Point de vue : elle
La nuit tombe et se répand sur la ville. Des étoiles s'illuminent dans le ciel. Quelques nuages traversent le ciel. Une brume se forme autour des maisons. Elle s'épaissit. Ses cheveux volent dans tous les sens. La brise légère et fraîche frappe ses joues déjà rougies par le froid.
Il est au milieu de la rue, il semble aussi un peu perdu. Un bruit de voiture qui démarre difficilement et c'est comme s'il se réveille tout à coup d'un rêve. Il a la gorge sèche. Il poursuit sa route, jusqu'au trottoir du côté droit de la rue. Il tourne la tête et regarde derrière lui cette rue imposante qui monte et qui ne cesse de grimper. Il observe cette route dont on ne voit pas le bout, où de chaque côté les voitures sont bien rangées.
Son regard étudie les alentours, s'arrête et se fixe droit devant lui. Ses pieds se posent l'un devant l'autre, l'un après l'autre, doucement. Il est au ralenti. Il semble ne pas connaître sa destination mais ça n'a pas l'air de le préoccuper plus que ça. Il tourne à gauche, traverse. Il regarde ici, et là. Il ne cesse pas de marcher, de changer de direction. D'accélérer le pas, de le ralentir. De s'arrêter, de rebrousser le chemin. Sa tête se baisse, il s'interrompt dans son élan. Ses yeux se posent sur la maison. Celle qui fait le coin de deux rues, dans la diagonale droite. Son regard est intense, de plus en plus intense. Son cœur s'emballe, ses neurones ne fonctionnent plus.
Il change de trottoir, son regard ne bronche pas. Pas très loin, le bruit d'un pneu qui crisse sur le sol goudronné. Le son d'un klaxon un peu plus près. Celui d'un moteur qui tourne depuis une dizaine de minutes dans une des rues perpendiculaires. La cadence de son pouls ralentit, les détails attirent son attention. Plus qu'auparavant. Il note minutieusement ce qu'il voit dans son esprit, il décrypte ce qu'il entend. Il retient précisément : la poignée de la porte, la forme de la serrure, le nain de jardin au chapeau mauve, la couleur du rosier grimpant, l'emplacement du tuyau d'arrosage... Il s'avance pour mieux s'imprégner du bâtiment qui se dresse devant lui. Il fait le tour de la maison et continue ses observations. Il y a une fenêtre entrouverte et des rayons de lumière jaunie traversant la vitre.
Des saladiers de chips presque vides, des restes de gâteaux et de miettes dans les assiettes, une légère odeur de boissons alcoolisées, des morceaux de ballons éclatés sur le sol... une fête a eu lieu ici. Quelques polaroids pour savoir qu'ils étaient retraités, ce n'est pas compliqué à deviner. Ils avaient l'air heureux d'être ici, au moment de la photo. Mais aucun signe de vie dans cette pièce. Pas de bruit venant d'à côté, pas de bruit venant de l'étage. Aucune alarme ne se déclenche. La personne ayant quitté cette maison en dernier avait visiblement oublié les règles de sécurité. Andrew fait attention malgré tout, parce qu'il est entré par effraction tout de même. Il avance à pas feutré, comme si un bébé s'était endormi dans ses bras. C'est à peine si on entend son souffle. C'est à peine si on remarque qu'il ne se sent pas très à l'aise ici.
Il monte les trois premières marches. Quelque part, une clé tourne dans une serrure. Il tend l'oreille, on a du mal à ouvrir la porte. C'est au rez-de-chaussée. Il descend et se colle au mur, sans savoir pourquoi. Un vieux déboule de la droite, ayant visiblement oublié ses lunettes. Il tâtonne autour de lui, essayant de s'y retrouver. Le vieillard n'est pas très rassuré. Il avance avec précautions. Il essaie de garder l'équilibre et de rester debout mais ça a l'air d'être bien compliqué. Il est âgé, il semble avoir vécu bien des choses. Il lui manque une phalange à l'index droit. Des cicatrices gravées sur les mains et sur le front. Les lèvres craquelées et asséchées par le temps. Certaines blessures devaient être profondes.
Andrew semble complètement perdu, comme s'il ne se trouvait pas chez lui mais qu'il ne s'en rend pas compte. On dirait qu'il n'a pas de repères. Le vieux lui rappelle sa grand-mère, c'est dur pour lui. Andrew aimerait que cet inconnu disparaisse, il ne veut plus le voir devant lui. Parce que ça lui fait mal. Pourtant, je ne m'attendais pas à ça de lui.
Je prends mes bocaux remplis de poudre. Je saisis une poignée de ma poudre noire, l'étale en haut à gauche du torse vieilli. J'ai bien conscience que je suis le dernier visage qu'il va voir avant de s'endormir profondément. Il tombe sur le sol comme on jetterait un gros sac de pomme de terre dans le sous-sol. Crise cardiaque, ça a marché. J'ai réussi.
Lui me regarde comme ça, profondément, essayant de comprendre ce qui vient de se passer devant ces yeux. Ça dure quelques minutes. Andrew reste comme ça, debout devant moi, la bouche ouverte avec ces yeux qui ne comprennent pas. Il essaie vraiment de comprendre. Je le sais parce que son rythme cardiaque s'accélère, la sueur qui perle sur son front et qui dégouline au fil des secondes. Son regard change, il comprend petit à petit. J'arbore un large sourire. Il n'ose pas bouger, pas même laisser passer un petit sourire en coin. C'est à peine s'il cligne des yeux. Ils restent grands ouverts, fixés dans les miens. Comme si ça l'aidait à mieux assimiler ce qu'il vient de voir, comme si ça l'aidait à deviner qui je suis vraiment. Il balaie la pièce de gauche à droite pour évaluer les endroits par lesquels il pourrait s'enfuir. Il me regarde une fois de plus, encore plus perdu qu'il ne l'était quelques secondes auparavant.
J'aime bien l'idée de ce changement de pdv, mais je n'ai pas bien compris certains passages à la première lecture. C'était un peu confus.
Peut-être qu'une relecture serait une bonne chose pour y voir plus clair, mais ce n'est que mon point de vue.
Je continue ma lecture,
A bientôt :)
L'aspect flou était voulu, mais trop de flou tue le flou ! Je vais essayer d'arranger ça pour que ce soit plus compréhensible...
Merci beaucoup en tout cas !
Je trouve ça intéressant ce point de vue "elle". On s'attend, comme au premier chapitre, à un long monologue qui ferait bel effet au théâtre, et puis non, une voix qui se décentre complètement au point de devenir narratrice, et qui voit bien trop de détails pour n'être qu'un personnage, et pourtant à la fin ça y est elle dit "je" ! (Mais qui est Elle ? )
En fait ce long passage de narratrice, c'est un peu sa propre aliénation qui s'exprime..?
"rebrousser le chemin", j'aime bien. Le plus possible ne pas user d'expression usées ou bien y mettre ton grain de sable exprès, ce petit "le" qui s’immisce.
Les répétitions c'est bien, c'est poétique, et ça marque un ressassement, une pensée obsessionnelle et/ou pauvre dans ce texte-là. Moi je défends tes répétitions.
Bien à toi
Je suis ravie de savoir que ça aurait un bel effet au théâtre (ce n'était pas voulu, mais j'aime tellement aller au théâtre que ça me fait super plaisir) ! (telle est la question ? Plus sérieusement, il faudra attendre quelques chapitres).
Je ne l'avais pas vu sous cet angle mais on peut y trouver une certaine aliénation quelque part (je n'en dis pas plus pour ne pas trop spoiler, tu m'en diras des nouvelles).
Je suis contente de voir que mon style te plaît et que tu apprécies mes répétitions !
Je te remercie mille fois pour ce commentaire détaillé :)
Un chapitre assez flou, j'imagine que c'est flou. La narratrice n'a pas l'air très nette^^ elle fait même sacrément peur !
J'ai trouvé certains passages un peu hachés et pas très agréables à lire. Les phrases courtes ça ne me dérange pas mais parfois c'était un peu trop. Par exemple dans le premier paragraphe. Après c'est peut-être un effet de style recherché, je te donne seulement mon impression.
Quelques remarques
"ciel. Quelques nuages traversent le ciel" répétition ciel
"jusqu'au trottoir du côté droit de la rue." -> jusqu'au trottoir droit ? (pour éviter répétition rue)
Il me tarde d'en apprendre plus sur ce qui se trame,
A bientôt !
Merci beaucoup pour ton commentaire !
L’effet flou était recherché (peut-être un peu trop)
C’est effectivement un peu haché (je vais arranger ça, merci !)
Je note pour les répétitions (merci de me les avoir faire remarquer).