Mais, bien évidemment, le Seafox n’allait pas manquer une occasion de montrer sa collection personnelle d’antiquités, ne serait-ce que pour le plaisir de se dégourdir les jambes après toutes ces discussions.
C’est donc avec entrain qu’il ouvrit la marche vers le hall, puis le grand escalier pour rejoindre l’une des premières pièces de l’étage, une vaste salle remplie de ses trophées qui lui donnaient toujours le sourire, comme un vieil homme devant ses souvenirs - mais en bien moins mélancolique que ne le serait Henri. Et cette pensée eut tout juste le temps de toucher le cœur de son fils que Cyrus se retournait déjà, plus fier que jamais, pour écarter les bras au milieu de ses vitrines et présentoirs – quotidiennement nettoyés par Blake, sans que ça ne serve à grand-chose à part discuter avec son vieux capitaine qui ne ratait jamais ce rituel.
— Faites-vous plaisir ! » lança-t-il, sans se douter que ses paroles allaient déclencher un réflexe instinctif dans l’esprit du jeune Cathair, et quelques autres Springs.
— Ah ? On peut prendre des trucs ? » lâcha-t-il dans la foulée, pour que Lysander le corrige, avant de s’occuper de Kennocha, déjà en train de lorgner sur les quelques bijoux de ce cabinet.
Quant à cette fameuse épée, elle se trouvait aussi sous verre, tout au fond de la pièce, comme si son propriétaire avait inconsciemment voulu que les gens ne s’y attardent pas trop.
Pourtant, comme Siarl le fit remarquer, elle était aussi bien conservée que présentée, elle partageait même la vitrine de la première lame du Seafox, un vieux sabre d’abordage français. Bien sûr, Cyrus la sortit de sa vitrine pour leur montrer à quel point son tranchant était émoussé, comment sa garde était inconfortable et, surtout, le poids excessif de cette arme qui la rendait désagréable même en ceinture. D’ailleurs, c’était bien pour ça que personne n’en voulait, et les quelques collectionneurs qu’il avait rencontrés furent tous persuadés qu’il essayait de les arnaquer avec des faux vestiges du passé. D’un côté, il était également le premier à avouer qu’il la trouvait tout de même jolie, avant de plaisanter en la tendant à son fils qui ne la lâchait plus des yeux, tant il était fasciné par son aspect clinquant et mystique – il n’était pas du Conseil pour rien. Il s’agissait d’un glaive fait d’une matière similaire à un verre sombre, serti d’améthyste ou d’aigues-marines qui ne reflétaient que très mal leurs très fins rayons bleutés jusque sur le métal d’ombre pâle de sa lame, sur laquelle se trouvaient gravées quelques lignes argentées. Vous êtes le pire marchand du monde, dut confier Arcturus à son père en voyant qu’un objet si curieux n’avait su trouver un acheteur, on aurait dit un artéfact venant d’un autre temps, presque une épée de légende qu’il aurait simplement fallu polir pour aller la vendre à prix d’or au premier souverain du coin.
Pourtant, ce qui l’étonna le plus, ce n’était même pas cette épée en elle-même, ni le fait que son père prétende ne pas avoir réussi à la vendre, c’étaient les inscriptions grisâtres qu’elle portait sur sa lame.
— Ça m’étonne que vous l’ayez retrouvée sur une île du Pacifique, l’inscription qui se trouve sur la lame semble être du latin et la langue à côté me dit quelque chose, je l’ai déjà vu mais c’est une langue morte, un dialecte italique, je crois.
— Je crois qu’un des amis d’August, l’Italien, avait parlé d’Étrusque. Tu le connais ?
— Hm ! Ce n’est pas une personne mais un peuple. » lui sourit son fils. « Les premiers souverains romains étaient originaires de leur peuple, ils vivaient dans ce que nous appelons la Toscane, juste au nord de Rome. Quant à l’Italien, il a un nom, c’est Marco-Aurelio, et il a souvent raison. Ça confirme ce que je disais, ça n’a aucune forme de sens que cette épée ait été là-bas. Quelqu’un l’y a amené, forcément, elle ne s’est pas téléportée.
— Bah, après tout, la nappe était vide, l’endroit aussi, quelqu’un est peut-être passé avant nous … Enfin, tu ne peux rien me dire de plus sur cette épée ? » reprit Cyrus, avant que son fils ne lui avoue que sa collègue Alessia pourrait le faire. « Bordel, pourquoi je t’ai payé des études si c’est pour que la première bonne sœur du coin fasse mieux que toi ? »
Alors, après que Kennocha eut précisé que son amant était tout simplement flemmard, il finit par aller se mettre sous la lumière des fenêtres pour déchiffrer ces écritures usées.
Il lisait le latin puisqu’elle était la langue du Conseil, mais à la différence de ses trois collègues, il n’éprouvait aucun intérêt pour ce langage aussi mort qu’inutile. D’ailleurs, même lorsqu’ils lui écrivaient dans cette langue, il leur répondait dans la leur, et lorsqu’il avait fallu l’apprendre, il n’avait jamais hésité à copier sur ses camarades de tutorat. Malheureusement, il n’allait pas pouvoir compter sur l’aide de William, ni copier sur Alessia, ni même négocier avec Maria pour obtenir la traduction de ces inscriptions, en vieux latin qui plus est. Malgré tout, en lançant quelques excuses, il déchiffra tout de même quelque chose de ces vieilles gravures.
— Hum … C’est une incantation en hommage à un dieu païen. » en conclut-il, d’un air si détaché que Kennocha reconnaissait clairement le fait qu’il s’en fichait, là où le vieux Cyrus était déjà intenable.
— Tu dis ça au hasard ou c’est sérieux ?!
— J’ai reconnu quelques mots et supposer d’autres, ça suffit, et ça n’a rien d’extraordinaire. Ça se faisait parfois sur des épées d’apparat ou des armes rituelles, ça ne la rend pas très spéciale pour autant. » expliqua-t-il, avant de remarquer une fin de morceau de papier légèrement brillant qui semblait se décoller du manche, et de commencer à y planter ses griffes. « Tiens ça s’enlève ça …
— Mais arrête de défoncer mon épée, gamin ! Je ne t’ai pas élevé comme ça ! » protesta-t-il sans qu’Arcturus ne l’écoute, et sans qu’il ne se retienne de tirer finement sur le papier, dans un bruit de déchirement.
Mais il tint bon, laissant la garde de verre sombre à nue derrière lui, tandis qu’Arcturus présentait désormais un long parchemin aux regards stupéfaits de tous, lui le premier.
Car il ne trouva ni un texte, ni un symbole ou un blason sur la face cachée de ce papier si résistant, mais un dessin à l’encre blanche et grise plus magnifiquement réalisé que tout ce qu’il n’avait jamais vu. Celui-ci représentait ce qui semblait être un fier sanctuaire d’un culte inconnu, creusé dans la roche d’où surgissaient ses promontoires, le tout dans une vallée à la végétation luxuriante, et de type européenne du peu qu’Arcturus arrivait à en discerner. Des ouvertures de cette falaise d’encre s’échappaient de fins filets d’encens, mais aussi une étrange brume, à la lueur aussi vive que les petites torches dessinées sur ce paysage, réalisé à hauteur d’homme. Très vraisemblablement, cet endroit était ou fut fréquenté par l’Humanité. Seulement à voir le style architectural si particulier de ce sanctuaire, Arcturus s’étonnait de ne pas le connaître, il ne voyait même pas quelle culture aurait pu produire un site aussi majestueux - car à voir les détails du flanc de montagne, il avait été sculpté par l’homme.
Étant donné les langues présentes sur la lame et le lieu où elle avait été découverte, cela devait être un lieu en rapport avec le LM, situé quelque part entre l’Eurasie et l’Amérique du Nord, ayant voyagé d’une façon ou d’une autre entre les continents. Mais Arcturus n’avait aucune idée d’où commencer à chercher. D’autant plus que les sept entrées de nappes qu’il avait pu visiter n’avaient jamais montré aucun signe d’habitation humaine. Heureusement, un détail finit par capter son attention, un tronc de chêne en bas du papier, dont les contours d’encre faisaient comme ressortir un petit schéma. C’est moi ou on dirait une carte, pensa-t-il en croyant reconnaître les Alpes, le Rhin, le Rhône, le Pô et l’Aar. Sur ce petit schéma était noté quatre étoiles, deux près des nappes contrôlées par le RFA, une autre près du lac de Constance et une dernière en Savoie – ce qui ne correspondait pas exactement aux entrées des nappes mais s’en rapprochaient beaucoup.
En tout cas, cela avait suffi à éveiller sa curiosité et son esprit d’aventure, même après la discussion qu’il venait d’avoir avec son père, à tel point qu’il en restait fièrement souriant devant sa carte aux faces d’argent et d’ombre, sous les regards agacés des autres qui ne voyaient plus qu’une face vierge depuis de longues secondes déjà.
— Bon, tu vas finir par cracher le morceau ?! » s’exclama Cyrus en lui prenant délicatement le papier des mains.
— L’endroit indiqué doit se situer entre la Savoie et le Trentin Autrichien. Je vais faire le nécessaire pour trouver cet endroit, j’ai un bon pressentiment. » résuma Arcturus à ses Springs et son père, avant de stopper son regard vers ce dernier qui levait les yeux du parchemin. « De toute façon, je pourrais compter sur ton aide, tu me suivras dans toutes mes aventures maintenant ? » lui sourit-il pour que Cyrus en soupire.
— Tu étais la seule personne qui me forçait à rester ici, et tu ne me laisses pas vraiment le choix non plus. Si je reste ici, David va m’envoyer des dizaines d’assassins sur la gueule. Mais laisse-moi jusqu’à la soirée, un dernier repas avant la cavale.
— Je ne comptais pas t’exfiltrer de jour, rassure-toi. Et mes Springs connaissent déjà les positions de tes tireurs embusqués, avant que tu en parles. Ça sera une promenade de santé pour eux. » lui lança le président, pour entendre son père ricaner, avant d’annoncer qu’il allait bientôt être l’heure de passer à table.
Et cette remarque très anodine ne manqua pas de toucher encore le cœur d’Arcturus, de le laisser stupéfait, presque effrayé même.
Un aventurier bon-vivant comme son père n’était pas du genre à passer à table parce qu’il était l’heure, c’était tout un symbole sur l’état dans lequel l’isolement le plongeait lentement. Heureusement que je suis venu, il était temps, quoi que réserve mon futur, ça sera toujours mieux que de l’avoir laissé pourrir ici, pouvait-il sourire en imaginant les bienfaits que la liberté ferait à son paternel. Mais Siarl avait un bon remède contre la solitude, et il ne se priva pas pour la suggérer tant il sentait qu’elle était ingénieuse : vous auriez dû prendre un chien, mais pas pour le laisser dehors ou lui tirer dessus.
— Ah, c’est comme ça que ça marche ? » ironisa Cyrus, tandis que son fils voyait poindre ce pauvre Blake sur le seuil de la porte, comprenant que le vieux marin se préparait à devoir cuisiner pour tout le monde – tel qu’il l’avait toujours fait depuis la disparition de la propriétaire.
— Blake ne va pas préparer le repas pour douze personnes, si ?
— Pourquoi, tu comptais l’aider ? Si tu es aussi doué que moi en cuisine, tu peux rester loin des casseroles, personne ne t’en voudra tu sais.
— Moi, non, je ne cuisine pas. Mais Iverna a le talent des dosages et quelques-uns de mes Springs ne sont pas mauvais en cuisine. » sourit le richissime président de Solar Gleam, au grand soulagement des deux hommes, puisque Blake n’était pas un bon cuisinier non plus – il était juste meilleur que Cyrus.
— Blake est votre secrétaire, normalement. » ajouta quand même Arcturus, ce qui ne manqua pas de faire sourire le vieil aventurier.
— Ah ! Ouais, c’est vrai. Ça fait combien de temps qu’on n’a pas rédigé un truc officiel d’ailleurs ?
— Je m’occupe de votre déclaration d’impôts chaque année. » lâcha son majordome.
— Je paye des impôts ?! » s’étrangla Cyrus, avant que la discussion ne dévie sur le choix du repas, pendant que l’ancien aventurier ne digère cette terrible nouvelle qu’était son imposition, après des années à échapper au fisc anglais grâce à l’AP. « Putain de pays d’ingrats, j’aurais dû rester en mer … »
L’Anglais du Conseil et les siens quittèrent ainsi le cabinet de curiosités de son père pour ensuite se séparer en deux, entre ceux qui prépareraient le repas et ceux qui dresseraient la table.
Évidemment, Arcturus était du second groupe, comme son père, mais si le fils aidait les autres, ça ne voulait pas dire que Cyrus allait faire de même. Au contraire, ce dernier préférait rester à regarder l’horizon du soleil couchant à travers la fenêtre.
— C’est quoi votre excuse pour ne pas mettre le couvert ? » finit par lui demander Arcturus, à force de voir ses Springs jeter des sales regards à celui qui n’en fichait pas une.
— Je réfléchis. Qu’est-ce que tu comptais faire de la maison ? » lâcha simplement le Seafox en restant pensif face aux jardins et sous-bois abandonnés qui entouraient son manoir, au grand étonnement de son fils – le vieux corsaire avait vraiment fini par s’attacher à un foyer finalement.
— Euh – eh bien, je comptais la conserver. Blake pourrait l’entretenir et même lui redonner une jeunesse avec l’aide de quelques domestiques supplémentaires. Bien sûr, vous pouvez emporter tous les souvenirs que vous voulez, mon manoir de Light Hill est largement -
— Ah ! Non, je voulais faire sauter la baraque, moi ! » le coupa-t-il avec un enthousiasme enfantin, pendant que son fils se répétait la phrase dans sa tête pour être sûr de l’avoir bien comprise.
Pourquoi son père voudrait-il détruire cette maison où il avait grandi, ne serait-ce que quelques années ou quelques semaines de vacances à la campagne ?
Certes, tel qu’il le fit aussitôt remarquer, David chercherait probablement à la détruire ou à la racheter, dans le but de narguer et humilier les Seafox, c’était bien son genre. En plus, conserver cette maison ne ferait que disperser les ressources ou les fidèles d’Arcturus inutilement, Blake pouvait être bien plus utile ailleurs, plutôt qu’à rester dans un manoir isolé où il constituerait une cible parfaite, voir un otage. Mais pour Arcturus, cette maison, c’était l’un des rares endroits où ses souvenirs y faisaient encore apparaître sa mère, le seul décor où il pouvait si facilement réentendre ses éclats de voix, où il venait raviver des vestiges de sa mémoire de peur qu’ils ne soient perdus à jamais. S’il perdait la maison, ses souvenirs faneraient, il n’en garderait que des traces encore moins palpables que les jardins abandonnés qui entouraient ce manoir.
Alors ni David, ni même son père n’avaient le droit de la détruire, et il était prêt à jurer de la protéger devant ce dernier, plus lassé que vraiment contrarié.
— Ah … J’aurai tellement aimé tout cramer … » se désola Cyrus en s’en retournant vers sa fenêtre, sous les regards perplexes des Springs qui s’interrogeaient sur la santé mentale du Seafox.
— Ne vous en faites pas pour le spectacle, Père, vous aurez votre dose. Après ce petit diner, les Springs seront plus frais que jamais. » s’exclama son fils avec fierté, en tournant son regard vers le jeune Cathair, qui ne manqua pas d’ajouter qu’il allait tous les prendre d’une main, juste avant qu’une voix aussi hésitante qu’innocente ne se fasse entendre depuis le seuil de la cuisine.
— Va falloir aller les prévenir en cuisine alors parce que c’est pas un petit casse-dalle qui arrive. » intervint Siarl, sous les yeux surpris de Lysander qui s’était bien assuré de s’en être débarrasser en l’envoyant avec l’autre groupe. « Vous êtes sûr de pas vouloir pioncer une heure ou deux avant d’y aller ? »
— T’étais pas censé être justement en cuisine toi ? » lui lança son chef, pour d’apprendre que Kennocha avait fini par le virer car il foutait la merde, selon les propres mots du Gallois.
Car l’Ecossaise s’était décidée à offrir un festin de roi à celui qui avait imposé Jade à son amant, et qui avait osé crier derrière la porte du salon qu’il avait fait cela pour le bien d’Arcturus.
Alors elle comptait bien montrer qu’elle valait mille fois mieux que sa rivale, dans ce domaine comme dans les autres - chose que tout le monde évitait soigneusement de contester.
Et pour cela, elle pouvait compter sur l’aide de Blake, qui voulait un bon dernier repas dans cette maison, d’Iverna qu’elle réussit très vite à placer de son côté, et de Wallace qui était toujours disponible pour offrir le meilleur à son président. Il n’y avait qu’Eluned pour refuser impassiblement de mettre la main à la pâte ou d’obéir à son autorité – inexistante mais constamment répétée. Cependant, Kennocha avait appris à se fier aux regards de l’éclaireuse galloise pour voir si cela allait mal quelque part, notamment pour éviter les bêtises que Siarl allait forcément commettre. Du coup, elle avait préféré l’écarter définitivement des casseroles, il allait plutôt servir de larbin, comme toujours chez les Springs …
Enfin, toujours est-il qu’avec cette bonne petite équipe, elle s’était décidée à préparer un festin typiquement britannique, avec les quelques plats qu’elle savait pouvoir superviser, mêlant des plats de toutes les îles de cet archipel d’où tous les Springs étaient natifs. L’entrée serait une soupe à l’agneau, de l’Irish Stew avec des pommes de terre et des carottes, que Cathair mangeait presque tous les soirs. Ensuite, Kennocha voulut s’illustrer elle-même, après que Blake lui eut dit que Cyrus avait des panses de brebis dont une était déjà prévue au repas de ce soir et des navets dans son garde-manger. Elle décida de préparer un plat qu’elle maîtrisait à la perfection – du haggis, qu’elle savait préparer en une heure et demie précise.
Bien sûr, il y avait du dessert et des spécialités galloises de prévu, mais Siarl comprenait tellement peu de choses à ce qu’on lui avait dit qu’il avait déjà oublié la liste. Seulement ça, c’était le dernier problème du vieux corsaire.
— Mais vous êtes en train de piller mon garde-manger ?! » lança soudainement Cyrus, en faisant semblant d’être hors de lui.
— Ah, j’ai rien touché moi ! » lâcha le Gallois pour qu’Arcturus ne vienne à sa rescousse, comme toujours, et ne lui accorde de retourner en cuisine. « Bah non, on m’a viré. Je peux aider, ici ? » avoua-t-il sans aucune honte, laissant son président se retourner vers Lysander d’un air désabusé.
— Euh – va demander à Kennocha quand est-ce que c’est prêt. » lui ordonna-t-il en balbutiant ce prétexte vaseux, sous les ricanements de Cathair, et l’approbation de Siarl qui repartait aussitôt pour aller demander ça à la capricieuse Écossaise - ce qui finit de faire éclater de rire le cadet des Springs.
— Et il y va vraiment ce con ! Il a du courage faut avouer ! » s’amusait l’Irlandais, pendant que Cyrus restait étonné qu’un homme si insouciant fasse partie de ces Nine Springs qui rendait son fils si confiant.
D’ailleurs, il en vint même à interroger les autres à ce sujet, avant que tous lui confirment que Siarl avait un talent obscur et une chance infaillible.
Et cela lui inspira une nouvelle histoire, un récit que son fils essaya bien de refuser, mais plus rien ne pouvait arrêter le vieil aventurier qui conta l’histoire de l’un des marins de la Golden Owl prétendu fou. Arcturus dut alors corriger son père car le fou en question était surtout atteint d’autisme lourd. Évidemment, les mercenaires lui demandèrent donc pourquoi l’équipage avait pris cet orphelin inutile sous son aile, pour qu’il leur réponde tout naturellement qu’un peu d’innocence sur un bateau rempli de rustres, ça valait mieux que n’importe quelle boisson ou n’importe quel bouffon pour décompresser. Néanmoins, ils avaient tout de même fini par confier le jeune homme à l’Église, la vie de bateau avait eu raison de son courage au fil des tempêtes qu’il supportait très mal. Bien sûr, un esprit libre et moderne comme son fils ne voyait pas la situation sous cet angle, son père aurait mieux fait de laisser cet homme dans un asile ou auprès d’un psychiatre, afin qu’il soit aux côtés de quelqu’un qui le comprenne et qui puisse étudier son trouble. Mais Cyrus avait de bonnes raisons, en plus de ne pas vouloir voir son cher fou devenir un cobaye pour le restant de ses jours.