Un conflit. Deux castes. Voilà comment cela a commencé. Une simple guerre de territoire. L'Entre-deux. Un No man's Land pourtant convoité. Chacun ses partisans. Chacun ses codes. Pourtant la même règle. La mort. Ils voulaient nous voir croupir dans notre propre sang. Et c'était réciproques.
Les batailles s'enchaînaient. Quotidiennement. Quelques fusillades. Peu de blessés. Seulement une haine inconsidérable. Les balles partaient. Traversaient ce territoire de compétition. S'abattaient sur les corps et les rochers. Aucun n'ayant l'avantage. Deux bataillons à armes égales. Chacun voulant piéger l'autre. Chacun voulant capturer l'autre. Nous avancions. Nous reculions.
Mais l'inévitable arriva. Un conflit. Plus importante. Plus féroce. Sans vraiment qu'on ne sache les raisons. Il fallait les anéantir. Les exterminer. Ce serait l'un des derniers. Le vainqueur sera le maître. Et moi, lieutenant, j'étais en premier ligne. Je motivais les troupes. Je les guidais. Une caste m'écoutait. Me respectait. L'autre voulait ma chute. Ma mort. Sans même connaitre mon visage.
Derrière leurs barils ils tiraient. Notre camps aussi. Ils faisaient diversions alors que nous nous faufilions entre les broussailles. Alors que nous attaquions directement leur base. Alors que nous les encerclions. Mais tout ce passa trop vite. Tout parti en fumée. Ils savaient. Ils nous attendaient. Ce fut une bataille directe. Courte aussi. Chacun s'éparpillant avec des adversaires à leurs trousses. Chacun élaborant sa propre stratégie pour nous sauver. Moi je me faisais discret. Éliminant des gardes ou des poursuivants. Utilisant un couteau ou mes poings. Dans le silence.
Lui aussi était là. Sérieux. Dans la marre d'humains et de sang, il dénotait. Entre les coups, on pouvait apercevoir l'étendu de sa puissance. De son agilité. De son pouvoir. De sa cruauté. Il tuait quiconque était suspect. Quiconque pouvant appartenir à notre caste. Parmi ses troupes agitées, il ordonnait. Recherchant le metteur en scène de cette mascarade. Celui qui avait réduit ses rangs. Moi.
Malheureusement pour lui. Je n'étais pas loin. Prêt à lui trancher la gorge. Attendant juste le moment propice. Mais il ne vient pas. Dans l'agitation les coups de feu avaient repris. On risquait à tout moment de s'effondrer. Ils cherchaient. Reniflaient. Débusquaient. Je risquait de me faire prendre à chaque pas. Et c'est ce qui arriva.
Une femme à la peau foncée se jeta sur moi. Nos corps roulant sur le sol d'herbe. Nos membres s'abattant sur ceux de l'autre. L'esprit ne voulant qu'une chose, fuir. Alors une course poursuite s'engagea. Nous passions de la forêt au camps. Sautions les obstacles. Écartions ce qui gênait. Nous nous battions de temps en temps jusqu'à ce que la mort la prenne. D'abord mon coude dans sa tête. Puis ma lame dans sa chaire. Elle s'écroula dans un soupir et je repartais.
Je suis pourchassé quelques secondes avant de trouver un jardin où je pourrais me reposer. Quelques corps gisaient de parts et d'autres des arbustes. Souillant la pelouse verdoyante. C'était notre sang déversé ici. Je m'allongeais sur le ventre adoptant une position à la fois macabre et de gué. Les tâches rouges sur mes habits et la puanteur qui émanait des cadavres rendaient la scène que plus réel. Ainsi, lorsqu'un soldat vint étudier les morts, il ne s'attarda pas. Contant que ce soit ceux de l'autre caste. Contant que aucun ne l'attaque. Il confirma donc rapidement mon assassina sans plus regarder.
Pendant une dizaine de minutes, j'échafaudais un plan pour atteindre leur chef. Je devais réussir. Quitte à être abattu en retour. Mais c'était la seule solution envisageable. De plus, Il devrait être sur le terrain. Simple à repérer. Simple à exécuter. Tout était prêt. J'allais le trouver. J'allais me battre quelques secondes à leurs côtés. J'allais me rapprocher. J'allais le tuer.
Avec le son de hurlements, un sourire naquit sur mon visage. Je m'élançais. A peine arrivé dans l'Entre-deux que les coups partaient. Je rassurais mes camarades d'un regard. Leur demandant de se laisser touché. Mais même après quelques minutes, il n'apparait pas. Je sus alors que ce ne serait pas si facile. Je m'avançais vers leur camps. Me cachant dans les broussailles. Passant par des tunnels de feuilles. Plusieurs fois, je reçus des balles perdu. Dans l'épaule. Dans les jambes. J'avançais plus doucement. Mais j'avais à présent une couverture.
Lorsque j'arrivai dans un nouveau tunnel, deux individus y étaient installés. Debout, ils avaient l'air d'attendre. Je ne les connaissais pas. Ce n'était pas des prisonniers. Mais ils ne réagirent pas correctement à mon entrée. Ce fut la peur et l'incertitude. Alors que ça aurait dû être l'incompréhension et la mise en garde. Ce n'était pas des soldats.
Ils changèrent de comportement après m'avoir étudier quelques secondes. Apparemment je ne représentais pas une menace vu mon étant. Et me prenant sûrement pour l'un des leur, ils essayèrent de m'aider. Cependant, en entendant sa voix, je me jetais à terre. Mimant à mes deux compères que je comptais faire le mort. Une fois de plus.
Il entra dans les feuillages. C'était fini. Il me vit. C'était fini. Aucune des deux personnes ne parla. C'était fini. Il s'approcha. C'était fini. Il me retourna. C'était fini. Sa main sur ma plaie, je gémi. C'était fini.
« Emmenez le lui aussi. Directement au bloc médical, il saigne beaucoup. Faites attention. Et soyez attentifs, j'ordonnerai bientôt le repli. Il y a trop de pertes. »
Sur ce, il parti. Laissant une équipe de soignant à nos côtés. Nous parcourons le reste de chemin. Sous la protection de deux gardes. Si j'étais sur un brancard, les deux autres marchaient. Mais on suivait leur rythme. De nouveau, la puanteur des cadavres emplie l'air. De nouveau, des cris et des coups de feu parviennent à nos oreilles. Cependant, on pouvait sentir que ça se terminerai bientôt. Les soldats revenait. Un camarade sous le bras. Couvert de sang. L'épaule déboité. Aux bord des larmes. Il y avait de tout. Sauf des sourires victorieux. Des acclamations. Ou des fêtes.
Parce que oui. Malgré toutes ces pertes. Ils avaient gagné. Ils nous avaient contré. Capturé notre lieutenant. Et décimé nos rangs. Il était peu probable que nous attaquions avant longtemps. La victoire était leur. Était sienne. Mais ça ne durerait pas longtemps. J'étais entre leurs mains. Il était aussi à ma portée. Et je ne laisserai pas passer cette occasion.
18 février 2023