Les ailes puissantes de la créature fendaient l'air. Elle surplombait la mer, projetant son ombre gigantesque sur les vagues. Sur son dos écailleux, le petit groupe admirait le spectacle, partagé entre la stupéfaction et la peur. Ils étaient tous installés sur un bout de tissu marron, les empêchant de se blesser sur les épines ornant le dos de la bête.
La nuit avait prit possession du ciel, l'ornant de nombreuses étoiles. L'horizon était parsemé de ces petites taches blanches, et, bien ronde, la lune éclairait leur visage encore peint par l'admiration. Leur cheveux ondulaient librement dans l'air, et leur cœur vibraient à chaque mouvement d'aile. La scène était si irréelle que certains pensaient rêver. Et pourtant, rien n'avait jamais été si vrai.
Kaith faisait peut être parti de ceux le ressentant le plus. Un sourire euphorique ne quittait plus son visage, maintenant entièrement détendu. Il vivait le souvenir de leur rencontre avec cet animal majestueux en boucle, submergé par l'émotion. Les sensations qu'il avait alors éprouvé ne quittait plus son corps. Il se revoyait dans l'eau, Mia dans les bras, à tenter de garder la tête hors de l'eau. C'est à ce moment là qu'il l'avait aperçu pour la première fois. Un dragon d'un bleu azur flamboyant les avaient fixé pendant de longues minutes, battant ses ailes similaires à de milliers de gouttelettes rassemblées entre elles. Il volait à des centaines de mètres au dessus d'eux, et pourtant, il n'avait pu détacher son regard de la pupille noire et fendue de cette magnifique créature. Ses iris semblaient brûler d'un feu ardent, et le corps du jeune homme s'était empli d'une chaleur qu'il n'avait jamais ressenti auparavant. Il aurait été prétentieux d'affirmer que le dragon le fixait lui, et pourtant, son âme en était persuadé. Il pouvait même le confirmer, car après de longues contemplations, il avait sentit son esprit se détacher de son corps, pour rejoindre celui du dragon. Il n'aurait pu l'expliquer avec des mots clairs, mais il avait cohabité avec la créature. Sa vision était devenue la sienne, et il avait eu le sentiment de voler. Il s'était senti puissant, entier. Il avait aperçu ses camarades encore dans l'eau, et s'était même aperçu lui même, tenant toujours fermement le corps de la jeune enfant. Il aurait dû se sentir effrayer de ce qui lui arrivait, mais il n'en fut rien. Il n'avait ressenti qu'une entière plénitude, et avait même espéré rester dans le corps de ce dragon à jamais.
Mais la réalité l'avait rattrapé, la petite Mia s'était réveillée de sa léthargie et s'était mise à hurler de peur en fixant le dragon. Kaith s'était senti projeté dans son corps, violemment et contre sa volonté. Une fois revenu à sa place, il s'était senti à l'étroit. Un mal être profond l'avait envahi, à tel point que les larmes lui étaient montées aux yeux. Il les avaient cependant ravalé rapidement, et avait bercé l'enfant en lui murmurant que tout irait bien. Le dragon quand à lui, avait poussé un rugissement qui avait de nouveau fait trembler la mer. Cela avait suffit à figer tous les membres du groupe, tous, sauf Kaith qui avait de nouveau orienté son regard vers la créature, dans l'espoir de revivre ce qui s'était passé un peu plus tôt. Malheureusement, rien ne se produisit cette fois ci. Le majestueux dénommé Thàlla l'avait fixé à son tour, puis s'était finalement posé sur la surface de l'eau. Celle ci avait subitement cessé toute activité, comme figée elle aussi par la présence imposante de son Roi incontesté. Mïleg s'était mit à nager dans sa direction, et s'était arrêté près d'une des gigantesques serres du dragon. Il avait alors attendu que la créature baisse la tête vers lui, pour y poser sa paume de main dans la plus grande délicatesse. Il avait ensuite expliqué que chacun devait faire de même, afin que le gardien sonde leur âme. C'était ainsi qu'il protégeait son peuple, et son empire. Nombre d'entre eux avait catégoriquement refusé de s'en approcher, bien trop intimidé. Kaith n'avait eu que faire des avertissements de ses camarades. Il avait confié Mia à la personne la plus proche, qui se trouvait être Elaï. Celle ci l'avait presque supplié de ne pas y aller, ce à quoi il n'avait rien répondu. Il n'avait pas décroché une seule seconde son regard émeraude du dragon azur, semblant hypnotisé, et prisonnier d'une transe dont il ne souhaitait sortir. Il avait à son tour rejoint le vieil homme qui n'avait pas retiré sa main du museau fumant de la créature. Il n'avait pas eu besoin de lui donner des mots d'encouragements, Kaith n'en ressentait pas le besoin. Il n'avait ressenti aucune peur face à lui. Avec toute la délicatesse du monde, il avait effleuré sa peau douce, semblable à un léger duvet. Le dragon avait donné un léger coup de museau sur sa main, comme signe d'approbation. Le jeune homme n'avait pas attendu plus longtemps, et avait entièrement posé sa main. Une énergie nouvelle l'avait traversé, semblable à celle qu'il avait ressenti face à Astrid. Le souffle chaud de la bête, tel un soupire de soulagement, avait réchauffé ses muscles frigorifiés par la froideur de la mer. Il avait fallu longtemps aux autres personnes pour parvenir à s'approcher de cette créature si impressionnante. Mais tous avaient finit par réussir cette épreuve, et le dragon s'était alors allongé, laissant ainsi entrevoir son dos. Ils étaient alors montés, et se retrouvaient maintenant dans les airs, à survoler une étendue d'eau qui semblait infinie. Taïran, en bravant le souffle du vent qui rendaient partiellement sourd le groupe, affirma pourtant :
"- Nous arriverons d'ici deux minutes !"
Arriver ou, ils n'en avaient aucune idée. Pas un n'eut le courage de le demander, souhaitant apprécier le spectacle qui leur était offert à son maximum. C'est effectivement une minute plus tard qu'ils aperçurent la rive. Le dragon ne s'arrêta pourtant pas, et continua sa traversée. Ils passèrent au dessus de nombreuses montagnes, de collines, de vallées visiblement inhabitées. Encore une minute plus tard, ils purent enfin voir une trace de civilisation. Un village plus que modeste les attendaient, et la créature se stoppa au dessus de celui ci, battant des ailes à la verticale pour rester dans sa position. Il entama lentement la descente, et se posa aussi délicatement qu'une goutte d'eau sur une feuille. Tous descendirent, leur jambes tremblantes après cette initiation au vol de dragon. Kaith ne pouvait se résigner à quitter son dos, mais y fut pourtant contraint quand Mïleg le poussa. Il se sentit de nouveau affreusement vide lorsqu'il toucha le sol, et ne put cette fois ci pas le cacher. Son regard ne brillait plus autant d'excitation, et il semblait bien morose. Cependant, personne ne vint le voir. Ils s'étaient tous tournés vers un homme qui s'approchait d'eux. Visiblement dans la trentaine, il possédait de beaux cheveux roux, presque oranges. Ses yeux verts ajoutaient un charme fou à son visage harmonieux, pourtant assez marqué. Sa mâchoire était carrée, ajoutant de la prestance à sa carrure musclée. Il portait un simple manteau noir recouvrant ses bras, mais ouvert sur son torse, laissant donc apercevoir ses muscles bien formés. Une croix tatouée était inscrite sur son buste, rappelant la cicatrice, elle aussi en forme de croix, qu'il avait gravé à jamais sur son menton. Un sourire charmeur ne le quittait pas, observant tour à tour ses nouveaux coéquipiers.
"- Bienvenu, mes chers amis. Vous êtes dorénavant ici chez vous, car j'ai toute confiance en Thàlla. Si vous êtes ici, c'est que vous en êtes dignes."
Le dragon confirma d'un grognement, avant de s'envoler à nouveau, faisant trembler les flammes du feu de bois au centre de ce petit village.
❧❧❧❧❧❧❧
Le groupe avait traversé la Mer Sombre il y a de cela deux jours. Entre temps, Fairhan, l'homme qui les avait accueillit, leur avaient laissé un temps d'adaptation. Plus précisément afin de s'accoutumer au village, et ses habitants. Ils ne l'avaient depuis plus revu, mais il avait promis de les retrouver pour leur expliquer leur but. Taïran s'était chargé d'enfin leur donner des réponses. Ils étaient donc tous réunis autour d'un feu de camps, n'attendant plus que Meïv qui était allé couchée la jeune Mia. Celle-ci était encore trop jeune pour entendre ce que le géant avait à leur dire, et de plus, elle était épuisée. Des cauchemars récurrents venaient la hanter, même si Kaith savait bien que ce n'était pas de simples cauchemars. La jeune femme au cheveux rubis sortit enfin de la tente qui leur avait été prêtée le temps de leur construire une maisonnette. Elle était vêtue d'un débardeur noir qui mettait sa poitrine en valeur malgré elle, une veste légère, noire elle aussi, et un jean taille haute bleu clair. Elle attacha ses cheveux en un chignon désordonné avec l'épingle qu'elle avait prêté à Ven le temps de la traversée, et vint s'asseoir au près de Chester qui l'attendait patiemment. Celle ci n'avait pas troqué ses habituelles robes noires en dentelle, mais avait pour une fois attaché ses cheveux longs en une queue de cheval. Quelques mèches dépassaient encore, lui donnant un air charmant. Pour les autres, ils avaient tous mit un long manteau marron qui leur avait été prêté, leur peau étant mordu par le froid. Kaith était bien le seul à n'être habillé qu'avec un simple débardeur malgré la température basse de la nuit. Taïran les observa un à un, ravi malgré tout de leur voir un visage détendu. Ils se sentaient en sécurité, ici. Meïv se racla la gorge, et commença :
"- Nous pouvons nous y mettre... La petite est couchée, elle ne devrait normalement pas se réveiller."
Le géant hocha la tête, et enchaîna.
"- Nous sommes donc ici dans le monde de Starven. Comme vous vous en doutez, la Terre est bien loin d'ici. En réalité, nous en sommes très proches... Malheureusement, le chemin de la Terre vers ici est aisé, mais l'inverse n'est pas du même registre. Il nous faut trouver des matériaux rares, et une énergie assez puissante pour permettre le voyage. C'est pour cela que nous avons très peu de nouvelles recrues.
- Alors nous ne rentrerons jamais ?"
Viel s'en retrouva contrarié. Il espérait toujours retrouver sa petite vie tranquille, dans sa ville natale. Le vieux géant secoua faiblement sa tête.
"- Non Viel, vous ne rentrerez pas. Vous avez un potentiel de puissance bien trop importants, nous avons besoin de vous.
- La décision nous revient malgré tout Taïran... Vous ne pouvez pas choisir pour nous sans nous concerter avant..."
Elaï mordait légèrement sa lèvre, assez anxieuse. Elle savait au fond d'elle que c'était déjà bien trop tard pour leur laisser un choix, mais espérait malgré tout qu'il entendrait sa position.
"- Nous le savons... Malheureusement, nous sommes dans une situation où nous ne pouvons plus laisser le choix... Ou ce sera la fin de ce monde."
Personne ne trouva rien à y redire. Comme il l'avait si bien dit, ils n'avaient de toute façon plus le choix. Voyant leur mine déconfite, il enchaîna cependant :
"- Mais malgré tout nous vous laissons un choix... Le choix de rester ici, et contribuer à la survie de notre camps, mais nous ne garantissons cependant pas que vous ne vous battiez jamais contre l'Empire...
- Quel est le deuxième choix ?"
Ven avait surenchérit, impatient d'en savoir plus malgré tout.
"- J'y viens... Le deuxième choix, c'est de partir au front. Certes, nous ne menons pas une guerre directe, mais nous possédons de nombreux espions au Royaume, et nous organisons régulièrement des attaques sur la Garde Lunaire afin de les affaiblir."
Quelques soupirs résonnèrent. Aucune de ses options n'étaient particulièrement réjouissantes pour ceux qui n'avaient jamais rêvé de grandeur. La vie simplement leur convenait, et ils se retrouvaient maintenant confrontés à une guerre dont ils ne connaissaient même pas l'origine. Chester sembla réfléchir, puis ancra son regard sombre aux iris ambrées de Taïran.
"- Je ne pense pas que nous soyons capables de faire un choix sans savoir contre qui nous nous battons, et pourquoi... Si vous nous laissez libre de choisir, alors laissez nous aussi choisir notre camps.
- Nous ne pouvons pas vous laisser rejoindre l'ennemi... Nous sommes déjà dépassés face à eux.
- Mais vous ne pouvez pas nous y obliger Taïran... Et tu le sais bien. "
Il ne put que baisser la tête, forcé d'accepter la réalité.
"- Je le sais, effectivement... Mais notre cause est juste, j'ai espoir que vous comprendrez."
Elaï avait pitié de ce vieil homme qui semblait profondément attaché à sa cause. Elle savait d'avance qu'elle serait convaincue avant même qu'il expose ses arguments. Malgré tout, elle demanda :
"- Alors, qui sont les ennemis ? Contre qui nous battons-nous ?
- Nous nous battons contre l'Empire. Plus précisément, contre son Roi... Nous ne connaissons pas ses réelles intentions, mais nous craignons qu'il ne veuille voler la puissance des étoiles... Ce serait catastrophique, même pour la Terre." Il se stoppa un temps, soupirant légèrement, puis reprit. "-Si cela venait à arriver... Il pourrait remodeler le monde à sa guise, faire ce qu'il veut de ses habitants... En clair, nous serions tous à ses ordres. La liberté n'existerait plus. Et ce serait peut être même pire que ce que nous pouvons actuellement imaginer... Car la puissance des étoiles est illimitée."
Ils se jetèrent tous un regard inquiet. La plus part ne se sentait pas assez puissant pour affronter une telle chose, malgré qu'ils ne connaissaient pas sa puissance. Kaith fut le seul à ne pas réagir, car il n'avait de toute façon pas écouté grand chose. Taïran en fut d'ailleurs grandement surpris, et l'interpella :
"- Kaith, tout va bien ?"
Le concerné leva seulement son regard émeraude pour apercevoir le titan. Courbé vers l'avant, ses mains croisées entre elle, il n'avait pas bougé depuis le début de la conversation. Ses yeux semblaient vides, mais son pied frappait nerveusement le sol. Il hocha lentement la tête et se redressa.
"- Je vais bien. Je suis juste fatigué, et franchement, vos histoires de guerre ne m'intéresse pas... Je sais déjà qui est mon ennemi, et c'est visiblement le vôtre alors je n'ai pas besoin d'être convaincu."
Sans attendre de réponse, il se leva et leur tourna le dos. Il ne leur fit qu'un léger signe de la main avant de disparaître sous la toile ou Meïv était apparu un peu plus tôt. Le petit groupe se jeta un regard surpris. Même si il n' était pas plus cassant que d'habitude, Kaith avait été le premier à insister sans cesse pour avoir des réponses. Maintenant qu'il pouvait en avoir, il s'en allait simplement sans écouter un traître mot des explications.
"- Je ne suis pas la seule à voir que quelque chose ne vas pas... Pas vrai ?"
Elaï avait peur de dire quelques chose d'évident, mais il lui semblait nécessaire de bien confirmer ce qu'elle pensait. Tous hochèrent la tête, même si personne n'eut d'explication à fournir.
Une brindille craqua près d'eux, les faisant tous sursauter. Tous, sauf Taïran qui se tourna dans la direction du bruit, et adressa un sourire amical à quelqu'un qu'ils ne voyaient pas encore. Quelques secondes plus tard, Fairhan apparut. Il leur accorda un sourire à son tour, avant de venir s'asseoir près du vieux géant.
"- Je sais ce qui arrive à votre ami."
Il laissa planer un suspens, amusé de les tenir ainsi en haleine. Viel ne tint plus, et s'agaça.
"- Eh bien, dis nous !
- Oui, oui, ça arrive... Votre ami est un dragonnier, tout comme moi !"
Il ne reçut que des regards désapprobateurs, ou confus. La jeune rousse osa timidement.
" Et... Le fait qu'il soit un dragonnier le rendrait un peu plus exécrable qu'il ne l'était déjà..?"
Il ne put s'empêcher de ricaner, avant de lui adresser un sourire charmeur.
"- Non princesse, mais en revanche... L'absence d'un lien avec un dragon, oui."
Il laissa à nouveau son explication en suspens, qui lui valut quelques remarques. Un petit rire lui échappa à nouveau, et il continua.
"- Un dragonnier, même à la naissance, est destiné à ne poursuivre qu'un but, trouver son dragon partenaire. Lorsqu'il n'a pas eu de contact avec un dragon auparavant, alors il n'aura pas conscience de ce manque. Mais lorsqu'il l'aura eu... Ça sera la fin du monde ! Car c'est presque un besoin vital pour nous. Et pour votre ami c'est encore différent ! Par je ne sais quel miracle, il est parvenu à se lier à mon dragon, ce qui est normalement impossible. Et pourtant, il l'a fait !
- Et donc, le manque est encore plus présent. Je ne me trompes pas ?"
Ven l'avait interrompu, considérant que leur hôte prenait trop de temps pour expliquer une chose simple. Fairhan lui adressa un sourire et hocha affirmativement la tête.
"- Effectivement ! C'est comme si vous touchiez le bonheur ultime du bout des doigts, cette chose que vous avez toujours recherché, et qu'en quelques secondes, la sensation disparaissait à jamais. Ça laisse un grand vide... Et ce vide, nous, dragonniers, nous le connaîtrons si notre dragon partenaire venait à mourir également."
Le petit groupe s'échangèrent quelques regards, ne sachant pas trop quoi penser à propos de leur camarade. Le jeune chef se leva souplement en appuyant ses mains sur ses cuisses, et les regarda longuement. Un nouveau sourire se forma sur ses lèvres, et il ajouta à voix basse, proche d'un murmure :
"- Faites attention à lui. Il n'est pas rare que des dragonniers trouvent la mort, trop touchés par ce manque insupportable."
Il quitta sa place sur ces mots, et disparu à travers la noirceur de la nuit. L'obscurité sembla l'engloutir, jusqu'à qu'il ne soit plus visible.
❧❧❧❧❧❧❧
La nuit était lentement passée, interrompue deux fois par les cris apeurés de l'enfant. Il était maintenant tôt dans la mâtiné, le soleil montrait à peine le bout de son nez. Pourtant, deux personnes étaient déjà levés, et assises près des restes du feu de camps de la soirée. Une fois le jeune chef partit, ils étaient restés silencieux quelques secondes avant de reprendre leur discussion, la tête emplit de questionnements. Certes, de faibles explications leur avaient été accordés, mais il restait tellement de zones d'ombres qui n'avaient pas encore été résolus. Cependant, plusieurs avaient montré des signes de fatigue. Il était tard, l'astre solaire s'était couché il y avait de cela quelques heures, et les nuits n'étaient pour la plus part pas vraiment reposantes. Le léger tissu qui recouvrait leur tête ne filtrait que très peu la froideur du soir, et les réveils étaient fréquents, dus aux cauchemars de Mia. Taïran leur avait alors invité à aller se coucher, et promit qu'il continuerait le lendemain. Mais voilà, les deux personnes réveillées depuis une heure déjà n'en pouvait plus d'attendre, surtout que la conversation ne se faisait pas facilement entre eux deux. Les cheveux roux d'Elaï volaient au gré d'une légère brise cependant glaciale. Elle tenait ses bras croisés contre sa poitrine, attrapant de ses mains frigorifiées ses deux minces épaules. Ils n'avaient que peu d'affaire, seulement quelques vêtements que le géant gardait en réserve pour ce genre de situation, mais ils n'étaient malheureusement pas très diversifiés, et très légers. De ce fait, elle portait un débardeur similaire à celui de Meïv, et un jean seulement plus foncé. Elle avait aussi une veste fine recouvrant ses épaules, mais le froid y trouvait son chemin sans grande difficulté. Viel aussi n'avait pas grand-chose sur le dos, et hésita longuement avant de finalement lui tendre le pull un peu plus épais qui lui avait été donné.
"- Tiens... Je n'en n'ai pas besoin."
Il lui adressa un maigre sourire, et Elaï ne put s'empêcher de se mordre légèrement la lèvre inférieure. Elle avait très bien compris qu'il mentait, il était facile de le voir à la chaire de poule qui ornait déjà les bras musclés du jeune homme. Elle attrapa lentement la veste, en ajoutant de même :
"- Tu es sur ? Tu n'as pas froid ?"
Il secoua simplement la tête, et la contempla quelques secondes pendant qu'elle enfilait le sweat. Elle était une belle fille, il ne voulait pas dire atypique, mais il n'avait jamais vu de filles avec une telle couleur de cheveux auparavant. Il fallait dire que dans son pays, ancien pays, tout le monde se ressemblait un peu. Les filles comme les garçons avaient les cheveux noirs, en ajoutant parfois une petite fantaisie qui n'était rien de plus que quelques mèches blondes, et encore, rarement permanentes. Les quelques nombreuses tâches de rousseur qui s'étalaient seulement sur la ligne de son nez, en parcourant ses joues, la rendait tout à fait charmante. Ces petites tâches auraient pu la rendre enfantine, mais cela ne lui rajoutait qu'un léger air pur. Et ses yeux fins, abordant de longs cils et son iris verte foncée, complétée par quelques taches jaunes reflétaient toute sa maturité derrière un air un peu naïf. Elle n'était pas maquillée, et le jeune Viel savait qu'elle n'en avait pas besoin. Elle était jolie ainsi, et n'avait besoin de rien d'autre. Elle lui lança un regard timide, mal à l'aise de son regard insistant.
"- Si... Si tu as froid finalement tu peux reprendre ton pull..."
Il secoua vivement la tête et lui offrit un sourire gêné, avant de s'excuser.
"- Non, pardon... Je me disais juste à quel point tu étais jolie."
Elle le fixa quelques secondes, ne semblant pas assimiler ses mots. Malgré les apparences qu'il pouvait dégager, le jeune homme était bien connu pour sa sincérité sans pareil, ou son franc parlé. Il ne se cachait que rarement derrière des excuses, et préférait dire le fond de sa pensée.
Lorsqu'elle eut bien compris le sens de sa parole, de légères rougeurs apparurent sur la hauteur de ses pommettes, et elle ne put que bafouiller quelques mots :
"- J-je te demande pardon..?"
Il ne put s'empêcher de rire, il ne se moquait pas mais était simplement amusé de voir l'effet que ces quelques simples mots pouvaient avoir.
"- Je te trouve jolie, Elaï."
Elle ne sut quoi répondre, et fixa ses chaussures abîmées, espérant de tout son cœur que quelqu'un sortirait de la tente pour lui porter secours. Ces prières furent entendues, et Ven passa sa tête entre les deux pans de tissus qui servaient de porte quelques minutes plus tard.
"- Vous êtes bien matinaux, dites moi."
Ils hochèrent tout deux la tête, et le nouvel arrivant vint s'installer près d'eux.
"- Ça fait longtemps ?
- Une petite heure, tout au plus."
Elaï n'avait toujours pas osé dire un mot. Elle se remettait doucement du compliment que lui avait fait un homme qu'elle trouvait elle aussi beau. Elle y était si peu habituée, elle ne passait pas inaperçue mais avait souvent été moquée pour sa couleur de cheveux, ou bien ses taches de rousseurs souvent comparer à de l'acné.
"- Tes mèches ont entièrement disparu... Tu comptes les refaire si tu en as l'occasion ?"
Ven observa les cheveux maintenant entièrement noirs du jeune homme face à lui. Le concerné attrapa quelques mèches qu'il observa à son tour.
"- J'y pense oui... Mais peut être faire toute ma tête cette fois." Il regarda le ciel qui commençait à se teindre d'une teinte bleutée. "-Si j'en ai l'occasion du moins..."
La jeune rousse les observa quelques minutes, et soupira discrètement. Elle aurait aimé leur parler de tout ce qui leur arrivait, mais elle avait peur de déranger. Ils paraissaient si sereins, si peu concernés par ce qui se passait. Le jeune homme qui s'était installé entre eux lui lança un regard interrogateur.
"- Tout va bien Elaï ?"
Elle hésita un moment, mais se décida finalement à avouer ses doutes.
"- C'est juste que... J'ai l'impression d'être la seule à m'inquiéter ? Enfin je veux dire... Vous parlez de tout et de rien, comme si rien ne s'était passé, et vous... N'avez pas l'air de vous poser de questions... Vous ne voulez pas en savoir plus ? Comprendre réellement ou nous sommes, et... Ce qui nous arrive ?"
Les deux garçons s'observèrent en silence, avant que Viel ne se décide à répondre.
"- Tu sais, c'est pas parce qu'on fait comme si de rien n'était que c'est vraiment le cas... Je pense que je peux dire sans mal que dans nos tête c'est tout autant le bordel que pour toi, et ça pour tout les autres aussi. Mais on ne peut pas faire grand chose pour le moment, a part attendre que Taïran et les autres se réveillent."
La jeune fille se leva d'un bond, surprenant ses deux interlocuteurs qui eurent un mouvement de recul.
"- J'ai une idée ! Pourquoi on ne vas pas directement demander au chef ? Fairhan je crois... Peut être qu'il nous expliquera réellement lui, pas comme Taïran qui prend son temps !"
Elle semblait soudainement euphorique, visiblement fière de son idée. Les deux jeunes hommes se lancèrent un sourire, amusés par l'attitude de leur camarade. Ils approuvèrent malgré tout son idée, eux aussi curieux d'en apprendre plus.
C'est ainsi qu'ils s'étaient retrouvé sur la place du petit village, ne sachant absolument pas où pourrait se trouver le fameux Fairhan. Aucun d'eux n'avaient osé s'approcher des villageois tout aussi matinaux qu'eux, et ils avaient finalement décidé autour d'un pierre feu ciseau. Sans surprise pour le jeune homme qui n'avait jamais eu de chance, ce fut Viel qui perdit. Grommelant son malheur, il s'était approché d'une femme assez âgée, et ridée.
" Excusez moi, madame..?"
Celle ci avait relevé sa tête, en lui offrant un sourire agréable.
"- Je peux t'aider jeune homme ?
- Hm certainement... Sauriez vous ou se trouve euh..." Il se retrouva sans voix, ne se souvenant plus du nom de celui qu'il cherchait. Il se tourna alors vers ses camarades et les apostropha. "- Eh, comment il s'appelle déjà celui qu'on cherche ?"
Elaï ne put s'empêcher de pouffer, tandis que Ven leva ses yeux sombres au ciel, dépité de constater de la mémoire visiblement défaillante du jeune homme.
"- Il S'appelle Fairhan abruti, on vient de le dire.
- Ah oui, voilà !" Viel se tourna de nouveau vers la jeune femme en abordant un grand sourire. "- Du coup on cherche Fairhan, vous sauriez ou on pourrez le trouver ?"
La vielle femme se mit à rire discrètement, et pointa du doigt une direction, avant de leur annoncer d'une voix légèrement tremblante :
"- Il est avec son dragon, à la plaine. Continuez dans cette direction, vous tomberez dessus. "
Le petit groupe réduit se dirigea alors vers le chemin indiqué, l'excitation grimpant dans leur membre. Revoir le majestueux dragon les faisait rêver, et c'était aussi certainement une façon de confirmer que tout ceci n'était pas un songe du quel ils se réveilleraient. Ils ne tardèrent pas à apercevoir l'immense masse bleu flottait dans les airs.
Le soleil levant frappait contre ses écailles azures, et sur ses ailes semblaient se dessiner quelques arc en ciel. Les trois jeunes se retrouvèrent figer par un tel spectacle. A quelques mètres d'eux, le sol se dérobait pour laisser place à un lac. Ils entendaient le vrombissement assourdissant d'une cascade coulant juste sous leur pied, et quelques gouttes venaient même parfois voleter jusqu'à leur visage. Mais ils n'en n'avaient que faire. Pour le moment, leur pupille ne cessait de fixer la créature qui plongeait à toute vitesse. Ils sentaient leur cœur se serrer à l'approche de l'impact, bien qu'ils ne le vivaient pourtant pas. Ils aperçurent alors celui qu'ils cherchaient. Fairhan était debout sur son dos écailleux, tenant simplement quelques cordelettes accrochées au tour du cou de l'animal, l'empêchant ainsi de tomber. Ses cheveux étaient plaqués en arrière contre la force du vent, de même que son manteau, claquant dans l'air. La vitesse était ahurissante, et ils sentirent même un vent puissant leur souffler au visage. Ils ne comprirent qu'après que cela était du à la friction entre le corps imposant du dragon, qui était passé non loin d'eux, et l'air. Ils disparurent tout deux de leur champs de vision, comme englouti par la falaise. Le petit groupe ne bougea pas pendant quelques secondes, puis, lentement, ils s'approchèrent du bord. Leur corps se penchèrent dangereusement au dessus du vide, juste à temps pour apercevoir la créature arrêter sa chute d'un battement d'ailes maîtrisé, et surplomber le lac de sa grandeur. De grands cercles s'étaient formés dans l'étendue d'eau, témoignant de la puissance qu'il lui avait fallu pour empêcher l'impact. Le dragon n'en semblait pourtant pas dérangé, et il remonta calmement à leur hauteur. Ils furent submergés par son ombre qui s'abattit sur eux, leur cachant toutes lumières venant de l'astre solaire. Ils étaient bouche bée, et aucun n'osaient bouger. Ils semblaient même ne plus respirer, impressionnés par la beauté de Thàlla. Fairhan apparut sur le haut de sa tête, et sauta sur la terre ferme. Il tapota le museau de l'animal, qui sembla s'ébrouer. Son maître lui offrit un sourire, et lui annonça :
"- Tu peux partir mon grand, vas donc protéger ton royaume."
Son dragon n'en demanda pas plus, et s'envola à nouveau, avant de disparaître à travers les nuages. L'homme resté à terre se tourna en direction de ses trois interlocuteur, et avisa leur regard emplit d'admiration. Il ne put s'empêcher de rire à nouveau.
"- Ne me regardez pas comme ça ! Ce n'est pas grand chose.
- J'ai bien entendu, il a dit pas grand chose ?"
Viel s'ingurgita, n'appréciant pas son humilité feinte.
"- Allons, allons... Vous aussi vous êtes montés sur un dragon ! Je n'ai rien fais de plus.
- À part tenir sur son dos debout, comme tu te tiendrais sur tes pieds ?"
Le jeune homme n'avait pu s'empêcher de prendre un ton condescendant, il n'aimait décidément pas cet homme. Ven lui tapota l'épaule, lui intimant de se calmer. Il continua alors, pour détendre l'atmosphère :
"- Ne fais pas attention à lui, il réagit comme ça quand il se sent inférieur."
Il ne put se retenir de faire un clin d'œil en direction de la personne visée, qui elle même ne se retint pas pour lui faire une remarque désobligeante. Fairhan les observa, un sourire amusé au lèvres.
"- Bon, vous êtes venus ici pour me voir n'est ce pas ?
- Oui, en fait on aimerait... Comprendre un peu mieux ou on est."
Elaï s'était avancée à son tour, souhaitant malgré tout avoir ses réponses au plus vite. Le jeune chef hocha la tête, et enchaîna :
"- Et bien je vous écoute, que voulez vous savoir ?
- Taïran nous a donc expliqué qu'on ne pourrait pas rentrer chez nous parce que nous étions trop importants, et puissants... Mais, à part Kaith qui... Je ne sais même pas ce qu'il a fait d'ailleurs, pas sur qu'il sache lui même à vrai dire, mais peu importe, à part lui, nous n'avons absolument rien de différent d'un humain.
- Il ne vous a même pas expliqué ça ? Et bien, il est à la traîne."
Viel perdait patience, et croisa ses bras contre son torse.
"- Justement, si tu pouvais nous éclairer de ta lanterne de génie, ça nous arrangerait !"
Il reçut un coup de coude de la part de Ven qui le réprimanda.
"- Sois pas si sarcastique Viel !
- Ne t'en fais pas, ça ne fait rien ! Pour vous répondre, et bien si vous aviez été humains, des plaques rouges auraient déjà été visibles sur votre corps, et vous ne pourriez pas arrêter de vous gratter jusqu'au sang. Pour ça, nous sommes bien certains que vous êtes légitimes à ce monde. Après, tu as raison sur un point... Nous ne pouvons pas être certains de votre force. C'est vrai, vous pourriez être des classes dites inférieurs mais-"
Elaï l'interrompit, en fronçant les sourcils.
"- Tu as dis inférieur ? Alors on est dans un monde où ne pas être le plus fort n'est pas accepté ?"
Fairhan lui adressa un regard espiègle.
"- Doucement ma jolie. Ce n'est pas ce que j'ai dis. Nous appelons classes inférieurs ceux qui ne possèdent pas d'énergies offensives à proprement parler. On y inclut donc les féens, qui protègent les forêts, les rivières et ce genre de choses, les elvens qui enchantent les armes, bâtiments, et tout le reste... Ce genre de chose ! Ce n'est absolument pas péjoratif ici."
La jeune fille détourna le regard, gênée de s'être emportée.
"- Excuses moi, sur Terre c'est un mot... Assez péjoratif...
- Oui, effectivement ce n'est pas la première fois qu'on me fait la remarque !"
Ven tiqua légèrement, et demanda :
"- Alors on est pas les seuls à venir de la Terre ?"
Fairhan secoua la tête, et envoya ses cheveux vers l'arrière.
"- Oh non, vous n'êtes pas les premiers et sûrement pas les derniers ! C'est vrai que nous en ramenons très peu ici de nous même car beaucoup arrivent naturellement ici, mais tout ceux qui sont apparus ici grâce, ou bien à cause de nous, c'est à vous de voir ce que vous préférez, nous ont rejoint. Après tout, on vous recherche activement... Car votre potentiel, nous le sentons même sur Terre. "
Les trois jeunes n'étaient pas sur de comprendre. Sur Terre, ils étaient de simples humains. Le jeune chef comprit bien vite ce qui les tracassaient, après tout comme il l'avait exprimé, ce n'était pas la première fois qu'il répondait aux questions des nouveaux arrivant. Elles finissaient par toutes se ressembler.
"- Et oui ! Même sur Terre, vous dégagez l'énergie de notre monde, l'énergie lavtonnénne."
Elaï hocha la tête, se rappelant de ce terme. Si elle ne se trompait pas, c'était Astrid qui l'avait prononcé lors de sa confrontation avec Kaith. Fairhan continua donc.
"- C'est comme ça qu'on vous retrouve... Et qu'on vous ramène ici.
- Donc c'est un monde contrôlé par la force, malgré ce que vous voulez bien dire..."
Elaï soupira doucement, déçue de ce qu'elle entendait. Son interlocuteur sembla se durcir légèrement, et d' un ton sec, il répliqua.
"- Enverrais-tu des enfants inexpérimentés et malades se battre à la guerre ? Non, je ne pense pas. Évidemment que nous avons besoin de force pour se battre, sinon comment pourrions nous espérer gagner ?"
La jeune femme rousse baissa aussitôt la tête, se sentant ridicule. Ven posa doucement sa main sur l'épaule de sa camarade et fusilla le jeune chef du regard.
"- Ce n'est pas nécessaire de lui parler comme ça, elle ne faisait qu'affirmer une vérité.
- Peut être que c'est une vérité. En attendant vous ne connaissez rien à cette guerre, encore rien à ce monde et à ses ressources. Si nous perdons cette guerre, ce n'est pas seulement notre monde qui encourt à sa perte, mais le vôtre et bien d'autres si ils en existent. Alors oui, je l'avoue, nous recherchons des nouvelles recrues qui ont du potentiel. Oui, je l'avoue, nous évitons de recruter ce que nous appelons classes inférieurs, car nous en avons accueillit un grand nombre, et qu'ils ne peuvent pas se battre sans risquer de se sacrifier pour pas grand chose. Ils doivent être nourris, habillés, logés, et nous avons déjà peu de ressources. Nous faisons des sacrifices, nous laissons des civiles souffrir des mains de l'Empire parce que nous n'avons de toute façon pas d'autre choix si nous voulons encore rester invisibles à leur yeux. Désolé de briser vos rêves utopiques, mais la force est parfois nécessaire pour survivre, quoi qu'on dise."
Sur ces mots, il passa près d'eux et regagna le village, laissant les trois jeunes silencieux. Ils avaient eu leur réponse, et savaient maintenant qu'ils étaient destinés à être des soldats.
" Putain de guerre, putain de pouvoir." pensèrent-ils à l'unisson. Résignés, ils rejoignirent leur tente sans dire un mot.
❧❧❧❧❧❧❧
Le temps avait passé à son rythme, laissant les nouvelles recrues découvrir ce nouveau monde qui s'offrait à eux. Taïran avait été obligé de retourner dans sa forêt, pour ne pas alerter l'Empire. Astrid avait assuré que Venelya n'avait rien dit sur leur fuite, et qu'elle ne dirait rien tant qu'elle n'aurait aucune information. C'était à leur avantage, cependant le fantôme ambulant s'était mise en tête de comprendre, et agir en conséquence.
Six longs mois avaient passé depuis le départ du vieux géant, qui avait pour la première fois laissé ses protégés livré à eux même. Il avait été peiné de partir, mais surtout inquiet. Il aurait souhaité assister à leur entraînement, les épauler, leur donner des conseils, mais ce n'était pas possible. Il s'y était résigné, et les avaient quitté avec de longues accolades, promettant de revenir le plus vite possible. Certains avaient versé quelques larmes, notamment la jeune Mia qui détestait les aux revoir. Kaith l'avait emmené voir un dragon le temps du départ, pour que cela ne soit pas trop dur. À son retour, le vieux géant était parti, et lui ne semblait plus qu'être une enveloppe vide. Il se reprenait quelques heures après, mais revenait toujours dans le même état après avoir aperçu ses créatures volantes. À la surprise générale, Thàlla n'était pas le seul dragon. Il y en avait en fait des centaines, et un bon nombre attendait leur partenaire humain. Mais aucun n'étaient celui du jeune homme, qui semblait consolider l'idée qu'il n'en méritait aucun.
Pendant tout ce temps, les autres avaient eu l'occasion d'assister à l'examen du recensement qu'ils auraient dû subir à l'Empire, sous les yeux aiguisés du Roi. Mais ce recensement là n'engageait à rien, il ne signait pas leur arrêt de mort, mais seulement le début d'un long entraînement avant d'être fin prêt. Sans surprise, aucun ne fit partit des classes inférieures. Aucuns, sauf Chester. Mais sa classe était rare, prisée, et enviée. Elle était une Starlyan, cela ne disait rien aux jeunes gens, alors Fairhan avait utilisé le terme de shaman, qu' il avait entendu sur Terre. En réalité, plusieurs Starlyan de leur monde était partis se réfugier dans le monde humain, lorsqu'ils virent la fin de leur espèce approcher. La jeune femme pouvait donc lire à travers les étoiles, et, pour caricaturer le personnage, lancer des sortilèges. Pour les autres, les résultats furent aussi satisfaisants. La classe de l'enfant fut la plus simple à déterminer, lorsque Kaith se décida enfin à parler des cauchemars qu'elle vivait. Elle expliqua alors qu'elle y voyait son frère, légèrement différent. Celui ci l'appelait sans cesse, hurlait de venir l'aider, qu'elle pouvait faire quelques chose pour le sauver. Peu à peu, son frère avait été remplacé par des personnes qu'elle n'avait jamais vu. La conclusion fut unanime, elle était nécromancienne. Comme l'avait d'ailleurs exprimé Venelya, elle même de la même classe. Malgré son jeune âge, c'est elle qui eut l'entraînement le plus poussé. L'objectif était bien sûr sa sécurité, et son bien être, mais derrière tout ça, certains avaient bien compris que la petite fille représentait un danger. Surtout Kaith, qui se rappelait encore sa première rencontre avec la sœur d'Astrid. Il avait vite fait le rapprochement en entendant quelques villageois parler entre eux. Un nécromancien était capable d'aspirer l'énergie vital de n'importe quel être vivant. Tout prenait à présent son sens, et peu à peu, les trous restants dans ce nouveau monde s'alignait. Le reste du groupe avait suivit un entraînement adapté à leur classe, tous différents. Ils avaient maintenant chacun une maison, à part Meïv et Chester qui avaient souhaité habiter ensemble, en prenant Mia sous leur aile. Pour le reste, le petit groupe s'était petit à petit éloigné. Le temps leur manquait, ils s'étaient fais de nouvelles connaissances, et ne se croisaient plus autant qu'avant.
Cependant, ce fut Elaï qui lia à nouveau le groupe ensemble. Les vieux temps lui manquait, et l'ambiance particulière qui se dégageait de leur discussion était malgré tout précieuse. Certes, ils ne s'entendaient pas tous, loin de là. Mais ils avaient partagé leur premier pas sur ce monde, ils avaient en quelques sorte appris à vivre ensemble. Alors, tous les soirs, ils se rejoignaient autour d'un feu de camps. Le même qui se situait auparavant devant leur tente, leur première maison. Il n'en manquait qu'un à l'appel, qui s'éclipsait toujours au début des réunions. C'était évidemment Kaith, qui semblait errer à la recherche d'un objet perdu. Il ne faisait que passer, semblant malgré tout vouloir les rassurer. Il était encore en vie, et il leur montrait. Puis il repartait, certainement chez lui, peut être dans la forêt qui bordait le village. Personne n'en savait réellement quelques chose. Ils en avaient d'ailleurs énormément discuté, se rappelant de l'avertissement de Fairhan, leur chef dragonnier. Mais leur ancien camarade n'était pas facile à approcher. Il semblait garder un œil sur eux constamment, disparaissant dès lors qu'on le cherchait. Le peu de fois où ils réussirent à l'approcher, c'était lorsqu'ils étaient seuls. Les discussions étaient pauvres, alors ils le surveillait simplement, et montraient leur soutient du mieux qu'ils pouvaient. Mais personne ne comprenait réellement. Et personne n'aurait pu, pas même un dragonnier, car son cas était bien différent des autres.
Il était à présent proche de midi, le soleil brillait haut dans le ciel. Elaï s'entraînait durement, apprenant à se battre sans ses compétences magiques. Face à elle, un homme un peu plus grand qu'elle la toisait, avec un sourire satisfait. Il avait des cheveux bruns, attachés en une fine tresse. Quelques mèches noires ornaient ses cheveux longs, et son corps musclé bougeait au rythme de celui de la jeune femme rousse. Ses cheveux orangés, attaché en queue de cheval, se balançait sur son dos. Son regard concentré ne quittait pas sa cible des yeux, ses bras levés devant son visage pour assurer sa garde. Ils avaient enchaîné plusieurs coups, mais depuis quelques secondes, un temps de latence s'était installé. C'était le moment où les deux se jaugeaient, analysaient le niveau de fatigue de son opposant, ses ouvertures et ses points plus sensibles. La jeune femme envoya son poing vers le bas de la hanche de son opposant, quand elle fut interrompu par une voix masculine et éraillée qui l'appela.
"- Elaï ! Quel plaisir de te voir en si grande forme !"
Elle se figea immédiatement lorsqu'elle reconnu la voix, et se tourna lentement vers sa provenance. Un peu plus au loin, elle apercevait un homme grand, très grand. Son long manteau en fourrure, et ses bottes salis par le temps lui rappelèrent immédiatement des souvenirs, et un large sourire barra son visage. Ses yeux s'écarquillèrent, et quelques larmes vinrent se loger au coin de ses yeux. Elle se mit immédiatement à courir vers ce vieil homme qu'elle aurait reconnu à 10 kilomètres sans aucune hésitation.
"- Taïran !!"
À ses côtés, elle avisa une femme un peu plus menue. Il lui fallut un temps pour la reconnaître, mais elle n'en fut que plus heureuse de la voir ici.
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Chester s'était rendue dans la petite forêt entourant leur village. Elle savait bien qu'il ne serait pas content de la voir, mais elle s'inquiétait pour lui. Kaith n'avait pas daigné manger de la journée, et elle le savait car elle l'avait rejoint dans sa maison. Elle l'avait aperçue à travers sa fenêtre, assit à sa table. Devant lui, une assiette à moitié vide, mais pourtant non entamée, semblait dorénavant bien froide. Le jeune homme regardait la nourriture sans appétit, et avait fini par repousser son assiette. C'était à ce moment là qu'elle avait décidé d'entrer, il lui avait alors lancé un regard interrogateur, ce à quoi elle avait répondu qu'elle souhaitait simplement passer un peu de temps avec lui. Elle ne l'avait alors pas quitté de la journée, bien trop inquiète pour lui. Cela avait d'ailleurs déplu à sa petite amie, Meïv, qui n'avait pu s'empêcher de sentir la jalousie l'envahir. Elles avaient cependant parlé calmement le soir même, et la jeune femme avait plus expliqué à son amante qu'elle était juste inquiète de son état. Sa tendre et chère avait alors soupiré, connaissant très bien l'état de leur camarade. Elle ne lui avait alors plus voulu, et étaient parties se coucher. Mais voilà, ils étaient le lendemain, et ce malaise ne l'avait pas quitté. Elle s'était alors aventuré dans cette forêt sombre qui semblait ne jamais en finir. En réalité, elle était la seule à avoir découvert où se cachait le jeune homme tous les jours. En y pensant, c'était assez logique. Quand on savait qu'un tel endroit existait. Elle aperçue enfin un rayon de lumière traversant deux arbres, et formant presque un portail. Elle était bientôt arrivée. Elle s'aventura à travers cette porte illuminée, et laissa un temps à ses yeux pour s'adapter au changement brutal de luminosité. Elle se situait en haut d'une colline de pierre, et balaya la plaine qui s'étendait sous ses pieds. Le spectacle était tout bonnement magnifique. Il y avait certainement des centaines, peut être même des milliers de dragons réunis dans un même espace. Un paradis pour les amoureux de dragons, et un enfer pour ceux qui en étaient obsédés. Elle orienta son regard vers le bas de la colline, où se trouvait la dépouille d'un arbre. Sans surprise, elle y aperçue la silhouette fine de celui qu'elle cherchait. Prudemment, elle s'aventura sur les nombreux rochers qui lui permirent de descendre dans cette vallée. Elle s'arrêta cependant à quelques mètres du jeune homme, n'étant plus si sûre de vouloir le déranger.
Elle ne le voyait que de trois quart, mais son profil droit laissait apercevoir la plénitude qui régnait en son esprit. Ses yeux émeraudes scrutaient le ciel, et sculptaient chaque détails de ce qu'il voyait dans sa mémoire. Ses cheveux gris se laissaient porter au rythme du vent, se déposant parfois sur ses yeux. Tellement absorbé par le spectacle, il ne bronchait pas, et ne semblait même pas le sentir. Peut être n'était t'il plus dans son corps, après tout. Ce n'était pas la première fois qu'elle le voyait ainsi, son regard concentré mais absent dans un même temps.
Kaith était beau. Il se dégageait de lui une certaine pureté, une beauté qu'elle avait aperçue chez les dragons, une souplesse et une légèreté sans égal. Elle savait au fond d'elle qu'il était bien destiné à être un dragonnier, même si lui en doutait. Plus rien ni personne n'avait depuis réussi à le convaincre du contraire, depuis qu'il avait tenté de nombreuses fois de se lier à un dragon, sans succès. Personne n'avait su lui apporter d'explications, alors son esprit maladroit s'était convaincu qu'il n'en n'était simplement pas digne, pas assez respectueux, pas assez sage pour le mériter.
Elle avait aperçue plusieurs larmes couler sur son visage fin, plusieurs fois même. Mais la douleur était toujours la même. Car les larmes, c'était tout ce qu'il lui restait. Il n'était même plus capable d'esquisser un sourire, ou bien ne serait ce qu'exprimer la tristesse à travers ses yeux. Il était désespérément vide, et il ne lui restait que ces quelques gouttelettes ruisselant contre ses joues maintenant légèrement creusées.
Elle ne put cette fois ci s'empêcher de s'approcher, et apposer délicatement ses mains sur le haut de son torse. Encore dos à elle, il tourna malgré tout légèrement la tête pour l'apercevoir du coin de l'œil. Elle souhaitait qu'il sente son cœur battre contre sa tempe. Elle souhaitait de tout son cœur qu'il ne se sente plus si seul. Alors elle amena sa poitrine contre le dos encore musclé du jeune homme, et ferma les yeux pour retenir la tristesse qui s'était emparée d'elle. Elle avait toujours était trop empathique, mais aujourd'hui, elle ne l'aurait regretté pour rien au monde. Il ne fit que murmurer, incapable de se confier autrement, mais il lui accorda sa confiance.
"- Je ne sais pas quoi faire... Quoi penser... Je vois tous ces dragons dans le ciel, qui m'appellent... Et je leur répond... Je sens nos âmes se lier entre elles, pour ne serait-ce que quelques minutes. Et pourtant... Il y a toujours cette force qui m'arrache à leur étreinte. Est ce que c'est moi le problème, Chester ? Est ce que c'est mon esprit, encore trop effrayé ?"
La jeune femme secoua légèrement la tête, incapable de répondre. Elle n'en savait rien, et n'en avait jamais rien su.
"- Je suis désolée Kaith... Tellement désolée que tu ai à subir ça...
- Ce n'est rien... Tu n'y es pour rien."
Ils restèrent ainsi de longues minutes, contemplant la beauté royale qui émanait de ces créatures.
Chester se tourna vers le haut de la colline, se sentant observer. Effectivement, tout la haut, elle aperçue une silhouette féminine. Le soleil l'empêchait de voir quoi que soit d'autre, alors elle secoua doucement le jeune homme. Celui ci se tourna vers elle, l'interrogeant du regard.
"- Quelqu'un nous observe, mais je ne sais pas qui c'est..."
Il avisa alors la forme sombre, et se leva de la carcasse de l'arbre.
"- Tu as parlé à quelqu'un de cet endroit ?
- Non, personne... Peut être que quelqu'un du village connaît aussi ce lieu ?"
Kaith ne fit qu'hausser les épaules, peu certain de cette hypothèse. Il passait des journées entières ici, et n'avait jamais vu personne. Après être resté de longues secondes sans bouger, la silhouette se décida enfin à descendre prudemment pour les rejoindre. Les yeux émeraude ne quittait pas la forme mouvante, à la recherche d'un détail pour reconnaître cette personne. Un reflet vint chatouiller son œil, qu'il plissa légèrement. Il reconnut alors une matière similaire à une armure, et sentit une vague d'espoir l'envahir. Un nom lui revenait en tête, sans qu'il ne comprenne pourquoi. Il ne lui avait jamais accordé grande importance, mais pourtant, son esprit semblait presque avoir oublié qu'il lui manquait une partie de lui même, obsédé par l'espoir de revoir cette personne. L'inconnue s'avança prudemment, une main sur sa tempe pour tenter d'y voir plus clair. Le regard verdoyant de Kaith s'accrocha à celui de l'invité surprise, et son cœur sembla rater quelques battements. Un nom, toujours le même nom, revenait sans cesse dans son esprit.
"- Astrid..."