprévu était une véritable aubaine, c’était la meilleure personne qu’il pouvait espérer croiser à la sortie de cet entretien avec Ludwig : Arcturus Seafox, le richissime président de Solar Gleam, successeur d’August Baaltanijt à la tête de cette firme.

D’ailleurs, l’Anglais du Conseil semblait très satisfait de croiser dans le plus grand des hasards la voiture d’un homme qui avait sûrement besoin de son aide, lui qui était connu pour sa si grande philanthropie. En plus, le Britannique savait même où le général devrait se rendre selon lui, au point de lui suggérer l’adresse de cette très discrète cheffe de Solar Gleam France, sous les airs intrigués de Gabriel qui se vit ainsi rappeler son nom : Kochanowska de La Tour. En fait, il ne le comprenait pas, mais si Arcturus arborait un sourire satisfait jusqu’aux oreilles, c’était évidemment parce que le plan du Conseil se déroulait sans accroc - tel qu’Alessia l’avait expliqué à l’un de ses hommes attendant le rapport de la religieuse dans une église de la rue d’à côté …

— Je ne m’attendais pas à ce que l’un des plus riches hommes du monde vienne me chercher en personne. » déclara donc innocemment le Général, en montant enfin dans la voiture, au grand soulagement des deux chauffeurs – bienheureux d’avoir eu raison de laisser monter le président de Solar Gleam, ou d’accepter son pot-de-vin.

— La richesse n’est pas la seule chose à déterminer la valeur d’un homme, il y a aussi ses amitiés, trop de gens l’oublient. Heureusement, ça n’est pas mon cas, et l’Alliance for Progress a toujours à cœur d’aider ceux qui nécessitent son secours. » lui sourit Arcturus, avec cet éternel rictus croyant tout mieux savoir que les autres. « Mais, dites-moi, puis-je vous demander ce que le plus redoutable officier de France faisait dans l’ambassade de son ennemi juré ? Ça n’est pas anodin …

— Je pourrais vous retourner la question, celle qui interrogerait la présence du président de Solar Gleam dans ma voiture … mais cela va nous ramener à des questions de richesses. » sourit-il nerveusement, en jetant un regard à ses deux chauffeurs qu’il vit tiquer à ses mots, avant de se laisser aller à un ton plus cordial. « Néanmoins, un homme comme vous n’est pas étranger aux sujets dont nous avons discuté, c’est vrai. Et c’est aussi vrai que vous pourriez m’être particulièrement utile, malgré la façon dont vous vous glissez dans des voitures qui ne sont pas les vôtres. » avoua-t-il à l’Anglais du Conseil, toujours désintéressé lorsque Gabriel ajouta qu’il lui pardonnait son comportement déplacé, et toujours souriant quand il enchaîna sur les propos qu’il attendait

— Ah, très bien ! Et de quelle manière pourrais-je servir les alliés de Sa Majesté ? » se réjouit donc Arcturus, sur son air toujours innocent, pour que l’ambitieux général ne lui parle de son entretien ou de ses opinions sur celui-ci.

 

Bien évidemment, Gabriel ne put lui apprendre la moindre information, même si ce dernier feignait de tout découvrir. Si l’information était vraiment le pouvoir, alors Arcturus le tenait complètement dans sa main, puisqu’il savait même quelles étaient ses fameuses recherches secrètes du RFA - grâce à William. Quant à la solution à ce problème, le Conseil l’avait déjà, et le président de Solar Gleam annonça dans la plus grande des tranquillités que son entreprise travaillait, elle aussi, à cette étape supérieure – grâce à Maria et Alessia. Vous n’avez rien à craindre tant que l’alliance entre nos deux nations tient, en vint à le rassurer Arcturus, sentant que son client était sincèrement inquiet de la concurrence, ce n’est donc pas ça qui vous inquiète, quel est le véritable problème, mon général ?

Alors ce dernier lui avoua d’abord qu’il suspectait le RFA de préparait quelque chose de grandiose, car Ludwig ne devrait pas être aussi serein face à la coalition franco-anglaise. Puis, avant même de laisser au président l’occasion de répondre, il lui confia qu’il regardait déjà d’un mauvais œil toutes les Sciences Nouvelles - tout comme son épouse ayant strictement refusé d’ingérer du LM durant sa grossesse, et encore moins pour la stimuler. En bref, Gabriel ressassait encore ses peurs sur cette chimie, craignant cette fois que l’étape supérieure ne soit encore plus invasive et immorale. Après tout, à part les savants qui en parlaient avec un étrange jargon, personne ne savait trop si le LM injecté dans les patients finissait par quitter le corps ou s’il ne l’altérait pas plus que prévu, il n’avait été découvert qu’il y a vingt ans de ça. Seulement, il faut bien vaincre nos ennemis, comme le Général essayait de s’en convaincre, dès les premières insistances du Britannique qui ne perdait jamais une occasion de défendre ses produits. D’ailleurs, Arcturus était sûr que ce brave général serait très enthousiasmé par les recherches d’un esprit aussi brillant que celui de Maria Kochanowska de La Tour, chez qui la voiture se dirigeait.

Mais un détail imprévu surgit alors dans le plan du Conseil. Gabriel n’était pas seulement quelqu’un de méfiant et hargneux, voire hostile envers l’Alliance for Progress dont faisait partie Arcturus, il était tout simplement un anti-Solar Gleam. À côté de ça, il semblait un brin traditionnaliste, ou de cette mentalité conservatrice qui exaspérait l’esprit très moderne et progressiste du président, tout comme la simple présence du Seafox paraissait agacer le Général. Et pour conclure il était surtout connu pour être un redoutable stratège, quelqu’un de peut-être aussi rusé que William, quelqu’un qui soupçonnait déjà que la présence d’Arcturus était très loin d’être fortuite ou simplement intéressée par l’argent, il y avait quelque chose d’autre …

— D’ailleurs, je me suis toujours étonné du fait que mon gouvernement n’ait pas nationalisé vos installations, et qu’il se soit contenté du fait qu’une Française méconnue dirige le site avec des droits élargis et quelques actions de l’État. Vous êtes sûr de ne pas me cacher quelque chose ? J’ai croisé deux autres chercheurs de sciences nouvelles chez le maréchal, vous ne les connaissez pas non plus ? » questionnait Gabriel, après avoir déjà fait tomber le sourire satisfait d’Arcturus sur la réplique précédente, sans que ce dernier n’ait arrêté de jouer l’innocent pour autant.

— Non, je n’ai connaissance d’aucun collègue scientifique ou de l’AP qui travaille avec cette brute d’Empereur Allemand. Vous savez que l’Alliance for Progress déteste l’aristocratie prussienne. Et je ne comprends pas vraiment de quoi vous m’accusez … » espérait-il se défendre, lorsque la réponse cingla aussitôt.

— De venir profiter des conflits qui s’annoncent comme un rapace. Les guerres sont très profitables aux gens comme vous, à vos amis, c’est peut-être pour ça que vous ne répondez pas vraiment à ma question.

— Heureusement, il n’y a pas que le profit qui compte à mes yeux, sinon vous ne me connaîtriez pas, général, je ne viens pas vous vendre une camelote dont vous n’avez pas besoin. Vous avez entendu parler de moi car Solar Gleam offre la meilleure médecine à l’Humanité tout entière, n’est-ce-pas ? » se justifia-t-il aussitôt, sans perdre son aplomb malgré le hochement mou de la tête de Gabriel. « Et pour votre question que j’ai eu le malheur de négliger, sachez que Solar Gleam et la France ont simplement trouvé un partenariat qui arrange tout le monde. Vous aviez du LM et une savante aussi douée qu’intransigeante, Solar Gleam avait toute l’expertise nécessaire, la République me l’a proposé dans un courrier un brin insistant, et j’ai accepté par bon sens. Il n’y a pas de quoi vous outrager, même pour un Français … » s’amusa-t-il à ajouter, en espérant que cette petite pique détende un peu l’officier sur lequel les explications du Président n’avaient que peu d’emprise – rien à voir avec ces chers députés … des gens bien plus conciliants.

 

Heureusement, les soupçons du brillant stratège n’allèrent pas plus loin, même si ce dernier paraissait toujours convaincu que l’Alliance for Progress ait corrompu les autorités françaises jusqu’à la tête du pays pour garder la main sur la nappe de LM blanc d’Indochine. Après tout, le monde entier savait déjà que ce cartel surpuissant avait déjà une influence si grande que ses pontes discutaient directement avec la Reine ou le président des États-Unis – dont les projets coloniaux engloutissaient des sommes phénoménales, si pharaoniques que seule l’AP pouvait le permettre. Quant à la France de Gabriel, elle ne faisait pas exception, elle était même encore plus en difficulté que sa voisine d’Outre-Manche, et la libéralisation commencée sous l’Empereur Napoléon III n’avait pas amélioré les choses. Tout le pays tombait lentement aux mains des grands marchands comme le peuple les appelait sobrement. Et, bien évidemment, un fervent patriote comme ce général ne voyait pas cela d’un bon œil, pas plus que les socialistes qu’il n’appréciait guère.

Alors c’est en faisant profil bas qu’Arcturus chercha à le rassurer, en se demandant intérieurement s’il n’aurait pas été mieux que ça soit Maria qui s’occupe de réceptionner ce général si suspicieux et réactionnaire. D’ailleurs, ils vont bien s’entendre ces deux-là, pensa le président, en essayant maintenant de présenter sa collègue sous son meilleur jour pour apaiser un peu ce client si embêtant, jusqu’à ce que la voiture s’arrête enfin devant une vaste résidence toute en longueur, coincée entre quatre petites rues.

— Heureusement, je suis sûr que vous trouverez avec Maria Kochanowska de La Tour les réponses que vous attendez sur la question de sa légitimité ou sur celle du LM. Et je crois même que vous vous entendrez très bien avec elle, vous partagez une vision du monde assez proche du peu que j’en comprenne, cela devrait vous rassurer sur mes intentions ou sur mes amitiés, elle a toujours refusé tout contact avec l’AP et je ne le lui en ai jamais tenu rigueur d’ailleurs ... » conclut poliment ainsi le président de Solar Gleam, avant de descendre en premier devant cette grande porte de bois ouvragé de la rue de Latran, où il comptait laisser son interlocuteur.

 

Le président de Solar Gleam resta tout de même avec lui pendant un court instant, afin de le présenter au majordome de la demeure qui vint leur ouvrir, puis il l’abandonna aux soins de la quatrième part du Conseil, avant de rejoindre la très fréquentée rue des Écoles, située juste à côté.

Là-bas, Arcturus y retrouva ses trois voitures thermiques, garées sur le parvis du Collège de France, avec son chauffeur et ses neufs gardes du corps triés sur le volet, déjà prêts à quitter Paris. Son travail en tant que membre du Conseil était fini ici, et le jeune homme d’affaire avait déjà hâte de rejoindre la gare pour rallier Calais, d’où il devait rembarquer pour son île natale afin de s’occuper des affaires de son entreprise. Car si tout se déroulait sans accroc pour son Conseil, ce n’était pas forcément le cas de son entreprise, sans parler des regrets pouvant peser sur sa conscience, au point qu’il appréhende avec gravité l’entrevue qu’il avait sollicitée auprès de ses deux meilleurs associés au sein de l’AP : James Clive et Eli Disra. Pourtant, ça ne l’empêcha pas de plaisanter, boire ou fumer avec ses compagnons durant tout le voyage, fidèle à sa réputation mondiale de fêtard inépuisable, offrant une consommation gratuite à tous les passagers et des pourboires à tous les employés – même à ceux qu’il ne voyait pas, comme le chauffeur qui reçut un chèque de cinq milles francs sans comprendre pourquoi. De toute façon, ça n’était pas son genre de ressasser ses inquiétudes, il n’allait pas gâcher son voyage de retour, d’autant plus qu’il n’était pas seulement question de revoir sa chère Grande-Bretagne ou ses deux amis. Plus que tout, le président de Solar Gleam avait hâte de revoir le fief que la Reine Victoria lui avait accordé, et dont il avait fait une ville unique, la première de ses grandes œuvres entamées huit ans plus tôt : Light Hill, la colline aux lumières.

D’ailleurs, le lendemain, dès que son bateau entra dans le petit golfe de la Tamise, plus un marin ne pouvait détacher son regard du nouveau quartier chic de Londres, à une petite trentaine de kilomètres de celle-ci, érigé près de Corringham où se trouvait déjà le principal port de la capitale.   

Comme l’avait été Versailles pour un Paris d’avant la fin des rois, Light Hill était l’endroit où toute la capitale se pressait pour profiter de toute la modernité de l’époque, tandis que la vieille capitale était encore en travaux. Mais Light Hill, elle, était déjà achevée et plus riche que n’importe quel autre quartier d’Angleterre. Tout y fonctionnait à l’électricité, tous les patients y étaient traités au LM le plus raffiné qui soit, et les ouvriers de Light Hill comme les employés de la commune étaient de très loin les plus productifs du pays, grâce à l’attention implacable des médecins-contremaîtres veillant sur le port. Tout y était meilleur, à tel point que ce beau quartier semblait n’avoir aucun défaut aux yeux de son président, qui le vouait déjà à la plus grande des prospérités.

Pourtant, cette ville était assez simplement organisée, en trois parties bien distinctes, bien reconnaissables, et surtout très révélatrices des ambitions de Solar Gleam. Tout d’abord, il y avait bien évidemment le port de Light Hill où transitait près de la moitié du LM mondial, qu’il s’agisse du LM rouge des Alpes, du blanc d’Orient et bientôt du noir du Caucase. Et celui-ci fonctionnait à plein régime, en permanence, de jour comme de nuit, car la marche vers le progrès du monde occidental ne devait être entravée, car cette croissance si intense du monde comme de l’AP devait être maintenue coûte que coûte, pour le plus grand Bien de l’Humanité – tel qu’Arcturus le concevait. Mais ce qui attirait directement le regard des visiteurs comme des marins arrivant à Light Hill, c’était incontestablement le vallon qui lui avait donné son nom. Par-dessus toute la petite ville se dressait une grande colline couverte de bâtiments encore plus hauts qu’elle, si hauts que, depuis le bateau, leurs cimes semblaient transpercer les nuages. Un bâtiment en particulier attirait l’attention, et ce n’était pas la belle demeure d’Arcturus, mais le bâtiment situé juste à côté : le siège de Solar Gleam, la plus prospère entreprise que le monde ait connu. Il ressemblait à une immense cathédrale, comme si Arcturus avait voulu ériger une nouvelle religion, et ses flèches grimpaient plus hautes que Big Ben ou tout autre construction britannique. À tel point qu’à son sommet, l’on pouvait voir Londres à l’ouest et la haute-mer à l’est, par-dessus Canvey Island sur laquelle Light Hill commençait déjà à déborder. Car la capitale de Solar Gleam et d’Arcturus avait toujours besoin de plus de bras, de plus de manœuvres et d’employés qu’il fallait bien sûr loger. Et c’est à cela que servait la troisième partie de la ville, les banlieues de Light Hill où se pressaient là aussi tout le bas-peuple de la région, des pauvres de Londres aux désespérés des campagnes anglaises, brisés par la politique libre-échangiste de leurs députés. Mais cela faisait les bonnes affaires d’Arcturus, car avec un tel taux de chômage et une telle misère dans les campagnes, les malheureux citoyens anglais étaient prêts à se damner pour survivre une semaine de plus. Et lorsqu’ils arrivaient à Light Hill, ils découvraient que tous les lords n’étaient pas des monstres avides de toujours plus de profit – très loin du puritanisme chrétien dont ils prétendaient pourtant se réclamer. Car lui, le Seafox, était généreux envers ses employés qu’il logeait en plus de leur offrir toutes sortes de privilèges, de la nourriture à l’éducation des enfants du peuple – de son peuple, disait parfois le président, sans cacher son ambition. L’Anglais du Conseil était ainsi l’incarnation même du paternalisme industriel, du gentil patron qui traite ses ouvriers comme ses fils pour le meilleur et le pire, car ne partageaient-ils pas tous les valeurs de Solar Gleam comme cela se répétait souvent en ville, n’était-il pas une société, une grande famille ?

Si bien sûr, se dit intérieurement Arcturus en voyant son bateau arriver à quai, entre deux grands cargos remplis de LM qui faisaient passer le navire du président pour une barque. Évidemment, une voiture thermique – toujours la toute dernière dans sa version de luxe – attendait déjà le président sur le quai afin de le conduire jusqu’à sa demeure, sous un soleil radieux qui ferait mentir tous ceux qui plaisantaient sur le climat britannique. Mais même les rayons du soleil n’arrivaient à rendre grâce à la somptueuse bâtisse du président, la plus belle de tous les membres du Conseil sans équivoque. Il n’y avait aucun doute à avoir, le Seafox était de ceux qui avaient réussi, plus que tout autre avant lui - et peut-être même, si le LM le veut, plus que tout ceux qui viendront après. Sa grande demeure urbaine se trouvait alors juste à côté du grand siège Solar Gleam, et son esthétique éclectique si particulière qu’Alessia ou Maria l’avaient déjà critiqué, s’élevant sur le sommet de Light Hill qui lui offrait une vue sur le port et la bouche de la Tamise. Elle faisait six hauts étages et devait bien occuper un demi-hectare de terrain en plein centre-ville, dont la moitié était occupée par des jardins situés à l’intérieur de la maison. En effet, il y avait tout ce que l’on pouvait désirer dans cette demeure, de l’élégant confort de l’intérieur à la quiétude des jardins regroupant toutes les plantes que son épouse avait pu faire venir. Car l’Anglais était marié depuis deux ans, c’était d’ailleurs le seul du Conseil à avoir connu ce bonheur, bien que ce fut à son grand regret puisqu’il n’avait pas vraiment eu le choix. Seulement il avait bien fallu rentrer dans l’aristocratie pour trouver tous les soutiens qui lui ont permis d’obtenir cette si belle maison, cette si belle ville, et tant d’autres choses qui auraient dû le rendre plus redevable envers l’AP qu’envers le Conseil.

Mais heureusement – ou pas – son épouse, Jayde, était assez naïve et crédule pour qu’Arcturus ait encore les mains libres avec les autres dames, même si l’idée de la rendre malheureuse le perturbait malgré tout. Bien qu’il n’éprouve rien de concret pour elle, il n’avait aucune envie de lui faire du mal, il n’avait rien contre elle, il l’appréciait même. Enfin, toujours est-il qu’il allait enfin pouvoir se reposer chez lui, après avoir reçu ses deux associés. Et c’est juste après avoir pu échapper à la gentillesse de son épouse qui se précipita dans l’entrée pour l’accueillir, que le disciple d’August put enfin rejoindre le fastueux salon où patientaient déjà ses deux amis, sur des fauteuils de bois rares et de velours. Les deux hommes avaient le même âge qu’Arcturus et ils se connaissaient depuis qu’ils étaient enfants, puisqu’ils étaient tous des fils de l’AP. Les pères des trois hommes étaient tous des membres de l’association, dès sa fondation, et leurs enfants avaient toujours été destinés plus tard à s’associer pour leurs profits mutuels – et ceux de l’AP, bien sûr.

James, fils d’Irvin, était notamment le plus proche de lui sur de nombreux points, il avait juste les cheveux plus sombres que son ami, quelques centimètres et kilos de plus, mais ce même style vestimentaire très victorien et sobre. Et comme le président de Solar Gleam, ses affaires allaient bon train puisque James était le directeur de l’une des plus grandes sociétés de logistique maritime et terrestre et, surtout, c’était sa firme qui transportait le LM d’Arcturus partout où il était demandé – soit plus ou moins partout, tout simplement.

Quant à Eli, fils de Jakob, ses racines n’étaient clairement pas de ce côté-là de la Manche à l’origine, ni même de ce quart nord-ouest de l’Europe. Il avait les cheveux en fines boucles noirs et il était plutôt chétif – à l’inverse de ses quatre frères. Eli venait d’une riche famille marchande juive issue des quatre coins de l’Europe, l’une de celle qui avait recherché les meilleurs partis depuis des générations. Ainsi, elle était clairement devenue l’une des plus grandes familles de la Tefutzah – la diaspora juive - et ses activités allaient d’un secteur à un autre, selon le frère de la famille depuis que Jakob se contentait de conseiller ses fils. Parmi eux, Eli dirigeait une grande entreprise de construction, celle qui édifiait les entrepôts, les laboratoires ou tous les locaux dont Solar Gleam avait besoin, mais également une entreprise de divertissement – un secteur qui avait le vent en poupe depuis quelques années.

Enfin, surtout, les deux associés partageaient les idéaux proches de leur président, et leurs profits n’étaient pas ce qui guidait leur vie ou leurs actes non plus - du moins, pas toujours, contrairement à ce qu’ils pouvaient laisser croire.

— Ah ! L’homme qui faisait pleuvoir de l’or ! Comment vas-tu ? » commença James, tout en se levant pour aller prendre son cher ami dans ses bras.

— Ça va bien, comme toujours. Et vous ? » s’amusa Arcturus en se tournant vers Eli qui lui tendait simplement la main, fidèle à son éternelle timidité.

— Ce pourrait difficilement aller mieux que ça. Et de toute façon, même les mauvaises périodes sont fastueuses avec Solar Gleam. » pouvait se réjouir l’Israélite, en désignant mollement du bras les dossiers que James sortait déjà d’une élégante mallette de cuir, tandis qu’ils se rasseyaient tous autour d’une table basse ouvragée sur laquelle trônait une théière fumante en porcelaine et un vieux whisky.

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Edouard PArle
Posté le 22/02/2022
Coucou !
Commençons par ma petite réserve. La chapitre m'a paru un peu moins facile à suivre que le précédent avec moins de dialogues et des enjeux moins évidents. J'ai dû m'accrocher un peu.
Je suis impressionné par la richesse de ton univers alternatif sinon, tu as soigné les détails et ça se sent particulièrement dans ce chapitre. On a vraiment l'impression d'une réalité alternative, pas d'une fiction. Le récit est crédible.
Sur la forme, j'ai remarqué que tu utilisais beaucoup des "et" "mais" "pourtant" en début de phrase. Ce n'est pas un mal en soit mais j'ai l'impression en lisant que c'est un petit tic d'écriture. Ca ne sort pas de la lecture mais je te le remonte quand même^^
Petites remarques :
"Peut-être que Gabriel devrait-il" j'enlèverais soit le "il" soit le "que"
"Et la présence de ce visiteur imprévu" tu peux enlever le "et"
"avec cet éternel rictus croyant tout mieux savoir que les autres" -> cet éternel rictus supérieur / hautain (un mot suffit pour faire passer l'idée)
"qu’il suspectait le RFA de préparait" -> préparer
"Et pour conclure il était surtout connu" virgule après conclure ?
"et ses neufs gardes" -> neuf
Un plaisir,
A bientôt !
Deslunes
Posté le 25/02/2022
Bonsoir, merci du commentaire.
Très bien, j'essaierai de mieux représenter l'opposition entre Gabriel et Arcturus, de mieux la rythmer et d'accentuer davantage l'importance de l'enjeu (entre Arcturus et Gabriel, c'est surtout la question de savoir pourquoi le LM français n'est pas nationalisé, pourquoi il est laissé entre les mains de Solar Gleam et de quelques savants indépendants - en gros, il soupçonne le Conseil mais Arcturus sauve la mise, ça sert aussi à montrer dès le début comment le secret ou les manœuvres du Conseil arrivent à fonctionner, dans le dos des autres). D'ailleurs, les deux premières scènes du chapitre 1 sont en partie consacrées à ça : montrer une "magouille" classique du Conseil.
Pour les "et", "mais" ou ce genre de choses, j'ai effectivement un petit tic de ce côté-là, je trouve que ça fait du liant entre chaque phrases. Mais, parfois, certains lecteurs m'ont fait remarqué que ça alourdissait un peu les phrases (comme tu me le fais voir), du coup j'allègerai sûrement de ce côté-là, pour certains passages ou sur certaines ambiances en tout cas.
Merci pour les corrections, surtout pour le "préparait" ^^.
J'espère que la suite te plaira. J'ai essayé de vraiment bosser l'univers, les mentalités des personnages ou le LM, mais si tu trouves des incohérences ou des lacunes, n'hésites pas (et ça vaut bien sûr pour tous ceux qui liraient ce commentaire).
Edouard PArle
Posté le 25/02/2022
"Pour les "et", "mais" ou ce genre de choses, j'ai effectivement un petit tic de ce côté-là, je trouve que ça fait du liant entre chaque phrases. Mais, parfois, certains lecteurs m'ont fait remarqué que ça alourdissait un peu les phrases" On m'avait fait la même remarque il y a quelques temps et depuis j'essaye d'utiliser plus de toutefois et cependant, c'est moins automatique que "mais" donc faut prendre l'habitude^^
Merci pour les explications sur le LM ! On voit bien le travail que tu as apporté à ton univers, ne t'inquiète pas je n'hésite jamais à remonter si je vois quelque chose^^
A bientôt !
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