Le téléphone de Paul vibra sur sa table de nuit. Il ouvrit péniblement les yeux et regarda l’heure. Six heures trente, soupira-t-il. Il attrapa son téléphone et lu le mail. La victime s’appelait Jéremy Mointard, il avait trente ans, célibataire sans famille proche connue. En somme, il était un homme qui aurait parfaitement pu être invisible jusqu’à sa mort. Le mail indiquait également qu’il s’absentait pendant des périodes allant de deux jours à plusieurs semaines soudainement. Aucun de ses collègues ne savaient où il allait ni ce qu’il faisait, mais au vu de son intelligence, le directeur ne pouvait se résoudre à le virer. Il soupira en pensant à comment ils allaient faire pour collecter des informations personelles sur la victime. Paul décida à se lever et s'assit dans la cuisine pour préparer son déjeuner. Il passa en revu les derniers articles sortis sur des faits divers mais finit, comme tous les matins, par allumer la radio. Son téléphone vibra à nouveau. C'était un message de sa soeur lui demandant s'il ne pouvait pas garder sa nièce l'après-midi. Il ne pût dire non et envoya l'adresse du labo à sa soeur. Ils se retrouveraient à midi la-bas
Il préférait le bureau de son collègue pour la belle vue que leur offrait les fenêtres. Le bureau était régulièrement baigné d'une lumière orangée, le soir, qui apportait une sensation de calme dans ce milieu très soucent anxiogène.
Lebrun fronça ses sourcils. Il avait l'impression de passer à côté de quelque chose. Il savait que ça n'avait pas de lien avec le rapport mais ça le tracassait tout de même. Il laissa sa main se promener vers sa poche. Il en sortit sa montre et regarda l'heure. Paul lu par-dessus de son épaule et se mit à rire.
— Tu devrais manger avec ta famille à cette heure, ils t'attendent.
Un palmarès de jurons s’échappa aussitôt de la bouche de son supérieur. Il ramassa ses affaires qu'il mit en vrac dans son sac.
— Tu viens manger à la maison ?
— Non c'est bon. Passe le bonjour à tout le monde.
Le lieutenant sortit en courant du bureau, bousculant au passage quelques collègues.
Lebrun qui avait déjà du mal à cacher son sourire fût prit d’un rire qu'il eût bien du mal à calmer.
Le lieutenant se gara sur le parking qui faisait face au laboratoire. Il salua quelques collègues sans vraiment prendre le temps de discuter. De toute façon, personne n'avait vraiment la tête à ça. Il s'avança vers l'entrée principale, fouillant sa poche de sa main.
— Lieutenant Dargont, bienvenue. Votre passe s'il-vous-plaît.
— Mais vous savez qui je suis.
— C'est le réglement. Pas de carte, pas d'entrée, je suis désolé.
Jacques tâta ses poches, vida l’entièreté de son sac devant le policier qui lui barrait l’entrée, mais sans succès, il ne trouvait pas sa carte de police. L’image de sa carte posée sur son bureau lui revint soudainement. Il râla intérieurement de son manque d’organisation.
Paul Lebrun gara brusquement sa voiture et arriva en courant en tendant une carte à Jacques.
— T'avais...oublié...ton passe...sur ton bureau.
Lebrun essoufflé par sa petite course, tentait de reprendre sa respiration. Le lieutenant lui donna une grande claque dans le dos qui manqua de le faire tomber.
Ils entrèrent dans le laboratoire. Il y régnait une agitation incessante qui ne pertuba pas le commissaire. Il avait l'habitude de venir ici (sous prétexte d'exercer son métier, mais son supérieur savait qu'il venait que pour visiter et discuter science avec les scientifiques). Un va-et-vient imperturbable régnait entre toutes les pièces de ce bâtiment. Les employés passaient à leurs côtés en leur adressant un léger signe de tête. Les plus lunatiques se contentaient de les esquiver. Jacques finissait de ranger sa carte, quand son collègue pesta :
— Tu aurais pût me prévenir que tu m'attendais ici.
— Je te l'avais dit pourtant Paul.
— Non, tu es parti parce que tu étais en retard. Ca va qu'on a des collègues qui m'ont dit où tu étais.
Dargont fit claquer sa langue d'un air excédé. Qu'est-ce que Lebrun pouvait être pénible quand il s'y mettait. Les deux hommes remontèrent un couloir large où le calme régnait plus qu’ailleurs. C’était certainement dû aux mètres de rubalises accrochés un peu partout dans le couloir. Un de leur collègue leur souleva la banderole pour qu’ils puissent passer.
Le médecin légiste les attendait en discutant avec ses assistants. Les trois plus jeunes avaient un teint particulièrement pâle ce qui ne présageait rien de bon sur la scène qu’ils allaient découvrir.
— Il aurait pût faire ça plus proprement quand même, râla le plus vieux. En vingt ans de carrière, j'ai jamais vu un meutre aussi sanglant.
Ils aquiescèrent tous. Le médecin les aperçut et se détourna de ses collègues. Il enleva ses gants en latex et tendit une main ferme aux deux hommes.
— Bonjour commissaire et bonjour lieutenant. On a une décapitation et divers coups de poignards. Vous voulez voir ça de vous-même ?
— Moi je veux bien.
— Ca ne m'étonne pas de vous, lieutenant. Et vous, commissaire ?
— Si vous avez des photos ou une description, ça me suffira.
Un des assistant donna à Jacques une combinaison blanche ainsi que des sur-chaussures, des gants et un masque. Paul n’avait jamais apprécié les scènes de crimes. Les comptes rendus et les photos que lui fournirait la police scientifique lui suffiront amplement pour poursuivre l’enquête. Il était tout le contraire de son collègue. Il se tourna vers Jacques qui finissait de fermer sa combinaison. Il se dirigea sûr de lui vers la porte il entra. Le médecin légiste se mit à compter à voix basse.
Dargont ressortit en courant, une main devant la bouche. Le commissaire fit une grimace de dégoût.
— C'est quoi cette odeur ?
Une odeur âcre et métallique sortait du laboratoire. Paul peinait à la supporter. Il était bien content d’avoir laissé son collègue entrer à sa place.
— Celle d'un cadavre pas très frais. Le début de la décomposition, ça ne donne jamais une odeur terrible. Les toilettes c'est à gauche si vous voulez.
Le lieutenant, pâle, détala en direction des toilettes.
— Dix secondes à tout casser, s'amusa le médecin, même notre nouvelle stagiaire a fait mieux.
Le commissaire n'écoutait déjà plus depuis longtemps. Il était plongé dans ses notes. Il finit d’écrire et récita sa liste au médecin légiste.
— Il me faudrait des photos de la scène de crime, de la victime ante et post-mortem et les témoignages des collègues. J'ai déjà le nom de la victime, j'ai lu le rapport ce matin.
— Pas de soucis commissaire.
Il s'éloigna tandis les bruits d'une conversation téléphonique parvinrent aux oreilles de tous ceux présents dans le couloir. Le médecin était très efficace quand il s’agissait de fournir des informations. C’est sûrement pour cela qu’il était apprécié par l’ensemble de la brigade de police.
Le lieutenant revint avec un teint, qu'un médecin légiste aurait qualifié de cadavérique. Il sortit dehors et s’assit contre un mur pour essayer de se calmer. L’air frais lui fit du bien et en quelques instants le nœud présent dans son estomac se desserra. Il retrouvait peu à peu une couleur normale. Il entendit des cris qui lui firent lever la tête. Une fillette accourra dans sa direction. Ses cheveux roux étaient décoiffés ce qui la rendait encore plus mignonne. Elle riait en courant pour des raisons que seuls les enfants peuvent comprendre. Elle arriva à sa hauteur et se laissa tomber sur le sol.
— Bonjour Jacques. Il est où tonton ?
— Il est au téléphone un peu plus loin je crois.
Le commissaire revenait l'air soucieux. Il rangea son carnet dans son sac et sortit son téléphone pour lire un message. Le lieutenant l’aperçut froncer les sourcils puis, dès qu’il les aperçut, retrouver son visage serein.
— Tonton !
La fillette se releva aussi rapidement qu’elle s’était assise et sauta dans ses bras.
— Ah, il est là mon petit monstre. Maman a donc bien reçu mon message.
— Oui.
Elle s'accrocha à son cou et passa sa main dans les cheveux châtains de son oncle.
— Jacques, tu te souviens que je prends mon après-midi ?
— Oui bien sûr Paul.
Le lieutenant savait que la présence du commissaire manquerait pour poursuivre l’enquête mais il ne dit rien, se souvenant de toutes les fois où Paul était venu pendant ses jours de repos pour l’aider dans son travail.
—A plus tard alors. Tu pourras m'envoyer les témoignages s'il-te-plaît ?
— Aucun problème. A plus tard.