CHAPITRE II - Ronces et lierres des mangeurs d’étoiles - Arcturus - Partie 6

Notes de l’auteur : ATTENTION : À la suite des différents conseils-commentaires concernant la longueur des scènes, je les mets à nouveau en ligne en plusieurs parties. Il ne s'agit pas de relecture, et de nouveaux chapitres sont à venir chaque semaine comme d'habitude.

Certes, la famille de Jayde avait été l’un de ses meilleurs outils pour faire croître Solar Gleam, ou toutes les affaires qu’Arcturus pouvait entreprendre.

Rares étaient les nobles et gentilshommes anglais à ne pas ouvrir les lettres marquées par le sceau des descendants du duc de Wellington, l’un des vainqueurs de Napoléon Ier et des plus brillants hommes politiques de son temps. Bien sûr, il ne l’avouerait devant personne, pas même son père, Arcturus avait fini par accepter qu’on puisse le voir comme un héritier et un parvenu - même s’il l’était en partie. D’ailleurs, il était aussi vrai que le beau-père d’Arcturus serait d’une aide précieuse contre David, tant qu’il n’apprendrait pas que son gendre allait voir ailleurs, auprès d’une roturière du fin fond des Highlands. En réalité, comme le résumait Cyrus, le mariage avec les Wellesley était parfait, ils étaient riches, bien placés, gentils, et surtout bien cons, des gens vraiment parfaits en somme. Seulement pour l’Anglais du Conseil, ça ne suffisait pas, comme souvent lorsqu’il s’agissait de son cœur. Néanmoins, quand il eut rappelé à son père l’hypocrisie qu’il devait jouer devant son épouse totalement manipulée, ou la frustration permanente ressentie par son amante, Cyrus parut enfin comprendre que son fils ne se plaignait pas de ses mensonges ni même de son mal-être personnel, mais du mal qu’il faisait malgré lui aux deux femmes qu’il aimait.

Et parce qu’il ne l’avait encore jamais vu, Arcturus réserva le coup de grâce à son père pour la fin, en lui rappelant que son petit-fils serait lui-aussi victime de cette hypocrisie.

— … Désolé, je ne pensais pas que ce mariage t’enfermerait dans un dilemme si compliqué … Je t’avoue avoir agi … un peu sous la précipitation et la peur, alors j’ai commis une erreur. Quand j’ai entendu dire que Jayde cherchait un mari, je me suis dit qu’elle ferait une bonne épouse pour toi, ou que tu pourrais vivre facilement ton bonheur dans son dos si ce n’était pas le cas. Mais … Puisses-tu me pardonner, je le regrette, c’était une idée de merde.

— Je ne vous le fais pas dire … L’idée de briser le cœur de Jayde me peinait déjà, mais je ne peux même plus m’y résoudre maintenant que j’ai besoin du soutien de sa famille plus que jamais. Quant à Kennocha, je l’aime, il n’y a aucun doute là-dessus. Mais maintenant, je ne vois pas comment vous pourriez m’aider à me sortir de cette merde dans laquelle vous m’avez plongée …

— L’avenir nous le dira, pour ça aussi, l’action créera les opportunités … Sinon, pour commencer, tu peux déjà arrêter de me vouvoyer. Maintenant que tu sais que ton vieux père est loin du brillant aventurier dont parlent les rumeurs, ça n’a plus grand sens, et tu es un adulte maintenant ! »

— Euh – Vous m’aviez foutu toute une après-midi en l’air, il y a quelques années de ça, pour cette histoire, et j’avais déjà au moins 20 ans … Tu es vraiment un emmerdeur, en fait ... » finit par lui lancer Arcturus, avec un petit sourire nerveux qui fit ricaner son père, se remémorant déjà cette journée où il avait insisté pour que son fils se comporte comme une caricature d’aristocrate – comme Maria en fait.

 

Alors, après avoir ri des élans de stupidité du père, Arcturus se sentait maintenant fin prêt à se lancer vers cet avenir auquel il s’était déjà résolu depuis ces derniers mois. Certes, rien ne prédisait que son dilemme amoureux ne puisse trouver un dénouement heureux, tout comme rien ne garantissait qu’il ne perde pas tout contre David, un rival qui avait beaucoup plus que lui. Mais, au moins, son vieux père et ses chers Springs seront à ses côtés dans ces épreuves, sans parler de James et Eli qui devaient être occupés à sa cause en ce moment-même, ni de ses trois amis du Conseil qui n’étaient pas encore au courant de tout ça.

Avec eux, je peux réussir si je ne faiblis pas, se répétait-il comme William aurait pu le faire, alors que son père tournait un regard malicieux vers lui : l’heure de la déclaration de guerre allait sonner.

— Bon, les enfants doivent s’impatienter, il est déjà minuit passé. Je déclenche le feu d’artifices ? » s’amusa Cyrus, en se rapprochant de la fenêtre près de laquelle se trouvait un petit panneau de métal qui, une fois ouvert, dévoila deux grands leviers sous les yeux encore stupéfaits d’Arcturus.

— Quand vous voulez mais … vous cachiez vraiment un détonateur dans le grenier ? J’aurais pu tomber dessus par hasard vous savez. » s’étonna-t-il, en souriant nerveusement du fait que son père n’avait qu’une clé à tourner pour armer son piège – une clé posée juste sous les leviers.

— Bah, on aura une belle vue sur la montée au ciel de ces connards, et je voulais pouvoir leur sourire aussi, c’est pour ça que je l’ai mis là ! » s’amusait-il, tandis que son fils prenait une bouffée de son cigare, visiblement trop serein pour le vieux Seafox. « Allez, tiens la vinasse ! Promis, la maison ne tombe pas ! 3, 2 - » enchaîna-t-il brusquement, pendant que son fils saisissait leurs verres en vitesse, juste avant qu’il n’actionne l’interrupteur.

 

Dans la foulée, tous les explosifs enfouis autour de son manoir se libérèrent dans un vacarme si brutal, qu’Arcturus manqua de se tacher tant il fut secoué par ce spectacle qui capta toute son attention.

Tous les bosquets et les haies généreusement conçus par Cyrus se soulevèrent dans une soudaine déflagration de terre et de feu, dont les fumées bondirent brutalement, jusqu’à aller obscurcir les rayons que la lune. Le souffle était magnifiquement si bien canalisé vers le haut, sur plusieurs rangées de telle manière que les glissements de terrains emportèrent aussitôt les hommes qui réchappaient à l’explosion, on aurait cru voir pendant l’espace d’un instant un ardent voile noir se dresser autour du manoir. Les Springs s’élancèrent presque aussitôt, comme si la déflagration les avait propulsés eux-aussi, à une vitesse si foudroyante que les deux Seafox ne les virent même pas fondre dans la nuit. Puis, tandis que les derniers débris retombaient encore sur la terre calcinée, leurs neufs silhouettes plongèrent dans les fumées, sûres de leur supériorité. Quant à Arcturus, il restait sonné par la détonation, si bien qu’il commençait tout juste à en sourire, alors que son père était déjà plié en deux de rire, contre son panneau de commandes.

Le Soleil Marin n’avait jamais vu pareille explosion de toute sa vie, et Cyrus n’était pas peu fier d’offrir ce spectacle de retrouvailles à son fils.

— Alors ?! Il n’était pas beau mon piège ?! » s’amusa Cyrus, lorsque des coups de feu ne commencent à retentir dans la plaine, perçant l’obscurité de la nuit et des fumées.

 

Le vieux Seafox cessa tout de suite de rire, il ouvrit même la fenêtre pour mieux observer les Springs. Et c’est ainsi, que les rôles s’inversèrent, c’était Arcturus qui souriait et Cyrus qui restait interloqué.

En effet, il subsistait quelques blessés capables de tirer, et assez conscients pour le faire, mais également une quinzaine tireurs qui avaient assisté à toute la contre-attaque, depuis des recoins plus écartés. Et ces tireurs étaient loin d’être mauvais ou mal équipés, ils disposaient tous de l’équipement réglementaire des équipes d’intervention classiques de Semper Peace, ainsi que les thérapies de Solar Gleam. Ils étaient donc bien plus doués que des soldats normaux, bénéficiant de sens améliorés qui leur permettaient presque de distinguer les silhouettes des Springs, malgré l’obscurité, quand bien même le son de l’explosion vibrait encore en eux. Les balles de leurs puissants fusils semi-automatiques transpercèrent ainsi les nappes de fumées à hauteur de torse ou de tête, sans la moindre interruption.

Mais les Neufs Printemps ne se mirent pas à fuir, ni même à couvert, ils répondirent aussitôt, trop contents qu’ils étaient d’enfin trouver leurs ennemis. Et dans les secondes qui suivirent les tirs, Kennocha, Wallace, Cathair et Machar s’élancèrent dans la direction des tirs, courant à découvert avec leurs sabres et pistolets en main, l’excitation du LM et de l’adrénaline plein le cœur, pour slalomer avec autant d’aisance que de vivacité entre les balles des canons qu’ils discernaient entre les bois. Le vieil aventurier n’avait alors jamais vu ça : des types qui filent entre les balles sans pression, comme des petites puces. Certes, ces quatre-là n’avaient pas dû esquiver plus d’une dizaine de balles, et certaines d’entre elles ne les auraient qu’éraflés, mais ça restait un exploit que Cyrus n’avait jamais vu, malgré sa bonne cinquantaine de fusillades vécues de l’intérieur. Heureusement, ils n’eurent même pas besoin de répéter pareilles performances, car depuis les creux offerts par ces sous-bois dévastés, Lysander, Siarl, Iverna, Caolan et Eluned firent bientôt entendre leurs fusils.

Et le silence recouvrit alors la plaine, avant même que le vieux corsaire ne lâche son commentaire, sur un ton subjugué.

— Ils sont bons. Très bons, même meilleurs que tous ceux que mon équipage ait pu connaître, rien à dire … » avoua platement le Seafox, abasourdi par la vision des Nine Springs qui se regardaient maintenant par-dessus les débris calcinés de ses jardins, l’air de s’envoyer des piques en se réjouissant de leur victoire.

— Je vous l’avais dit, c’est quand même l’élite de Semper Peace, le meilleur de ce qu’il se fait aujourd’hui, et de ce qu’il se fera demain. » lui confia son fils, avec un sourire jusqu’aux oreilles, et le verre de son père en main. « Bon, nous y allons ? » reprit-il pour que les deux hommes ne finissent leur boisson en vitesse, puis ne descendent du grenier jusqu’au hall d’entrée où les quelques affaires de Cyrus attendaient déjà.

 

Ensuite, les deux Seafox rejoignirent les voitures garées dans l’ancienne écurie adjacente au manoir, tandis que Blake et les deux cochers y surveillaient le retour des Nine depuis le seuil.

Mais le commando ne revint pas les mains vides, il avait fait une prise, un tireur sonné par l’explosion et blessé par quelques éclats. Puis, en l’amenant devant leur président, ce dernier remarqua qu’il était d’origine indienne et plus précisément gurkha. Il s’agissait d’un peuple originaire des Indiens rajputs qui avait migré vers le Népal, dont la réputation guerrière avait dépassé les limites du vieux-continent. Arcturus le savait bien, car il s’était attiré une grande sympathie de la part de ce peuple en recrutant nombre d’entre eux pour protéger ses Arthuries d’Asie. D’ailleurs, c’était exactement le cas de ce prisonnier, et paraissait prêt à coopérer avec son président. Cependant, après tous les efforts qu’il avait faits pour ses villes, après toutes les heures de travail et les milliards de dollars que ses cités lui avaient pris, voir ses citoyens le trahir faisait bouillir de colère l’Anglais du Conseil.

À entendre cet indien paniqué, les quatre belles cités d’Arcturus ne lui étaient déjà plus fidèles, après tout ce qu’il avait pu rêver pour elle …

— Pourquoi tu m’as trahi ?! Je ne t’ai pas offert une belle vie à mon Arthurie ? À toi et à toute ta famille ? Cite-moi une cité d’Inde Britannique où tu vivrais mieux ! Une seule où les hindous et les musulmans ne te cracheraient pas dessus au nom de leurs délires religieux ! » finit-il par s’énerver en repensant à tous les efforts que Solar Gleam avait fait en Inde, à toute cette utopie politique, cet avenir bienveillant qu’il essayait de leur transmettre.

— Je n’ai pas eu le choix de le rejoindre, Sir ! Il aurait pu tuer ma famille, nous exclure de l’Arthurie, nous torturer, nous vendre ! Je voulais juste que les miens puissent continuer à vivre dans votre ville, mais pour cela j’étais obligé de surveiller votre père. David disait que si votre père fuyait son manoir, les Arthuries du monde entier sombreraient dans le chaos. Je ne pouvais pas accepter ça alors j’ai traversé les Eaux Noires pour surveiller votre père, en espérant ne jamais devoir tirer. J’ai fait ce que je croyais être le meilleur choix pour nous tous, je vous le jure ! » se justifia-t-il, pour qu’Iverna n’appuie certains de ses dires, puis qu’Eluned ne fasse aussi entendre sa voix – un moment rare même pour les oreilles d’Arcturus.

— Il n’a pas tiré. Il dit vrai pour cela.

— Il était choqué, c’est pour ça qu’il n’a pas tiré. Il nous ment. » répliqua san ciller l’éclaireuse irlandaise, avant que Cyrus ne prenne aussitôt son parti, ça ne sert à rien de faire un prisonnier ou de laisser des blessés.

 

Mais l’Anglais du Conseil ne voyait pas les choses ainsi, que ce soit au nom de sa morale ou de son intelligence.

Peut-être embellissait-il la réalité pour que sa vie soit épargnée, cet homme n’avait pas l’air mauvais à ses yeux, et les soupçons d’Eluned ou de son père n’enlevait rien au reste du propos de ce condamné. L’emprise que le maître de l’AP pouvait exercer sur les simples citoyens n’était pas à sous-estimer, Arcturus le savait puisqu’il comptait justement se dresser contre elle, et il était bien l’un des seuls à pouvoir le faire. Alors pouvait-il reprocher à ce père de famille d’avoir agi ainsi ? Cyrus lui semblait bien hypocrite d’exiger ainsi la mort, tant il aurait pu être à sa place. Et plus important encore, devait-il forcément le punir ou le traiter comme un ennemi ? N’y a-t-il pas un autre moyen, se lamentait-il, pensif, jusqu’à proposer son offre à ce traître, sous les sourires de certains des Springs, heureux de retrouver le tempérament miséricordieux de leur président. S’il voulait réussir son combat contre David, il ne triompherait sûrement pas en se servant des mêmes armes que son ennemi, en cherchant à le vaincre à son propre jeu. D’autant plus qu’Arcturus avait lui-aussi des armes dont il était fier, une vision du monde et de la vie à défendre, celle qui lui avait inspiré son surnom du Conseil, le Soleil Marin. Contrairement à ce que Maria lui avait toujours dit pour se moquer de lui, il n’était pas le Soleil parce qu’elle était la Lune, ni même simplement parce qu’il était si fier d’être le président de Solar Gleam. Plus que n’importe qui dans le Conseil, Arcturus croyait à l’espoir et au mérite, aux belles luttes et aux fins heureuses, à cet amour de l’héroïsme qu’il partageait avec son meilleur ami, William.

Alors c’est un signal d’espoir que le Soleil Marin comptait envoyer, à tous ceux qui seraient prêts à se rallier au soleil et à la liberté. Non seulement il pardonna au traître, mais il lui offrit également sa protection, en lui proposant de repartir pour Light Hill en compagnie des Springs, d’où il pourrait prendre le prochain bateau pour rejoindre l’Arthurie Karnali et son foyer. Ensuite, avec la lettre que son président lui rédigerait, il n’aurait qu’à s’adresser aux Neufs Hivers qui se chargeront d’organiser la sécurité de sa famille, tout en lui permettant de réintégrer les rangs de Semper Peace. Ainsi, Arcturus espérait que ce repenti puisse faire passer le message parmi les autres, notamment chez ses congénères gurkhas. À ses yeux, c’était clairement la meilleure chose à faire et, au-delà de ça, c’est mieux que d’achever ce pauvre gars, tel qu’il en conclut en jetant un regard plein de pitié au prisonnier à genou contre la roue de sa diligence. Malheureusement, son vieux père n’était pas d’accord avec ce verdict. Cet homme était un menteur en plus d’un traître, il planterait son khukuri dans le dos d’Arcturus dès qu’un ordre de David viendrait, et ce n’était que la peur de mourir qui lui faisait jurer allégeance. Sans compter que personne n’avait aucune preuve du fait que cet homme ait une quelconque famille, ni même qu’il soit bel et bien citoyen de l’Arthurie. Peut-être que toute cette belle plaidoirie n’était qu’un autre mensonge, voir un simple moyen de gagner du temps.

Cette fois, le vieux corsaire allait devoir se taire et accepter la décision de son fils, après que ces contestations stupides et sanguinaires eurent fini par l’exaspérer.

— Prends ça comme un avant-goût de la suite, je ne compte pas laisser des piles de cadavres derrière moi, et tout le monde le saura. » ordonna définitivement le Soleil Marin en se retournant vers le reste du groupe. « Allez, la soirée n’est pas finie, il faut rejoindre Light Hill. Les habitants de Clipsham ne devraient pas tarder à venir voir ce qu’il s’est passé ici, ne perdons - » reprenait-il lorsqu’un coup de feu résonna dans son dos, et le fit se retourner vivement : son père avait abattu le prisonnier d’une balle dans la tête pendant qu’il avait le regard ailleurs. « Putain, qu’est-ce qui te prends ?! » cria-t-il en plaquant son père contre la portière, avec assez de colère pour réussir à le soulever.

— J’ai fait ce que je vais devoir faire pendant un bout de temps, Arcturus ! Si tu veux vaincre David, il ne faudra pas craindre de faire couler le sang plus qu’il le faut, par sécurité, même si ça déplait. Si tu ne peux pas le supporter, je m’en occuperai, il n’y a pas de problème. Mais cette mentalité à la con t’amènera qu’au cimetière, la vie c’est pas un roman de chevalerie ! » répliqua Cyrus, sans être impressionné le moins du monde, tout en se défaisant de l’emprise de son fils qui ne le lâchait pas.

— Tu t’occuperas de ce que je te dirai ! Je ne viens pas te libérer pour jouer au putain de gringo ! T’as intérêt à bien le comprendre, sinon tu vas rester à nous attendre quelque part en Inde et ça sera vite réglé !

— Ah ! Je ne suis pas assez vieux pour recevoir des ordres de mon fils ! » lança-t-il en montant dans la diligence tandis qu’il grommelait des critiques sur les minauderies de son fils, sous les yeux consternés d’Arcturus.

— Bon, en voiture, vous autres. Tu peux monter avec moi, Kennocha, j’ai réglé le petit souci du côté de mon père.

— Ça valait bien la peine d’en faire toute une histoire ! » s’exclama-t-elle en emboitant le pas de Cyrus, qui se réjouissait de faire connaissance avec sa deuxième belle-fille … Décidément, Arcturus allait passer un agréable voyage de nuit jusqu’à Light Hill, et il en soupirait encore d’épuisement lorsqu’il finit par voir Siarl, planté là, à le regarder pendant que la plupart des Springs montaient dans la seconde voiture à cheval.

— Eh ben, mon pauvre vieux … » lui confia Siarl d’un ton compatissant qui fit lever les yeux d’Arcturus au ciel.

— Merci, Siarl. Toi aussi peux monter avec moi, si tu veux. » lui concéda-t-il, pour que le Gallois ne lui demande d’un air innocent s’il avait bien entendu. « Oui, oui, comme ça la boucle sera bouclée. » s’exaspéra-t-il en se dirigeant vers la diligence, où son père comme son amante étaient déjà en train de se plaindre de lui, de Jayde, et du manoir de Light Hill vers lequel s’élancèrent sans tarder les deux voitures.

 

A son arrivée, Arcturus se rendit aussitôt au siège de Solar Gleam, toujours en compagnie des Springs qui allaient maintenant partager sa vie, même si le bâtiment se trouvait à quelques adresses de son manoir.

Il y rédigea des lettres pour chacun de ses directeurs, chaque gouverneur d’Arthurie et son vice-directeur, afin de les avertir d’une influence néfaste qui serait à l’œuvre au sein de Solar Gleam, en se gardant bien de la nommer directement, car n’importe lequel d’entre eux pouvait être un fidèle de David. Puis, il se rendit au siège voisin de Semper Peace, pour s’adresser directement à ses équipes d’interventions, afin de les mettre en garde contre le réseau occulte qui croit pouvoir obscurcir notre beau Soleil. Bien sûr, il leur ordonna également de se rapprocher des inspecteurs, autant pour les assister dans leurs enquêtes que pour les surveiller, et s’assurer qu’ils n’étaient pas corrompus eux-aussi. Avec tout ça, Arcturus espérait pouvoir rassembler un maximum d’informations sur David et, qui sait, peut-être les moyens de le traîner en justice ou de l’écarter le plus possible, avant que ça ne soit l’inverse qui se produise.

Ensuite, il dépêcha trois de ses Springs auprès du capitaine de son navire, afin de lui transmettre l’itinéraire très chargé qui l’attendait, puisque le prochain périple du président devait les conduire jusqu’à ses Arthuries indiennes.

Néanmoins, l’Anglais du Conseil ne fuit pas la Grande-Bretagne aussitôt, il prévit de se réserver tout le lendemain pour s’assurer au maximum de la fidélité de tout Light Hill, ainsi que d’une bonne partie de Londres – quitte à dépenser et à promettre pour convaincre. Certes, c’était autant de temps qu’il ne passait pas sur ses recherches ou celles de Solar Gleam, ni même sur les innombrables projets qu’il laissait en suspens. Tant que David n’a pas appris la nouvelle, je dois exploiter mon temps au mieux, se préparait-il déjà à se justifier, pour le jour où ses camarades du Conseil questionneraient l’avancée de ses travaux pour le Bien Commun. En vérité, il savait bien que ses prochains mois allaient forcément se résumer à forger les armes et les alliances pour vaincre David, mais il espérait bien qu’ils lui pardonneraient et, qui sait, peut-être que la chance serait de son côté …

D’ailleurs, une voix au fond du Soleil Marin se demandait si ce temple souterrain, qu’il avait vu sur l’étrange papier arraché à l’épée de son père, n’était pas un précieux moyen de gagner du temps, voire plus. Et s’il y avait des savoirs qui m’attendaient là-bas, des recherches déjà toutes faites, rêvait-il en repensant aux nombreuses rumeurs qui circulaient sur l’origine du LM ou de son passé, ainsi que sur les prétendus textes anciens que ses professeurs y avaient trouvés. Lui n’avait jamais eu ce genre de chance dans ses expéditions, seulement il fallait bien croire que certaines nappes de LM cachaient bien plus qu’un simple bassin à plusieurs milliards de livres. En plus, ça faisait quelques temps qu’il n’était pas parti à l’aventure avec William, Maria et Alessia. Et maintenant, il y aurait même son père pour marcher à ses côtés, à nouveau libre. C’était une occasion à saisir et à proposer lors de la prochaine réunion du Conseil qui devait se tenir cet été.

Si le Destin le veut, tout sera peut-être réglé avant le Nouvel An, en conclut-il tandis qu’il rejoignait discrètement le lit de son épouse déjà endormie, qui sait, l’action créera des opportunités, c’est comme ça que marche la vie, enfin, surtout la mienne 

 

« Tant que tu suis ton rêve et que tu fais ce qu’il faut pour l’accomplir, je mourrai heureux et soulagé … J’ai plus grand-chose d’autre à foutre ni à espérer en fait ! »

 

Cyrus Seafox à son fils Arcturus, après qu’il lui eut annoncé sa nomination en tant que président de Solar Gleam, Clipsham, 1871.

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