CHAPITRE II - Ronces et lierres des mangeurs d’étoiles - Alessia - Partie 1

Notes de l’auteur : Bonjour à tous, j’espère que cette scène vous plaira et vous donnera envie de lire la suite.
Cette fois, je vais vous demander ce que vous pensez d’Alessia et des intrigues autour des religions (surtout le clergé catholique en l’occurrence) ? Est-ce que vous trouvez ça trop nébuleux ou très intéressant ? Trouvez-vous que la remise en question d’Alessia est un peu trop longue ou, au contraire, trop courte pour être crédible ?
D’ailleurs, pour changer nos habitudes, le prochain chapitre ne comportera qu’une seule scène : le souvenir de la dernière expédition du Premier Conseil en Indochine, par Maria et Jasper.
N’hésitez pas à commenter ou partager mon travail autour de vous, et portez-vous bien

Alessia, mi-mars 1880

« Tu as eu du flair de t’intéresser à toutes ces Sciences Nouvelles, Alessia. C’est vraiment incroyable à quel point tout évolue vite maintenant … Si seulement il y avait eu ce LM de mon temps … Nous serions plus nombreux à manger autour de cette table … »

 

Catarina à Alessia, lors du repas familial des Lespegli au Carnaval de Venise, 1879.

 

À des centaines de kilomètres au sud-est de Light Hill, le dernier des quatre membres du Conseil n’avait certes pas d’ennemi désigné, il restait confronté lui aussi à des questions d’argent, d’archéologie et de manigances obscures.

Toujours sur la piste de l’héritage caché de Marco-Aurelio et du Premier Conseil, Alessia traquait tous les secrets qui entouraient le LM. Cependant, elle n’était pas connue pour sa rapidité à agir, et il fallut attendre le mois de mars pour qu’elle suspende les recherches qu’elle menait depuis la Dolce Lupe. Mais, d’un côté, elle n’était pas tant à blâmer que ça, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, Alessia gardait un œil sur les travaux de rénovation et d’agrandissement de son monastère, elle y donner aussi ses cours ou y participer à la vie collective. Et, à côté de cela, elle devait maintenant surveiller Léonardo, après avoir commis l’erreur de le laisser venir s’installer auprès d’elle. Officiellement, son cousin devait se contenter d’utiliser des terrains inutilisés de la Dolce Lupe pour y conduire des expériences plus concrètes, seulement elle avait très vite compris que cela voulait surtout dire plus dangereuses – notamment lorsqu’il s’agissait de manipuler des échos. Alors le reste de son temps libre se résumait souvent à surveiller les pollutions voire les accidents que son cousin pouvait causer, sans qu’aucune n’ait jamais été irréversible pour le moment. Pourtant, entre tout ça, elle avait pu faire progresser plusieurs de ses recherches, et découvrir elle-aussi le LM noir, ce qui ne fut pas sans conséquences. Car dès qu’elle lut le dossier complet que Maria lui envoya au sujet de son singe parlant, elle avait eu l’une de ses intuitions légendaires : cette variante de la molécule était l’ingrédient qui réaliserait l’une des théories de son mentor, la thérapie du Langage Humain.

À vrai dire, elle avait toujours pressenti que le LM du Caucase aurait des effets particuliers sur les neurones, par opposition au rouge alpin et au blanc d’orient – respectivement efficace sur le corps et les sens. Plus précisément, elle supposait que ses effets portent plus spécialement sur la conscience, sur la pensée et sa parole, de la mémoire à la grammaire. Alors quand elle reçut des nouvelles de sa collègue française, cela ne faisait que confirmer les hypothèses qu’elle s’apprêtait à vérifier, et lui en donner de nouvelles. Pour elle, il n’était pas surprenant que le stress ressenti par la guenon puisse déclencher une mutation de son cerveau, de telle sorte que la structure du langage humain lui apparaisse comme plus logique, ou que sa mémoire ravive toutes les phrases qu’elle avait pu entendre. Et de fil en aiguille, l’Italienne s’était spécifiquement fascinée pour les échos du LM noir, jusqu’à en tirer les mêmes conclusions que William : ils peuvent faciliter la transmission de sentiments et de sensation au travers de leurs ondes. Sur cette idée, et au bout de ces trois seuls mois d’études, elle avait ainsi conçu une thérapie permettant à chaque patient de se comprendre, sans barrière de langue, tant que le contact oculaire était maintenu entre les interlocuteurs – car le regard semblait avoir une grande importance dans ce processus. Évidemment, tout n’était pas encore au point, les patients d’Alessia ne pouvaient échanger que des phrases aussi courtes que banales, ou des expressions que le visage faisait déjà passer très facilement – comme la tristesse ou la frustration. Mais le souci majeur restait encore celui qui rendait sa thérapie complètement intolérante aux autres produits, cela pouvait même la rendre instable et faire basculer dans la folie, tel que ce fut le cas des quelques rats ou cochons que la mère supérieure tolérait comme cobayes. Il y avait encore un certain travail à faire donc, mais rien n’était perdu, tout était à espérer même.

Bientôt, Alessia offrirait aux hommes le droit de tous communiquer sans la moindre barrière, et l’œuvre du Conseil du Graal continuerait son inexorable avancée contre les Huit Maux qui affligeaient l’Humanité. Et bientôt, l’Humanité prouvera à Dieu qu’elle est digne de se libérer de ses punitions, pensa alors la savante en repensant aux mythes du péché originel ou de la tour de Babel, tandis qu’elle s’écartait enfin de son bureau pour aller célébrer la prière de midi en compagnie de ses sœurs.

 

Mais avant de partir, son regard se porta sur les deux grosses clés dorées que Paolo lui avait transmises, posées sur sa table, celles qu’elle devait présenter à la mère supérieure de la Dolce Lupe, afin qu’elle l’aide dans sa quête.

Pourtant, Alessia hésitait à le faire car ses deux clés appartenaient au défunt Pape, et la religieuse craignait encore d’être associée à son meurtre, d’en profiter presque. Mais elle s’y était résignée cette nuit, elle irait parler de tout cela à sa consœur et poursuivrait son devoir, même si cela devait pénaliser son apport à la Science et au Conseil – qu’elle avait déjà bien fait progresser ces derniers mois après tout. D’autant plus qu’Alessia n’avait plus que ses deux clés pour remonter la piste de son mentor, cela faisait maintenant plus de trois mois que sa lettre pour Gaël était partie, sans qu’elle ne reçoive une réponse, pas même un refus outré. Alors ses deux clés étaient son seul espoir et, heureusement, la mère supérieure de la Dolce Lupe était aussi bienveillante que perspicace. Ainsi, lorsqu’Alessia vint lui parler après la prière, elle comprit très rapidement que la Florentine était innocente à toute cette histoire, malgré elle et malgré le noble but qu’elle poursuivait. Seulement elle n’avait rien de plus qu’une autre lettre de son professeur, écrite elle aussi peu de temps avant son expédition en Indochine, probablement remplie des mêmes délires que la précédente.

Néanmoins, Marco-Aurelio se montrait plus explicite dans ce message dont le secret était mieux garanti. Tout d’abord, il demandait à son élève si elle avait pu contacter son fils, ce qui la fit aussitôt soupirer à l’idée qu’il lui en veuille pour le pillage de son héritage par Paolo. Ensuite, son professeur enchaînait en révélant que sa villa près de Rome abritait un souterrain que Gaël était le seul à pouvoir ouvrir, et que ce souterrain cachait un coffre qu’elle pourrait déverrouiller avec ces deux clés - entre autres choses. Enfin, il achevait ce paragraphe par un courage petit oiseau, en référence au surnom qu’il donnait parfois à Alessia, comme si le pire était à venir. Et, la ligne d’après, Marco-Aurelio en revenait à ses craintes étranges autour du LM, le même genre de sujet qui avait fait douter Alessia sur sa santé mentale. Et comme souvent, le Pionnier Italien mettait les pieds dans le plat sans perdre de temps : l’Apocalypse se prépare et elle est inévitable, même si nous lutterons contre, avec l’ardeur d’y survivre. Seulement cette fois, il s’expliquait avec des arguments dignes du plus grand esprit scientifique de son temps. D’ailleurs, il la surprit immédiatement, en lui posant quelques questions très simples : quels seront les effets des échos de LM s’ils sont émis en permanence par nos patients, où partent-ils s’ils ne disparaissent jamais, que feront-ils lorsqu’ils satureront notre atmosphère ?

Pour Marco-Aurelio, il paraissait certain que la planète finirait submerger par les ondes de la molécule, à partir d’une logique très simple, en se basant sur des faits qu’Alessia suspectait déjà comme beaucoup de chercheurs, sans pour autant l’avouer - car l’opinion majoritaire n’était pas derrière eux ou les autres lanceurs d’alerte. Aussitôt, il lui rappela que les échos n’étaient pas absorbés par la Terre, ni par sa faune ou sa flore, sans s’en retourner au LM pour autant – bien que cela soit théoriquement possible. Selon le Pionnier Italien, ils flottaient en permanence dans l’atmosphère terrestre, sans en sortir ou y dépérir. Et ils ne restaient pas inactifs, son mentor avait un avis très ferme sur ce sujet : les échos de LM s’assemblent en longs filaments dans la haute atmosphère, pour résonner avec un autre objet situé hors de la Terre, quelque chose qui les maintient vivaces.

Mais là encore, le vieux professeur parlait sans pouvoir le prouver strictement, car aucun de ses filaments atmosphériques n’avait été observé par quiconque, tout comme rien ne disait que les échos ne s’évadent pas dans le néant intersidéral – personne n’en savait rien, les cieux étaient aussi inconnus que les fonds-marins. Plus irrationnel encore, il supposait que la molécule faisait cela de son propre chef, qu’elle disposait d’une sorte de conscience ou d’instinct qui la faisait agir ainsi. Ce tout dernier détail était déjà acquis par tous les savants actuels en sciences nouvelles, cela faisait déjà plus d’une dizaine d’années que le LM n’était plus classé comme une simple molécule, mais comme une forme unique de bactérie. Cependant, une telle forme de vie ne pouvait faire que réagir à ce qui l’entoure, elle n’avait de volonté propre. Pourtant, Marco-Aurelio en était convaincu, les échos appelaient quelque chose qui se trouvait au-delà de la Terre, ils étaient à la fois le message et l’auteur, mais reste encore à découvrir le destinataire, en concluait-il, tandis qu’Alessia repensait à cette légende autour des trois Anonymes qui offrirent le LM à ses professeurs. Malheureusement, son mentor renchaînait la ligne suivante, sans lui donner la moindre piste sur ce fameux destinataire.

Car s’il était important de découvrir cette vérité, le vrai problème posé par les échos n’était pas là, le danger était évidemment la submersion de l’atmosphère par ces radiations permanentes et perpétuelles. Plus cette saturation serait effective, plus les passions animales ou humaines seraient exacerbées, plus les sentiments et les ambitions seraient attisés, sans même parler du risque de mutation qui grimperait en flèche, tant par la résonance continuelle que par le stress engendré par cette hausse des envies. En bref, le cercle vicieux était parfaitement implacable, menaçant la planète entière, tant que le LM sortait de ses bassins. La seule façon de l’arrêter, c’était donc de stopper la consommation de cette molécule, ce que refuseraient le Conseil, l’AP, le RFA, les élites et même la majeure partie des peuples. Marco-Aurelio n’avait donc aucune solution à proposer sur ce sujet, si ce n’est espérer que l’Humanité s’adapte à ce grand changement qu’Alessia ne voyait toujours pas. Les passions humaines ne se déchaînent pas plus maintenant qu’autrefois, se disait-elle, en essayant de chercher dans sa mémoire les signes du bouleversement que son professeur lui prophétisait, sans rien y trouver de concret. Et en guise de conclusion, il se contentait de lui demander l’avancement du Synode de l’Église sur le LM, ce qui ne fit que rappeler à la Religieuse que ses affaires n’avaient pas été couronnées de succès – elle n’avait pas autant de chance avec les institutions que Maria ou Arcturus.

Tel qu’il l’avait craint, Paolo n’avait pas été élu Pape, ce fut un jeune clerc qui remporta l’élection, un presque quarantenaire qui officiait en tant qu’évêque à l’Arthurie Grisonne dès sa fondation, malgré la réponse favorable qu’Arcturus avait donné à sa collègue. Soit les consignes du président étaient arrivées trop tard, soit l’Église était déjà trop gagnée à la cause de Solar Gleam ou aux thèses très libérales pour se tourner vers le Cardinal Paolo, vu comme un défenseur trop ardent de l’autorité cléricale. Après le Pape très conservateur que le clergé venait de perdre, le change venait enfin d’être donné aux plus modernistes et aux réformateurs.

Le Synode ne sera probablement pas comme Marco-Aurelio le souhaitait, s’inquiétait donc Alessia, avant de se consoler en espérant que tout cela ne soit que des hypothèses fumeuses de son mentor, que ça ne soit pas aussi grave qu’il le prétende.

— Je vais me rendre directement à Vienne, tant pis, on verra bien ce que Gaël me dira. » se lâcha-t-elle à voix haute, tandis qu’elle refermait cette enveloppe et quittait sa cellule de moniale, avec l’appréhension de l’accueil qu’elle y recevrait.

 

En fait, son professeur y avait-il seulement pensé ? Si son fils ne voulait pas aider sa disciple, qu’est-ce qu’elle était censée faire pour continuer ? Il ne lui avait rien laissé d’autre …

Mais quoi qu’il en soit, elle était bien déterminée à continuer sa mission, comme s’il s’agissait d’honorer la mémoire de son mentor enfermé dans le coma, d’attendre son retour. Et, qui sait, peut-être que son esprit endormi m’entendrait si je devais le remercier d’avoir sauvé l’Humanité, essayait-elle de se consoler, en se répétant que la fatigue devait terriblement peser sur son esprit lorsqu’il y forma ses hypothèses toutes plus délirantes les unes que les autres. Cependant, tandis qu’elle arrivait dans le cloître, une pensée la rattrapa soudainement, quelque chose qu’elle aurait presque oublié si elle n’avait pas remarqué ce beau soleil de mars, alors que sa famille n’en ratait jamais une seule édition et s’y rendait tous les ans : le Carnaval de Venise.

D’ailleurs, sa tante Catarina était venue la chercher directement au monastère pour être sûre que sa nièce ou son propre fils ne les mettent pas tous en retard. D’autant plus que cette année-là, le carnaval sera plus grandiose que jamais, tous les Lespegli s’y retrouveraient, alors rien ne pourrait excuser son absence – surtout la sienne.

Heureusement, Alessia n’était pas comme Maria ou William, c’était avec plaisir qu’elle acceptait une petite pause dans son travail, afin d’aller profiter d’une soirée agréable entourée des gens qu’elle aimait. Et en compagnie de ses deux cousins, elle profita même du plus plaisant trajet qu’elle ait pu passer depuis quelques années, peut-être depuis l’année 1874, durant laquelle le Conseil partit arpenter les Alpes à la recherche des bassins révélés par William. Ainsi, Catarina n’eut pas assez de tout ce voyage pour lui expliquer à quel point le Carnaval de 1880 serait plus radieux que les autres. Tous les journaux et les commérages le disaient, cette année et seulement cette année, il serait exceptionnel, puisqu’il devait commémorer les vingt de l’expédition des Milles de Garibaldi et la seconde guerre de réunification italienne, ainsi que les dix ans de la réintégration de Rome à l’Italie. Pour cette édition donc très spéciale du carnaval, nombres de généreux donateurs, comme la firme Solar Gleam ou David Rutheyet, avaient sponsorisé l’événement pour qu’il soit à la hauteur de l’avenir sublime promis à tous. D’ailleurs, plusieurs membres de l’AP s’y rendraient pour inaugurer une nouvelle entreprise, Happy Chemistry, l’entreprise d’un frère d’Eli, spécialisée dans l’utilisation festive du LM. Et celle-ci ne promettait pas seulement des boissons alcoolisées au LM, dont les vertus stimulantes n’étaient plus à prouver, elle comptait également offrir au carnaval un feu d’artifice nouveau, d’un genre encore jamais réalisé par l’Homme. Bref, des milliers d’Italiens ou de riches étrangers convergeaient vers la Sérénissime Venise, afin d’y festoyer des jours entiers ou célébrer la réunion de la nation. Quant à Alessia, elle restait heureuse de pouvoir y assister, elle avait toujours été une amatrice d’art et de mode malgré la sobriété de sa demi-vie monastique. Au-delà des myriades de couleurs et de rires, elle s’était toujours plu à voir sa chère tante sourire du bonheur de ses enfants. L’intérêt n’était pas tant de profiter du Carnaval que d’un moment ensemble, car qui sait combien de temps cela pourrait durer ?

Enfin, comme Catarina l’avait prédit, cette édition du Carnaval lui fit vite oublier toutes ses préoccupations ou ses pensées les plus sombres, ils n’eurent qu’à emprunter le pont ferroviaire pour que l’ambiance de fête se ressente déjà dans les wagons. À leur arrivée, Venise était déjà aussi couverte de décorations que bondée de monde, puisqu’ils n’arrivaient que pour les deux derniers jours de fête, ceux où toute la famille était au complet comme tous les ans. Et ceux sont des visages tout aussi joyeux qui les reçurent, ceux des Lespegli da Ferrare, accueillant déjà leurs cousins de Bolzano, de Bologne et d’Ivrée, au sein de la grande demeure urbaine située près du Campo San Polo qu’ils avaient racheté à la famille Albrizzi. Alessia passa d’ailleurs toute cette avant dernière journée du Carnaval dans cette bâtisse, en compagnie de sa famille ou de leurs invités, si bien que c’est à peine si elle sortit de la maison pour admirer quelques costumes dans la rue. Elle se coucha même assez tôt tant elle était fatiguée de cette journée.

Mais le lendemain, c’est l’ambiance joyeuse d’un matin de Mardi Gras qui vint la sortir de son sommeil en battant à sa porte. Il était déjà neuf heures, et c’était déjà la deuxième fois que sa tante venait réveiller sa nièce, avant que cette dernière ne bondisse de son lit en sentant la douce odeur de pâtisserie à l’orange qui flottait déjà dans l’air. Alors elle débuta cette agréable journée, loin de toutes préoccupations, notamment lors du traditionnel festin de famille que les Lespegli donnaient dans une salle privée d’une prestigieuse adresse de la place San Marco, de 11h00 à 15h00. Et comme toujours chez la famille d’Alessia, l’ambiance était chaleureuse, à telle point qu’elle fut presque dérangée de sortir de table pour aller profiter du Carnaval en compagnie d’une partie de ses parents – sachant que les Lespegli devaient bien être une cinquantaine à Venise durant le Carnaval. Alors durant quelques heures, l’Italienne du Conseil put flâner au sein de la troupe presque entièrement costumée des membres de sa famille rivalisant de couleurs, de plumes et d’éclats avec les très nombreux participants de cette édition. D’autant plus qu’avec tout le faste déployé dans ce Carnaval, Alessia devait bien avouer qu’elle n’en avait objectivement jamais vu de meilleur. Tout semblait bon enfant, dans l’ambiance la plus cordiale et chaleureuse qui soit, le meilleur symbole d’unité que le jeune Royaume d’Italie aurait pu espérer. Cependant, la tradition familiale exigeait ensuite que chaque branche de la famille dine de son côté pour clôturer cette journée, avant le dernier repas qui séparait la famille du lendemain - après la messe du Mercredi des Cendres. C’est donc avec sa tante et de ses deux cousins milanais que l’héritière florentine se rendit au balcon d’un restaurant de San Marco, à une table déjà réservée depuis l’année précédente, de manière à profiter au mieux du fameux spectacle d’artifice.

Mais deux soucis vinrent alors perturber cette soirée très tranquille, car ces repas de clôture étaient aussi le moment où chaque branche de la famille discutait de ses affaires, et Catarina avait tant de choses à dire à sa nièce qu’Alessia en oublia une bonne partie.

— Pour résumer, il faudrait vraiment que tu aides Léonardo, il lui faudrait un mécène pour ses projets, ou un emploi qui conviendrait à ses talents. » lui demanda sa tante, tout en appréciant un vin rouge pétillant qui se faisait dans la région de Modène et qui, comme tous les vins modernes, s’accompagnait d’un quart de millilitre de LM.

— Euh – Je peux toujours redemander à Arcturus, il acceptera sans aucun doute de l’engager dans Solar Gleam, mais Léo devra consentir à quelques sacrifices. » répondit-elle d’un air gêné pour son cousin, sachant bien qu’il ne voulait pas aller vivre dans les Arthuries, et encore moins hors d’Italie. « Il y aurait le Synode sur le LM, il aura forcément besoin d’ingénieurs compétents. » proposa-t-elle, en sachant pertinemment que c’était loin d’être le seul problème posé par le caractère particulier de son cousin …

— Il y a aussi la question des horaires, je ne peux pas travailler comme il faut si ce n’est pas librement et comme je l’entends. J’ai besoin de temps et de calme pour réfléchir, pour me changer les idées avant de trouver le détail qui change tout. L’inspiration, ça ne vient pas comme ça ! » expliqua à nouveau Léonardo, avant que sa mère ne lui répète également les mêmes arguments, à savoir que la versatilité de son fils finirait par le perdre s’il continuait à s’obstiner.

 

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Coquilles
Posté le 21/01/2022
Bon nouvelle aventure et cela a l'air de commencer pour Alessia qui paraissait assez fade. Quelle description du carnaval de Venise ! Bon, tu as le LM et ses échos qui t'aident beaucoup à l'embellissement.
Deslunes
Posté le 24/01/2022
Bonjour, merci de commenter.
Je suis content d'apprendre que le carnaval vous a plu, il est considéré comme une grande réussite italienne dans mon livre (les journaux n'ont bien évidemment pas commentés les nombreux faits divers morbides qui s'y déroulèrent, puisque trop pessimiste dans le climat ambiant de prospérité à tout va).
Quant aux échos, je suis ravi que leur spectacle vous plaise, ils vont redoubler d'ardeur et de beauté à plusieurs reprises. Je vous conseille notamment le chapitre III si vous ne l'avez pas encore lu, les échos y font une apparition très remarquée, à chaque scène.
Deslunes
Posté le 24/01/2022
Désolé de ma petite erreur, c'est le chapitre IV dont je voulais parler (puisque le III, ceux sont des souvenirs).
Bibliophage
Posté le 21/01/2022
Bonjour,
Je suis toujours tes récits mais Alessia ne s'améliore pas ! J'attends de voir la suite de sa vie pour voir, j'espère, si elle se bouge un peu. il y a une grosse différence entre Alessia et les autres autres.
Deslunes
Posté le 24/01/2022
Bonjour, merci du commentaire.
Pour l'instant, Alessia est encore en train de se remettre en question. La suite devrait vous intéresser davantage. Et, effet, elle est assez différente des trois autres sur pas mal de points. Mais, n'est-ce pas ce qui la rend intéressante comparé aux trois autres idéalistes forcenés ?
J'espère que le chapitre III vous convaincra à son sujet.

... Pauvre Alessia... je l'aime beaucoup pourtant (enfin, autant que les trois autres en l'occurrence).
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