La semaine commença comme si rien n'avait eu lieu durant le week-end. Comme si aucun élève n'avait frôlé la mort, ou peut-être même, l'était. Personne n'avait de nouvelle de Jugde, ni de Cryo. Personne ne les avait revu, ni même entendu parler d'eux. Et chacun faisait comme si ils ignoraient les faits. Cela troublait profondément l'esprit de la jeune Oria qui avait assisté pour la première fois aux défis contre Dashter Er. Alors qu'elle était assise dans les gradins du gymnase attendant son professeur, elle repensait au sacrifice de Cryo pour elle, au sang sur le visage de Jugde avant que la foudre ne le frappe. Elle revoyait Cryo abattre Athena avant de se ruer vers son coéquipier, puis tomber inconscient à son tour. Elle les revoyait tous les deux partir sur des brancards.
Le professeur arriva dans la salle, poussant de la voix pour attirer l'attention de chacun.
"- Bonjour à tous et à toutes ! Comme chaque début de mois, nous allons faire un point sur la journée de samedi. Est ce qu'il y aurait des volontaires ?"
Personne ne broncha. On osa pas bouger dans la salle par peur de porter les regards sur soi. Malgré la semblante indifférence de tous, les élèves savaient ce qui s'était passé, commenter les combats de la matinée ne dérangeait pas grand monde. Mais faire une critique sur celui qui avait débuté juste après le repas était infaisable. Le professeur, voyant son auditoire figé, n'eut pas le choix que de désigner, et quoi de mieux que l'avis d'une personne encore fraîchement arrivée ? Pas encore formatée ? Alors sans hésitation et fort dans son intention, il appela Oria à venir le rejoindre devant l'assemblée. Elle aurait pu avoir peur comme samedi, mais elle obéit sagement, malgré son appréhension, décidée à dire ce qu'elle avait sur le cœur. Elle était presque certaine de s'attirer les foudres de la plupart des personnes ici présentes, et sûrement celles de son supérieur. Mais elle se savait soutenue par ces quatre amis. Et là, était tout ce qui comptait. Elle s'installa, droite, le regard rivé sur ses camarades.
"- Nous vous écoutons mademoiselle Sinklade.
- Je pense que je vais être sincère, même si cela risque de déplaire à beaucoup, dont vous monsieur. Commença-t-elle en adressant un regard à son professeur avant d'entamer le cœur du sujet. Je vais parler de ma petite expérience dans cet établissement, je ne connais personne et je ne veux blâmer personne. Ni de notre école, ni de la leur. Je trouve tout d'abord que chaque combattant a été honorable, peut être pas le meilleur cette fois-ci, face à cet adversaire, mais sans nul doute, il l'aurait été face à un autre. Personne n'a reculé, tout le monde s'est levé et a défendu son blason, jusqu'à ne plus pouvoir se lever. C'est admirable et c'est tout ce que je retiens, malgré la défaite, malgré la victoire. J'aurai du faire parti de ces gens, mais si ça avait été le cas... je ne serai pas là à m'exprimer devant vous. Car celui qui devait être mon coéquipier, et celui qui s'est sacrifié pour moi, ne sont plus parmi nous à ce jour. Je ne dis pas qu'ils sont morts, bien qu'on pourrait le croire. Bien que beaucoup d'entre nous le pense en secret. J'ai été horrifiée par ce que j'ai vu. Comment peut-on regarder des gens s'anéantir, et applaudir ? Comment peut on chérir la vue du sang, au point d'en faire une ovation ? Je pensais que ceux qui possédaient des pouvoirs étaient des super-héros, de ce que j'ai vu, il n'en est rien. Samedi, j'ai vu des monstres, des gens sans cœur, assoiffés de sang, de vengeance et de haine. Mais je crois, que c'est cela qui m'a le plus horrifié. Vous soutenez des directeurs qui mettent VOTRE vie et celles de tous ceux que vous aimez, pourquoi ?! Personne ne le sait. Alors je n'ai rien à dire, je n'ai nullement le droit de critiquer, je suis incapable du quart de ce que certains ont fais, de ce que beaucoup font depuis des années. Mais je vous en prie, réfléchissez. Combien d'entre vous dorment encore sur leur deux oreilles ?! Combien d'entre vous, n'ont pas peur pour leur vie et celle des autres chaque semaine ?! Combien de vous agissent sans comprendre ?!" Elle marqua une pause pour observer ses nombreux auditeurs. Tous la regardaient, ils l'écoutaient, mais ils ne s'arrêtaient pas là. À travers chacun de ces mots, ils étaient parvenus à s'identifier. Même le professeur, qui aurait dû la faire taire depuis longtemps n'en eut pas la force. Lui aussi, comprenait et se reconnaissait à travers ses mots. Il la regardait, subjugué par sa lucidité et son audace. Personne n'aurait osé faire ça sauf elle. Alors malgré son tort de la laisser parler, et la cohue que cela risquait d'engendrer, il ne profita pas de cette pause pour reprendre le dessus. Et alors qu'elle s'apprêtait à reprendre son long monologue. Elle repensa aux mots de Cryo. Cet homme qui semblait l'avoir prise sous son aile, et qui avait mis sa vie en péril pour protéger la sienne. Elle pensa avoir mal fait, mais adressant un regard aux autres élèves, elle comprit que le mal était déjà fait. Elle entreprit alors de reprendre.
"- Un jour... quelqu'un m'a dit que le silence valait mieux que le bruit. Et j'ai cru comprendre, sans trop de mal je l'avoue, que cette phrase s'appliquait à merveille dans votre établissement. Mais plus vous acceptez ce silence, plus vous ôterez des vies, et plus des gens ôteront la vie de ceux qui compte et encore une fois, peut être la votre. Je ne suis pas votre sauveuse, encore moins celle prête à faire du bruit. Mais aujourd'hui, vos regards et votre attention me démontre que le bruit n'est pas toujours si néfaste. Il suffit, d'en user à bon escient, de ne pas en abuser. Oui, il faut préserver ces moments de silences, qui nous aide à comprendre, à être sûr nos gardes, à prêter attention à chaque son, à chaque regard, à chaque craquement de feuille, chaque ampoule grésillantes. Les plus infinis détails rescellent parfois les plus importants indices. Mais petit ne veut rien dire. Il est facile de créer un puzzle dont les gros motifs se détachent. Mais si l'on s'arrêtait là, le puzzle ne voudrait rien dire. Il n'aurait pas de sens, et beaucoup n'y verrait même pas la signification. Alors aujourd'hui, réfléchissez. Pensez. Cessez d'être ce que les autres veulent, et soyez vous, pour vous."
Sur ces mots, elle adressa un regard à Zadig. Elle lui avait promis de se pencher sur la question de l'acceptation de soi. Et elle l'avait fait. Zadig, qui sentit un signe de reconnaissance dans ce regard la remercia par un sourire. Il n'y eut pas un son dans la grande pièce. Le professeur ne savait pas comment rompre ce silence. Comment pouvait-il demander aux élèves de prendre place pour le combat après ces mots accusateurs, que lui-même trouvait justifiés ? Il n'avait pas le courage d'imposer cela à la cinquantaine d'élèves devant lui.
"- Je vous remercie pour ces mots mademoiselle Sinklade. Vous n'êtes pas à blâmer, et je souhaite que personne ne laisse tomber ses foudre sur vous. Pour aujourd'hui, le cours d'entraînement sera dispensé pour tout ceux qui le souhaite. Je ferai cours à ceux qui le veulent, les autres, je vous demanderai seulement de ne pas vous faire remarquer auprès du directeur." Il trouva la compromis plutôt agréable, il ne fuyait pas à la tâche, mais n'imposait rien. Oria fut la première à quitter la grande salle, après avoir remercié le professeur. Elle savait qu'il aurait pu la blâmer ou lui ordonner de se taire, mais il n'en avait été rien, et pour cela, elle lui en était reconnaissante. Son instinct l'avait justement guidé. Très vite, Dayana, Avalyne et Zadig la retrouvèrent dehors. Ils étaient tous les trois impressionnés par le discours de la jeune femme. Elle avait dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas. Ils ne l'auraient jamais cru capable d'une telle chose. Elle, habituellement si discrète, s'était révélée comme une merveilleuse oratrice. Elle était parvenue à captiver même les plus dissipés. Alors une fois dehors à ses côtés, ils s'empressèrent de la féliciter. Elle refusa tout compliment, estimant qu'elle n'avait fait que ce qu'on lui avait demandé. Le trio sourit face à cette modestie. Mais il y avait un détail qui chagrinait le jeune blondinet. Il voulait s'entretenir seul à seule avec la jeune femme, mais pour cela il devait trouver un prétexte pour s'éloigner du duo féminin.
"- J'ai la dalle ...! Clama-t-il plaintif.
- Vas te chercher à manger. Rétorqua Dayana qui n'avait que faire de l'estomac de son ami.
- Qui m'accompagne à la cafet...?" Il regarda les trois filles dans l'espoir d'obtenir une approbation. Avelyne refusa, elle y serait trop tentée. Dayana refusa également, sans se justifier. Alors le hasard faisant bien les choses, Oria, sans doute trop gentille et ne voulant pas le laisser seul, accepta d'y aller avec lui. Zadig, ravi, pris le bras de la jeune femme et l'entraina sans plus tarder. Dayana et Avelyne échangèrent un regard suspicieux. Ces deux-là cachaient-ils quelque chose ? Il leur semblait pourtant que Zadig était homosexuel. Peut être était-il finalement bi ?
Le couple d'amis avançaient déterminé vers son but quand Zad y coupa court. Il se stoppa net dans un recoin où il n'y avait plus personne. La jeune femme au cheveux d'argent s'arrêta et le regarda. Elle ne comprenait pas ce geste injustifié. Il n'y avait rien ni personne.
"- Qu'est ce qui t'arrive ? Questionna-t-elle.
- Je n'ai pas faim en réalité Oria.
- Comment ça ? S'étonna-t-elle mécontente, ayant le sentiment d'être prise au piège.
- En fait, la vérité, c'est que je voulais qu'on puisse avoir une discussion seul à seule... toi et moi. Avoua le garçon.
- Une... discussion ? À quel sujet ?" Son expression de visage se radoucit. Zadig, qui semblait habituellement si enfantin, sembla soudainement très sérieux et plus adulte. Cela n'avait rien pour rassurer la jeune femme qui attendait impatiente que son ami lui explique la raison de leur présence.
"- C'est au sujet de toi Oria... au sujet, de ton discours, et de vendredi dernier.
- Ah... souffla-t-elle, sentant que quelque chose dérangeait son interlocuteur.
- Je sais que tu as mentis vendredi, cela fait parti de mon pouvoir, et ne te vexe pas car tu penses que j'ai pu l'utiliser pour te piéger... il est constamment activé. Je ne choisis pas de l'utiliser." Trouva-t-il utile de justifier avant de reprendre. "Je ne voulais pas en parler devant les autres pour ne pas te mettre en porte à faux... et j'avoue que jusqu'alors, je peinais à comprendre pourquoi tu nous avais menti. Mais en écoutant ton discours, il me semble que j'ai compris."
La visage de la jeune blêmit. Elle avait envisagé beaucoup de sujets qui aurait pu être grave, mais elle ne se serait jamais douter de telles accusations. Elle déglutit difficilement. Elle ne pouvait pas nier si il disait vrai au sujet de son don. Elle était prise au fait. Ainsi, elle se retrouva bête face au jeune homme blond.
"- Tu dois te demander comment ton discours m'a aidé à comprendre. Mais c'est assez simple en fait. Tu te serais arrêté à la première partie, je ne me serai douté de rien, mais tu as continué, et tu as parlé du silence. Tu as dis que quelqu'un, un jour, t'avais dis, que le silence était préférable au bruit. Et je ne connais qu'une seule personne qui revendique cette pensée. Il s'agit de Cryo. Donc... en fait, tu aurais vu Cryo, et si j'en crois ma pensée, c'est même lui qui t'aurais sauvé de Jugde et Alaney lors de ton entraînement... et il t'aurait demandé de garder le silence, pour je ne sais quelle raison." Zadig parlait sur le ton de l'hypothèse, bien qu'il était presque certain de ce qu'il avançait.
La réaction de la jeune femme, livide et ses yeux perdus dans le vague confirmèrent ses dires sans qu'elle n'ai à parler. Elle, elle comprit son erreur. Si quelqu'un avait été capable de comprendre le référence à Cryo, combien dans l'ensemble avait compris ? Elle n'osa même pas imaginer. Elle devait lui parler, à tout prix. Il soupira, sans doute déçu, mais il ne la jugea pas. Au fond de lui, il la comprit même et eut une forte compassion. Seulement, si elle avait menti à ce sujet, elle pouvait mentir autour de bien d'autres et cela lui déplaisait, bien qu'il serait toujours au courant. Alors sachant bien qu'il resterait face à une Oria silencieuse, il tâcha de reprendre son monologue.
"- En fait... Je te comprends. Je l'ai vécu aussi. Il y avait eu quelques événements entre Cryo et moi, il m'avait demandé de garder le silence, m'expliquant que je devais abandonner mes préjugé. Enfin, je suppose qu'il t'a dit la même chose. Et je garde encore le silence sur ce qu'il m'a dit. Alors je ne peux pas te reprocher de l'avoir fait également. Mais... Oria, est-ce que tu nous a caché autre chose ?" Interroge a-t-il.
Il la regarda avec un regard de sincère amitié. Elle se sentit en confiance et épaulé. Alors peut être un peu naïvement, et sûrement bien trop dépassée par la situation, elle avoua à demi mots.
"- Non .... enfin seulement à propos de Cryo... pour le reste vous savez tout de moi... J'aurai aimé vous en dire plus, mais pour être parfaitement honnête, Cryo ne m'a rien dit de plus. Il est resté très vague, froid et impassible.
- Il n'y a pas de mal à ça Oria. Si Cryo t'a demandé de garder le silence, fais le. Sauf si tu as le sentiment d'être en danger, à ce moment là, je te demande de nous le dire. Mais sinon, reste silencieuse. Je garderai le silence également." Il lui adressa un sourire réconfortant. Mais cela n'eut que peu d'effet.
"- Si Cryo apprend que tu sais...
- Je lui dirai la vérité Oria, que je l'ai déduis. Tu ne m'as rien dis, tu n'as rien à te reprocher.
- J'espère..."
Oria fut totalement déconcertée par cette discussion. Zadig, pour lui remonter le morale, l'emmena jusqu'à la cafétéria où il lui paya un cookie au pépites de chocolat. Elle voulait refuser que celui-ci dépense son argent pour elle, mais il la fit taire et lui donna le cookie. Alors malgré son appétit coupé, la jeune femme voulait faire honneur à ce gâteau, alors elle le mangea sous l'oeil avisé du jeune blond. Il retrouva son visage d'enfant, soulagé de cette discussion. Cela l'avait tourmenté tout le week-end mais aucune solution ne s'était présenté à lui. Dorénavant, les choses étaient claires, et il espérait gagner la confiance de Oria pour qui il éprouvait une sincère affection. Ensemble, ils rejoignirent le duo féminin, installé sur un banc dans le parc central. Comme toujours, Zadig opta pour s'asseoir dans le parterre de fleur, et Oria s'assit à côté de lui, en finissant son cookie. Oria exprima rapidement son souhait de ne pas revenir sur le discours, ce que tout le monde comprit. Les discussions allèrent alors à tout va. Oria, suite à sa discussion, fut prise d'un élan de sincérité.
"- Je sais que je change de sujet comme ça... mais j'aimerai beaucoup avoir des nouvelles de Cryo et de Jugde. Même si j'ai dis qu'il était haïssable et que je ne connais pas Cryo... il s'est quand même sacrifié pour moi alors.. ne pas savoir .... et l'idée de leur mort me coupe l'appétit et m'empêche de dormir. Alors.. Je crois que j'ai besoin de savoir où ils sont et comment ils vont.
- Peut être que si tu t'adressais à l'infirmier, il te donnerai des informations... proposa Avelyne.
- Je t'avoue que j'aimerai beaucoup savoir comment ils vont aussi... acquiesça Dayana surtout inquiète pour Jugde.
- J'essaierai d'obtenir des informations alors ! Et ne t'en fais pas Daya ! Je vous dirai tout.
- Quand vas-tu y aller ? Questionna Zadig.
- Peut-être maintenant, on a du temps, alors autant l'utiliser"
La bande approuva cette solution, et Oria qui se familiarisait de plus en plus avec les nombreux murs de cet établissement se rendit au bâtiment administratif. Elle se rendit alors au fond du couloir, ou elle poussa la porte de l'infirmerie. Le bureau de l'homme en blouse blanche était vide. Il n'était pas là, elle se demanda alors si elle avait le droit de l'attendre. Il était stupide de penser le contraire, alors elle prit place sur le fauteuil dédié à cet effet. Elle observa la pièce. Un squelette de corps humain, de nombreux casiers, qui recensaient sans doute tous les élèves, leur spécificité et leur problèmes de santé. Un calendrier, un agenda. La curiosité la démangeait, mais il était hors de question de faire des investigations sans savoir. Alors elle se prêta au jeu interminable de l'attente. Mais cela fut assez bref. L'infirmier poussa les portes de son bureau une quinzaine de minutes plus tard. Il observa la jeune femme, étonné de sa présence, et s'informa immédiatement sur les motivations de sa venue. Il pensait que comme tout ceux qui se rendait ici qu'elle avait des problèmes de santé ou qu'elle avait noté une anomalie. Mais il n'en fut rien. Son étonnement redoubla lorsque la jeune femme expliqua ses motifs.
"- Je suis désolé mademoiselle Sinklade, je ne suis pas en mesure de vous fournir quelconques informations aux sujets de ces deux jeunes hommes. Affirma-t-il sûr dans sa voix.
- Quoi ?! Comment ça ?! S'exclama Oria. Vous êtes infirmier de Singue Naar, et on ne peut pas avoir d'informations sur nos camarades et leur état de santé ? C'est du grand n'importe quoi !
- Calmez-vous mademoiselle. Je ne fais qu'appliquer le protocole. Alors je vous demanderai de bien vouloir sortir de mon bureau.
- Mais vous êtes complètement fou ! Je ne demande pas à les voir ni rien ! Mais au moins savoir si ils vont bien ! Ne serait-ce que savoir si ils vont bien ?! Tellement de personnes pensent qu'ils sont morts !"
L'homme à la blouse blanche lui adressa un regard d'autorité. Elle s'enfonça dans son dossier quand il se leva de son fauteuil pour s'approcher d'elle. Elle mordit sa lèvre, inquiète. Elle n'avait nulle confiance en cet homme. Elle trouvait qu'il ressemblait au savant fou dans les films qu'elle avait vu. Alors elle se leva précipitamment de sa chaise quand elle le trouva trop proche. Elle lui adressa un regard de dégoût, parfaitement dénigrant avant de quitter la salle en claquant la porte. Elle finirait par faire une crise cardiaque à force d'être confrontée à ce genre de personne. Elle se remit en route pour rejoindre ses amis lorsqu'une main inconnue se saisit de son bras. Elle sursauta et un cris de surprise lui échappa. Elle se précipita de faire volte face pour voir le visage de celui qui avait tenté de la surprendre. Elle fut surprise lorsqu'elle découvrit le doux visage de Eleven. Il lui fit signe de ne pas se faire remarquer et de le suivre. Elle ne redoutait pas beaucoup le garçon, alors curieuse, elle accepta de le suivre, elle aurait bien le temps de s'arrêter si cela devenait trop louche. Eleven, qui n'avait nullement l'intention de faire du mal à la jolie jeune femme l'emmena dans les jardins à l'entrée et s'arrêta à proximité d'une fontaine où il s'appuya.
"- Désolé de t'avoir fait peur Oria, ce n'était pas mon intention.
- Pas de soucis Eleven, mais pourquoi est-ce que tu m'as saisies le bras comme ça ? Demanda-t-elle, mettant immédiatement les pieds dans le plat.
- J'ai entendu ta discussion avec l'infirmier... j'étais dans une chambre juste à côté avec Alaney. Expliqua-t-il hésitant.
- Ah... et alors ? Qu'est ce que ça peut te faire ? Rétorqua Oria presque dédaigneuse.
- Ils sont dans la chambre quatre de l'infirmerie. C'est la dernière au fond du couloir... mais si tu veux réellement les voir pour y obtenir des réponses, n'y vas pas avant minuit, l'infirmier quitte les lieux vers vingt-trois heure, pendant une heure, les femmes de ménages font le ménage, mais après la voix est libre. Tout sera éteint mais ils laissent ouvert au cas où que des élèves se sentent mal dans la nuit."
Les révélations de jeune homme étonnèrent la femme au cheveux d'argent.
"- Pourquoi est-ce que tu me dis ça Eleven ? Et comment tu sais tout ça ? demanda-t-elle méfiante, mais soulagée d'obtenir enfin des réponses.
- Je te le dis, car même si je ne saurai expliquer pourquoi, je sens que tu es différente Oria. Alors je veux sincèrement croire en toi... et Cryo t'aidera sûrement dans cette quête. T'avoir à ses côtés pourraient peut être le motiver à sortir de là où il est... avoua-t-il dans une grande sincérité. Et les informations je les ai trouvé dans les documents de l'infirmier. Ils étaient sur son bureau quand je suis arrivé. Et pour son planning... je suis là depuis suffisamment longtemps pour avoir eu le temps d'observer.
- Merci beaucoup Eleven... j'espère que tu as raison. Je ne sais pas si je pourrais aider Cryo à quoi que ce soit... j'ai surtout l'impression que c'est moi qui ait besoin de lui.
- Tout est possible Oria. Surtout ici... murmura-t-il pensif.
- Ça ne va pas ?"
Eleven hésita à répondre. Habitué, il aurait répondu que tout aller bien, mais pour une fois, il n'allait vraiment pas bien, et mentir encore et encore l'épuisait. Il regarda la jeune femme et il eut un court instant pitié d'elle. Elle ignorait encore tellement de choses, mais dans le fond, il réalisait qu'il n'était pas sûr d'en savoir plus.
"- Ça va Oria. Je me sens juste pas à ma place ici. Et ça m'épuise...
- Je peux être sincère avec toi Eleven ? demanda-t-elle sachant très bien qu'elle dirait le fond de sa pensée quelque soit la réponse du beau brun.
- Au point où on en est... vas y.
- Déjà, je ne comprends pas ce que tu fous avec des gens comme Jugde ou Alaney. Tu sembles tellement gentil à côté d'eux ! Tu ne leur ressemble pas Eleven ! Sourit-t-elle.
- Je les connais depuis des années, et ils sont pas si terrible ! Il suffit juste de prendre le temps de les connais. Assura-t-il un fin sourire au lèvre.
- Mouais, j'ai de gros doutes la dessus. Mais bon, que dirais-tu de venir avec nous ?
- Non Oria ça ira ! T'en fais pas..
- Non. Reprit la jeune femme. En fait c'était pas une question."
Elle entraîna le jeune garçon avec elle en le tirant par le poignet. Elle traversa l'école à contre sens, heureuse. Eleven ne luttait pas. Malgré ses réticences à rejoindre un nouveau groupe, de la compagnie de lui ferai pas de mal. Ils savaient que le groupe de Avelyne était des gens heureux, et entendre parler et rire lui ferait du bien. Quant à l'action de Oria, cela confirmait ses dire. Elle était différente, et il savait, par une quelconque intuition, que ce n'était que le départ. Ils arrivèrent tous deux devant le quatuor. Heiv avait rejoint les trois premiers amis.
"- Je vous ramène quelqu'un ! Annonça Oria.
- Oh.... E..Eleven ..! Sourit Avelyne.
- Bonjour à toi ! Lança Zadig.
- Salut tout le monde..." dit-il timidement.
Les deux derniers arrivant prirent place parmi le quatuor. Eleven n'eut aucune difficulté à s'intégrer à leur groupe d'amis. Personne ne le mit de côté, il avait son mot à dire dans toutes les discussion. À aucun moment, il n'eut le sentiment d'être jugé, d'être un poids pour les autres. ll s'en trouva bien soulagé. Les rires s'envolèrent dans le ciel, gagnant ainsi les nuages blancs. Le soleil d'avril chauffait doucement le visages des étudiants. La nature semblait alors en harmonie. Personne n'aurait cru possible que la menace se faisait plus grande, que dans le silence, le danger s'épaississait. Un nuage noir se construisait non loin de là, gardant un oeil sur l'insouciance de chacun, berçant chaque rêve, étouffant chaque angoisse, pour que le moment venu, la peine soit plus rude. Mais ces hostilités seraient bientôt la principale pensée de chacun.
***
Dans son bureau, jouant avec son stylo, il réfléchissait. Son regard ne distinguait plus les lettres sur les feuilles de papiers, pourtant, il ne semblait manquer qu'une simple signature. Il avait rempli la date, ajouté son nom et prénom, ainsi que le lieu. Mais il ne signait pas, visiblement trop préoccupé. Il avait demandé à sa secrétaire de ne pas être dérangé jusqu'à nouvel ordre, pourtant, la chaise face à lui se recula, grinçant sur le sol, et un corps noir prit place dessus, sans que la porte d'entrée ne se soit ouverte. Il ne leva pas les yeux, il n'en avait nullement besoin pour savoir qui était en face de lui.
"- Tu t'es fais avoir par deux gamins Truss. Désolant." Commença la voix de l'arrivant. "Je pensais que nous travaillons en collaboration toi et moi. N'est-ce pas ?
- C'est en effet ce qui était convenu...
- Alors pourquoi t'es-tu laissé trompé par deux mômes ?! Demanda l'inconnu haussant le ton
- Car ces mômes comme tu dis, ne sont pas de simple mômes ! Rétorqua Truss Hengar.
- Et qu'ont-ils de spécial à part que l'un d'eux et ta progéniture ?
- L'un d'eux est l'enfant ! L'autre ...
- Quoi l'autre ?! Débarrasse toi de l'autre. Il nous cause du tort, et ce n'est pas bon pour nos affaires.
- Et que me suggères-tu pour m'en débarrasser ?! Je ne vais quand même pas le tuer !
- Tu pourrais.
- Cela ne faisait nullement parti de notre accord.
- Je pourrais même le tuer pour toi si tu me le demandais. Vu l'état dans lequel il est, personne ne se douterait que tu as ordonné à quelque chose de le tuer. Son cœur cessera simplement de battre, petit à petit, jusqu'à sombrer dans le sommeil éternel.
- Est-ce qu'il souffrira ?
- Si c'est la seule chose qui t'importe, je ferai en sorte qu'il ne souffre pas plus qu'il ne souffre déjà.
- Alors... qu'il en soit ainsi. Mets fin à ses jours.
- Je te remercie. Comme quoi, quand tu veux tu le peux.
- Il n'y a pas de quoi me remercier. Mais agis de nuit je te prie.
- Très bien. Je ferai ça dans la nuit. Merci de ta coopération Truss, c'est toujours un plaisir."
Le directeur ne prit même pas la peine de répondre, et la personne de noir vêtue quitta la pièce de la même manière qu'elle l'avait gagné. Sans que rien ne se sache ou ne se voit. Il restait seul, déconcerté. Demain matin, il aurait une mort de plus sur la conscience, une de plus, il se dit que cela avait peu de valeur. Mais cette vie commençait à le fatiguer, mais tout l'empêchait de renoncer. Il avait toujours apprit à lutter, encore et encore, et le projet qu'il avait mis des années à bâtir, il le mènerait jusqu'au bout, quel qu'en soit le prix à payer. Personne ne se mettrait en travers de son chemin, pas même cette prophétie écrite dans de vieux bouquins poussiéreux.
***
À Dashter Er, l'ambiance était tout autre. Le comportement de Athena, qui était déjà sorti d'affaire bien que boiteuse, avait changé du tout au tout. La jeune femme, habituellement proche des autres étudiants, se trouvait soudainement à dénigrer le monde entier. Elle n'adressait plus la parole à personne, elle regardait tout le monde de haut. Personne ne comprit ce changement radical, l'on pensa qu'elle avait mal vécu sa défaite face à Cryo et Jugde, mais peu importait pour beaucoup d'élèves. Ils n'y étaient pour rien et cela énervait. De plus, elle avait soudainement pris la décision d'assister aux entraînements de chaque classe, et elle ne manquait jamais de lancer une remarque désagréable. Et ceux qui osaient lui tenir tête le regrettaient très vite. De plus, deux nouveaux élèves avaient fait leur rentré. Personne ne savait d'où ils sortaient. Ils n'avaient jamais été prévenu de cela. Deux hommes, deux frères, peut être même des jumeaux. Ils se ressemblaient beaucoup, mais ils avaient cet air sur le visage qui ne donne pas envie. Personne ne leur avait adressé la parole. Personne ne savait où était leur chambre, dans quelle classe ils étaient. Seul Athena semblait nouer des liens avec ceux-là. Elle ne se décollait plus d'eux et paraissait boire leur parole ! Cela en écœurait plus d'un. Ils avaient tous deux un regard sombre, des visages fermés, coupés de toute expression. Il semblait n'avoir aucun coeur, aucune émotion. Mais pour ceux capable de le ressentir, il était impossible de passé à côté de ce qui se dégageait d'eux. Il émanait de leur corps une aura tout à fait malsaine, et bien trop puissante. La seule fois où ils avaient ressenti ça, c'était celle où Cryo s'était retrouvé hors de lui. Cela n'avait alors rien de rassurant. On pensa d'abord qu'au moins une personne pouvait égaler leur apparente puissance, mais on réalisa vite, que quoi qu'il arrive, il serait deux contre un. Et que si cette aura s'échappait naturellement de leur être, qu'est ce que cela pouvait donner si ils venaient à se mettre en colère à leur tour. Personne ne voulu l'imaginer, et chacun courba le dos sur cette menace qui pesait sur eux. Cependant, malgré l'apparent silence, on ne se laissa pas si facilement avoir. Il n'avait pas été difficile d'identifier que le nouveau trio passait son temps au centre de documentation. Ils avaient privatisé une salle de travail et ils passaient leur journée dedans. Ils prenaient des livres, les lisaient, et ne semblaient faire ça. Intrigués, les élèves avait fais des recherches pour identifier le type de livre qu'ils empruntaient. Ils n'eurent aucune difficulté à comprendre qu'il s'agissait des livres sur le langage. Mais cette simple révélation troubla les esprits, pourquoi donc voulaient-ils en apprendre plus sur les langues anciennes ? Certains estimèrent que comme ils étaient nouveaux, Athena avait été chargé de les remettre à niveau, d'autres restèrent sur leur position, assurés que des choses de plus en plus étranges s'affairaient sous leur yeux, et pour eux, il était impossible de rester les bras ballant sans rien faire. Il n'y avait aucun doute sur l'urgence d'agir.
***
La fin de la journée se passa sans encombre à Singue Naar. Eleven était resté avec son nouveau groupe dans lequel il s'était parfaitement intégré. Il avait beaucoup sympathisé avec chacun d'entre eux et son regard avait énormément changé à leur sujet. Il est vrai que Jugde et Alaney les avait beaucoup vendu comme un groupe de gamins immatures et attardés. Mais à sa surprise, il avait trouvé cinq personnes très réfléchis, mais qui avait un profond sens de l'humour et beaucoup d'auto-dérision, ce qui n'était le cas d'aucun de ces anciens amis. Les cinq amis, avaient eux aussi, changé d'opinion au sujet de Eleven. Il n'était pas comme Alaney et Jugde, prétentieux et hautain. Au contraire, il avait une certaine joie de vivre et un rire très communicatif. On lui avait d'ailleurs fait la remarque, et il en avait très touché. Aussi, il avait avoué qu'il n'osait jamais rire en présence de son groupe initial, son rire étant trop critiqué. Cela n'avait pas surpris les jeunes étudiants, au contraire, mais ils s'étaient tous soucié de rassurer le jeune homme. Le soir, ils avaient partagé leur premier repas tous ensemble, à la cafétéria. Ils avaient préalablement commandé des frites et des nuggets. L'initiative avait été soumise par Eleven, accoutumé à ce genre de demande auprès de Suzzi. Ce repas avait été très apprécié de tous, qui repartaient se coucher le ventre plein. Oria, qui avait prévu de s'octroyer quelques heures de sommeil avant de rejoindre son sixième sens à l'infirmerie, régla son réveil à 00h25, pour être certaine que les argents de ménages aient quitté les lieux à son arrivée.
Quelques étages au dessus, un fin trait de lumière apparu dans le couloir, elle provenait de la chambre 26E. À l'intérieur, Zadig se tenait debout, regardant à l'extérieur, simplement vêtu d'un débardeur et d'un caleçon. Il observait la lumière de la lune, comme s'il attendait une réponse. Il soupirait régulièrement, jusqu'au moment où il se décida enfin. Il coupa la lumière de sa table de chevet, et ouvrit la porte de sa chambre dans la plus grande délicatesse. Le couloir était sombre et endormi. Il n'y avait pas âme qui vive. Cela l'encouragea à continuer son chemin. Il avança à pas de loup dans le couloir jusqu'à gagner la porte de sortie. Une fois dehors, il s'assura d'être seul, et continua sa route. Il emprunta les escalier qui montaient encore à l'étage. Malgré l'obscurité de la nuit, il semblait parfaitement savoir où il allait, comme si il avait parcouru ce chemin des dizaines de fois. Peut être même plus. Une fois arrivé à l'étage désiré, il poussa une première porte. Il se trouvait dans l'espace dédié aux chambres A. Là encore, il ne se stoppa que pour vérifier qu'il était le seul à arpenter le couloir, mais à une heure si tardive, il ne risquait rien. Sans plus attendre, il alla trouver ce qu'il était venu chercher. Il entre ouvrit la porte 22A, et murmura :
"- Cutie pie ...? Je peux venir..?"
L'intéressé qui se trouvait alors dans son lit, à moitié dans le sommeil, entrouvrit les yeux. Il avait nettement reconnu la voix de Zadig. Pour toute réponse, il se redressa et se décala dans son lit afin de laisser de la place à celui venu le trouver. Zadig s'empressa de venir le rejoindre en fermant délicatement la porte derrière lui. Il se glissa sous les draps gris et pressa son corps contre le propriétaire de la chambre avant que ce dernier ne murmure :
"- Que fais-tu là à cette heure-ci kitten ?
- Je voulais qu'on parle... si ça ne te dérange pas, je n'arrive pas à trouver le sommeil, ça me travaille trop.
- Quelque chose ne va pas ? S'inquiéta le deuxième garçon en caressant la joue de celui qu'il appelait son chaton.
- Si. Affirma Zadig en se saisissant de la main de son locuteur. Je veux que l'on parle à propos de nous..." souffla-t-il péniblement.
L'homme torse nu dans le lit se retira de l'étreinte de Zadig. Il savait que ce moment viendrait, ce n'était pas la première fois qu'ils entamaient cette discussion. Mais cette fois, il sentait la voix de son partenaire plus ferme et plus décidée à aller jusqu'au bout. Il comprenait l'envie de Zadig de mettre les choses au clair, mais il ne savait pas lui même s'il s'en sentait capable, il était, au fond de lui, déjà terrorisé. Alors il se contenta de hocher la tête, laissant la parole à son compagnon.
"- Heiv... commença-t-il de sa voix la plus douce possible pour rassurer son partenaire. Nous sommes à J-10 de nos deux ans ensemble. Deux ans qu'on partage nos vies et notre amour... je voudrais tellement pouvoir ne plus avoir à me cacher. Je sais que c'est dur pour toi, que ton passé te crée un blocage, mais je t'en prie... laisse nous une possibilité de rompre ça.
- Je ne peux pas kitten désolé.... soupira tristement Heiv.
- Bien sûr que si tu le peux ! Je suis avec toi ! Tu te rappelles ? Ensemble on peut tout affronter ! Affirma Zadig. Tu me l'as toi même dis un jour... ensemble on peut tout affronter.
- Ensemble...oui... c'est vrai.
- Quoi ? Tu ne me crois pas ? Tu ne crois plus en nous ?
- Évidement que je te crois Zadig. Et je crois en nous plus que tout ! Plus que tu ne peux te l'imaginer. Je sais que tu ne laisserais personne me faire ce que l'on m'a fait auparavant, je sais aussi que les filles t'ont accepté tel que tu étais... qu'elles ne t'ont jamais jugé.... et qu'il en serait sûrement de même pour moi.
- Alors qu'est ce qui te bloque Cutie pie ? De quoi as tu peur ? Questionna l'homme blond en mêlant ses doigts à ceux de son partenaire.
- Notamment qu'elles nous en veuillent ...car on leur ment depuis deux ans... et... qu'elles me voient différemment, que je sois plus le même à leur yeux. Que les gens ne me voit plus comme il me voit maintenant.
- Mais ce que les gens voient en ce moment ce n'est pas toi Heiv ! S'exclama Zad dans un élan d'énervement.
- Je sais... Je sais... pardonne-moi... murmura le jeune brun.
- Cela n'arrivera pas. Je te le jure. Personne ne te verra différemment, tout le monde verra qui tu es vraiment, c'est toute la différence. Je t'en prie... Je ne veux plus vivre caché, je veux pouvoir te serrer contre moi dès que je le souhaite ! T'embrasser ! Te glisser aux creux que l'oreille que j'ai envie de toi à n'importe quel moment. Je veux pouvoir tenir ta main devant tout le monde. Ne plus avoir avoir à masquer les marques que tu laisses dans mon cou. Je ne veux plus me retenir de te dévorer du regard à chaque instant ! Tu comprends ça ?"
Heiv comprenait ses paroles. Oh combien il les comprenait. Lui aussi éprouvait ce sentiment insoutenable d'être un autre, et de ne pas pouvoir profiter pleinement de sa relation avec l'homme qu'il aimait tant. Lui aussi voulait pouvoir s'épanouir pleinement. Tout son être vibrait pour le beau blond. Il en était fou, mais il comprit que pour le lui prouver un peu plus aujourd'hui, il faudrait qu'il affronte ses démons. L'épreuve lui sembla insurmontable jusqu'à ce que le souffle chaud de son partenaire n'atteigne sa joue.
"- Je suis fou de toi Heiv. Je suis prêt à tout pour toi. Je t'en prie.. laisse nous une chance..."
Les yeux bleu de Zadig rencontrèrent soudainement les yeux sombre de Heiv.
"- Moi aussi je suis fou de toi Zadig."
Heiv avait affirmé ça avec une telle sincérité que Zad ne put s'empêcher de sourire. Il aimait entendre ces mots plus que tout. Cela faisait battre son cœur, plus que dans n'importe quel situation. Et il comprit tant de chose. Heiv, fatigué de réprimé qui il était réellement, s'empara des lèvres de son cadet dans un baiser ardent. Très rapidement, les corps s'échauffèrent et se retrouvèrent nus, serrés l'un contre l'autre. Les bouches parcourraient chaque parcelle de peau une énième fois, les mains ne faisaient qu'augmenter la tension dans le corps de l'autre. Ils se connaissaient parfaitement, ils savaient comment pousser l'autre au bout de lui même, comment le pousser à bout pour qu'il ne puisse plus retenir ses gémissements. Zadig, dominant sur Heiv prenait un malin plaisir à le faire languir sous de nombreuses caresses, ses lèvres s'appropriaient chaque partie du corps de son partenaire. Tantôt en mordillant, tantôt passant sa langue sur la peau frémissante de son autre, jusqu'à atteindre ses oreilles afin d'y susurrer quelques mots poussant le jeune homme au visage assombrit par le désir à se retourner, prêt à subir la meilleure torture. Son corps était entièrement tendu, n'attendant que l'atteinte de l'extase. Pour la première fois depuis leur sept cents vingt jours de relation, il ne se retiendrait pas. Il n'étoufferait aucun cri. Au plus grand plaisir du blondinet dont le plaisir décupla à chacun d'entre eux. Ensemble ils s'adonnèrent à la tentation du plaisir charnel. Ce ne fut qu'après un long moment, qu'ils atteignirent ensemble, ce moment de grâce. Leurs corps encore chauds berçaient par la douce lumière lunaire, se serrèrent dans une dernière étreinte, avant de sombrer dans le sommeil.