chapitre un, ou la morsure de la présentation

Notes de l’auteur : hey hey hey sweetie :)

comment allez vous? j'avais tellement hâte de sortir enfin la suite!

j'espère vraiment que ce livre, enfin ce début de livre, vous plaît autant que ça me plaît de l'écrire. le départ est certes un peu lent, mais je crains tant d'aller trop vite que je prends simplement mon temps

avez vous déjà subit le fait de devoir se présenter, à la rentrée? un sacré traumatisme, pour ma part.

n'hésitez pas à offrir quelques commentaires à ce livre, et à vous abonner, ça me ferait immensément plaisir x)

n'oubliez pas de sourire ;)

Mélodie :)

Je vois se dessiner la silhouette de ce fameux « nouveau lycée ». Plutôt banal, un établissement scolaire très semblable aux autres. Puis des gens, des gens, une véritable marée. Je tremble, mes poumons sont serrés comme prisonniers d'un étau. Je crois que j'ai du mal à respirer. Mon dieu, les corps s'agitent, défilent autour de moi, les visages, comme des masques, si semblables, s'enchaînent. Sans un mot, sans une respiration de trop, mes pas saccadés me font suivre les autres, même si je voudrais courir dans l'autre sens. La foule se presse devant un panneau, sur lequel quelques feuilles sont punaisées. Je cherche mon nom, mais de loin je n'arrive pas à bien voir. Je dois attendre que la majeure partie des gens soient partis pour enfin oser m'approcher. À côté de moi, une fille marmonne : « Et merde, encore la classe d'Albain, je suis fichue. » Mes yeux se promènent sur les papiers, je ne tarde pas à m'y trouver. Je suis en A. Je compte le nombre d'élève : 32. Génial, j'espère que les salles de classe sont grandes. Un rapide coup d'œil m'informe des prénoms de mes futurs collègues. J'en croise quelques uns amusants (une certaine « Feng », et un « Vladimir » notamment), puis constate de la présence d'un « Albain ». Serai-ce celui après lequel la fille râlait ? Je prie pour que ça ne soit pas le cas. En général, quand une fille râle après un gars, ce n'est pas très bon présage quand à sa personnalité. Les élèves sont appelés, et c'est parmi les derniers que je me faufile dans l'amphithéâtre. Rien que la vision de cette masse informe de corps me donne la nausée, et je me replie. Le directeur fait un discours, plein de mots creux, que je n'écoute guère d'une oreille. Mes yeux se perdent de l'autre côté des fenêtres que l'on voit, là-haut, si loin au dessus de nous. On y aperçoit un bout de ciel. Dans un fracas assourdissant qui fait crier mon cœur, les gens se lèvent, la foule avance, droit vers là où je suis. J'ai peur, je me flanque sur le côté, prie pour que rien ne me touche. Une fois de plus, c'est après toute la tumulte du passage des corps que j'ose prendre le couloir. Et qu'enfin, j'en sors. Là, une femme plutôt âgée m'interpelle :

-Tu sais dans quelle classe tu es ? Dépêche toi de rejoindre ton groupe !

Je balbutie une réponse brève : « Je les ai perdus de vue... »

-Tu es en quoi ?

-En première A.

-C'est là-bas, avec Monsieur Rifond.

Elle me montre un groupe agité, qui s'éloigne petit à petit. Je la remercie en un soupir et les rejoint, me sentant terriblement dépareillé. L'homme qui les guide, qui doit être le M.Rifond en question, a le crâne si délaissé par les cheveux que le soleil s'y reflète. Il porte un pull verdâtre uni, avec un bermuda. Mais vu la quantité de poil sur ses mollets, il ne doit pas avoir froid. Bon sang, Mathias, pourquoi tu penses ça ? Mes pas m'entraînent à la suite des élèves. On entre dans le bâtiment, le prof annonce :

-Bon, j'ai pas toute la journée, alors je compte sur vous pour être calmes et me laisser faire mon travail. On est le premier jour, mais la vie scolaire est ouverte, et les papiers des heures de colle aussi. (Il fait tourner ses clefs dans la serrure d'une porte du deuxième étage, auquel nous sommes montés.) Entrez avec douceur et tact. Joseph dort.

Quelques élèves rigolent, puis se pressent à l'intérieur. Immédiatement, comme un flot continu, tous les corps entrent, dans un joyeux brouhaha étudiant. Le professeur râle. Au fond de la salle, vers où je me dirige, un iguane est affalé dans son vivarium. Suis-je réellement dans un lycée ? S'il s'agit bien de Joseph, les voix des élèves n'ont pas l'air de le déranger outre-mesure.

-Bien, articule M.Rifond. Nous allons faire un petit tour de présentation. Je vais vous appeler, par ordre alphabétique, vous viendrez au tableau vous décrire en quelques mots et prendre votre emploi du temps.

Oh non. Tout mais pas ça. Je ne fais même pas attention aux premiers élèves à passer, tant je suis concentré sur le rythme désespéré de ma respiration. Mathias, Mathias je t'en prie, calme-toi. C'est pas si grave. Puis tout le monde le fait. Tu ne vas pas être paralysé. L'appel de mon nom me tire de ma torpeur. Je prends une grande inspiration, et c'est en apnée que je rejoins le tableau. Je fixe le sol, mon cœur bat à tout rompre. Ne penses pas aux visages, à tous les regards rivés sur toi. Tu es terrorisé, Mathias, mais courage. J'entrouvre la bouche :

-Je m'appelle Mathias... j'aime la natation... et le piano... j'étais dans un autre lycée, avant...

Je me tais, avale ma salive, prends l'emploi du temps que M.Rifond me tend, et retourne à ma place. Mathias, tu t'es ridiculisé en beauté. Je te félicite. Mais maintenant, la pression retombe un peu. Je relève les yeux, pour voir quelqu'un d'autre prendre ma place au tableau. Il est plutôt grand, les cheveux bruns châtains foncés et les yeux pétillant. Il est beau. Il ne semble pas dérangé par les regards posés sur lui.

-Je m'appelle Albain, commence-t-il, j'aime l'escalade, la musique et je voudrais être botaniste. Ou guitariste. Ou peut-être explorateur. Ou astrophysicien. Non, pas astrophysicien, je suis nul en physique.

Il a l'air un peu paumé. Mais si l'on se fie à son sourire, il n'a pas l'air d'être dérangé par la situation.

-Merci, Albain. Attends ! (l'élève commençait à partir). Et ton emploi du temps ?

-Ah oui, merci monsieur, sourit innocemment le concerné en revenant sur ses pas.

Alors c'est lui, le fameux Albain ? Pourquoi, fameux ? Je n'ai entendu son nom que de la bouche d'une inconnue, à côté de moi. Pourtant, c'est peut-être le seul que j'ai réellement retenu. Je perds mes yeux entre les visages, la plupart sont oubliables. Mon regard s'accroche sur... Joseph. L'iguane dort toujours. Ou du moins, fait toujours le paisible cadavre.

C'est la fille de tout à l'heure, je crois, qui monte au tableau.

-Je m'appelle Feng. Oui, je suis bien chinoise. J'aime la couture, nager, les porte-clefs et la flûte à bec.

Ses yeux rieurs incitent à sourire, c'est fou. Juste derrière elle, un garçon blond, au visage charmeur, caché derrière d'apparentes lunettes rondes.

-Je m'appelle Lucien, j'aime beaucoup le cinéma... et la musique, aussi. Hem, j'aimerais bien être producteur, plus tard.

Ah, enfin quelqu'un de normal qui n'a pas l'air à l'aise. Il balbutie un « merci » au professeur qui lui tend son emploi du temps, et retourne s'asseoir, au premier rang. Quelques élèves passent, et disparaissent immédiatement. Je me sens tellement seul. La fenêtre, seule issue, laisse apercevoir une rangée de platanes, en contrebas. Et une route, qu'un bus traverse. Mon emploi du temps est inintéressant, sûrement à peu près le même que mes camarades. Peut-être n'ont-ils juste pas choisi les mêmes enseignements de spécialité que moi. Je regarde distraitement les noms de mes futurs enseignants, et note que M.Rifond, non content d'être notre référent, est professeur de mathématiques. L'année s'annonce grandiose. Je joue nerveusement avec le capuchon de mon stylo, tandis que, lentement, le temps s'écoule. Les élèves bavardent. Joseph n'a pas bougé d'une écaille lorsque la sonnerie retenti. En moins d'une minute, la moitié des élèves se sont enfuis dans les couloirs. Je plie soigneusement mon emploi du temps et le glisse dans mon sac, encore étrangement léger.

Dans le couloir, les carreaux du carrelage défilent, identiques les uns aux autres. La tête blasée des gens ne fait pas attention à ce fantôme qui se glisse silencieusement entre eux. Je me défile entre les corps, l'arrêt de bus grouille de monde.

Allez Mathias, c'est comme l'an dernier. Ne regarde que l'horizon, comme si ton bus allait arriver à la seconde suivante. Enfonce dans tes oreilles ces fichus écouteurs, monte le son, efface le monde. Mon cœur bat fort, quand dans le bus je suis bousculé. Le troupeau étudiant se déplace en masse, je me sens comme un grain de sable face à la vague. Comme tous les autres grains de sables, mais différent, et tellement faible. Je jette un coup d'œil au papier que ma mère a attentivement glissé dans mes mains, ce matin. Je descends au termius, puis prend la ligne 10, direction Théophile Gauthier. De là, cinq arrêts, puis un autre bus, dont je connais mon l'arrêt, puisqu'il est face à chez moi.

Ma maison me semble sombre, aujourd'hui. Triste de ne pas être allé nager ce soir, je monte dans ma chambre. Ma mère n'est pas encore là, elle rentrera tard. De la fenêtre, je regarde le soleil commencer à s'enfuir. Reste un peu, petit soleil, d'où viendra ma chaleur sans toi ? Sous les combes, le plafond penche, comme s'il plongeait dans le mur. Sous ses fissures qui courent dans le plâtre, un mobilier simple. Mon lit, large, à force que je tombe de l'ancien, et mon bureau, ou les feuilles de cours ne sont pas encore entassées vulgairement. Et mon piano, sur lequel un aloe vera fait la tête. Ce géant noir, mordu par la couleur orangée du mur qui l'entoure, voilà encore longtemps qu'il est laissé à l'abandon. Le plancher se tord au rythme des respirations du bois, le soleil s'éloigne encore d'avantage. J'allume mon enceinte. Branchée à mon téléphone, les premières notes commencent à retentir dans la petite immensité de cette chambre, que même son propriétaire n'habite qu'à moitié. Mon corps tombe sur le lit. Mathias, pourquoi tu te sens si mal ? Pourquoi ta gorge est coincée, comme ça ? Respire, Mathias, respire. Les rayons rougeâtres de l'astre fuyard peignent les murs de sombre et chaleureuses ombres, et mon esprit de pensées amères. Je ferme les yeux, et fait fuir une larme qui s'était coincée au coin de ma paupière. Malgré moi, une jumelle la rejoint, et bientôt elles sont des dizaines à venir mouiller les draps. J'ai l'impression d'être sur le point d'éclater. J'ai si mal, si mal, cette journée était une véritable torture. « L'anxiété sociale », dirait ma mère. « La différence, la singularité, la solitude, la faiblesse », hurle mon cerveau. Tu étais si faible, Mathias, c'en était à mourir de rire. Ou mourir tout court. C'est comme l'an dernier, putain mais regarde toi ! Mon ventre se tord, ma gorge se tord, ma bouche se tord. Mathias tordu, redresse-toi. Le soleil a disparu. Il faut allumer la lumière, ou tu vas rester dans le noir. Je n'aime pas le noir, ou mes ombres dansent à m'en faire perdre la tête. Et les valses insomniaques m'emportent, je dérape et heurte violemment ma réalité. Ma vue est brouillée par des gouttes salées, je fixe la lampe, triste, seule et éteinte, qui pendouille de mon plafond. Je devrais en ajouter une sur mon piano, une lampe de chevet. Mais toutes les lampes du monde ne sauraient réellement m'éclairer, je le sais, au fond. Et plus la factice sensation de flotter m'enveloppe, plus les ombres me grimpent dessus. J'ai mal... le son d'une porte qui se ferme me fait m'accrocher aux draps plus que de raison. Mes bras remontent, soulève peut-être un pan de T-shirt, au passage. Mes mains s'agrippent à mes épaules, en tirent la peau. Je voudrais m'arracher, avant de remettre les pieds dans cette salle de classe, avant de revoir les masques-visages défiler, avant de me faire arracher par un autre. Je me sens totalement fou. C'est quoi, ce vide ? Tu l'aimes ? Qui, Nathaniel ? Plus que de raison, peut-être. Non, je le hais. Allez, il a disparu, c'est bon. Il sera remplacé. Laisse son ombre lâcher tes pas. Lâche mes pas, Nathaniel. Tout va bien. Non, rien ne va bien, ça va mal, ça va mal, ça brûle. Je me sens eu, eu par le sort. C'est quoi, cette route ? Quand est-ce que j'ai prit le mauvais chemin ? Je me suis perdu ? Je fais du sur place, au lieu d'avancer. Et je pleure, je me tords d'avantage. Allez, Mathias, tu n'iras nulle part comme ça. Essuie-moi ces larmes.

Des pas dans l'escalier. Des pas qui montent.

-Tout va bien, mon chou ?

Je me redresse.

-Je t'ai dit de toquer avant d'entrer, maman.

-Ta porte était ouverte.

C'est faux, je ferme toujours ma porte, pour que plus d'ombres n'entrent pas, ou pour que celles déjà là ne sortent pas. Mais je me tais.

-Tu as préparé quelque chose à manger ? Continue-t-elle, tu es rentré à quelle heure ? Tu t'es fait des amis ?

-Je n'ai rien préparé... je n'y ai pas pensé.

Je me lève, elle s'assoit sur mon lit.

-Mon cœur, tu ne m'as pas répondu. Tes camarades sont sympas ?

-J'en sais rien, j'ai parlé à personne.

Mon ton est peut-être plus sec que je ne le voudrais. Je me sens attaqué, maman. Tu sais que ces questions ne sont pas bonnes pour moi, y as-tu déjà prêté attention ? Elle hausse les sourcils.

-Je vais mettre des pâtes à cuir. Tu veux m'aider ?

Je descend avec elle. La maison me semble si vide.

 

 

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