Sous le voile étoilé de la nuit, la chambre nuptiale d'Azore et Yama était baignée d'une lumière douce et argentée filtrée par les rideaux en soie. Les rires et les échos lointains des festivités se faisaient entendre à travers les murs épais du palais, tandis qu'Azore et Yama, légèrement étourdis par l’alcool de la soirée, se retrouvaient enfin seuls.
Ils s'approchèrent l'un de l'autre avec une certaine hésitation mêlée d'excitation, leurs yeux brillants d'un mélange d'ivresse et de désir. Yama posa doucement sa main sur la joue d'Azore, son pouce traçant une ligne tendre le long de sa peau. Leurs lèvres se rencontrèrent dans un baiser délicat au début, puis de plus en plus passionné, comme s'ils cherchaient à se découvrir à travers tous leurs contacts.
Ils titubèrent légèrement en se dirigeant vers le lit, riant de leur maladresse sans jamais rompre le contact visuel. Yama, avec une délicatesse surprenante malgré son état, commença à défaire les attaches de la robe d'Azore en s’assurant qu’elle était d’accord, tandis qu’elle laissait ses doigts glisser le long de la chemise de son époux, explorant la chaleur de sa peau. Chaque geste était empreint d'une douceur farouche ; une danse où l'ardeur se mêle à la tendresse.
Leurs corps se rencontrèrent sur le lit, s'enroulant l'un autour de l'autre avec une passion fiévreuse mais attentive. Ils s'embrassaient avec une intensité presque désespérée, leurs mains parcourant la peau de l'autre avec une curiosité insatiable. Malgré la fougue de leurs mouvements, il y avait une infinie délicatesse dans leurs caresses, un respect mutuel qui sublimait chaque sensation.
Lorsqu’ils se réveillèrent, ils étaient encore enlacés l’un dans les bras de l’autre. Azore papillona des paupières un instant avant de lever sa tête - encore posé sur le torse dénudé de Yama- vers son visage. Yama lui offrit un sourire.
— Bonjour, souffla-t-il.
Azore se cambra légèrement pour venir embrasser le coin de ses lèvres puis elle murmura :
— Bonjour… Yama.
— Tu as bien dormi ? s’inquiéta-t-il.
— Oui, une excellente nuit, et toi ?
Yama se redressa légèrement, entraînant Azore dans son mouvement qui se décala légèrement pour lui faire face.
— Oui, très bien, merci.
Il vint caresser sa joue du revers de la phalange et l’embrassa sur le front.
— Tu es magnifique.
Azore ramena ses cheveux vers l’avant en souriant.
— Toi aussi.
— Bon ! lança Yama en s’étirant. Normalement, nous sommes en lune de miel, donc nous avons absolument tout le temps du monde pour faire ce que nous voulons, ce qui, je t’avoue, me plait énormément.
Le sourire d’Azore s’élargit.
— Et bien…
Elle glissa un doigt sur son torse, le fit descendre vers son nombril puis remonter légèrement vers ses clavicules.
— Si nous avons tout le jour et toute la nuit…
Yama ouvrit grand les yeux avant d’éclater de rire.
— Et bien ! Motivée à nous faire un héritier.
Azore se racla légèrement la gorge, plus gênée qu’elle ne l’aurait pensé. Puis se mit à rire.
— Et bien… la chose est agréable, et tu es plutôt doué alors…
— C’est vrai que cette nuit était plutôt exceptionnelle. Mais tu as l’air d’avoir déjà de l’expérience.
— Pas dans cette vie. Dans les autres oui, mais je suis très heureuse que ma première fois soit avec toi.
— Merci, ça me touche, sourit Yama.
Azore se redressa légèrement, et, à califourchon sur Yama, vint plaquer un bisou sur son front.
— Et donc, ma proposition ? reprit-elle.
Yama éclata de rire, ce même rire avec un petit parfum de mesquinerie, piquant, agréable. Il profita de la position pour la basculer sous lui, l’embrasser et vint lui murmurer à l’oreille :
— Je pense qu’on ne devrait pas abuser des bonnes choses.
Il s’écarta alors, en tapotant le nez d’Azore du bout du doigt.
— Je te propose plutôt un jeu.
— Un jeu ?
— Mmh mmh. Pour apprendre à nous connaître.
— Oh, oui… c’est vrai que je t’intrigue.
— Ne me dis pas que ce n’est pas le cas, mademoiselle qui pensait que j’étais… quoi déjà ? Un dragon ? Un démon ?
— Un demi-dieu ! Il y a de quoi s’inquiéter, non ? Le demi-dieu de la mort, même !
Yama rit encore et embrassa le bout du nez de son épouse.
— Je ne suis pas aussi effrayant que la mort, je suppose.
— Pas du tout, même. Et du coup : tu es…?
— Un humain. À l’origine, glissa-t-il à son oreille.
— Oh d’accord… mais comment tu as…
— Je ne te laisserai pas finir ta question, s’amusa-t-il, parce que je ne répondrai pas.
— Mais ! Tu voulais qu’on apprenne à se connaître.
— Oui ! Évidemment, mais pour ça, c’est trop tôt, enfin, il faut laisser planer le mystère.
Il se redressa alors, et en s’étirant chercha sa chemise de nuit du bout des doigts pour se rhabiller.
— Alors c’est quoi ton jeu ? demanda Azore en le suivant du regard.
— Des questions ! Toute bête, une à tour de rôle, on a le droit de ne pas répondre seulement si on accepte un gage, qu’en penses-tu ?
Azore se redressa pour se rhabiller à son tour et alors qu’elle finissait de lacer sa robe de satin, elle se tourna vers son amant en souriant.
— D’accord, je commence : comment es-tu devenu un demi-dieu ?
Yama leva les yeux au ciel en claquant du tac-au-tac :
— Gage.
— Mmh… récite moi un poème !
— Oh.
Yama s’adossa à la fenêtre de leur balcon en croisant les bras, les yeux perdu vers le plafond puis murmura quelques vers avant de se racler la gorge et de prononcer à voix haute :
— « À travers les brumes et les présages,
Au plus profond des âges,
Lorsque les dragons sommeillent
Et que, s'éveille l'éternel. »
Il s’arrêta un instant, pour sourire à Azore puis reprit :
— « Pour toi, ma femme, lumière de mes nuits,
J'ai conquis les mers et dompté les dieux
Pour que notre amour, ainsi infini,
Poursuive son chemin parmi les cieux .»
Azore applaudit à la fin de son poème en riant à cœur ouvert.
— Très beau, très beau…
— Moque-toi. À moi, mmh, as-tu déjà possédé des artefacts mythique ou légendaire dans d’autres de tes vies ?
— Oh je ne m’attendais pas à ce genre de questions.
Yama haussa les épaules.
— Pour te répondre, oui, mais je me souviens évasivement de leurs effets. Le dernier dont je me rappelle est un triangle avec des runes écrites dans une langue que je ne parle pas.
— Oh, intéressant : les runes indéchiffrables.
Azore lui sourit.
— À moi ! Tu as commencé à être aventurier à quel âge ?
— Mmh, depuis petit en fait, je ne me rappelle pas d’une journée sans avoir été aventurier.
— Ah oui ! Tu as dû avoir une enfance mouvementée.
Yama se tut quelques instants, ses yeux se perdant vers le vide, puis un demi-sourire éclaira ses traits.
— Ça va. Il y a pire, quand même.
— Raconte-moi ton enfance !
Yama éclata de ce même rire dont il avait le secret, mais cette fois-ci, Azore y décela un parfum d’amertume.
— Tu sais quoi, allons-nous promener, j’ai tout le palais à te faire visiter, les jardins, les pêchers que tu dois absolument goûter !
Azore croisa les bras contre sa poitrine.
— Tu changes de sujet, là.
— Moi ? Mais pas du tout, voyons.
Dans un éclat de rire, il l’attrapa par la manche et l’entraîna vers la salle de bain pour qu’ils puissent se changer. Aujourd’hui, aucun servant n'avait eu l’ordre de venir s’occuper d’eux : c’était leur lune de miel. Alors, fin prêt, Yama fit traversée de grandes allées, racontant des anecdotes pour chacune d’elles, parfois personnelles, parfois historiques. Azore aimait l’écouter en silence, lui accordant toute son attention. Elle tentait aussi de retenir le peu d’informations qui semblait utile à une reine de connaître sur son propre royaume. Une reine. Azore admira Yama de longues minutes alors qu’il marchait, dos à elle, en lui parlant des serviteurs, des gardes, de quelques histoires entre ses gens. Et Azore écoutait, simplement, et c’était agréable, il n’y avait pas besoin de se forcer. Elle sourit.
Yama deviendrait son ami, c’était sûr.