Comme convenu, Oria s'était levée à minuit et demi. Elle n'avait pas dormi plus d'une heure trente, mais étonnement ses paupières n'étaient pas lourdes, ni même embuées de fatigue. Elle troqua son short et son débardeur contre un tee shirt et un jeans déchiré sur les genoux. Elle coiffa rapidement ses cheveux dans une queue de cheval, puis quitta son bâtiment sans un bruit. Une fois dehors, elle eut une courte hésitation, elle était en train d'enfreindre les règles, et elle risquait gros si quelqu'un la surprenait ici à une heure pareille. Alors autant ne pas traîner. L'air était très frais, elle traversa la cours intérieur, regardant toujours devant elle. Toutes les lumières étaient éteintes, ce qui la conforta dans son choix. Elle pénétra dans le bâtiment administratif et referma la porte derrière elle. La pièce du hall l'impressionna. La lumière bleutée de la lune n'avait rien de rassurant. Elle se sentit si petite et faible face à l'immensité de cette salle. Elle décida de ne pas traîner une seconde de plus et emprunta le chemin de l'infirmerie. Elle avança plus doucement tâtonnante, voulant être sûre de ne rien renverser. Elle inspira un grand coup avant de pousser la porte. Personne dans le bureau. Le soulagement fut immense, et vu l'ordre et le sol luisant, les agents de ménage avaient terminé leur travail depuis un petit moment. Elle s'aventura alors dans le couloir menant aux chambres des malades. Eleven lui avait dis chambre quatre. Celle tout au fond. Toutes les portes étaient fermés, et l'on entendait les respirations calmes et endormis des patients. Elle avançaient doucement, le couloir étriqué et ne possédant aucune lumière éveillé en elle une légère angoisse. Devant la quatrième porte, elle se figea. Dans quel état allait-elle le trouver ? Allait-il être dans le coma ? Simplement endormi ? Arriverait-elle à le regarder ? À lui parler ? Elle eut envie de faire demi tour, mais elle ne voulait pas non plus l'abandonner après l'acte héroïque dont il avait fait preuve. Sans plus tarder elle poussa la porte et entra. Il faisait noir, elle distinguait simplement deux lits sur lesquels reposaient deux corps inanimés. Elle avança doucement vers l'un d'entre eux. Il s'agissait de Jugde. Elle se crispa en voyant son visage encore plus pâle que d'habitude, sa lèvre sectionné en deux, les strips sur son front, les points de suture sur sa gorge et les nombreuses tâches de sang encore présentes. Elle s'appuya quelques secondes sur la table de nuit et le quitta du regard. Elle ne pouvait regarder ça un instant de plus. Cela lui donnait des hauts le coeur. Elle s'approcha ensuite du corps du principal intéressé de sa venue. Il était moins blessé, mais les traces de sang étaient encore visibles sur son doux visage. Elle souleva la chaise du sol et s'installa auprès de Cryo. Elle attrapa sa main et doucement elle commença à lui murmurer :
"- Cryo... Je suis tellement désolée. C'est de ma faute tout ça. Si j'avais été prête tu ne serais pas là aujourd'hui. Merci pour ce que tu as fais. Je te dois sûrement la vie aujourd'hui... en tout cas, tu as été impressionnant. Tu es très fort. Même dans les livres, je n'avais jamais imaginé de tel chose. Tu peux être très fier de toi. Mais comme on avait aucune nouvelle, et j'avais peur de te trouver mort. C'est pour ça que je suis là.... et je suis ridicule.. tu ne dois même pas m'entendre ! Mais il fallait aussi que je te dise quelque chose. Je crois que j'ai fais une énorme bêtise. Ce matin, le professeur d'entraînement m'a demandé ce que j'avais pensé de la journée de samedi... Cryo je suis désolée..! Je ne sais pas ce qu'il m'a pris... mais je crois que j'ai fais un peu trop de bruit. J'ai dis un peu trop haut ce que sûrement beaucoup pensaient trop bas. Et... Zad.... il a comprit que je t'avais vu, que tu m'avais sauvé.. pardonne moi..! Mais il m'a juré de ne rien dire, il semblait vraiment sincère. Ce n'était pas ce que je voulais
Le corps de Cryo se contracta. Elle ne savait pas si il s'agissait d'une quelconque douleur, ou si son inconscient entendait ses aveux et manifestait sa colère. Elle se mordit la lèvre et lâcha immédiatement sa main. Elle se sentait tellement responsable de son état, et voilà qu'elle lui rajoutait encore une charge. Elle commença à se dire qu'il avait raison. Qu'elle aurait dû rester silencieuse. Le remord la rongea. Le corps face à elle semblait soudainement la haïr. Elle tenta de reculer, mais elle se trouva très rapidement bloquée par le dossier de sa chaise. Elle porta alors sa main à sa bouche et commença à ronger ses ongles. Il était désormais une heure du matin. Elle était plongée dans le silence qui se voulait de plus en plus menaçant et écrasant. Lorsque que son dos fut parcouru d'un frisson, elle décida de partir, elle se leva précipitamment de sa chaise et entreprit de la remettre à sa place. Mais un son provenant de derrière elle la glaça sur place. Elle ne bougeait plus d'un centimètre, elle repensa au parole de Cryo et à la sensation ressentie au bord de cet étang. Elle ferma ses yeux, et se concentra sur chaque son présent entre ses quatre murs. Elle trouva d'abord la respiration calme de Cryo, elle se laissa alors guider plus loin. Elle se stoppa elle-même de respirer afin de ne manquer aucun élément. Mais après quelques secondes, il lui sembla comprendre. Elle ouvrit grand les yeux et se retourna. Elle poussa un cris d'effroi face à ce qui tenait sous ses yeux. De manière incontrôlée, ses larmes envahirent ses yeux et dévalèrent ses joues de porcelaine sans s'arrêter, son souffle refusa de reprendre, elle se trouva l'instant de quelques secondes, paralysée. Quand elle retrouva l'usage de son corps, elle se précipita vers celui de Jugde. Ce dernier ne respirait plus, elle s'empressa de vérifier les battements de son cœur. Son effroi redoubla en réalisant qu'ils étaient presque arrêtés. Elle secoua le jeune homme au cheveux blanc dans l'espoir de le faire repartir. Mais sa tentative fut vaine. Oria s'effondra à genoux à côté du corps livide. Elle retint un hurlement, enfonçant sa tête dans ses bras, et enfonçant ses ongles dans sa chaire gelée. Elle se trouva à pleurer toutes les larmes de son corps, le suppliant de revenir. Toute sa haine envers lui s'était envolé en un instant. Elle refusait de le voir mourir sous ses yeux, impuissante. Il lui devenait de plus en plus difficile d'avaler, cela devenait même une tâche impossible. Elle sentait son corps faiblir à vitesse grand V. Elle ne voulait pas croire, que si elle levait le regard, elle se serait nez à nez avec le cadavre de celui qu'elle avait observé se battre trois jours plus tôt, admirant sa puissance et son audace malgré son arrogance. Et alors qu'elle voulu s'enfuir en courant, loin de cette école de fou, elle sentit une sensation étrange s'échappait de ses mains. Apeurée, elle s'écarta brutalement du corps de Jugde, tombant totalement au sol, elle se recroquevilla sur elle-même, plus faible que jamais. Elle ferma les yeux et supplia que ce cauchemar s'arrête. Elle voulait se réveiller dans son lit et que rien ne se soit jamais produit. Elle ne respirait plus convenablement, son corps ne cessait de trembler contre son gré. Elle sentit la nausée montait en elle, et l'angoisse tétaniser ses muscles un à un.
Jugde, lui, fut parcouru par une fine lumière claire. Elle traversa chaque petits vaisseaux sanguins, pour finalement atteindre le cœur où elle se déploya à travers tout son corps. Le jeune homme qui se sentait jusqu'alors très lourd, endormi pour ce qui devait être l'éternité, se trouva plus léger, comme soulagé de ses maux. Ses paupières commencèrent doucement à papillonner, jusqu'à s'ouvrir entièrement. Il mit un temps avant de reprendre nettement ses esprits, fixant le plafond. Il ne comprenait pas bien ce qui venait de se produire. Mais revenu à lui, il fut interpellé par les sanglots d'Oria. Il tourna difficilement la tête vers le sol. Il plissa les yeux pour tenter d'identifier le corps tétanisé plongé dans la pénombre. Il reconnu aisément la silhouette féminine, ce qui élimina la piste de Cryo, mais il ne parvenait pas à déceler à qui il appartenait. Il prit le temps, ne voulant pas se précipiter, pour une fois. La personne semblait plutôt petite, assez menue. Mais ce qui requit toute son attention, fut le son émit par les sanglots. Il les avait déjà entendu, cela lui disait quelque chose. Il s'autorisa quelques secondes de réflexion, puis une fois sûre de lui, il murmura faiblement :
"- Oria...?"
La jeune femme sursauta en attendant son nom. Ses sanglots se stoppèrent net, puis elle se redressa doucement. Comprenant que la voix ne venait pas de Cryo mais de Jugde, elle prononça doucement :
"- O...oui....?
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi es-tu au sol..? Demanda-t-il en essayant de se redresser.
- Je..."
Comment pouvait-elle justifier son état ? Lui dire qu'elle était dans cette état car il était mort juste devant elle dix minutes plus tôt ? Cela lui sembla dérisoire. Il n'y croirait pas et se moquerait encore d'elle. Dire qu'elle ne savait pas, la ridiculiserait tout autant. Alors elle prit la décision de s'asseoir, attirant ses genoux contre sa poitrine, se plaçant face à lui, elle lui adressa un regard de profonde détresse.
"- Oria... soupir a-t-il. Lève toi... assied toi sur la chaise au moins...
- N..non... sanglota-t-elle.
- Pourquoi tu es dans cet état ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?"
Il ne put s'empêcher d'éprouver de l'inquiétude pour la jeune femme. La détresse dans son regard ne reflétait rien de bon et il en sentit la profondeur. Il ne croyait pas un seul instant à de la comédie. Il n'avait pas la force de se montrer arrogant. Il attendit alors sagement qu'elle se décide à parler.
"- J..Je... ton .... cœur s'est arrêté Jugde...et...et tu ne... respirais ...plus...." avoua-t-elle, ne mesurant pas ses mots et leurs possibles impacts.
L'homme au cheveux blanc resta quelques secondes la bouche entre ouverte de surprise. Il ne s'attendait pas à ça, il s'était en effet bel et bien senti partir, mais il ne pensait pas qu'il s'agissait de la mort qui avait tenté de le prendre sous son aile.
"- Oria... Oria lève toi et vient t'asseoir s'il te plait...
- Mais... Jugde....
- Il n'y a pas de mais. Lève toi."
Sentant son ton se durcir à nouveau, elle se leva difficilement du sol, ses jambes encore tremblantes. Elle avança pas à pas vers le lit de Jugde. Mais une fois à quelques centimètres de celui-ci, elle réalisa que la chaise se trouvait à l'autre bout de la pièce. Jugde remarqua sans mal qu'elle ne sentait pas en capacité de faire l'allé retour. Ses muscles tétanisés en témoignait. Alors il se décala tant bien que mal sur son lit pour laisser la benjamine prendre place. Elle accepta de s'asseoir après une courte hésitation. Il se sentait faible et rêvait de fermer ses yeux. Mais il se voyait mal la laisser comme ça, de plus, il savait qu'il ne trouverait pas le sommeil si elle continuait à pleurer ainsi.
"- Calme toi Oria... Je suis vivant, tout va bien..."
En prononçant ses mots, il se demanda bien comment il pouvait être vivant alors qu'il lui avait semblé être parti si loin dans l'oubli.
"- Est ce que....tu veux bien..me dire ce que tu as fais quand tu as ..compris que j'étais en train de mourir ?" Demanda-t-il a demi mot, pas vraiment certain que cela aiderait la jeune femme à s'apaiser.
"- Je... Je me suis... effondrée... Je ne savais pas à qui m'adressait pour avoir de l'aide.. excuse moi.. expliqua-t-elle encore sanglotante.
- Rien que ça ? Insista Jugde dont la curiosité avait été piqué.
- Il.... y a une.. une sensation étrange dans ma main....et Je suis tombée au sol.. comme une merde."
Il comprit immédiatement ce que cette sensation signifiait. Oria avait usé de son pouvoir presque sans le savoir, elle en avait usé presque de la manière la plus puissante qu'il soit, et elle l'avait ramené à la vie. Elle l'avait sauvé. Il lui devait la vie. À cette idée, sa mâchoire se contracta. L'envie de l'envoyer se faire voir le rongea, mais il préféra se contenir pour cette fois, conscient qu'il ne pouvait pas se le permettre, et tout de même reconnaissant. Mais il ne dirait rien sur la signification de cette sensation. Il refusait qu'elle sache qu'il lui était redevable.
"- Ne dit pas ça de toi Oria... recommença-t-il. Tu n'as pas été une merde, mais ce que tu as vu à du te déstabilisé, tu as été courageuse au contraire... tu n'es pas tombée dans les pommes, tu ne t'es pas enfuie, comme beaucoup l'auraient fais. Tu es resté là, avec nous. Murmura-t-il de la façon la plus réconfortante possible.
- M..merci.. articula-t-elle de son mieux, surprise de la tendresse dont il faisait preuve et de la douceur dans sa voix.
- Apaise toi, c'est finit. D'accord ?
- O....oui...
- Tu devrais dormir. Il est tard... et ton état te fatigue beaucoup.
- Je.....j'ai pas le courage.. de retourner dans ma chambre." Murmura-t-elle emplie de culpabilité. "J'ai l'impression que je vais m'effondrer... ma tête tourne.."
Jugde qui s'apprêtait à lui répondre se crispa de tout son être, manquant une respiration. Oria le remarqua immédiatement et s'adressa à lui inquiète :
"- De toi et moi, tu es celui qui a le plus besoin de repos Jugde. Alors endors toi... repose toi...
- Tu... comptes rester là ? Demanda-t-il, ignorant visiblement les recommandation de la jeune étudiante.
- Je... Je n'en sais rien..."
Elle n'avait pas le droit d'être là, et elle devrait partir très tôt, avant que l'infirmier n'arrive pour les soins du matin. Alors elle allait répondre qu'elle allait partir malgré son état. Mais Jugde sembla en décider autrement et prendre la décision pour elle. Il bougea difficilement, descendit dans le lit, et vint poser sa tête sur le ventre d'Oria. Il le fit délicatement, puis il ferma les yeux, à bout de forces. Il eut un fin sourire au coin des lèvres. Elle sentait bon, une douce odeur de caramel. Il adorait le caramel. Bercé par la douce respiration de Oria, il tomba très vite dans les bras de Morphée. Oria resta un instant figée sur place. Elle ne s'attendait pas à un tel acte venant de la part du jeune homme. Elle le contempla un instant. Son visage semblait serein, endormi, ses traits n'étaient plus si tirés que derrière son sourire forcé, il ne semblait plus être cet homme hautain qui se croyait tout permis. Elle ne reconnu pas celui qui l'avait frappé. Elle le trouvait bien mieux ainsi. Elle observa ensuite son immense tatouage sur le bras. Une tête de loup, le regard plein de vice et derrière, un décor fleurit. Elle le trouva magnifique, et elle y décela un fond de vérité. Une apparence vicieuse, mais un fond tout en tendresse. Elle reconnu alors bien l'homme qui venait de s'allonger sur elle. Elle remonta son regard sur la chevelure du jeune loup endormi. Ses cheveux brillants semblaient si doux, alors, sans se contrôler, elle passa ses doigts au milieu des mèches blanches. Elle les câlina un long instant, réfléchissant au risque qu'elle prenait en passant la nuit ici. Elle pensa activer un réveil vers quatre heure pour avoir le temps de s'éclipser sans être vue. Elle accorda alors un regard à la pendule suspendu au mur. Elle affichait deux heures dix-sept. Elle essaya alors d'attraper son téléphone dans la poche arrière de son jeans. Mais la position dans laquelle Jugde avait décidé de se mettre l'empêchait de se saisir du petit objet rectangulaire. Elle soupira, elle aurait pu se démener davantage pour s'en saisir, mais elle refusa de prendre le risque de réveiller Jugde. Il avait besoin de repos, et par son geste, elle déduisait qu'il avait besoin d'elle, alors elle décida de rester afin de veiller sur lui. Elle pensa pouvoir lutter jusqu'à l'heure choisit pour partir, s'occupant à câliner ses cheveux et admirer son visage. Elle resta ainsi de longue minutes, exécutant inlassablement les mêmes caresses sur le crâne de Jugde, jusqu'à que celui ci décide bouger. Elle s'arrêta net de bouger, observant le comportement du jeune homme, effrayée de l'avoir réveillé, mais il n'en fut rien. Jugde était profondément endormi, mais il passa son bras autour de la taille d'Oria, trouvant ainsi la deuxième main de la belle Oria dont les pommettes se mirent à rosirent, détourna le regard sur leur mains, collé l'une contre l'autre. Sans doute fatiguée et plus tellement maîtresse d'elle même, elle glissa sa main dans celle de celui endormi. Elle s'attendait sûrement à ce qu'il se dégage, à ce que son expression de visage se crispe, mécontent. Mais Jugde serra sa main autour de celle de Oria, elle ferma à son tour sa main, leur doigts maintenant entrelacés. Ainsi liés, Oria ne lutta pas plus, elle ferma les yeux, pour le restant de la nuit.
Au petit matin, Avelyne et Dayana attendait leur amie afin de partir ensemble en cours comme à leur habitude. Elles ne l'avaient pas croisé au petit déjeuné, mais il était fréquent qu'elle loupe ce repas. Alors personne ne s'était inquiété de son absence. Mais lorsque que le duo remarqua les dix minutes de retard de Oria, elles commencèrent à se poser des questions. Sans plus attendre, elles allèrent à la porte de sa chambre et toquèrent. Peut être avait-elle raté le réveil ? Mais elles n'eurent aucune réponse.
"- On insiste ..? Proposa Dayana.
- On va être en retard, on doit y aller... chuchota Avelyne.
- On va pas la laisser être en retard Ave ! S'exclama Dayana. Ça se fait pas !
- Non ....mais ... bon.. toque encore.." acquiesça la jeune blonde.
Dayana s'exécuta en frappant plus fort. Mais après cinq minutes sans réponses, à tambouriner à la porte et à appeler, les étudiantes décidèrent de partir. Visiblement, Oria n'était déjà plus dans sa chambre. Elles se mirent d'accord sur un mensonge pour défendre cette dernière devant leur professeurs. Elles passèrent le pas de leur salle de cours juste à temps avant la sonnerie et Zad, déjà installé leur lança un regard d'interrogation, étonné de leur retard et de ne pas voir la belle au cheveux blanc. Elles haussèrent les épaules et prirent place à leur table. Leur professeur arriva juste après elles, accompagné de sa mallette et de ces lunettes rectangulaires. Il souhaita le bonjour à tout le monde et installa rapidement ses affaires avant de procéder à l'appelle. Quand le professeur appela Oria, personne ne répondit. Il se rattrapa en notifiant qu'il avait été prévenu qu'elle était à l'infirmerie pour la matinée. Zadig, Avelyne et Dayana se regardèrent sans comprendre. La veille elle allait très bien, que faisait-elle la bas ? Elle n'avait prévenu personne, pas même un message. D'un hochement de tête ils se promirent d'aller voir à la pause de dix heure pour prendre de ses nouvelles.
***
Dans la chambre quatre de l'infirmerie, les rayons du soleil frappèrent les carreaux. Cryo qui avait trouvé le chemin du réveil observait la scène sous ses yeux. Son meilleur ami et sa poupée de porcelaine, dans les bras l'un de l'autre. Paisiblement endormis. Leurs mains ne s'étaient pas lâchées, la seconde main de Oria était encore dans les cheveux blanc du jeune loup. Il contracta la mâchoire. Que faisait-elle avec l'homme qui l'avait fait souffrir ? Il s'agaça un vif instant, puis il pensa à une façon de les décoller. Il se jura d'avoir une discussion sérieuse entre Jugde et lui, puis Oria et lui, afin de s'assurer que aucun sentiment ne naîtrait et ne viendrait nuir au plan initial. Il ne le tolérerai pas.
Oria commença à bouger, alors Cryo fit mine de fermer les yeux, ne voulant pas gêner la jeune femme et la laisser agir selon son gré. Ainsi, il pourrait observer et analyser de lui-même à quel point ces deux la étaient en fait liés. Oria, dont les yeux commençaient à battre, fut perturbée par la lumière du jour qui parvenait doucement à son esprit. Elle sursauta et écarquilla les yeux de surprise. Elle lança un furtif regard sur l'horloge. Huit heure vingt cinq. Elle était en retard en cours ! Sans réfléchir un seul instant elle essaya de sauter du lit sur lequel elle se trouvait. Mais le poids de Jugde sur son ventre l'en empêcha.
"- Jugde... Jugde...." murmura-t-elle.
Le jeune homme ne daigna pas bouger. Il avait senti les secousses provenant du corps tendu de la jeune femme, et le son de sa voix était venue chatouiller ses oreilles, mais non. Il en décidait autrement, il se trouvait bien là, il ne voulait pas perdre ce corps qui lui procurait une douce chaleur, et cette douce odeur sucré qui avait bercé sa nuit. Il serra la main de Oria, et en entre ouvrant ses yeux, il regarda la jeune femme.
"- Jugde....Je dois y aller.. Je suis en retard.. murmura-t-elle encore, en adressant quelques caresses dans ses cheveux, se sentant coupable de l'abandonner ainsi.
- Quitte à être en retard...reste encore. souffla-t-il la voix endormie.
- Je... Je ne peux pas...."
Jugde sera les dents, agacé. Il se redressa avec difficulté, crispé par les nombreuses douleurs présentes dans son corps. Oria se trouva alors bien trop coupable. Tant pis pour les cours, elle trouverait un moyen de justifier son absence et elle pourrait sans doute rattraper son retard sur les cahiers de Avelyne. Elle se saisit des épaules de Jugde et le rallongea sur elle avec délicatesse.
"- Excuse moi Jugde... rallonge toi... rendors toi... Je rattraperai les cours plus tard.. je m'arrangerais."
Elle se mordit la lèvre, désolée de l'avoir dérangé, elle était bien décidée à se rattraper. Jugde fut satisfait, et heureux. Il pourrait savourer ce moment encore un peu, et il ferait tout pour le prolonger encore et encore. Il regarda Cryo un instant. Il avait ouvert les yeux. Leurs regards se croisèrent et s'affrontèrent. Cryo avait ce regard sérieux et assassin. Jugde avait celui joueur et provocateur. Il comprit la jalousie de son aîné de lui avoir volé la petite poupée. Il ne l'avait pourtant pas voulu. Il l'avait simplement aidé à se relever à son tour. Aussi sans doute, s'était-il simplement laissé guider et un peu envoûté, par cette nouvelle sensation. Oria, aveuglée par l'envie de se rattraper ne vit rien de cette scène. Elle avait reprit ses caresses dans les mèches blanches du jeune loup, en descendant de temps à autre ses doigts sur son front délicat. Un léger sourire se forma sur son visage, et elle sentit ses pommettes se mettre à rougir. Jugde, qui avait délaissé le regard de son meilleur ami, se laissa aller à la détente. Il sentait les doigts fin de Oria jouait avec ses cheveux, lui qui détestait ça, il se laissait faire sans broncher. Il chercha alors sa deuxième main, comme une envie de la saisir, de la retenir si l'idée de retourner en cours, sans qu'il est donné son accord, lui vienne. Il ne la trouva pas. Vexé, il cherchera autre chose à agripper. Alors comme un enfant, il se saisit du tee shirt d'Oria, et ferma les yeux, décidé à rester sur elle.
À 10h, comme convenu, Dayana et Avelyne se rendirent à l'infirmerie, pour prendre des nouvelles. Elles avaient proposé à Zad' de les accompagner mais celui-ci avait refusé, prétextant vouloir parler à Heiv au sujet d'un devoir qu'il n'avait pas comprit. Elles trouvèrent l'infirmier assis à son bureau le nez dans ses papiers.
"- Bonjour monsieur, nous venons prendre des nouvelles de Oria Sinklade, notre professeur nous a dit qu'elle était ici. Annonça Dayana pour attiré son attention.
- Bonjour mesdemoiselles, en effet. Elle est arrivé ici aux alentours de minuit et demi. Elle m'a fait appelé et m'a décrit de grosse douleur au ventre. J'ai préféré la garder en observation après sa nuit mouvementée. Elle devrait vous rejoindre après le temps du repas.
- Merci, pouvons-nous aller lui faire un petit coucou ? Questionna Avelyne donc l'insouciance rayonnait sur le visage.
- Je vous y aurai volontiers invité mais elle est endormi. Repassez dans l'heure de midi, elle sera sûrement réveillée.
- Merci monsieur.
- Avec plaisir." Il leur adressa un sourire forcé, laissant ainsi deviner son désir de les voir quitter la pièce. Elles se dirigèrent vers la sortie, quand la porte menant au chambre des malades s'ouvrit. Elles y adressèrent un regard curieux et elles se freinèrent dans leur élan en apercevant Cryo. Son teint halé était pâle, ses yeux embués de fatigue et de douleur.
"- Je sais que je ne devrais pas me lever, ni même sortir de là, mais j'ai besoin de m'aérer.. Je regagne mon appartement, rien de plus." Il avait parlé avant même que quiconque ne puisse s'opposer à sa venue. L'infirmier lui aurait en effet recommandé de retourner s'allonger et de rester davantage pour être certain que les blessures ne s'infectaient pas, ou que les points de sutures ne sautaient pas trop vite. Mais que pouvait-il dire face à l'imposant Cryo ? Il aurait beau avancer tous les arguments en la faveur du jeune ténébreux, il savait qu'il n'en aurait que faire. Alors Cryo s'exila hors de la pièce.
"- Je reviens...! Lança activement le jeune blonde à son amie.
- Où vas-tu ? Questionna-t-elle surprise.
- Chercher quelque chose..!"
Elle n'ajouta rien d'autre et disparue derrière la porte qu'elle ne prit même pas la peine de fermer. Dayana adressa un regard déconcerté à l'infirmier, et quitta la pièce. Elle s'en alla rejoindre Zadig et Heiv. Mais alors qu'elle ne se trouvait plus qu'à quelques mètres d'eux, elle crut halluciner. Le petit oiseau brun était assis sur la table, ses bras au tour de la taille du beau blond, les deux hommes échangeaient un baiser passionné, leur lèvres semblant ne plus vouloir se séparer. Elle crut d'abord à une farce. Un défis perdu. Mais elle comprit rapidement dans leur attitude qu'ils étaient sincères. Elle savait que Zad aimait les hommes, mais Heiv elle ne l'aurait jamais cru. En fait, tout le monde ignorait quel était le type de personne qui plaisait à Heiv, à tel point que beaucoup pensaient qu'il était asexué. Qu'il n'avait d'attirance ni pour les femmes, ni pour les hommes. Mais elle trouva de suite une explication à ses suppositions. Le coeur du petit oiseau brun était déjà prit. Alors doucement, elle s'approcha du jeune couple, et ne sachant pas comment annoncer sa présence, elle se racla la gorge, bêtement. Zadig et Heiv dirigèrent leur regard vers la jeune femme brune. Heiv devint rouge de honte et cacha son visage derrière l'épaule de son autre. Zad, lui, eut un merveilleux sourire. Il ne lâchait pas la main de sa mignonne petite tarte.
"- Cela dure depuis combien de temps ce petit secret ? Souria-t-elle heureuse pour eux. Elle avait rarement vu le jeune blond si heureux.
- Cela faire deux ans dans neuf jours. Annonça fièrement Zad. Nous n'avons rien dis car Heiv et moi voulions prendre notre temps. C'était important pour nous d'être certain et ne rien précipiter... au départ on craignait un peu les jugements. On espère que vous comprenez."
Heiv adressa un regard de surprise mais de profond soulagement au blondinet. Il n'était pas le seul à apparaître comme coupable de ce mensonge. Il se trouva idiot d'avoir douté de son chaton. Et voyant le sincère bonheur et respect dans les yeux de Dayana, il fut pleinement heureux, pour la première fois depuis très longtemps.
Avelyne qui avait précipitamment quitté Dayana se rua sur Cryo qui s'apprêtait à monter à l'étage.
"- Cryo !! Lança-t-elle avant que celui-ci ne disparaisse.
- Hum ? Se contenta-t-il de répondre en pivotant vers elle.
- Je...."
Une fois face à l'imposante carrure du jeune homme, elle se trouva ridicule et muette. Elle perdit tous ses mots et le rouge sur ses joues commença à apparaître. Cryo l'observait, l'air blasé. Il n'avait pas de temps à accorder à une fille comme Avelyne, et même s'il l'avait eu, ses pensées étaient tout autre. Il observait la jeune femme dans son petit pull rouge qui offrait un léger décolté, son jeans noir et ses bottines à talon. Il lui donnait bien plus que dix sept ans. Il trouva même qu'elle faisait trop mature. Il attendit deux minutes de plus avant de se lasser et de monter à l'étage sans ajouter un mot.
"- Je... Je voulais simplement savoir... si tu allais bien... murmura faiblement la petite blonde.
- Je vais bien Avelyne." Affirma-t-il de façon autoritaire pour couper court à la discussion.
Elle n'avait pas le don de Zadig pour deviner les mensonges des autres, mais elle voyait bien que Cryo allait mal. Elle regarda l'heure son téléphone, il lui restait deux minutes, trop court pour tenter de l'aider, mais suffisant pour lui proposer d'être une oreille attentive si il en ressentait le besoin à l'occasion. Alors saisissant la rampe, elle commença l'ascension dans les escalier à la recherche du ténébreux. Elle le vit pousser une porte et disparaître derrière. Elle glissa le pied pour retenir celle-ci de se fermer.
"- Cryo... attend..."
Il lui lança un regard sombre et menaçant. Ici, il était chez lui, et nul n'y entrait sans sa permission. Il était très clair la dessus. Et certainement pas une fille comme Avelyne. De plus, elle n'avait pas l'autorisation de monter ici. Mais elle ne se laissait pas décourager. Elle fuya son regard pour ne pas être trop déstabilisée, avant de s'adresser à lui de la façon la plus ferme possible.
"- Cryo. Arrête ton cinéma et de me lancer ses regards noirs. Je sais que nos relations n'ont fait que se dégrader depuis quelque temps, mais je te demande encore une once de respect, j'estime que ce n'est pas trop. Nous ne sommes pas si étrangers.
- Tu m'emmerdes sérieusement Avelyne. Je pourrais être bien plus irrespectueux que ça. Qu'est ce que tu me veux ?
- Je... Je voulais juste.. te proposer mon aide. Si jamais... tu as besoin de quoi que ce soit.. d'une épaule.. pour te reposer...ou... une oreille.. pour t'écouter..." avoua-t-elle timidement.
Il la regarda profondément dubitatif. Il n'avait que faire de son aide. Il n'avait pas besoin d'une épaule pour se reposer mais d'un oreiller, et une oreille, il préférait avoir un sac de sable dans lequel frapper. Il s'efforça d'inspirer et expirer profondément pour ne pas lui hurler le fond de sa pensée. Au loin, on entendit la sonnerie stridente résonner, le gong qui rappelait Avelyne à l'ordre.
"- Je... commença-t-elle avant que Cryo ne lui coupe la parole.
- Tu as vraiment envie de m'aider Ave ?
- Bien sur ! Certifia-t-elle.
- Dans ce cas..."
Les mots, pourquoi faire ? Il se coupa seul dans sa phrase, saisit la taille de la jeune femme, et l'attira contre lui, faisant claqué la porte derrière elle. D'un coup de main, il verrouilla la serrure pour être certain que personne ne vienne interrompre la danse exaltée à laquelle les deux corps s'apprêtaient à se donner. Le silence habituellement présent dans l'appartement avait rapidement laisser place au son du péché, du plaisir. Une parenthèse de temps suspendu...
***
L'infirmier entama sa deuxième tournée de la matinée au divers patients. Il avait prit avec lui, un petit panier en osier dans lequel reposaient fruits et barres de céréales pour ce qui aurait eu un petit creux. Après avoir fait les deux première chambre occupées, il se rendit au bout du couloir, la chambre quatre. Il toqua doucement et poussa la porte. Le binôme mixte n'avait que peu bougé. Oria s'était affaissée un peu plus dans le lit, elle avait pris la total possession du coussin, et Jugde avait remonté sa tête juste en dessous de la poitrine de la jeune femme au cheveux d'argent, et son bras musclé entouré la taille de cette dernière qu'il n'était pas prêt à laisser partir. Il ne remarqua même pas la présence de l'homme en blouse blanche, contrairement à Oria qui se trouva gênée.
"- Bonjour vous deux. Comment cela va ce matin ?" Questionna-t-il en prenant place sur la chaise à côté d'eux.
Jugde ouvrit un œil et observa. Il n'avait aucune intention de répondre. Alors Oria prit la parole pour lui.
"- Moi ça va, et Jugde....il a l'air.. fatigué..." elle n'osa rien ajouter, ne voulant pas dévoilé de trop son inquiétude et ne sachant pas réellement comment se sentait le loup blanc malgré leur discussion depuis qu'ils s'étaient retrouvé seul à seul.
- Comment te sens-tu Jugde ? Questionna encore l'infirmier en regardant le jeune homme.
- Elle vous a répondu, je suis fatigué, alors fermez-là vous serez bien gentil."
L'infirmier était accoutumé aux humeurs de Jugde, mais malheureusement pour lui, il devait mettre quelques points en lumières.
"- Mademoiselle Sinklade, vous avez enfreint le règlement et vous vous êtes introduit dans l'infirmerie en pleine nuit, sans autorisation, dans le seul but de venir voir vos camarades, et plus précisément ce jeune homme."
Oria se mit à blêmir face aux accusations qu'elle ne pouvait nier. Elle le regarda coupable, se mordant la lèvre inférieur. Elle voulait bien s'excuser mais à quoi bon ? Elle n'était pas désolée, et souhaitait pas le dire par simple formalité. Alors elle garda le silence. Jugde, qui ne réagissait toujours pas, gardait cependant une oreille attentive.
"- Je n'ai pas osé vous réveiller ce matin, vu le teint pâle que vous aviez, j'ai informé vos professeur que vous étiez venu me trouver et que je vous gardez en observation pour la matinée, mais cette après midi il vous faudra retourner en cours.
- Bien sûr monsieur, je n'y manque....
- Elle ne bougera pas d'ici. Affirma Jugde, coupant la parole à Oria.
- Je vous demande pardon monsieur Riez ? S'étonna le médecin.
- J'ai horreur de répéter les choses, alors vous m'avez très bien entendu. J'ai dis qu'elle ne bougerait pas de ce lit. Alors trouver le mensonge qu'il vous plaira, vous devez être habitué depuis le temps que vous travaillez ici, mais elle reste ici. Et elle n'aura aucun problème car vous avez été trop bavard. Nous sommes bien d'accord ?" La voix habituellement si arrogante de Jugde s'était transformée en une voix ferme, autoritaire et quelque peu menaçante. Oria le regarda surprise de ses paroles. Pourquoi voulait-il qu'elle reste à tout prix avec lui ? Mais l'infirmier lui ne semblait pas prêt à se laisser impressionner par le comportement du jeune homme.
"- Oria doit retourner en cours que cela vous plaise ou non. Elle n'est pas blessé ni malade. Alors votre caprice ne sera pas exhaussé, elle retournera parmi ses petits camarades dès l'heure de midi."
Le loup blanc ouvrit ses yeux et se redressa. Il riva ses deux iris jaune dans celles de l'infirmier. Il n'avait nullement envie de débattre ou de parlementer avec lui. Il en avait décidé ainsi, et cela se passerait ainsi.
"- Non, en fait je crois que j'ai pas été assez clair. Prononça-t-il menaçant. Vous la laissez ici, et si vous ne le faites de votre plein gré, je vous le ferai faire à votre insu et je vous ferai renvoyé, car je sais bien plus de chose que vous ne pouvez imaginer. Alors dépêchez vous de quitter cette chambre, de nous laisser seuls et de vous arranger pour qu'elle ne retourne pas en cours avant que je ne l'ai décidé."
L'infirmier comprit sans mal les menaces sous entendu du blessé. Peu importait comment Jugde les avait obtenues, rien ne devait sortir de ces murs. Alors il accepta lâchement sans chercher plus à lutter. Il se leva de sa chaise et ajouta :
"- Vous avez le droit d'avoir vos petites affaires, mais n'oubliez pas de prendre vos précautions. Il y a tout ce qu'il faut ici." Il quitta ensuite la pièce.
Oria devint rouge de honte, elle n'avait jamais imaginé ça une seule seconde. Et elle n'était sûrement pas le genre de Jugde. Son ventre devait juste être confortable. Jugde hocha simplement la tête et se rallongea dans la même position. Oria le regarda et bégueilla difficilement :
"- Pou... pourquoi tu fais ça ?"
Jugde leva doucement la tête vers elle et lui adressa un regard assez doux. Il faisait ça parce qu'il en avait envie et parce que c'est lui qui décidait. C'était évident.
"- C'est comme ça Oria... je ne te défendrai pas deux fois par contre.. n'en prends pas l'habitude.
- Je... très bien."
Il ne répondait pas à sa question, mais comme elle l'avait imaginé, Jugde ne faisait que se servir d'elle. Sa faiblesse ne l'avait pas rendu gentil. Ce genre de miracle n'existait pas, pas chez Jugde en tout cas. Elle fut déçue et elle eut alors presque envie de le planter là. Elle n'était pas à lui, n'était pas son objet, ni sa propriété. Elle serra un peu les dents, en colère contre elle-même. Comment pouvait-elle être si naïve à chaque fois ? Jugde lui, se sentait plutôt bien, il n'était pas rongé par le remord ou quelconque regret. Il était bien et restait fidèle à ce qu'il était. Pourtant, il savait qu'il était parfaitement exécrable et détestable, mais pour Oria, il pensa que c'était mieux ainsi. Elle ne devait pas espérer quoi que ce soit. Même si au fond de lui, il préférait largement cette situation qui lui procurait un réel bien être. Mais il ne pouvait pas ignorer la réalité, il y avait tant d'obstacle à leur douce parenthèse, dont un particulièrement conséquent. Cryo et sa prophétie. Il serra les dents à son tour, énervé contre cette maudite prophétie, qui il le savait, ruinerait sa vie. Il ne voulait plus en entendre parler, tout le monde ici et à Dashter Er souffrait à cause ça. Il se dit pourtant qu'il avait enfin la clé pour mettre fin à leur souffrance. Mais à quel prix ? Et était-il réellement prêt à payer ce prix ? Il l'ignorait. Il redressa sa tête à nouveau et observa le visage pâle de Oria. Elle ne le regardait plus et elle avait cessé de câliner ses cheveux. Elle avait une peau claire, non pas sans imperfection, mais pour une fois, il s'en moquait bien. Son nez était assez fin et ses lèvres naturellement rosées lui donnait une certaine gaité. Elle faisait déjà bien femme pour son jeune âge. Ils avaient sept ans de différence, et ils n'auraient jamais parié autant. Il ne l'avait d'ailleurs pas cru quand elle lui avait dit, et ils avaient ris. Mais cette parenthèse de courte durée était fini. Il pensa alors à la façon de Cryo de la surnommer sa poupée. Il n'était pas d'accord avec lui. Il pensa que Oria était en réalité bien plus grande qu'une simple poupée. Après tout, d'ici quelque temps, elle serait l'égale de Cryo, plus puissante que lui. Petit soleil, voilà quelque chose qui correspondait bien mieux à la jeune femme collée contre son corps. Mais il garderait ce petit nom pour lui, il le jugeait trop flatteur pour être dévoilé. Il reposa doucement sa tête contre elle.
"- Oria...? Appela-t-il.
- Oui Jugde ?
- Non. Rien. Se reprit-il sèchement.
- Dit moi, que se passe-t-il ? Insista-t-elle intriguée et soucieuse du bien être du loup blanc.
- Tu veux pas refaire le truc avec mes cheveux ?"
Oria eut un sourire. Le jeune loup avait demandé, c'est bien que ça lui manquait, non ? Alors sans plus attendre, elle glissa ses doigts dans les cheveux de Jugde qui ferma immédiatement les yeux, un léger sourire au coin des lèvres. Il paraissait aller de mieux en mieux, mais elle s'inquiétait de le voir toujours aussi fatigué. Cela faisait maintenant trois jours, alors elle nota dans un coin de sa tête de le demander à l'infirmier quand Jugde la libèrerait de son emprise.
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Dayana faisait les quatre cents pas dans le parc arrière de l'école. Il faisait particulièrement beau et le groupe avait décidé de s'installer dehors pour manger. Mais il manquait Avelyne, elle n'avait ni lu, ni répondu au message, et n'était pas revenu en cours. Dayana avait expliqué son comportement étrange aux autres à l'infirmerie. Zad avait conclu "Déjà que Oria est chelou si même Avelyne le devient ... où va le monde ?!" Et il avait raison. Avelyne était, pensaient-ils, la plus sage d'entre eux. Les trois garçon, Heiv, Zadig et Eleven observait la jeune femme, eux aussi étaient soucieux, mais ils tentaient de relativiser. Heiv avait essayé de rassurer la petite brune, mais la tentative avait été vaine. Il n'y était même pas parvenu un peu.
Eleven proposa alors :
"- On a qu'à aller la chercher tous ensemble ! On a trois heures pour manger, on aura largement le temps de la chercher et de manger tous ensemble."
Les trio initial accepta volontiers la proposition du jeune homme. Ils se levèrent pour entreprendre leur recherches quand ils firent stopper dans leur élan. Alaney se tenait maintenant juste devant eux, le regard fier et assassin, ses bras croisés sous sa poitrine. Elle ne visait qu'Eleven qui la regarda, presque désolé.
"- Qu'est ce que tu fous Eleven ?! Tu étais tellement désespéré que tu t'es rabattu sur les premiers glands du coin ?"
Le trio le dévisagea et observa Eleven. Ils lui avaient assuré que si il ne se laissait plus faire, ils seraient là pour le soutenir, mais dans le cas contraire, il serait comme tous les autres.
"- Alaney.. ce n'est pas ce que tu crois.. ces gens ne sont pas ce que vous en dites depuis tant d'années. Soupira-t-il persuadé que ces paroles seraient inutiles.
- Ah oui ? Et comment sont-ils alors ? Rétorqua Alaney.
- Ils ne jugent pas, ils ne m'ont pas enfoncé et m'ont accepté tel que je suis...contrairement à toi et à Jugde ou il faut sans cesse être un autre. Même vous, vous n'êtes pas vous même ! Tu pourrais devenir quelqu'un de vrai.. quelqu'un de bien Alaney.
- Tu plaisantes ? Ricana-t-elle. Tu fais aussi pitié qu'eux en fait. Jugde avait tort de vouloir te garder avec nous ! Je lui ai toujours dis que tu ne valais rien."
Le jeune homme ne sut quoi répondre. Il était fatigué de lutter constamment contre ces deux personnes arrogantes et trop sûre d'elles. Il recula d'un pas pour signaler son retrait définitif de leur groupe. Elle le dévisagea et sur son visage se lisait le mépris.
"- Tu es décevant Eleven. Tellement décevant...
- Barre toi Alaney. Lança violement Dayana à fleur de peau.
- Pardon ?! Se refrogna la jeune rouquine.
- Je t'ai dis de te barrer. Tu voulais qu'il se barre et il le fait. alors si tu n'as rien de pertinent à ajouter, vas-t-en !"
Alaney la foudroya du regard et s'en alla en bousculant avec force la petite brune. Elle s'aventura loin dans le parc de l'école, jusqu'à se perdre au milieu des arbres, où s'écroula le long d'un tronc et ferma les yeux. Elle haïssait Eleven au plus au point, en elle, bouillonnait la colère et la rancœur. De quel droit de permettait-il de faire allusion à son passé et à qui elle était ? Elle chercha un court instant à la façon de faire regretter à Eleven de l'avoir humilié, puis elle pensa à en discuter avec Jugde. Il était le meilleur pour parvenir à blesser les personnes. Mais sans plus attendre quelques gouttes d'eau salée perlèrent sur ses joues rondes. Elle se haïssait elle-même. Elle repensa un vif instant à ses souvenirs d'enfance, et une fois de plus, elle préféra les oublier, les enfouir au plus profond d'elle. Eleven n'avait pas tellement tort, mais il était hors de question pour elle de lui donner raison. Elle resta ici, seule, en attendant d'être rappelé par le son des cloches.
Le quatuor prit un long moment pour rassuré Eleven qui avait fait preuve d'énormément de courage. Les quatre amis accordèrent du temps à valoriser celui qui avait fait un premier pas vers la liberté, et sans doute, une nouvelle vie. Après ça, ils allèrent ensemble à la recherche de la belle blonde Avelyne, qui n'avait toujours pas daigné réapparaître. Ils allèrent de sa chambre, à l'infirmerie, en passant par les salles de cours, la cuisine commune, le self, le CDI ou encore les nombreux parcs. Tous avaient fait des dizaines d'allé venus à travers le campus. Mais Avelyne restait définitivement introuvable. Cela n'avait rien de rassurant pour l'ensemble du groupe. Ils pensèrent à prévenir madame Brouge, pour que des surveillants s'attèlent à la recherche de la disparue, mais ils arrivèrent vite à la conclusion que cela porterait de trop gros préjudices à cette dernière. Dépités, ils regagnèrent leur table pour avaler un bout avant de retourner en cours.
Avelyne, elle, se trouvait bien loin de ses préoccupations et de l'inquiétude de ses camarades. Elle ne pensait pas un seul instant que sa disparition pouvait inquiéter. Elle observait le plafond blanc de la chambre de son hôte. Elle était couverte par un léger draps pour cacher son corps dévêtu, et l'homme à côté d'elle, avait les yeux fermés, il ne dormait pas, elle le savait, mais elle se taisait et profitait de cet instant de silence. Elle regarda l'heure, quatorze heure cinq, il lui restait une petite demi heure avant de devoir retourner en cours. Cryo qui sentait l'agitation de Avelyne la regarda.
"- C'est l'heure ? Questionna-t-il.
- Pas tout à fait... répondit Avelyne timide.
- D'accord... Tu ne dis rien à personne, d'accord ?
- Évidement..." murmura-t-elle déçue bien qu'elle le savait avant même qu'il se soit saisit d'elle. "Pourquoi tu as fais ça ? Je croyais que tu ne voulais plus de ... ce genre de relation ?
- J'avais besoin de me changer les idées Avelyne, d'oublier le nombre de cons dans ce putains de monde. Grommela-t-il.
- Des cons ? De qui est-ce que tu parles ?
- Cela ne te regarde pas.
- Tu peux tout me dire Cryo... s'il te plait... tu sais que je suis une tombe et que je ne dirais rien. Affirma-t-elle bravant sa timidité.
- Je parlais de Oria et Jugde."
Avelyne se trouva bête face à ses deux noms. Oria ? Qu'avait-elle à faire la dedans ? Elle interrogea le ténébreux du regard, soudainement un peu plus méfiante, en rabattant entièrement la couverture sur elle. Mais le jeune homme ne devait rien dire. Parler était un tort dans un tel endroit, mais il fallait admettre qu'évacuer un trop plein ne lui ferait pas de mal. Il pouvait se contenter de dire ce qu'il avait observé toute la nuit, mais sa jalousie était alors mise à nue, et comment pourrait-il la justifier ? Il soupira, ce qui encouragea la petite blonde à en savoir plus. Elle insista un court instant avant que Cryo ne déclare :
"- Tu ne diras rien à personne ? Tu me le jures ?
- Je te le jure... dit-elle en glissant sa main sur son torse froid et musclé.
- Bon.... c'est moi qui est sauvé Oria lors de son entraînement avec Jugde et Alaney, et cette fille à un pouvoir vraiment très particulier, puissant Ave'... opposé du mien, essentiel à la suite de notre histoire à tous. Et tout risque d'être foutu en l'air car elle et Jugde on passait la nuit collé l'un contre l'autre, main dans la main." À ces mots, les muscles de Cryo se contractèrent.
Avelyne, déjà étonnée que son amie soit impliquée dans une aventure comprenant Cryo et Jugde, fut doublement surprise suite aux révélations faites par Cryo. Oria fleurtait avec Jugde alors que Dayana avait avoué être amoureuse de lui ? Quelle genre d'amie était-elle pour se permettre une telle chose ? Et quel était ce pouvoir si puissant et dont Cryo parlait comme une pierre précieuse ? Elle était tout bonnement stupéfaite. Oui, elle et le groupe avait rapidement saisit à quelle point elle avait été traité différemment, mais elle n'aurait jamais cru que cela serait pour de tels raisons. Cryo la sorti de ses pensées en parlant fermement avec autorité :
"- Avelyne, je ne plaisante, ce que je te dis dois rester entre ces quatre murs, juste entre toi et moi. N'en parle même pas à Oria. Ni à tes petits amis. Ça pourrait tout compromettre. Ne laisse rien paraître.
- Je te l'ai juré Cryo, je ne te trahirai pas. Tu peux me croire...
- Hum... souffla-t-il. Maintenant retourne en cours.
- Attend ! En quoi sont-ils des cons ? Demanda-t-elle.
- Ils sont trop proches." Annonça-t-il quittant le lit.
Elle l'observa un court instant, son dos était musclé, ses bras musclé et son corps bronzé. Mais elle détourna le regard gênée. La honte s'empara d'elle, elle se mit à enfouir sa tête dans l'oreiller.
"- Sors ta tête de là Ave.. je suis habillé.
- Cryo.... je suis nue moi...."
Cryo lança les affaires de la belle blonde sur le lit et quitta la pièce soupirant. Il connaissait son corps, et ils avaient partagé bien plus que ça, mais elle refusait de sortir des couettes en sa présence. Il la trouvait très étrange, et ne comprenait pas du tout sa pudeur. Il faut dire qu'il ne cherchait pas non plus à comprendre la petite blonde. Elle lui offrait ce qu'il attendait, elle n'était pas pénible, juste naïve et un brin stupide. Cela lui convenait bien.