Chapitre Six // Partie Deux

Alexandre, samedi 25 Novembre, 10h30

— Alex? Pourquoi est-ce que tu m'appelles?

Mon frère est intrigué au téléphone, et je le comprends. Ce n'est pas mon genre de l'appeler, généralement je vais chez lui si je veux lui parler de quelque chose, mais là je n'ai clairement pas le temps.

— Je dois voir Ezra cet après-midi, et je panique à fond. Tu peux m'aider? S'il te plait?

— Tu paniques, genre crise de panique, ou tu es juste très stressé?

Je sens la tension qui émane de Charlie au travers du téléphone.

— Oui, pardon, mauvais choix de mots. Je vais bien, sauf que je sais pas quoi faire, je sais pas comment je dois m'habiller, je sais pas ce que je vais pouvoir lui dire, je sais pas-

Mon frère m'interrompt, avant que je ne me lance dans une spirale de tout ce que je ne sais pas pour cet après-midi.

— Première chose, tu dois te calmer. Va t'asseoir dans ton salon, et respire. Ça ne sert à rien de paniquer, ça ne va rien résoudre.

Je fais ce qu'il me dit, et il dirige les exercices de respiration, comme si j'avais une réelle crise d'angoisse.

— Okay, je crois que c'est bon maintenant. C'est quoi la suite?

Charles se détend un peu, et déclare:

— Alors, comme je n'ai pas trop compris ce que tu disais, et si tu me racontais ce qu'il se passe pour que tu stresses comme ça?

Je souffle un coup et commence à lui raconter.

— J'ai... J'ai invité Ezra à boire un café, sauf que j'arrête pas de penser à ce qui pourrait mal se passer, et j'envisage de carrément ne pas y aller. Sauf que je veux y aller, vraiment! On s'entend vraiment bien, puis comme il m'a offert plusieurs verres, c'est le moindre que je puisse faire... Sauf que ma tête est pas d'accord.

— Bon, c'est plus clair maintenant! Tu as un rencard, et tu stresses.; C'est normal, ça, Alex! Ca arrive à tout le monde! Tu veux juste faire bonne impression.

— Attend, qui a parlé de rancard? C'est pas un rencard! On va juste boire un café!

Le rire de mon frère résonne dans mon téléphone.

— Ah, Alex. Si pure, si innocent. Est-ce que tu ne viens pas de me dire qu'il t'avait offert plusieurs verres. Et généralement, lorsque deux personnes s'aiment bien et commencent à se voir de plus en plus souvent et à s'offrir des trucs, à un moment donné ça devient des rencards.

— Ou-ou, juste une très bonne amitié?, je bégaye, même pas convaincu parce que je dis.

Après un court silence, je continue, en passant une main sur mon visage:

— T'as raison, c'est probablement un rencard... Je fais quoi, moi, maintenant? Et tu crois qu'Ezra pense que c'est un rencard, lui?

— Ben, je sais pas, moi! Je suis pas dans sa tête! Mais tu ne devrais pas t'inquiéter plus que ça: tu l'as seulement invité à boire un café, donc tu n'as pas besoin de t'habiller comme si tu allais à un mariage. Contente toi de t'habiller comme si c'était un jour normal! Reste décontracté, et tout se passera comme sur des roulettes.

Les paroles de mon frère me rassurent. Et au moins, maintenant, j'ai une piste par rapport à la façon dont je dois m'habiller!

— D'accord... Merci, Charlie, tu m'as vraiment aidé. Je te suis redevable, là.

Il éclate de rire, puis me répond que ce n'était rien, et qu'il était content d'avoir pu m'aider. Peu de temps après, il raccroche, et je me retrouve à nouveau seul face à mes doutes.

C'est vraiment un rencard?

*

*               *

J'ai de la chance, aujourd'hui le temps est radieux. Il y a des gens partout: je suis passé devant plusieurs groupes de jeunes, dont un qui jouait de la musique. Pendant quelques instants, j'étais resté figé pour les entendre jouer. Je laisse la lumière du soleil me caresser la visage, en écoutant la mélodie jouée à la guitare par le garçon devant moi.

— Alexandre!

J'entends mon nom, mais suis incapable de déterminer qui l'a dit ou d'où le cri venait. Alors que je voulais me retourner, une main se pose sur mon épaule, et je me retrouve face à Ezra.

Jamais je ne l'avais vu habillé comme ça, même lorsqu'il travaillait. Il portait un pantalon bordeaux, et un pull gris foncé sur une chemise blanche. Par dessus, il avait enfilé son habituel manteau noir. Ezra était encore plus beau qu'au mariage de Charles et Denise, et je ne pensais même pas que c'était possible jusqu'à aujourd'hui. Ses cheveux sont toujours en bataille, ce qui ne change pas de d'habitude, et son sourire est radieux.

— Ca va? Tu ne m'as pas attendu trop longtemps?

Je sors de ma torpeur et lui répond:

— Je-je viens seulement d'arriver, ne t'inquiète pas!

Je sais que je suis probablement devenu plus rouge qu'une tomate, mais j'essaie quand même de faire comme si de rien n'était.

— C'est cool! Alors, on y va?

Il se glisse à mes côtés, et laisse son bras passer au dessus de mes épaules. Moi, je ne sais pas trop quoi faire de mes bras et mes mains, alors je les laisse pendre à mes côtés. Je l'entraîne dans une rue adjacente au parc, qui est beaucoup moins bondée et où, enfin, on s'entend parler. Je prend mon courage à deux mains, et déclare:

— Au fait, j'aime beaucoup la façon dont tu t'es habillé. Ça te va super bien comme couleur!

Il a l'air surpris que je le complimente ainsi.

— Ah! Et bien merci. Pour être totalement honnête, je ne savais pas comment m'habiller, donc j'ai demandé de l'aide à Denise!

Il a l'air gêné, alors pour détendre l'atmosphère, je déclare:

— Pour être honnête, moi aussi, je ne savais pas comment m'habiller. En fait, ce matin, j'ai même dû appeler mon frère en catastrophe pour qu'il m'aide! J'étais tellement stressé que j'étais incapable de réfléchir correctement.

Un rire s'échappe des lèvres d'Ezra, aussi doux que d'habitude. Je n'ai aucun doute du fait qu'il se moque de moi, mais ça ne me dérange pas: c'était un peu le but recherché, après tout.

— Stressé? Mais Alex, pourquoi tu étais stressé? C'est juste moi, tu sais?

Pendant un instant, j'hésite à lui dire. Mais finalement, j'explique:

— Une part de moi savait que ça serait pareil que quand je viens te voir au bar, que ça sera la même ambiance, tout ça. Mais là, je sais pas, j'ai commencé à stresser. Puis quand j'ai téléphoné à Charlie, il m'a dit qu'en fait je t'avais invité à un rencard ou un truc du style, sans m'en rendre compte. Enfin, l'idée que ce soit un rencard ne me dérange pas hein, c'est juste que-

— Attend, il m'interrompt. Ça a été mon problème toute la journée. J'étais incapable de dire si c'était un rendez-vous ou non, c'est pour ça que j'ai demandé de l'aide à ma soeur!

Ezra doit s'arrêter tellement il rit fort. Même si je n'en suis pas à ce point là, je ris aussi.

— On est vraiment stupides, hein?

Une fois qu'il récupère une respiration assez calme, le brun me répond:

— Assez, ouais. Ça ne m'était jamais arrivé, comme histoire!

Après quelques minutes, je demande timidement:

— Alors... On fait quoi?

Il se tourne vers moi, surpris.

— Et bien... Je propose qu'on aille quand même boire ce café. Après tout, on a tellement stressé pour arriver ici, que maintenant on le mérite!

Ezra se rapproche de moi, et son bras se pose naturellement sur mes épaules, comme précédemment.

— Et pour la partie "Est-ce un rancard ou non", je te laisse décider!

Il accompagne ces derniers mots d'un clin d'oeil, et le sang me monte au visage.