Le silence s'était imposé depuis l'entrée du vieux géant. Il s'était dirigé vers le jeune Kaith, qui n'avait toujours pas reprit connaissance. Il semblait avoir compris qui était l'auteur de son état, mais pas un reproche n'avait traversé la barrière de ses lèvres, ni même un regard accusateur ne lui avait été destiné.
A la vue de Taïran, le petit groupe jusque la figé sur place avait pu respirer convenablement à nouveau. Leur muscle s'étaient peu à peu déliés, maintenant qu'ils se savaient en sécurité. Une sécurité relative malgré tout, car le fantôme ambulant qui était responsable de l'état de Kaith gardait un œil bien averti sur eux. Elle semblait prête à leur faire subir le même sort dès qu'elle en aurait l'occasion. Leur situation était encore très floue, mais il semblait que ces deux jeunes femmes tremblaient de jalousie. Les derniers mots qui avaient été prononcé par la femme blonde résonnait encore dans leur esprit. Père, c'est ainsi qu'elle l'avait appelé. Avoir cette information ne les avançaient pas réellement, mais ils s'en contentaient.
De son côté, le vieil homme caressait lentement les cheveux clairs du jeune homme endormi. L'inquiétude peinait ses iris grisées, et ses traits semblaient plus tendus qu'à l'habituel. Il avait bien senti l'énergie particulière que dégageait son corps, il avait pertinemment compris, dès l'instant où il avait vu le corps inconscient du jeune homme, qu'une de ses filles en était responsable. Mais il ne semblait avoir aucune séquelle physique, elle n'avait donc visiblement pas eu le temps d'aller au bout de son idée. C'était la raison pour la quelle il était si inquiet. Kaith aurait dû se réveiller, et si ce n'était pas le cas, cela voulait dire que sa blessure n'était toujours pas soignée. Lors de son voyage, malgré de nombreuses demandes, on lui avait refusé le droit d'acquérir quelconques médicaments. Il était malheureusement bien connu de tous, et prit à tord pour un être de la forêt capable de faire ses propres médecines.
Les deux intrus s'impatientaient. La jeune femme blonde tapait du pied, ses bras croisés contre sa poitrine généreuse. Dans un raclement de gorge, elle attira l'attention du géant. Le regard ambré croisa celui améthyste de sa fille, mais il n'y vit que la colère.
"- J'aimerais que tu cesses de t'occuper de cette... Chose impure que tu abrite chez toi. Les moments que nous partageons ensemble se font de plus en plus rare, il serait apprécié que tu nous accorde de l'importance lorsque nous pouvons enfin nous voir."
Le titan laissa échapper un soupire. Il prit soin de prendre le corps endormi du jeune Kaith contre lui, et se tourna dans la direction de ses filles.
"- Astrid, Venelya, je suis désolé de ne pas vous avoir accueilli comme il se doit. Mais la santé de ce jeune garçon est préoccupante, on peut dire que vous n'arrivez pas au bon moment."
La prénommé Astrid tiqua. Son regard s'assombrit un peu plus, et pour tenter de se calmer elle attrapa quelques mèches blondes de ses cheveux qu'elle enroula autour de ses doigts. Venelya quand à elle, ne bougea pas. Elle ne fit que déposer son regard vide sur celui que son père tenait dans ses bras. Sa place, donc. Une haine viscérale bouillonnait en elle, mais rien n'aurait pu l'indiquer. Elle ne semblait qu'être un cadavre auquel on avait donné la possibilité de se mouvoir. Astrid reprit la parole, sa sœur ne semblant pas être doté de parole.
"- Est-il plus important que nous dans ce cas ? Nous sommes pourtant tes seules et uniques filles. C'est ce que tu nous a toujours affirmer, du moins. Dois-je en conclure que tu nous mens depuis toutes ces années ?"
Leur père ferma les yeux une petite seconde. Le petit groupe, n'ayant toujours pas osé bouger, était de plus en plus confus. Des milliers de questions tiraillaient leur esprit, mais ils craignaient d'interrompre un moment important, et donc de se voir confronter à ce macchabée ambulant nommé Venelya. Malgré tout, Meïv prit son courage à deux mains. Elle se leva, détachant son corps de celui de sa petite amie. Chester lui avait attrapé la main, lui intimant de ne pas bouger. Mais elle avait simplement répondu par un petit sourire rassurant en caressant sa main, pour ensuite la lâcher et se dirigeait vers le géant.
"- Je vois bien que ce n'est pas le moment... Mais Kaith a besoin de soin, et nous de réponse Taïran...
- Je sais Meïv. Je vais tout vous expliquer."
Kaith se redressa brusquement, les yeux écarquillés, et le corps tremblant.
❧❧❧❧❧❧❧
La pluie avait cessé depuis quelques heures. La nuit était tombé entre temps, et tout semblait calme. Le chalet était maintenant éclairé par les fenêtres qui laissaient passer la lumière du salon. Dans cette même pièce, ils étaient encore tous réuni. Seuls manquaient Taïran et ses deux visiblement filles. Cela faisait des heures qu'ils étaient allé s'enfermer dans la chambre du propriétaire, celui ci ayant seulement laissé comprendre que les explications viendraient après sa discussion avec les deux invitées. Aussi étonnant soit-il, aucun bruit ne parvenait dans le salon, malgré que les murs ne soient qu'en bois léger. L'impatience était à son comble, et bien que tout soit plongé dans le silence, ils avaient énormément parlé en attendant Taïran. Le sujet principal avait été Kaith, son état et son ressenti. Il n'avait répondu qu'agressivement, prétextant qu'il n'avait rien à leur dire. Après avoir longuement insisté, ils avaient fini par abandonner. De nombreuses théories avaient vu le jour, sur la présence de ces jeunes femmes, des mystères que leur cachait le géant, mais surtout des cet évènement étrange, presque magique. Cette fumée n'avait rien de normal, et ça l'était encore moins qu'elle sorte du corps de Kaith, pour y revenir. Mais aucune de ses théories ne pouvaient être validées sans de réponses concrètes. Alors ils s'étaient murés dans le silence, et réfugiés dans leur esprit.
Ce ne fut que de longues minutes plus tard que Taïran daigna enfin se montrer à nouveau. Ses filles étaient postées derrière lui, tel deux chiens de garde prêt à défendre leur maître. Le titan s'approcha du petit groupe, et avisa le jeune Kaith. Celui ci semblait aller mieux, étant donné qu'il jouait avec la jeune fille. Viel semblait se moquer gentiment de lui. Ses mèches blondes commençaient à disparaître avec le temps, pour laisser place à ses cheveux corbeaux. Ven quand à lui, fixait le géant, dans l'attente de réponse. Celui ci ne put qu'esquisser un léger sourire, en voyant que malgré tout aucun ne semblait être profondément en colère envers lui. Après quelques secondes, il prit la parole.
"- Il est maintenant temps que je vous explique ou nous sommes..."
Le silence s'apposa, un peu plus pesant qu'avant que ces mots ne soient prononcés. Il prit le temps de bien formuler ses pensées, afin d'en dire suffisamment sans pour autant dévoiler tous ses plans.
"- Il se trouve que vous n'êtes plus sur Terre. Pour être plus précis, vous êtes morts une première fois pour réapparaître ici... Chez moi, chez nous." il dévia son regard vers ses filles. Elles n'avaient pas bougé, le regard braqué sur chacun d'eux, froides, intransigeantes. "- Je vous ai recueilli lorsque vous êtes arrivé. Vous étiez blessés, certainement de votre ancienne mort... Je vous ai ramené, et comptait vous éduquer à survivre à ce monde. Comme je l'ai fais avec Astrid et Venelya..."
Elaï secoua sa chevelure rousse, visiblement confuse. Elle avait aujourd'hui troqué son bandeau pour apposer un serre-tête noir.
"- Vous savez très bien que nous avons été amené ici par un bus ! Vous nous l'avez dit, et vous savez aussi que nos blessures venaient d'ici."
Astrid orienta son regard vers son père adoptif, attendant sa réponse qui tarda à venir.
"- Effectivement, je vous ai trouvé près d'un bus enflammé. Mais certaines blessures ne semblait pas venir de cet accident. "
La jeune Elaï fronça les sourcils, semblant prête à rétorquer, mais Chester l'en empêcha. Son regard gris la submergea, et elle ne rajouta rien. Cependant, la fille de Taïran, ou bien fille adoptive, ne sembla pas être satisfaite de sa réponse.
"- Tu me parais peu sur de toi, père. Nous cacherais tu quelques chose ?"
L'interpellé ferma les yeux et se massa les tempes, avant de se tourner vers le jeune femme blonde.
"- Je ne vous cache rien Astrid. Ne me fais tu pas confiance a ce point ?
- Je dois avouer que la confiance que je te porte s'estompe peu à peu. "
Ces simples mots suffirent à rendre l'ambiance électrique. Velenya qui n'avait jusque là pas bouger, serra sa mâchoire. Ses poings serrés et tremblantes montraient toute la colère qu'elle ressentait à cet instant. Pour la première fois depuis son arrivé, sa voix éraillée s'éleva dans le silence. Une voix presque criarde, similaire à celle d'une âme errante.
"- Il est très clair que tu nous mens. Tu n'es pas venu les recenser, comme l'indique la procédure. Or, ils semblent être ici depuis un moment. Cela ne signifie qu'une chose, nous allons devoir les emmener en ville. Et tu devras venir avec nous, pour que ton souverain, Roi des étoiles, décide de ta punition pour cet acte."
Le corps fatigué de Taïran se crispa au fur et à mesure de ses mots. Son visage n'exprimait plus qu'une peur certaine. Il s'approcha lentement de la fille fantôme, et lui prit délicatement les mains.
"- Ma fille, je t'en pris... Laisses les profiter de leur jeunesse dans cette forêt... Comme je vous ai permis de le faire, avant que vous ne soyez envoyées la bas."
Velenya ne broncha pas. Elle resta de marbre, mais ses yeux profonds fixaient son père avec haine.
"- Ils ne méritent pas d'avoir cette chance. Tu nous a abandonné aux mains du Royaume, pourquoi auraient-ils un quelconque droit d'avoir ce que nous n'avons pas pu posséder ?"
Kaith perdait patience. Leur discussion n'avait aucun sens pour eux, alors sans perdre une minute de plus, il se leva. La petite enfant, Mia, ne souhaitant pas rompre le contact entre eux, se leva et tenta d'attraper sa main tatouée de mots qu'elle ne comprenait pas. Le jeune homme attrapa la petite main qu'elle lui avait tendu, puis posa son regard verdoyant sur la petite famille.
"- Vos discussions à la con ça va deux minutes OK? Vous avez déjà parlé pendant des heures, alors maintenant on a le droit à des explications. C'est quoi, le recensement ? Un roi ? Depuis quand il y a un roi ? Pourquoi c'est un crime de ne pas nous avoir recensé ?"
Taïran ne répondit pas, il avait baissé son regard doré sur le sol. Quand à ses deux filles, elles accrochèrent toutes deux leur iris à celle de Kaith, qui se sentit déglutir en se remémorant les trous noirs qui avaient aspiré son énergie. Mais cette fois ci, rien ne se passa. Rien qu'un silence pesant. De nouveau, son impatience fourmilla au fond de lui. Ses sourcils se froncèrent, et n'ayant pas de réponse, il enchaîna.
"- Ne croyez pas que je vais naïvement vous suivre sans rien savoir.
- Penses-tu avoir le choix ?"
La voix d'Astrid avait résonné, sèchement, autoritaire. Le jeune homme ne se laissa pas impressionner et ne se concentra que sur elle. Ses yeux améthystes étaient foudroyant, captivants. Comme une minuscule galaxie qui se mouvait dans ses yeux. Il répondit tout aussi sèchement, avec une pointe d'arrogance.
"- Penses-tu pouvoir m'y forcer ? Viens donc essayer."
Le géant se redressa enfin, et lui lança un regard mécontent, mais apeuré.
"- Cesses donc de la provoquer ! Ce n'est pas une simple humaine !"
Kaith ne fit qu'hausser les épaules.
"- Laisses moi penser que je n'en suis plus un non plus, alors.
- Effectivement tu n'en n'es pas un. Aucun humain ne pourrait survivre ici."
C'était cette fois ci Velenya qui avait parlé. La jeune femme blonde s'approcha de son provocateur, tel un félin. Ils ne se quittaient pas du regard, s'évaluant l'un l'autre. Meïv, avisant le danger, attrapa la main de la petite Mia.
"- Viens la petit ange... Ne restes pas là."
Elle l'entraîna un peu plus loin, et incita les autres à faire de même. Aucun ne se fit prier, sauf Ven. Il fut plus réticent à laisser Kaith seul, face à ce bout de femme qui semblait pourtant déborder d'une puissance inconnue. Malgré tout, il céda et s'éloigna.
Astrid s'était finalement arrêté face à son opposant. Ils se jaugeaient, mais une certaine fascination peignait leur regard. Tous deux ressentait la puissance de l'autre, quand bien même aucune explication rationnel n'aurait pu l'expliquer, ni pour l'une, ni pour l'autre. La voix claire de la jeune femme remplit le silence de la pièce.
"- Pour ta gouverne, le recensement contrôle qu'aucune puissance dévastatrice ne naisse dans ce pays d'utopie. Si tu es trop fort, tu es éliminé. C'est pour le bien du peuple, le bien de l'équilibre. Ce sont les ordres des étoiles."
Kaith ne fit que lever un sourcil, puis un fin sourire étira ses lèvres avant qu'il n'éclate de rire.
"- Te moquerais tu des étoiles, sale arrogant ?!"
Velenya ne contenait plus sa colère. L'air semblait trembler autour d'elle, mais un geste de la main de sa sœur l'apaisa. Bien qu'elle ne l'ai pas regardé, Astrid lui affirmait qu'elle contrôlait la situation, et qu'elle n'avait pas besoin de son aide. Son bras se déposa de nouveau près de son corps lorsque l'énergie que dégageait le fantôme s'estompa. Une fois le jeune homme calmé, elle demanda.
"- Pourquoi ris-tu?
- L'ordre des étoiles ? Nous prenez pas pour des cons... Si il y a effectivement un roi, il cherche juste à garder le pouvoir ! La puissance monte à la tête de tout le monde, on ne veut pas risquer de la perdre. Un sourire moqueur étira de nouveau ses lèvres, avant qu'il continu. Mais ça ne répond pas entièrement à nos questions... De quelle puissance parles-tu exactement ? Nous ne sommes que des humains.
- Comme l'a dit ma sœur, vous n'êtes pas, ou plus de simples humains. Il est impossible de vivre ici sans énergie lavtonénne. Ce monde est constitué de plusieurs espèces. La race humaine y a été décimée de maladie lorsque cette même énergie est devenue trop abondante."
Mia attrapa un pan du tee-shirt de Meïv.
"- Pourquoi elle parle de truc bizard ? Les comptes de fée, ça n'existe pas..."
La jeune femme s'accroupit, et lui caressa les cheveux.
"- Je ne sais pas Mia... Mais on aura bientôt des réponses, je te le promet..."
Astrid fixait Meïv et l'enfant. Une fois qu'elle eu finit de parler, elle se concentra de nouveau sur Kaith.
"- Maintenant que tu as tes réponses, jeune homme... Il est temps que tu payes pour ton insolence."
Une lumière dorée et aveuglante s'échappa de sa poitrine, et elle disparut entièrement de la vue de tous. Elle réapparu quelques secondes plus tard, vêtue d'une armure blanche, ses formes marquées par un métal doré. Elle était aveuglante, la lumière se répercutait sur elle. Kaith cligna des yeux quelques secondes, ne comprenant pas ce qui se passait devant ses yeux. Malgré les scintillements, il aperçu une longue épée logée dans la main droite d'Astrid. Elle était ornée de symboles dorés, le pommeau semblait avoir deux ailes à ses extrémités. Ailes métalliques qui se trouvaient aussi dans le dos de la jeune femme, déployées, faisant au moins 2 mètres d'amplitude. Il recula de quelques pas, sentant une chaleur étouffante s'échapper de l'armure. L'air tremblait autour d'elle, comme plus tôt avec sa sœur.
"- Fais moi donc découvrir la puissance qui sommeille en toi... Si tu en possèdes."
Un fin sourire moqueur sembla contraster avec son regard dur, mais elle disparut quelques secondes après. Le jeune homme sentit un frisson parcourire sa colonne vertébrale, le danger était proche. Il n'eut pas le temps de s'interroger plus longtemps, Astrid réapparu face à lui. Leur visage était proche, trop proche. Leur yeux se scrutaient, ne se lâchaient plus, le temps semblait s'être arrêté. Son dos rencontra le sol violemment, sa tête frappa le sol, mais il n'esquissa qu'une légère grimace. Il ne voulait quitter ce spectacle des yeux, ne serait-ce qu'une seule seconde. La chevalière était agenouillé, assise sur son bassin. Ses cheveux court semblaient être traversés par une brise qu'il ne sentait pourtant pas. Son épée était pointée sur sa gorge, il sentait le métal, et la chaleur qui s'en dégageait. Il aurait dû avoir peur. Mais il ne ressentait qu'une douce chaleur dans son bras. Une chaleur qui se répandit dans son corps, qui calma son esprit.
La jeune Astrid se figea, et ses iris violettes s'écarquillèrent. Face à elle, à la place de ce qui aurait dû être la main du jeune homme, se trouvait quelques chose qu'elle n'aurait jamais dû revoir. Une partie de son bras était recouvert d'écailles rougeâtres, flamboyantes. Sa main n'en n'était plus une, mais bien les serres d'une créature depuis longtemps disparu.
"- Tu es... Non c'est impossible..."
❧❧❧❧❧❧❧
L'orage frappait la petite forêt habituellement calme. Le vent soufflait, pliant les arbres sous sa violence. Cela faisait maintenant 4 jours que l'altercation était passé. Lorqu'Astrid avait aperçu la main transformée, son armure s'était évaporée dans l'air, laissant place à sa robe courte et pâle. Elle s'était levée, sans un mot. Venelya s'était figée, et le silence avait reprit sa place. Les deux jeunes sœurs s'étaient simplement regardées, elles s'étaient comprises, et avaient rejoint une porte que le petit groupe n'avait jusque la jamais ouvert, en gardant le silence. Kaith n'avait pas bougé. Son bras n'était pas revenu à la normale, et il le fixait simplement. Ce n'est que bien plus tard, lorsqu'on lui posa des questions, qu'il réalisa l'anormalité de la chose. Entre temps, les écailles s'étaient évaporées à leur tour, laissant sa main humaine revoir le jour.
"- Arrêtes de rester évasif Taïran ! Ma main s'est transformé en putain de... C'était quoi d'abord, hein ?! On, non, je ne peux pas rester sans réponse !"
Le jeune homme ébouriffait sans cesse ses cheveux gris clairs, faisant les cent pas. Si en premier lieu il n'avait pas réalisé, et s'était juste senti puissant, maintenant il ne ressentait plus qu'une anxiété grimpante. La force qu'il avait reçu pendant quelques minutes s'était entièrement évaporée, le laissant ainsi. Il se sentait vide, une partie de lui s'était envolée avec cette énergie. Pas une fois il n'avait ressenti ce sentiment de plénitude, il ne faisait plus aucun doute qu'il était plus à sa place ici qu'ailleurs. Mais pour le moment il était agité, habité par un désir certain de remettre la main sur ce qu'il ne pouvait pas encore définir. Et le seul à pouvoir lui donner des réponses se murait dans le silence dès que le sujet était abordé.
"- Taïran bon sang, quand est ce que tu comptes me répondre ?!" Le jeune homme s'était tourné vers son interlocuteur, le foudroyant avec un regard glaçant. Ses yeux verts semblaient aiguisés, analysant chaque mouvement de ce qu'on aurait pu considéré comme une proie. "- Ça fait maintenant 4 jours que tu ne décroches pas un mot sur ce qui s'est passé... Et pourtant, je suis certain que tu sais très bien ce qui m'est arrivé ! Pourquoi nous cacher la vérité ? On ne la mérite pas ? On ne mérite pas de savoir où on est, et pourquoi on y est ?"
Le géant, adossé contre le mur, tenait une tasse fumante dans les mains. Il contemplait le liquide chaud depuis maintenant quelques minutes, ne semblant toujours pas enclin à divulguer la vérité. Elaï et Ven se regardaient, partagé entre la déception et l'impatience. Kaith était venu les chercher dans leur chambre, chose rare car il parlait le moins possible à qui que ce soit. Et pourtant, ce soir la, il les avaient guidé dans le salon. Tous les autres s'étaient déjà endormis, alors il s'était contenté d'eux. Ils avaient eu une longue conversation, le jeune homme leur avait fait part de son désarroi face à cette partie de lui manquante. Aucun n'aurait pu comprendre son ressenti, mais ils ne doutèrent pas une seconde de ses propos. Abordant habituellement un visage froid et peu accueillant, lors de cette soirée, son corps entier avait crié le manque. Ses mains avaient tremblé légèrement, sa mâchoire ne s'était pas détendue, et par dessus tout, ses yeux semblaient profondément blessés. Jusque là, il avait abordé Taïran seul à seul. Mais voyant son refus à dire quoi que ce soit, il avait pensé que leur présence l'aiderait peut être à lui dévoiler quelques informations. Tout naturellement, ils avaient accepté. Pour l'aider, évidemment, mais aussi et surtout car Kaith n'était pas le seul à qui la vérité manquait. Leur patience avait des limites, ils voulaient rentrer chez eux, mais ne savaient même pas où étaient leur chez eux. En étaient-ils loin ? Était-ce seulement possible de le retrouver ? Tant de questions qui restaient encore sans réponse.
Pourtant, il semblait que leur présence n'était pas suffisante pour guérir le mutisme du géant. Ven laissa un soupire échapper à ses lèvres fines, et tourna de nouveau son regard vers le muet.
"- Kaith mérite des réponses plus que tout, Taïran... Et même nous, nous commençons à en avoir assez de tes secrets. Tu nous as emmené ici, nous sommes en droit de savoir ce que c'est, ici... Le jour où tes filles sont arrivées, tu as commencé à nous expliquer... Pourquoi t'être arrêté ? Après avoir vu ce que nous avons vu, je pense qu'on est prêt à entendre n'importe quoi... Nous sommes prêt, Taïran."
Il avait croisé ses bras contre son torse, en tentant de garder un ton calme. Il était vrai que la colère l'envahissait peu à peu. Ou bien était-ce de la frustration, mais l'un n'empêchait pas l'autre.
"- Ce n'est pas vous le problème."
Kaith se tourna vivement vers le géant, espérant enfin avoir des réponses. Malheureusement, il se tut aussitôt et ne rajouta rien. Le jeune homme soupira d'agacement.
"- Tu es sérieux ? C'est la seule réponse que tu peux nous apporter ?"
Elaï posa gentiment sa main sur l'épaule du jeune homme qui semblait bouillonner de colère. Elle lui intima le silence, et accrocha son regard dans celui de Taïran.
"- Qui est le problème ? Tu es en danger ?
- Ce n'est pas moi qui le suit, c'est vous."
Ses mots firent tiquer celui au cheveux argentés, mais la pression de la main de la jeune rousse lui rappela de ne plus dire un mot. Il était de toute façon trop énervé pour réussir à convaincre leur interlocuteur de parler, et il l'avait bien compris. La jeune femme hocha la tête, satisfaite qu'il lui obéisse.
"- Alors c'est d'autant plus important que tu nous explique." Elle resta ferme, mais laissa entrevoir une certaine douceur dans sa voix. Elle ne souhaitait pas le brusquer comme le faisait Kaith, le géant se braquait immédiatement. Celui ci apporta la tasse encore fumante à sa bouche. Il but quelques gorgées qui semblèrent durer une éternité pour les trois jeunes, puis l'apposa délicatement sur la table basse, et les regarda tour à tour.
"- Je suis désolé. Je sais que je vous en demande beaucoup, mais s'il vous plaît... Ayez encore un peu de patience."
Kaith ne tint plus, il dégagea brusquement son épaule de l'emprise d' Elaï et haussa le ton.
"- Jusqu'à quand on doit encore attendre exactement ?!!
- Jusqu'à notre départ."
Une voix féminine avait résonné en provenance des escaliers. Le jeune homme se tourna vers l'origine de ce son, furieux d'être encore une fois interrompu. Il avisa Astrid, vêtue d'un short qui laissait entrevoir ses cuisses musclés, et un débardeur. Le début d'un tatouage prenait place sur sa clavicule, il représentait une épée. Celle ci continuait jusqu'à son épaule, et sur son bras, où une aile pliée semblait briller. Ses cheveux déjà court étaient attachés dans une petite queue de cheval. Elaï rejoignit Ven, et lui murmura à l'oreille.
"- C'est une belle femme, ça ne fait pas de doute... N'empêche que je ne veux sous aucun prétexte me retrouver face à elle en tant qu'ennemi..."
Le jeune homme passa sa main dans ses cheveux noirs et les ramena vers l'arrière. Ses lèvres abordaient un sourire léger.
"- Si tu veux mon avis, nous sommes déjà ses ennemis."
Kaith ne releva pas ce qu'avait dit les deux jeunes gens, et rétorqua :
"- Et pourquoi votre départ serait nécessaire pour connaître la vérité ?"
Devant ses yeux apparurent deux trous noirs qu'il connaissait maintenant si bien. Il recula vivement, surpris de la voir si proche d'elle alors qu'il ne l'avait même pas aperçu dans l'escalier. Venelya s'approcha de nouveau, pour ne laisser que quelques millimètres entre leur deux visages.
"- Montres du respect pour ma sœur, ou cette fois tu ne survivras pas. Ton énergie était appétissante, ça a déjà été difficile de ne pas la manger, alors ne me tente pas."
Il ne put que froncer les sourcils, n'étant pas persuadé de bien comprendre. Astrid s'approcha, et intima à sa sœur de le laisser tranquille d'une voix calme. Le fantôme pesta, et s'éloigna pour disparaître dans la cuisine. Elaï ne put s'empêcher de frissonner en l'observant partir, puis jeta un coup d'œil à sa sœur. Elles étaient aussi différentes que la lune et le soleil. L'une cadavérique, à la différence de l'autre qui avait quelques rondeurs, en bref, une qui semblait rayonner de vie, à l'instar de l'autre qui semblait seulement errer sur terre. Si ils pouvaient encore nommer cette endroit comme étant la terre.
"- Je ne comprend pas comment ta sœur et toi pouvez être si différentes... Tu es si jolie, et elle si... Si... Si perturbante !"
Elle plaqua ses mains sur sa bouche, encore une fois elle avait laissé les mots s'échapper avant qu'elle y réfléchisse. La jeune femme blonde lui lança un regard, mais elle ne sembla pas lui porter préjudice.
"- Son physique peut être dérangeant je te l'accorde. Elle ne l'a pas choisie, c'est ce qu'elle est." Elle ne prêta plus attention à la rousse, et se contenta d'ancrer son regard améthyste dans celui émeraude de Kaith. Elle y avisa ses pupilles, légèrement dilatées, différentes de lors de leur première rencontre. Elle souffla légèrement du nez, amusée par la situation et regarda son père. "- Il serait temps de lui expliquer. Ça ne devrait plus trop tarder."
Taïran ne put que légèrement se masser les tempes.
"- Astrid je t'en pris... Ne dis rien. Ils méritent de vivre.
- Je sais père. Je ne dirais rien." Son regard se baissa légèrement, et elle avisa le tatouage ornant la main du jeune homme aux cheveux grisé. Une couronne avec de nombreux diamants visiblement transpercée par une épée, étant donné qu'un liquide qu'elle identifiait comme du sang coulait le long de l'épée. "- Je comprend mieux pourquoi tu t'es permis de juger mon Roi sans même le connaître. Tu n'aimes pas les gens ayant du pouvoir, je me trompe?"
Il ne comprit pas immédiatement qu'elle faisait référence à son tatouage, et leva sa main pour l'observer.
"- Je n'aime pas ceux qui en profite. C'est différent.
- Je comprend... Et c'est pourquoi je vous laisse en vie. Je suis curieuse de voir les sacrifices que mon Roi est capable de faire pour garder sa couronne."
Taïran l'observa, reconnaissant à peine celle qui avait été emmené si jeune dans le royaume. Un fin sourire emplit de fierté illumina son visage, mais il n'en dit rien. Astrid, n'attendant de réponse de personne, continua.
"- En revanche, Venelya ne sera pas si simple à convaincre. C'est pourquoi il vaudrait mieux que vous feigniez d'être mort."
Le géant s'écarta enfin de son mur, et s'approcha d'eux. Un air indéchiffrable peignait son visage. Partagé entre l'excitation, et un sérieux à toute épreuve.
"- Pour ça, j'ai un plan."
Kaith le jaugea quelques secondes et soupira en baissant la tête. Lorsqu'il la releva, un sourire ornait dorénavant ses lèvres.
"- Il t'en aura fallut du temps pour te décider, le vieux."
❧❧❧❧❧❧❧
"- Attends, tu es sur de toi ?
- Absolument certain Astrid. Ils ne seront pas plus en sécurité ailleurs que la bas."
La dite Astrid n'était toujours pas convaincu. Elle se trouvait dans le bureau de son père, seule avec lui. Taïran avait demandé à Kaith, Elaï et Ven de prévenir les autres. Ils devaient préparer le peu de bagages qu'ils possédaient, sans que Venelya ne voit rien. En attendant, le géant expliquait son plan à sa jeune fille. Ils étaient tout deux postés au dessus d'une carte vieilli, et déchirée à quelques endroits. Dans une écriture ronde écrite à la plume, était écrit "Carte du monde de Starven". La capitale, Solaraster, surplombait les nombreuses vallées. La ville s'étendait tout le long de la grande chaîne de montagne, qui partageait presque la carte en deux à la verticale. Elle qui parcourait les rues de cette immense ville chaque année savait bien à quel point elle était gigantesque. Au sud se trouvait tout le reste du pays. Et derrière ces montagnes, au nord, la mer. La mer que Taïran avait d'ailleurs barré d'une grosse croix rouge. C'était la bas qu'il souhaitait emmener le petit groupe.
"- Père, je ne pense pas que les légendes sur cette mer soient infondées. On parle d'un énorme monstre, qui protégerait son pays."
Le vieux géant ne put qu'esquisser un sourire particulièrement amusé.
"- Ce ne sont effectivement pas des légendes. Il y a bel et bien un gardien à ses eaux."
Astrid écarquilla ses yeux violets, et frappa sur le bureau.
"- Et tu comptes les emmener dans la gueule du loup ?! Aurais- tu perdu la tête ? Tous ceux qui ont tenté la traversé sont morts !
- Qui a dit qu'ils étaient morts ? Avez vous retrouvé leur corps ?"
Sa jeune fille se retrouva muette, et secoua piteusement la tête. Non, aucun corps n'avaient jamais été retrouvé. Il avait été logique de penser que ce fameux monstre les avaient dévoré, mais son père semblait dire qu'ils ne l'étaient pas. Elle ne parvenait pourtant pas à savoir si ces questions cachaient en fait des affirmations, ou si il n'en n'était pas sur lui même. Il effaça ses doutes en expliquant :
"- Ce que vous appelez monstre n'en n'ai pas réellement un. Je te l'ai dis, c'est un gardien. Effectivement, certains sont peut être morts face à sa colère. Mais ce gardien est plutôt tolérant... Nombreux sont ceux qui ont atteint l'autre rive."
La jeune femme soupira doucement. Combien de secrets son père lui avait-il caché ? Tiraillée par l'envie d'en savoir plus, elle demanda :
"- Y es-tu allé ? Par delà la Mer Sombre.
- Oui Astrid... Je m'y suis déjà rendu. "
Elle ne put qu'hocher la tête, soudainement envieuse de s'y rendre, elle-aussi. Malgré elle, elle en voulut à son père pour ne pas l'y avoir emmené avec lui. Cependant, elle comprenait à présent. L'armée lunaire l'avait embarqué dans ses rangs très jeune, lorsqu'on apprit qu'elle était une Valkyrie. Les Valkyries avaient disparues il y a fort longtemps, toutes décimées pour leur puissance. Comme de nombreuses autres classes, toutes éliminées aujourd'hui. Il ne restait que d'eux les représentants, qui n'avaient d'autre choix que de faire parti de la garde lunaire. Elle avait eu beaucoup de chance d'arriver à Starven lors de la mort de l'ancienne Valkyrie. Si cela n'avait pas été le cas, elle aurait été tuée. Mais être ainsi embrigadé, à un si jeune âge, ne lui avait pas permit de développer un esprit critique. Elle avait seulement apprit à obéir, sans réfléchir. Ce n'est qu'à l'âge de ses 16 ans, lors du premier recensement auquel elle avait participé, qu'elle comprit que quelques chose n'allait pas. Malgré tout, elle n'avait pas osé s'opposer, ni même réellement se poser la question du bien et du mal. Elle avait eu peur. On lui avait retiré son instinct premier en tant que Valkyrie. Son instinct de liberté, et de justice. Peu à peu, cet instinct lui était revenu. Mais désespérément seule, elle n'avait toujours pas osé s'opposer. Jusqu'à ce jour, il y a de cela a peine une petite semaine. Sa rencontre avec Kaith lui avait permit d'y voir clair. De savoir qu'elle n'était pas abandonnée, qu'il y avait encore de l'espoir. Mais si il venait à se faire recenser, il mourrait. Car son ancêtre n'était pas encore mort.
"- Astrid ? Tu m'écoutes ?"
Plongée dans ses songes, elle n'avait absolument rien entendu à ce qu'avait dit le vieux Taïran.
"- Non, désolé père. J'étais ailleurs, je réfléchissais.
- Oui, j'ai bien vu." il ajouta un petit sourire amusé, et lui caressa lentement les cheveux. "- Fais moi confiance, ma fille. Ils s'en sortiront."
Elle examina ses iris ambrées un moment, et n'y vit que la sincérité. Elle abaissa sa tête, malgré tout inquiète pour son vieux père.
"- J'aimerais vous y accompagner...
- C'est impossible, et tu le sais... Venelya ne doit se douter de rien. Mais nous resterons en contact, tu nous informeras de l'intérieur... Et bientôt, très bientôt, tu nous rejoindras."
La discussion se coupa ici, et elle se logea dans les bras de son père. Elle mourrait d'envie de renchérir, de le convaincre de partir avec eux, mais il avait raison. Elle serait plus utile à Solaraster.
À l'opposé du bureau, un cri brisa le silence. Ils stoppèrent tous leur activités, et se dirigèrent à grand pas vers la chambre de la petite Mia. Le cri venait de la, c'était certain. Les deux sœurs restèrent dans le pan de la porte, tandis que le petit groupe et Taïran avaient accouru près du lit de l'enfant. Celle-ci pleurait, et tremblait énormément. Elle fixait son armoire, ne semblant pouvoir calmer sa respiration erratique. Le géant s'approcha lentement, et approcha sa main de son visage. Elle prit peur, et d'un bon, s'éloigna à l'autre bout du lit. Viel tenta lui aussi de s'approcher, trop brusquement, et il obtint le même résultat. Ce fut finalement Meïv qui agrippa sa petite main dans la sienne. Elle s'assit à côté d'elle, et la prit avec une douceur que Chester ne lui connaissait pas dans ses bras. Elle était fière de voir son amante prendre ainsi soin de quelqu'un d'autre qu'elle. Elle ne voulait pas être le centre de son monde, car elle ne pourrait supporter de la voir malheureuse par sa faute si elle venait à partir. Elaï s'était peu après assise aux côtés de la jeune fille aux cheveux rubis, suivit de Kaith. C'est d'ailleurs dans ses bras que la petite fille partit se réfugier. Il en fut étonné, car lorsqu'elle pleurait, c'était normalement les bras de Meïv qu'elle préférait. Des bras plus rassurants que les siens, et surtout des mots. Mais il comprit ensuite que la petite Mia souhaitait lui parler. C'était à lui qu'elle se confiait, sans qu'il ne comprenne pourquoi. Il assura à tout le monde qu'elle irait bien, la porta et s'éclipsa de la pièce.
Venelya observa la petite enfant passer près d'elle, avant de subitement froncer les sourcils en tentant de la retenir. Elle était à quelques centimètres d'attraper ses cheveux, et les tirer en arrière, mais Astrid l'en empêcha.
"- Que comptais-tu faire?"
Elle tourna son regard vide vers sa sœur, ses lèvres déformées par une grimace. Elle était énervée.
"- Pourquoi m'empêches-tu de faire quoi que ce soit ? D'abord le garçon au cheveux gris, et maintenant l'enfant.
- Comme tu le dis si bien, c'est une enfant Venelya. Pourquoi tenter de lui faire du mal ?"
Elle savait très bien ce que sa sœur allait lui répondre. Elle ne se trompa pas.
"- Tu en as tué, des enfants. Pourquoi serait-ce subitement dérangeant ?"
Taïran observa sa fille, à la recherche d'une quelconque riposte, mais rien ne vint.
"- Astrid, tu as vraiment tué des enfants...?"
La jeune femme blonde se tourna vers son père, avisant son regard déçu. Elle se mordit nerveusement la lèvre, peu fière de ses actions passées.
"- Évidemment que je l'ai fais."
Elle ne souhaitait malgré tout pas éveillée les soupçons, et prit le ton le plus neutre possible. Sa sœur ne vit rien à son petit jeu de signe qu'elle échangeait avec son père. Elle le prévenait ainsi qu'elle lui expliquerait tout, et lui demandait de jouer le jeu. Il était impératif que le fantôme qu'était sa sœur ne doute pas d'elle, alors qu'elle doutait déjà bien assez de son père adoptif. Elle ne le laissa pas répondre, et se tourna de nouveau vers Venelya.
"- Il y avait des raisons à leur mort. Que t'as t-elle fait pour mériter la mort ? Car c'est ce que tu comptais faire, je me trompe ?"
Le cadavre ambulant se lécha les lèvres, et observa l'enfant et Kaith entrer dans une chambre.
"- C'est une nécromancienne. Je l'ai senti. Je dois l'éliminer, ou elle prendra ma place.
- Ce n'est pas à toi d'en décider. Tu pourrais te tromper, et alors nous aurions tué une innocente.
- Depuis quand cela te préoccupe ?" Elle amena ses yeux profondément noirs sur ceux améthystes de sa sœur. Celle ci secoua sa chevelure d'or en soupirant.
"- Je ne fais qu'obéir aux ordres, et tu le sais. Mais aujourd'hui nous ne sommes que deux, et nous n'avons pas de quoi vérifier qu'elle est bien ce que tu prétends qu'elle est."
Sa réponse ne convenait pas à Venelya, et elle la regarda férocement avant de descendre dans le salon.
"- Tu as bien changé depuis notre dernière mission. Ressentirais-tu du remord pour cette homme que tu as un temps aimé ?"
Le corps de la jeune femme blonde se contracta sévèrement, et ses poings se serrèrent.
"- Ne parles pas de lui, Venelya. Je te l'interdis."
Sa sœur se stoppa avant de disparaître derrière le mur, et leva son regard vers le plafond.
"- N'oublie pas que tu l'as tué. Parce que c'est ce que nous faisons, nous maintenons l'ordre. La mort est nécessaire, Astrid."
Elle ne lui laissa pas le temps de répondre, et disparu dans l'escalier. La jeune valkyrie trembla légèrement, mais il n'y avait que les tressautements de son dos qui pouvait avertir le petit groupe sur son état. Taïran se leva du lit, faisant grincer les lattes déjà abîmées. Avant qu'il n'esquisse un autre geste, la voix sèche de sa fille retentit.
"- Ne prends pas la peine de me présenter tes condoléances, ou tout autre bêtises. Je n'en n'ai pas besoin."
Son père baissa la tête, et se rassit, penaud. Ce fut Chester qui se posta souplement à ses côtés. Elle posa délicatement sa main sur l'épaule de la jeune femme, qui ne fit que lui lancer un regard interrogateur. La jeune femme aux cheveux charbonneux lui sourit, et dans ses yeux gris, elle ne vit que de la sympathie.
"- Je sais que nous ne sommes pas amies... Mais si tu ressens le besoin de parler, je peux t'écouter."
Sa voix était douce, et rassurante. Les muscles tendus d'Astrid se laissèrent lentement aller, et elle hocha sa tête en accompagnant son mouvement d'un petit sourire.
"- Merci... Chester c'est bien ça ?" elle attendit l'approbation de son interlocutrice et continua. "- Mais ça ne sera pas nécessaire. Je vais bien, c'est de l'histoire ancienne.
- Ce sont ces histoires qui sont les plus douloureuses, encore dans le présent... Mais ne t'en fais pas, je comprend. Je ne suis personne pour te forcer à me parler."
La jeune femme lui en fut reconnaissante, et apposa sa main sur la sienne.
"- Si nous avions eu un peu plus de temps, j'aurais été ravie de faire ta connaissance. Malheureusement, vous devez quitter cette maison au plus vite... Attendez que la petite soit calmée, et partez. Je vais proposer à ma sœur d'allait faire un tour, pour que nous discutions. Ça vous laissera du temps."
Chester approuva son initiative, et s'éloigna doucement.
"- Je suis certaine que nous nous reverrons. À ce moment là, quand rien ne pressera, nous ferons connaissance."
Astrid lui adressa de nouveau un léger sourire, et expira lentement. Elle devait bien avouer que sa sœur lui faisait peur, en ce moment même. Avant ce jour, elle n'avait rien eu à lui cacher. Le fait qu'elle ai l'impression qu'elle lise en elle ne l'avait alors pas dérangé. Mais aujourd'hui, c'était bien différent. Elle secoua légèrement la tête, et partit à sa suite.
Elle l'aperçue dans la cuisine. C'était généralement dans cette pièce qu'elle venait se réfugier. Contrastant avec son apparence et son caractère, Venelya adorait cuisiner, cela la détendait. Elle s'approcha lentement d'elle, et passa sa tête par dessus son épaule.
"- Que cuisines- tu?
- Un bouché d'étérian."
De la viande, donc. L'étérian était très commun, dans cette partie du monde.
"- Que dirais-tu d'aller faire un tour dehors ? Je n'aime pas quand nous sommes en froid."
Le fantôme laissa son couteau en suspend avant de découper la tête de l'animal. Elle sembla réfléchir quelques secondes, puis déposa le couteau à côté de la planche pour découper la viande.
"- Bien... Allons parler."
Astrid se recula légèrement, et ne détendit pas sa mâchoire. Sa sœur n'en vit rien, et pourtant, sa colère bouillonnait en elle. Les souvenirs revenaient en force, et il était dur de ne pas lui en vouloir, elle, qui était la coupable de la mise à mort de celui qu'elle avait chérit pendant trois longues années. Elle lui en avait toujours voulu.
❧❧❧❧❧❧❧
Ils marchaient depuis maintenant une heure. Taïran n'avait pas esquissé un son, concentré sur sa carte jaunit. Personne n'avait osé le déranger, même si certains sentaient leur langue les démangeaient. Kaith portait sur ses épaules la jeune enfant. Elle reniflait encore parfois, mais était maintenant calmée. Malgré son attention porté sur la jeune Mia, c'était lui qui tremblait particulièrement d'impatience. Il n'attendait qu'une chose, que le géant quitte enfin cette maudite carte des yeux pour enfin lui demander où ils se rendaient. Il en avait plus qu'assez des mystères, son quota de patience avait largement été dépassé. Il allait ouvrir la bouche, mais fut devancé par Viel, dont les mèches blondes visiblement non permanentes avaient disparues.
"- Bon euh je veux bien vous suivre comme la première fois, mais franchement cette fois, savoir la destination m'arrangerait bien."
Le vieil homme releva la tête et s'engagea dans un chemin pentu, et visiblement peu emprunté.
"- Je sais les jeunes, je sais. J'ai repéré le chemin, posez moi toutes vos questions. A présent que nous sommes seuls, j'y répondrais, et sans faire la sourde oreille."
Il jeta un regard amusé à Kaith, qui lui rendit un regard noir. Viel les observa, et secoua doucement la tête, visiblement dépité.
"- Eh bien je pense que savoir où nous allons est un bon début...
- Effectivement. Nous nous rendons sur les rives de la Mer Sombre, afin d'y trouver un bateau."
Ven se sentit déglutir à ses mots, et aperçu les regards de ses camarades s'emplirent d'une légère angoisse qui disparut tout aussi vite. Il se demanda même si ils s'en étaient rendu compte. Lui, en tout cas, savait très bien qu'il ne souhaitait absolument pas monter dans un bateau, et encore moins pour traverser une étendue si vaste qu'une mer.
"- La partie du bateau, c'est obligé ? Ça me rassure franchement pas..."
Viel lui adressa un sourire espiègle.
"- Bah alors, t'as peur de l'eau ?"
Le désigné leva simplement les yeux au ciel, encore une fois agacé par les remarques peu sympathique du jeune homme.
"- Oui, je suis talassophobe. Si jamais tu ne sais pas ce que c'est, et je pense que tu ne sais pas, c'est la peur des fonds marins et toutes les bestioles qui y grouillent. D'autres questions, monsieur je me crois supérieur ?
- Allons, allons, ne vous disputez pas les jeunes... Je sais que ça ne vas pas te rassurer, mais on va en rencontrer une, bestiole... Une grosse."
Ven sentit son corps se paralyser à ses mots, et il cessa vivement de bouger. Il se mit frénétiquement à secouer la tête.
"- Non, non, et non c'est hors de question que je monte dans un bateau pour en plus aller face à un monstre marin, oh ça non, hors de question !"
Tout le groupe stoppa sa marche et se tourna vers le jeune homme paniqué. Malgré un regard désinvolte et jugeur, les autres étaient compréhensifs. Meïv détacha la pince qui tenait ses cheveux dans un chignon, et lui tendit en souriant.
"- Prends la. C'est une allumette que m'a donné ma grand mère, elle porte bonheur."
La dite allumette était une simple pince, qui ressemblait plus à une épingle qu'autre chose. Elle était malgré tout ornée d'un petit socle circulaire, où était gravé deux ailes d'anges. Le jeune homme était tout sauf superstitieux, mais il l'a garda près de lui. Chester lui tendit une main rassurante, qu'il prit fermement. Après tout, il survivrait bien à une créature si Taïran était là pour les défendre. Du moins, il l'espérait.
Ils marchèrent encore deux petites heures, avant que leur chaussure ne rencontrent les premier grains de sable. Mia écarquilla ses grands yeux enfantins, avant de trépigner sur les épaules de Kaith.
"- C'est la mer ! Ma maman m'en parlait tout le temps, j'y suis vraiment !
- Oui Mia, tu y es... Calmes toi, tu vas tomber."
Le jeune homme qui l'a transportait jusque la rechigna, et la descendit de ses épaules pour la déposer sur le sol. La petite se mit à courir vers l'énorme étendue d'eau. Agacé, il prit malgré tout sur lui et ne lui donna qu'un léger avertissement :
"- Ne cours pas Mia, tu vas tomber ! Et ne t'approches pas trop de l'eau, je ne pense pas que tu saches nager !"
Elaï se surprit à sourire. Kaith n'était pas un jeune homme agréable, et pourtant, il ressemblait à un grand frère exemplaire. Il n'avait pas l'air de savoir y faire avec les gens de son âge, ou plus âgés, mais il semblait comprendre les enfants et leur esprit emplit d'images romancées. Elle ne doutait pas une seconde qu'il était un artiste, même si elle n'avait pas encore osé lui demander si il peignait ou écrivait.
Le vieux géant étira son dos, qui craqua lourdement. Il s'assit sur le sable chaud, et avisa les jeunes gens qui n'osaient pas bouger.
"- Allez donc vous amusez un peu, nous devons attendre un ami. Il n'arrivera que d'ici une trentaine de minutes."
Ils se jetèrent tous un léger regard avant de courir à leur tour vers l'eau claire face à eux. Kaith fut le seul à ne pas s'y rendre, et il s'assit à son tour. Il tenta de cacher une légère grimace, qui ne passa malheureusement pas inaperçu au vieil homme.
"- Ou as-tu mal ?"
Le jeune homme soupira et appuya lentement sa main sur sa blessure encore récente.
"- Ça a cicatrisé, mais ça lance encore. Et j'ai toujours des vertiges."
Le géant se retrouva bien embêté. Il ne rajouta rien, et se contenta seulement de garder un œil sur les jeunes qui s'amusaient et s'éclaboussaient dans l'eau. Un fin sourire s'installa sur ses lèvres, et ne le quitta plus. Il était heureux de voir ses protégés s'épanouir ainsi, comme si rien ne s'était passé.
Comme annoncé, ce fut trente minutes plus tard que le fameux ami se montra. Taïran se leva et lui offrit une accolade généreuse.
"- Mïleg, mon vieil ami ! Comment vas-tu ?"
Le groupe s'amusait toujours dans l'eau, et seul Kaith était encore aux côtés du géant. Il avait fermé les yeux pour se reposer. Intrigué, mais n'ayant pas l'envie d'ouvrir les yeux, il attendit que le prénommé Mïleg prononce quelques mots pour tenter de reconnaître la voix.
"- Les affaires roulent, mon vieux Taïran. Mes livraisons sont de plus en plus nombreuses."
Ne reconnaissant pas la voix, le jeune homme daigna enfin ouvrir un œil pour mettre un visage sur ce nom et cette voix. Il fronça légèrement les sourcils, ayant l'impression d'avoir déjà vu ce vieil homme quelques part. Il se redressa, et réalisa enfin. Le chauffeur du bus se trouvait devant lui, comme si de rien n'était. La colère s'empara de son esprit avant qu'il ne s'en rende compte, et il se posta sur ses deux jambes. Le regard de Mïleg fut attiré par le mouvement qu'il produisit, et un étrange sourire étira ses lèvres.
"- Eh bien jeune homme, je ne pensais pas que tu ferais partis des survivants. Il faut dire que la pierre qui t'es tombée dessus n'était pas petite."
Ayant confirmation de l'identité de cet homme, il s'approcha agressivement.
"- Justement, à ce propos ! Je pense avoir des comptes à te rendre."
Le vieil homme ricana, peu impressionné. Taïran quand à lui tenta de retenir le jeune Kaith en déposant ses mains sur ses épaules.
"- Ne sois pas si désobligeant... Je vais vous expliquer, il n'a pas fait ça pour le plaisir.
- Mais je m'en fou Taïran ! Il a tué des gens, et il a bien faillit me tuer avec ! Tu penses que je vais le laisser s'en tirer sans rien ?!
- Je ne les ai pas tué, mais libéré. Vous étiez tous dans un stade entre la vie et la mort, et vous avez été poussés dans le monde des vivants une nouvelle fois. Et franchement, tu aurais dû être à la place de ceux qui sont parti dans le monde des morts. Il paraît que c'est une utopie !"
Le vieil homme ricana de nouveau, se délectant du regard incendiaire que lui jetait Kaith. Le géant soupira fortement, déjà épuisé du voyage qui les attendaient. Il s'agenouilla pour paraître moins grand.
"- Kaith, mon petit... J'entends ta colère, mais Mïleg à juste fait son travail. Si tu dois en vouloir à quelqu'un, c'est à moi... C'est moi qui le lui ai demandé."
Le jeune homme ne sembla pas entendre ses explications, et se décala pour arriver au niveau du chauffeur fou.
"- Je me fou bien de vos excuses à la con, vous méritez qu'une chose, et c'est de prendre les coups que vous nous avez fait subir au centuple.
- Au centuple ?! La punition est bien dure mon garçon ! Il rigola d'un rire clair, puis se calma et lui adressa un regard joueur. J'accepte mon châtiment... Comment comptes-tu t'y prendre ?
Kaith ne sut quoi répondre, et grommela.
"- Je n'ai pas encore décidé, mais je te retrouverai et tu paiera pour ça.
- J'ai hâte... Bon mon cher Taïran, il est temps de partir. Le tour de la garde Lunaire commence dans dix minutes."
Son interlocuteur hocha la tête, et rappela le groupe près de lui. Après s'être brièvement sécher, ils se rendirent près d'une barque, à peine assez grande pour tous les accueillir. Ven se sentit défaillir lorsqu'il vit leur moyen de transport.
"- Vous allez me tuer..."
Il monta malgré tout dans le petit navire, peu rassuré. Il s'installa entre Meïv et Elaï, qui se chargèrent de le rassurer. La petite Mia s'installa sans surprise sur les genoux de Kaith. Elle ne semblait pas ressentir une quelconque peur, et semblait surtout trembler d'excitation. Elle n'était jamais montée dans un bateau de sa vie, et s'imaginait déjà conquérir les mers avec l'aide de ses moussaillons. Le moteur déjà très vieux et rouillé se mit en route, faisant résonner un bruit similaire a une scie coupant un arbre. Ven pensa qu'il succomberait avant d'avoir fait la moitié du trajet.
Et pourtant, tout se déroula sans encombre. A tel point que le jeune homme sembla se détendre un moment. Le clapotis calme des vagues faisait tanguer tranquillement la petite barque, pendant que le soleil se couchait. Le spectacle était magnifique, l'astre peignait de magnifique couleurs sur l'eau maintenant orangée. Tout semblait si calme, que personne ne ressentit le besoin de parler. Ce ne fut que de longues minutes après que le chauffeur se redressa, et regarda au loin. Un sourire paisible se forma sur son visage, pendant qu'il prévenait :
"- Thàlla est ici."
Ces simples mots jetèrent un froid angoissant sur le groupe. Seule la petite Mia ne sembla pas ressentir cette atmosphère, et naïvement, elle demanda :
"- Qui est Thàlla ?"
A peine sa phrase fini, les vagues jusque là tranquilles, s'affolèrent. Les fonds marins s'agitèrent, comme si ils se préparaient à une tempête. Et pourtant, aucun nuage ne se profilait à l'horizon. Tout le monde s'accrocha de son mieux à ce qu'il trouva, et beaucoup manquèrent de peu de basculer par dessus bord. La mer augmentait en férocité de seconde en seconde, lorsqu'un rugissement terrifiant fit vibrer tous l'équipage. Mia cria, se terra dans les bras de Kaith qui lui même ne savait plus où se mettre. Le rugissement semblait venir de nul part, et partout à la fois. Comme si il venait de la mer elle même. Ven se jura solennellement de ne plus jamais mettre les pieds sur un bateau, si il sortait de celui ci vivant. La mer se déchira sous le passage d'une bête venant des profondeurs. Celle ci s'envola dans le ciel, remplissant le bateau de fortune d'eau. Tous tombèrent à la renverse, incapable de rester sur la petite barque après l'onde de choc qu'avait provoqué la bête.
Kaith remonta à la surface, tenant fermement la jeune enfant contre lui. Il avait eu le réflexe de l'agripper contre lui, et heureusement, car il doutait de sa survie sans son intervention. Il jeta un coup d'œil aux alentour, et aperçu toutes les têtes qu'il connaissait. Aucune ne semblait manquer à l'appel, et cela le rassura pendant quelques secondes. Le rugissement de la bête résonna a nouveau, mais cette fois ci, sa provenance était clair. Le jeune homme leva les yeux vers le ciel, vers cette ombre qui cachait même la lumière du soleil. Il pensait être effrayé, mais se retrouva émerveillé face à cette beauté de la nature. Dans son corps, son sang se bousculait, s'agitait. Il sentait son âme réagir à cette créature, il la sentait vibrer avec elle. Dans un souffle, il murmura :
"- Un putain de dragon..."