Chapitre IV

Par Fidelis

Centre expéditionnaire du secteur un. Complexe immense en perpétuelle activité, où les escouades se réunissaient. Certaines arrivaient, d’autres partaient, le tout financé par les consortiums ou quelques particuliers fortunés. Contrat très bien payé, on pouvait y participer au coup par coup ou prendre un forfait, de cinq ou dix missions.

Scalp avait choisi la formule du milieu. Il venait pour effectuer la dernière avec un certain sentiment d’amertume. Elles avaient toutes échoué, et même sans en être responsable, ça lui avait collé le titre le plus redouté, celui de porte poisse.

Une fois le sas de sécurité franchi avec tout son barda, il chercha avec la référence notée sur un bout de papier, le box correspondant pour y rejoindre le reste de son équipe.

C’est en chemin qu’il croisa le troll.

— Salut Corkos, toujours sur la brèche, prêt à jouer les gros bras !

La plume et le géant avaient partagé une mission, seule ombre au tableau de Corkos. Il grimaça en le découvrant tout équipé.

— Salut Scalp, sur le départ ?

L’autre lui sourit.

— Ouais pour clôturer mon contrat, et tant mieux, c’est la 4. 779 — S et toi ?

Le chasseur gonfla ses joues et laissa échapper un long soupir.

— Hey merde, je peux faire une croix sur ma prime de réussite.

Le vautour tenta de le rassurer.

— Sois pas fataliste, si on se fie aux probabilités il y a très peu de chance pour que celle-ci foire, et de toi à moi si la dernière fois ça a merdé, j’y suis pour rien. C’est plutôt à l’incapable qui nous dirigeait qu’il faut t’adresser. Bon y s’est fait bouffer la cervelle, en attendant on c’était bien marré.

Le troll finit par sourire à l’évocation du désastre.

Leur chef de mission ne voulait partager aucune info. En traversant la partie tropicale, dans un endroit qui grouillait de rat cortex l’autre n’avait rien trouvé de mieux que de retirer son casque parce qu’il avait trop chaud.

Le résultat ne s’était pas fait attendre, une de ces saloperies était venue se coller derrière sa tête et lui avait perforer la boîte crânienne, comme on plonge une paille dans un cocktail.

Dans la plus grande panique, et pour remédier au problème, Corkos voulait lui mettre un coup de sabre, ce qui l’aurait certainement décapité pendant que Scalp adoptait une approche plus chirurgicale avec l’un de ses Eagles. Il avait réussi son tir, mais trop tard, le gars s’était transformé en zombie, ce qu’il était déjà plus ou moins avant l’incident. Suite inattendue, il était resté en vie pendant deux longues heures, sans aucune matière cérébrale entre les oreilles, mais sans les infos majeures, ils avaient dû abandonner la mission.

— Ouais on s’est bien marré, mais on n’a pas eu d’prime. En tout cas ça risque pas de se reproduire, notre cheffe je la connais, c’est une elfe, Nuissandre, j’ai réalisé une sortie avec elle, c’est une pro.

Le vautour oscilla de la tête.

— Parfait, tu vois, on a toutes les cartes en main pour créer un précédent.

Ils étaient parvenus en discutant devant le box qui portait leur référence, le troll cogna sur la porte avant d’entrer sans attendre de réponse.

À l’intérieur, comme prévu, une elfe en tenue de combat les y attendait.

Debout, face à une table, la tête penchait sur des documents, dans un local de petite dimension avec un mobilier réduit à sa plus simple expression.

Les deux la saluèrent le poing fermé en se tapant deux fois la poitrine côté cœur. Une fois pour l’allée et pour le retour, disaient les expéditionnaires entre eux.

— Mes respects lieutenant, commença le troll, content de vous retrouver. J’ai entendu dire que vous aviez eu de légers soucis la dernière fois, repartir au plus vite c’est la meilleure des thérapies.

Elle se décida à lever les yeux, son regard noir coupait avec sa longue chevelure grise. L’elfe avait tiré un trait sur son échec, et préférait se concentrer sur cette nouvelle sortie.

— En effet, personne n’est à l’abri, mais ce n’est pas à toi que je vais apprendre ça, dit-elle en se tournant vers le vautour.

— Scalp je présume ?

Il confirma d’un signe de la tête.

— Toi en revanche je suis impressionnée, foirer toutes tes missions, je m’étonne que les consortiums misent encore sur ta trogne.

Avant qu'il n’ait le temps de répondre, c’est Corkos qui prit sa défense.

— Il est réglo lieutenante, mais il a pas de bol c’est tout. J’ai effectué une sortie avec lui, la seule que j’ai plantée, c’était avec jus d’cerveau.

Elle afficha un sourire en coin en se souvenant de l’histoire qui avait fait le tour du centre.

— Avec moi, on ne compte pas sur la chance que chacun assure son job, et on rentrera tous à la maison avec une prime, posez vos sacs et approchez-vous.

Les deux s’exécutèrent sans dire un mot, Nuissandre poursuivit, en leur désignant un tableau, sur lequel était schématisé leur trajet ainsi que différents symboles mal effacés d’une mission antérieure.

— Derrière la barrière tropicale, dans les ruines en bordure du désert, nos drones on put repérer une source d’énergie souterraine. Pour être certains que ce ne soit pas le cœur d’un réacteur en fusion qui se consumerait, ils ont effectué plusieurs passages, avec des appareils de détection plus pointus. On a découvert que son intensité variait. Il est fort probable que ce soit une chaîne de montage automatisée qui fonctionne en parfaite autonomie. Il y a un risque aussi, qu’elle soit régie par une IA, ce qui compliquerait l’approche et justifie la présence de Scalp.

Elle marqua une pause, Corkos restait impassible, Scalp lui gonfla les joues à l’annonce du chemin qu’il leur fallait parcourir avant d’atteindre l’objectif.

— Notre mission est simple, on doit se rendre sur place, mettre fin à son activité et voir si on peut récupérer des technologies. Si on découvre une IA, et qu’on n’arrive pas à la domestiquer, on vitrifie le complexe, des questions ?

Elle les regarda tour à tour.

Le troll fit un signe négatif de la tête, et le vautour prit la parole.

— Non pas une question, juste une remarque, c’est loin. Pour atteindre la bordure du désert, il faut plusieurs jours, ensuite si une chaîne de production est toujours en activité c’est qu’elle doit se situer à une profondeur conséquente. Je dirais une cinquantaine d’étages à descendre et remonter.

L’elfe s’attendait à la réflexion, elle prit un rouleau de cordons qu’elle posa sur le sac du vautour et précisa avant de les informer d’un détail.

— Ils sont équipés de fiches de tous les modèles recensés sur les sites déjà trouvés en expédition pour te brancher à l’IA, tu te serviras de ceux-là. Je sais plusieurs jours pour nous rendre sur la bordure et tout autant pour descendre jusqu’à notre objectif. Cela ferait une quantité de flotte trop importante à transporter, alors comme on est les chouchous du centre, un blindé nous sera alloué pour effectuer les déplacements terrestres.

Cette fois-ci Corkos échappa un sifflement de satisfaction.

— Un carrosse Ouaou en effet, la classe !

Nuissandre rajouta une mallette sur les affaires de Scalp.

— Des traceurs supplémentaires, on ne connaît pas le nombre d’étages à parcourir il va-t’en falloir un max. Ceux-là ont reçu les dernières améliorations.

Elle distribua ensuite, des grenades de désencerclement, des explosifs pour la démolition et leur laissa le temps, un œil rivé sur sa montre pour faire le tri dans leur barda et n’emporter que le strict nécessaire. L’eau et les rations les attendaient dans le véhicule.

Une fois tous prêts, ils se dirigèrent sans échanger un mot vers le quai portant la référence 4. 779 — S

L’elfe les guida vers un petit hangar isolé, déverrouilla un accès avec son habilitation et les invita à pénétrer. L’intérieur était vide de tout personnel, seule une masse noire s’imposait au milieu, quand elle éclaira, les deux marquèrent le pas en découvrant l’engin.

Corkos plus au courant des dernières dotations déclara en premier, surpris par la vision qui s’offrait à eux.

— Un Titan évolution Ooouaaouu !

Puis il se tourna vers Nuissandre.

— Sérieux Lieutenante c’est notre carrosse ?

Elle s’arrêta à côté de lui.

— Je vous l’ai dit, on est les chouchous du centre, six roue motrices, blindage intelligent, tourelle équipée d’un lance-flamme et d’une mitrailleuse lourde. Protection défensive latérale et frontale intégrée, avec une vision adaptative à tous les spectres connus.

Elle marqua une pause sous le charme de l’engin.

— On le nomme également le Quart de siècle en raison de son autonomie, c’est une capsule temporelle à lui tout seul.

Scalp, pourtant moins intéressait par les dernières trouvailles technologiques ne pouvaient aussi s’empêcher de l’admirer. Il en fit le tour, tout en restant à distance, comme s’il craignait une réaction agressive de sa part. Il était flambant neuf, de sa robe noire métallisée et ses meurtrières, émanait une certaine bestialité.

Il tenta.

— Équipé d’une IA ?

Corkos s’était rapproché. Avec prudence il avança sa main pour la poser sur son flan comme on apprivoise un animal sauvage, son contact le surprit, il eut la sensation de le sentir vibrer.

L’elfe rectifia.

— Non pas une IA, nous allons traverser des zones à fortes charges magnétiques qui pourrait tout foutre en l’air, les chercheurs du centre ont trouvé mieux. Il est équipé d’un liquide bio synthétique organique, qui gère l’ensemble, une forme de fluide sanguin et neuronal en même temps. Il ne parle pas, mais entend tout. En ce moment il doit être en train d’analyser nos fonctions vitales. Il traduit les émotions de notre système nerveux, alors je vous conseille d’être sympa avec lui, si vous voulez que le voyage se passe bien.

Scalp afficha une légère grimace, il ne pourrait pas intervenir dessus en cas de problème et cette idée ne le ravissait guère.

La mission reprit ses droits, Nuissandre claqua ses ordres pour faire revenir tout le monde à la réalité.

— On embarque, Corkos tu pilotes, Scalp la tourelle, moi je m’occupe de la carte !

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