Les jours, les semaines, les mois filèrent comme le vent, et le jour tant attendu de l’accouchement d’Ophélia arriva enfin.
Pour ce grand événement, père-Volden avait fait venir Martha, la doyenne du village et sage-femme.
Cette dernière était âgée d’une soixantaine d’années, vêtue d’une robe bleu foncé et ses cheveux grisonnants étaient coiffés en chignon.
Au vu de son âge, cette dame avait participé à de nombreux accouchements. Il semblait donc normal de la faire venir pour diriger cet événement. Bien entendu, elle était assistée par sa petite-fille Livia, qui souhaite prendre sa suite.
Cette jeune femme était âgée d’une vingtaine d’années, de longs cheveux bruns coiffés en queue-de-cheval et était habillée d’une robe bleu clair.
Évidemment, c’était aussi aujourd’hui que la Divinité Ogme avait prévu de nous rendre visite…
À mon avis, il a dû s’arranger avec père-Volden et mère-Ophélia pour pouvoir s’occuper de moi pendant l’accouchement.
Et moi qui voulais aider… même juste un peu…
Aujourd’hui, nous sommes le sixième jour du second mois de printemps, et l’après-midi commença sous les hurlements de douleur de mère-Ophélia. Et pendant ce temps-là, j’étais confiné dans la salle à manger avec la Divinité Ogme, qui était installé juste en face de moi.
Cette fois-ci, je reçus comme cadeau de sa part un livre d’instruction simple permettant d’apprendre à écrire.
Et comme j’avais visiblement un peu de temps pour moi, je pris alors l’initiative de le lire. Cependant, les cris de mère-Ophélia rendaient la chose impossible.
Chacun de ses cris était un déchirement à l’intérieur de moi.
C’était comme si on me tenait deux bouts de peau de mon ventre et qu’on tirait chaque bout dans des sens opposés, afin de m’ouvrir en deux et qu’ensuite, on me saisissait les intestins pour en faire des nœuds serrer, que l’on dénoue et que l’on renoue encore plus serrer, encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore…
Et la seule chose que je devais faire pendant ce temps-là, c’était juste d’attendre patiemment…
Il fallait juste, que j’attende que tout cela se finisse…
Voyant que le petit garçon ne parvenait pas à se concentrer une seule seconde, la Divinité Ogme ferma les yeux et se concentra, afin de canaliser son énergie.
Soudainement, une faible vague d’énergie provenant de la Divinité parcourue la pièce de part en part et c’est alors que, plus aucun son ne parvenait de l’extérieur de cette pièce.
Il y faisait maintenant calme, très calme.
Cette soudaine action de la Divinité fit sursauter Elwyn, car ce dernier n’avait encore jamais assisté à une magie d’Entité, quelle qu’elle soit.
— Maintenant, tu vas pouvoir te concentrer sur ce que tu fais.
Une fois remis de sa surprise, le petit garçon se mit à fixer la Divinité, en arborant un air interrogateur.
— Je viens tout juste d’isoler la pièce de toute forme de distraction extérieure. Ce n’est que l’une des capacités de mon Domaine.
Ayant reçu la réponse à sa question, avant même de l’avoir posé, Elwyn reprit alors son expression neutre habituelle, avant de poser une autre question.
— Professeur, c’est quoi un « Domaine » ?
Ogme prit un air sérieux avant de répondre.
— Depuis toujours, les Entités et les demi-Entités sont catégorisées par ce que l’on appelle un “Domaine“. Ce dernier permet de connaître la fonction ainsi que le genre de pouvoir que possède l’individu. Par exemple, moi, Ogme, je suis une Entité du Domaine du Savoir et de la Connaissance et en plus de cela, je détiens actuellement le titre de Divinité, car je suis l’Entité la plus puissante de ce Domaine. Quant à ma fonction, je récupère toutes les formes de savoir et de connaissance que possèdent les êtres de ce monde, et je les conserve dans une grande bibliothèque créée avec mes pouvoirs. Donc, pour faire simple, je suis l’actuel gardien de toute la mémoire du monde d’Ilnolia.
Cette soudaine révélation fit alors comprendre au petit garçon la raison pour laquelle ses parents adoptifs étaient toujours surpris et tendus, quand la Divinité Ogme leur rendait visite.
“La Divinité Ogme est quelqu’un de vraiment très important et de très occupé. Et malgré cela, il passe une partie de son précieux temps ici, avec moi.“
Quand il réussit à se remettre de cette nouvelle surprise, Elwyn posa une autre question, mais cette fois-ci avec une certaine réserve.
— Professeur, pouvez-vous me dire à quel Domaine j’appartiens ?
À cette importante question, Ogme posa un lourd regard pensif sur le petit garçon et pendant plusieurs longues secondes, il ne détacha pas son regard étoilé d’Elwyn.
C’est alors, qu’un léger rictus s’afficha sur le visage d’Ogme, habituellement impassible.
— Tu sais Elwyn, une Entité dévoue toute son existence à son domaine et il en est souvent de même pour les demi-Entités, comme toi. Donc, si je te disais maintenant quel était ton domaine, tu ne pourrais plus échapper à ton destin plus longtemps… Et en plus de cela, tu pourras facilement trouver qui était tes parents, étant donné que l’un d’eux était une Entité connue.
Cette réponse la Divinité ne surprit en aucun cas le petit garçon. En même temps, Ogme gardait très soigneusement ses informations sur les parents biologiques d’Elwyn pour lui.
“Si je comprends bien, ce n’est pas encore le bon moment…“
— En effet, ce n’est pas encore le bon moment. Tu sais, ce n’est pas dans le but de t’embêter que je fais tout cela. C’est pour te protéger, rien d’autre. Un jour tu sauras toute la vérité, je te le promets.
— D’accord…
Et le petit garçon se replongea dans sa lecture.
Le calme et le silence de la pièce rendaient le petit garçon de plus en plus nerveux au fil du temps qui passait.
Deux heures s'étaient maintenant écoulées et rien, pas la moindre nouvelle du monde extérieur.
— Elwyn. T’inquiéter ne changera en rien à ce qu’il se passe hors de cette pièce.
— Je sais mais…
— Mais rien du tout. Tu es censé être un enfant vivant encore dans un cocon protecteur et dans l’ignorance de la dureté et cruauté de ce monde. Donc, tu vas juste me recopier le premier caractère, comme indiquer sur la première page d’exercice, le plus proprement possible et oublier le monde extérieur.
— D’accord, je vais essayer, dit le petit garçon sans grande conviction.
— Bien, dans ce cas…
La Divinité sortit de l’une de ses sacoches, un bloc de papier et une petite boîte en bois ouvragé.
Dans cette dernière se trouvait un crayon de plomb en ébonite noir, dont le corps est habillé d’une résille en argent fin, finement taillée, ainsi que d’un stylographe de même faction, avec une plume en argent.
La Divinité déposa la boîte juste en face d’Elwyn et ce dernier l’ouvrit délicatement et s’émerveilla devant la qualité d’ouvrage de ces deux instruments d’écriture.
Pendant ce temps-là, la Divinité se saisissait du crayon de plomb et le mit entre son pouce et son index, sans qu’ils ne se rejoignent pour autant, avec la pointe dirigée vers le bas.
— Voici comment il faut tenir ton instrument d’écriture.
Le petit garçon pris alors le stylographe de sa boîte et le positionna entre son pouce et son index.
— C’est bien. Maintenant, pose doucement la pointe de la plume sur le papier et traces le caractère. Mais fais attention, la pointe de la plume est très fragile. Si tu appuies trop fort, tu risques de la plier et de la rendre inutilisable.
Elwyn s’exécuta et tenta de tracer un premier caractère.
— Vas-y un peu plus doucement, tu appuies encore trop fort sur la pointe. Sois doux, comme la caresse du vent sur la surface de la peau. Fais glisser ton stylographe, comme si tu glissais ton doigt sur une table fraîchement cirée.
Le petit garçon relâcha alors sa prise, afin de juste maintenir son instrument entre ses doigts et commença à le faire glisser lentement sur la feuille et retraça le caractère.
— C’est bien mieux, mais va plus vite dans ton tracé. Tu risques de faire des bavures d’encre, si tu laisses ta plume trop longtemps poser au même endroit.
Elwyn recommença, mais cette fois-ci en allant plus vite dans ses mouvements.
— Continue comme ça, tu es sur la bonne voie.
Le caractère tracé par le petit garçon n’était pas parfait, loin de là. Il n’était pas uniforme, ses tracés étaient irréguliers et il y avait des taches d’encre ici et là sur la feuille. Cependant, sa prise en main du stylographe était bonne et c’était tout ce qui comptait pour le moment.
C’est donc suite aux encouragements de la Divinité, que le petit garçon recommença à tracer le caractère, en essayant cette fois-ci de le faire de plus en plus petits et de manière plus précis à chaque tracé, comme les caractères de son livre.
Quatre heures passèrent comme cela.
Tout ce temps s’était écoulé, sans qu’Elwyn ne s’en rende compte. En même temps, ce dernier était complétement sous l’influence de « l’aura d’étude » de la Divinité.
Et pourtant, sur toute cette période de temps, il a quand même fallu remplir le réservoir du stylographe à plusieurs reprises, nettoyer les taches d’encre sur la table et, bien entendu, taper sur les mains d’Elwyn quand il voulait se saisir du livre avec les doigts plein d’encre.
Cependant, le petit garçon était quand même arrivé à tracer bon nombre de caractères différents et les feuilles commençaient à s’empiler doucement sur la table.
— Tu sais Elwyn, si tu continues à travailler comme cela, tu finiras par m’assister à l’académie.
Le petit garçon releva alors la tête vers la Divinité et afficha un air interrogateur. En guise de réponse, Ogme pointa la fenêtre se trouvant juste derrière Elwyn, et ce dernier vit que le soleil avait bien baissé.
— Déjà cette heure !
— Eh oui, que le temps passe vite quand on s’amuse… Si seulement les jours pouvaient être plus longs, ou les nuits plus lumineuses…
Elwyn tourna alors sa tête vers l’entrée de la pièce.
— Est-ce qu’ils ont fini ?
— Non, pas encore. On m’aurait prévenu si c’était le cas. Mais bon, je vais quand même aller les voir, histoire de prendre quelques nouvelles.
Le petit garçon se jeta sur cette opportunité venant d’apparaître devant lui.
— Je peux aussi venir ?
— Non. Toi, tu restes ici et tu continues d’écrire.
La réponse d’Ogme fut directe et sans appel.
Elwyn, dû alors se raviser à contre-coeur et resta assis sur sa chaise, pendant que la Divinité quitta la pièce, laissant le petit garçon seul avec lui-même.
Une fois hors de la salle à manger, Ogme fut immédiatement assaillie par les bruits du quotidien, car il n’était plus dans l’air d’effet de son aura. Et donc, avant même de s’avancer vers le salon, la Divinité analysa les sons ainsi que l’ambiance de la pièce, afin de se faire une petite idée de la situation actuelle.
De ce qu’il pouvait entendre, il y avait des pleurs, cependant, ils ne correspondirent pas à ceux d’un adulte, mais plutôt d’un bébé. Il y avait aussi des halètements difficiles, qui devaient provenir d’une femme, sans doute Ophélia. Et quant à l’atmosphère, il y avait une certaine lourdeur, dont s’ajouta une légère empreinte de peur et de panique dans l’atmosphère.
Ce dernier signe alarma la Divinité.
— Tout cela ne présage rien de bon…
La Divinité frappa à la porte du salon, afin de s’annoncer, avant de pénétrer prudemment dans la pièce.
Une fois dans le salon, Ogme analysa la situation.
Assise sur le second canapé, près de la cheminée, se trouvait la sage-femme, Martha, dont les bras étaient occupés par une boule de linge qu’elle balançait légèrement, sans doute, le bébé. Au centre de la pièce, se trouvait Ophélia, assise à même le sol, presque inconsciente, sous laquelle se trouvait une mare de sang grandissante. Juste derrière elle se trouvait Volden qui la maintenait dans ses bras, en arborant un visage paniqué et face à lui, se trouvait Livia, en panique, car cette dernière se trouvait dans la mare de sang et essaya de stopper le saignement.
La Divinité s’avança alors calmement vers Livia et s’accroupit juste à côté d’elle.
— Pouvez-vous me dire ce qui s’est passé ?
La jeune fille se tourna vers Ogme, les yeux emplis de larmes et dont la mâchoire tremblait à cause du stress et de la panique.
— T-t-t-tout se p-p-p-passait bien. Et là, elle… elle… elle a commencé à saigner et-et ça ne s’arrête pas…
— Je vois.
La Divinité se tourna ensuite vers Volden, qui tremblait comme une feuille.
— Volden, calmez-vous et écoutez. Il faut que vous preniez une grande inspiration et une fois calmer, dites-moi où je peux trouver le guérisseur le plus proche.
Volden s’exécuta et sans quitter Ogme du regard, il prit une grande et profonde inspiration, avant de répondre à la question de la Divinité, qui était extrêmement calme malgré cette situation critique.
— Il y en a un dans la ville d’Alina, au Sud, mais… c’est trop loin… Elle ne pourra pas… Elle ne pourra pas tenir jusque-là…, dit-il, avec le visage qui commençait à se couvrir de larmes.
Au vu de la situation, la Divinité commença à se frotta le visage, afin de trouver une solution.
Plusieurs longues secondes passèrent et cette solution tellement recherchée arriva enfin dans son esprit.
D’ailleurs, elle lui avait même quasiment sauté au visage.
En fait, elle lui était arrivée, quand il avait retiré de son visage ses mains encore recouvertes d’encre.
Ogme redressa alors la tête vers Volden, qui vit dans la réaction de la Divinité une lueur d’espoir, un peu amer quand même.
— J’ai peut-être une solution.
Rapidement, Ogme quitta le salon et rejoignit Elwyn dans la salle à manger, où ce dernier était resté tranquillement assis sur sa chaise et continuait à tracer des caractères sur sa feuille.
Quand la Divinité ouvrit la porte et entra dans la pièce, le petit garçon se tourna dans sa direction, avec une lueur d’espoir dans les yeux.
— Alors, comment ça se passe ?
Ogme s’approcha du petit garçon, prit la chaise la plus proche et s’installa juste à côté de lui.
La Divinité prit ensuite un air grave et regarda le petit garçon dans les yeux, avant de lui expliquer la situation.
— Pour être honnête, les choses ne se passent pas bien.
À cette information, le regard du petit garçon devint à son tour grave, mais il ne disait aucun mot et ne semblait pas trop décontenancer.
— Ophélia se trouve dans un état critique et il n’y a pas de guérisseur assez proche pour l’aider. En revanche, le bébé va bien.
— Je vois… C’est déjà ça… Que peut-on faire pour aider mère-Ophélia ?
La Divinité posa alors ses mains sur les épaules du petit garçon, avant de lui répondre les yeux dans les yeux.
— Elwyn, la situation actuelle m’oblige à me tourner vers toi, alors que tu n’es absolument pas prêt.
— Prêt à quoi ?
La Divinité marqua un court silence, avant de répondre.
— Elwyn, tu vas utiliser tes pouvoirs d’Entité et sauver Ophélia.
À cette demande, le petit garçon se figea de stupeur.
— Pardon ?
— Tu m’as bien entendu. C’est toi, qui soigneras Ophélia. Toi et toi seul.
Le regard de la Divinité n’était pas trompeur, le petit garçon vit en son sein, qu’il était extrêmement sérieux dans ses propos et qu’il n’avait pas le temps pour donner plus d’explications.
— Compris.
— Bien. Maintenant, je vais déverrouiller une certaine partie ta mémoire, afin que tu puisses juste facilement utiliser ton pouvoir.
Elwyn regarda la Divinité avec un air interrogateur.
— Déverrouillé ma mémoire ?
Sans répondre à la question, la Divinité posa rapidement sa main droite sur la tête du petit garçon et soudainement, une décharge d’énergie parcourue entièrement le crâne d’Elwyn, qui fut alors frappé de nausée et d’un mal de crâne particulièrement aiguë pendant un court moment.
Une fois qu’il en fut complétement remis, Ogme fit signe de la tête au petit garçon pour qu’il reste concentrer sur la situation, et ces derniers quittèrent la salle à manger en silence, afin de rejoindre les autres dans le salon.
Quand Elwyn arriva dans la pièce, il se sentit lourd et oppresser par l’ambiance qui y régnait actuellement.
Cette sensation lui étant des plus désagréables, il voulut la chassée en fermant les yeux et en prenant une grande inspiration et une lente expiration.
Une fois cela fait, la désagréable sensation le quitta complétement et c’est une fois l’esprit clair et calme, qu’Elwyn s’avança calmement vers ses parents adoptifs.
Quand Volden vit le petit garçon s’approcher de lui et d’Ophélia, il ne comprit pas la raison de sa présence et eut un réflexe de rejet de sa main droite.
— Elwyn ? Qu’est-ce que tu fais là ? Sors de cette pièce ! Un enfant n’a rien à faire ici.
À ces mots prononcés d’une voix forte, mais tremblotante, le petit garçon s’arrêta net et Livia, qui continuait à essayer de stopper l’hémorragie, s’immobilisa aussitôt et se tourna vers Elwyn, le visage complétement paniqué et tremblant.
Le petit garçon se tourna alors vers Ogme, qui s’avança alors vers lui et se mit juste à ses côtés.
— Volden. À l’heure actuelle, Elwyn est la seule personne capable de la sauver, alors, laisse-le faire.
Volden baissa alors la main, tout en regardant avec incompréhension la Divinité.
Pendant ce temps-là, Elwyn reprit sa route, s’installa juste à côté d’Ophélia et prit délicatement la main de la jeune femme, proche de l’inconscience, pour la caresser doucement.
De ce qu’il pouvait voir, Ophélia avait perdu beaucoup de sang et son teint avait bien pâli. De plus, sa respiration était lente et inconstante.
Une fois la situation comprise, Elwyn se tourna ensuite vers la Divinité.
— Je fais quoi maintenant ?
Ogme s’approcha du petit garçon et s’installa à ses côtés.
— Avant de commencer, sache que les Entités utilisent instinctivement leurs pouvoirs, donc, il n’existe pas d’écrit précis sur la façon de les utiliser. Cependant, je peux te prodiguer quelques conseils et informations.
— Quel genre d’informations ?
C’est avec une voix suffisamment basse, pour que juste Elwyn puisse entendre, qu’Ogme lui répondit.
— Comme tu dois le savoir maintenant, tes pouvoirs appartiennent au Domaine de la Vie. Ce qui veut dire, que tu as la capacité de soigner les êtres vivants.
Le petit garçon vérifia l’information avec ses nouvelles connaissances débloquées.
— En effet. Quoi d’autre ?
— Pour pouvoir la guérir, il faudra que tu gardes un contact physique avec elle.
Le petit garçon garda alors bien en main celle d’Ophélia.
— Compris. Ensuite ?
— Il faudrait que tu vides entièrement ton esprit, comme on vide un verre plein.
Elwyn ferma alors les yeux, prit une grande et profonde inspiration et une fois ses poumons pleins, il expira lentement.
Grâce à cette méthode, il évacua toutes les informations et pensées inutiles de son esprit, comme il l’avait fait quand il était entré dans le salon.
Une fois l’esprit clair et entièrement vide, le petit garçon ouvrit lentement les yeux et vit qu’il se trouvait maintenant dans une salle blanche.
En balayant la pièce du regard Elwyn vit qu’en face de lui, sur une table tout aussi blanche que la salle, était allongé Ophélia, inconsciente et figée comme une statue.
“Où suis-je ?“
À ce moment-là, une étincelante lumière émeraude apparut au-dessus de lui, illuminant toute la salle de sa simple présence.
Cette lumière émeraude dégageait quelque chose de chaleureux et très réconfortant, comme une paire de bras prêt à enlacer et réchauffer le plus froid des cœurs, jusqu’à même le faire fondre.
Le regard du petit garçon resta bloqué sur cette lumière, qui commença à se modeler afin de prendre une forme plus humanoïde.
Une fois formée, cette dernière s’installa ensuite de l’autre côté de la table, juste en face d’Elwyn.
— Qui êtes-vous ? Demanda le petit garçon.
— Je suis, toi. Ou plutôt ton pouvoir.
La voix de la lumière émeraude était douce, chaleureuse et féminine.
— D’accord, je vois…
Voyant qu’Elwyn semblait perturbé, la lumière humanoïde lui tendit la main droite, juste au-dessus de la table.
Le petit garçon la regarda passer au-dessus d’Ophélia, puis, une fois qu’elle s’était immobilisée, il avança vers elle et tendit lentement sa main, afin de pouvoir la prendre.
Cependant, juste avant qu’ils n’entrent en contact, la main de lumière pointa son index vers Ophélia.
— N’aurais-tu pas quelque chose de plus important à faire en ce moment même ?
Elwyn posa alors son regard vers Ophélia.
— Si mais… Comment ? Comment la sauver ?
— Alors là, c’est très simple. Cependant, comme tu ne sais pas, ou plutôt ne peux pas, encore utiliser correctement ton pouvoir, il va falloir que tu suives mes instructions à la lettre.
— Si vous le dites… Alors, que dois-je faire ?
L’être de lumière prit la main d’Elwyn et la posa contre le ventre d’Ophélia. Soudainement, les vêtements de la jeune femme se décomposèrent en particules de lumière émeraude, juste là où était posée la main du petit garçon.
— Que se passe-t-il ?
— Tout va bien. Regarde.
L’être de lumière glissa ensuite la main d’Elwyn tout le long du ventre de la jeune femme et ses vêtements se décomposèrent là où sa main se trouvait, puis ils se recomposèrent après chaque passage.
— C’est juste pour que tu puisses mieux voir les blessures externes à soigner.
— Je vois… Et ensuite ?
— Eh bien, comme elle n’a pas de blessure externe, il va falloir voir pour une blessure interne.
L’être de lumière poussa alors la main du petit garçon vers l’intérieur du ventre de la jeune femme et à ce moment-là, la chaire d’Ophélia disparue complétement, ne laissant que son squelette et ses organes interne à vue.
Cette vision interne du corps humain ne perturba en aucun cas le petit garçon, qui n’attendait qu’une seule chose, la suite des instructions.
Comprenant cela, l’être de lumière déplaça la main d’Elwyn, jusqu’à ce qu’il arrive au-dessus de l’utérus de la jeune femme.
— Regarde.
De sa main gauche, l’être de lumière montra au petit garçon, un petit morceau de membrane déchiré, se trouvant dans l’utérus de la jeune femme, remplissant petit à petit l’intérieur de celui-ci de sang.
— Elle est en train de se vider de son sang.
— Que dois-je faire pour arrêter cela ?
— Il va falloir détacher le morceau de placenta restant, purifier le sang écoulé, le faire retourner dans son corps et, finalement, refermer la plaie.
— D’accord… Je vais… essayer…
— Le faire. Tu vas le faire.
Elwyn fit alors un mouvement de pince avec son pouce et son index droit, afin de détacher, le plus délicatement possible, le morceau de placenta restant.
— J’ai détaché le morceau de placenta. Et ensuite ?
— Mets ton index sur la fuite de sang. Ensuite, imagine que le sang coulé hors de son corps retourne à l’intérieur d’elle, telle une rivière remontant jusqu’à sa source. Bien entendu, il faut que le sang passe à travers ton doigt pour le nettoyer, tel un filet de pêche séparant le poisson de l’eau.
Cette explication, très imagée et explicite de l’être de lumière, simplifia l’exécution de la procédure d’Elwyn, qui enchaîna les actions sans la moindre pause, ni question.
— Et maintenant ?
— Pour finir, fais glisser ton doigt sur la fuite de sang, en imaginant qu’elle se referme.
Elwyn s’exécuta et passa lentement son doigt le long de la paroi hémorragique, comme on passe un onguent sur une plaie, tout en imaginant les bords déchirés se rattacher petit à petit, comme un livre que l’on referme.
Une fois l’opération terminée, l’être de lumière souleva la main du petit garçon hors du corps d’Ophélia.
— Voilà, tu viens de terminer ta première guérison. Félicitations.
— Eh bien… Merci… Enfin, je crois…
— Sur ce, bonne chance pour la suite et prompt rétablissement.
— Pardon ?
À ce moment-là, l’être de lumière émit un flash émeraude aveuglant, forçant Elwyn à fermer ses yeux pendant plusieurs secondes, avant de pouvoir les rouvrir sur le salon, où il se trouvait assis.
Une fois conscient de son environnement, le petit garçon ressentit une fatigue extrême et soudainement, une douleur insupportable traversa tout son bas-ventre, similaire au déchirement qu’il avait ressenti quelques heures plus tôt, mais amplifié par dix.
Cette douleur insoutenable fit s’effondrer Elwyn en arrière, le faisant tomber dans l’inconscience.
Heureusement pour lui, Ogme vit que le petit garçon était en train de s’effondrer et le rattraper in extrémis dans ses bras.
La Divinité du Savoir et de la Connaissance avait tout vu de ce qu’il s’était passé, ou plutôt, tout ce qui était visible.
Quand le petit garçon avait fermé, puis rouvert ses yeux après s’être concentré, ses iris avaient changé de couleur et s’étaient mis à briller de mille feux.
En effet, le sort de dissimulation de l’anneau, qu’il lui avait offert et qu’il porte autour de son cou, avait été surpassé par ses pouvoirs, faisant ressortir sa couleur argentée naturelle.
À ce moment-là, Elwyn ne semblait plus être dans ce monde. Il était devenu imperméable à tous formes de perturbations externes.
Il était dans sa propre bulle, seul avec lui-même.
Ophélia, quant à elle, semblait s’être paisiblement endormie quand le petit garçon activa ses pouvoirs.
La seule chose visible de la guérison pour le monde extérieur était les déplacements de mains d’Elwyn sur le corps de la jeune femme et quand il les plongea à l’intérieur d’elle, tel un fantôme. Puis, quelques minutes plus tard, il reprit conscience du monde extérieur et s’effondra aussitôt.
Sur ces quelques petites minutes qu’avait prises la guérison, Ophélia avait repris des couleurs et son saignement interne avait totalement cessé.
— Félicitations Elwyn, tu as bien travaillé. Malheureusement pour toi, je dois te faire oublier une bonne partie de ce qui s’est passé…
Ogme tourna ensuite la tête vers Volden, abasourdi par ce qu’il venait de voir, et lui fit signe que tout allait bien.
Au final, toute cette histoire s’était bien passée aujourd’hui. Ophélia était en bonne santé et le bébé aussi.