Chapitre VII

Par Fidelis
Notes de l’auteur : Attention, on s'enfonce dans le terrier du lapin blanc, donc des protections minimales sont requises, casque, genouillères, coudières.... bonne lecture

Ils découvrirent à leur grande surprise une salle pleine d’hologrammes. Les murs se divisaient en une multitude de fenêtres qui retransmettaient en direct les événements en cours dans toute la cité Étoile. Les foules étaient bien sûr ciblées. On pouvait deviner par le cadre en surbrillances rouges ou bleu qui entouraient la tête des gens si leurs esprits étaient réceptifs aux messages publicitaires que le Megaraptor diffusait en continu. Ce qui les classait dans deux catégorie, client potentiel ou acquis à un achat imminant ou à l’inverse, non stimulait par la promesse de l’annonce. Un prévisionnel des ventes en temps réel, comprit Valéri, impressionné par le haut niveau de technicité.

L’agent, fasciné par la couverture du réseau, ouvrait de grands yeux pour les observer. Uriel, lui, s’imaginait avoir trouvé une idée qui lui permettrait de justifier ses paroles, ou plutôt ses fantasmes en relation avec l’impératrice.

Toutes les fenêtres holographiques disparurent d’un seul coup, pour laisser apparaître des murs blancs laqués, dont le reflet agressif leur fit plisser les paupières le temps de s’y familiariser. Au milieu, un bureau en forme de demi-cercle derrière lequel la directrice les observait le dos bien droit et les deux mains à plat sur sa surface.

Tee-Rex lui avait assuré qu’ils étaient ses deux meilleurs éléments. Elle se garda pourtant bien de le leur dire, car, pour elle, ils ne représentaient que des potentiels à faible valeur ajoutée, tout comme leur débile de chef pensa elle en les épiant avec attention.

Sa voix autoritaire sans nuance claqua comme un coup de fouet.

— Valéri, Uriel, approchez-vous, j’ai deux trois questions à vous poser. Vous serez gentils de répondre sans traîner, et éviter ainsi de me faire perdre un temps précieux.

Ils s’exécutèrent, leurs regards à présent braqués sur elle. Il se sentait mal à l’aise dans cet endroit trop silencieux ou doux parfum de sous-bois, qui s’assortissait bien avec la cascade d’eau holographique apparue sur un côté du mur.

Elle effectua un geste de la main comme s’il elle chassait une mouche sur son bureau et un texte prit la place de la fontaine. C’était un procès-verbal, enregistré par la police du secteur. Elle exécuta le même geste et ils visionnèrent cette fois la séquence de la veille qui se déroulait devant leurs yeux. Celui ou mocassin d’indien se pissait dessus dans le rayon avant qu’il ne parte en courant pour se terminer au moment où il passait les portiques de sécurité, à l’instant où il fut interpellé.

— Voilà, hier cet individu à déposer une plainte, qui concerne le magasin. La police est venue en prendre connaissance pour conclure que le Megaraptor n’avait rien à se reprocher. Vous deux, après l’avoir sorti, vous vous êtes entretenu avec lui, j’aimerais que vous me répétiez en détail ses paroles, je vous écoute.

Aucun des deux ne s’attendait à être interrogé au sujet de l’invertébré et ils se mirent à gigoter sur place mal à l’aise, puis Valéri débuta.

— Euh comment dire pas grand-chose pour ma part, Uriel peut être un peu plus, car il l’a gardé dans notre local, mais le gars semblait sous l’effet d’une drogue assez puissante. Il avait du mal à s’exprimer de manière cohérente, paraissait choqué émotionnellement. Si l’on peut en juger par le relâchement de sa vessie, mais nous, on ne lui a rien fait hein. Il était déjà comme ça quand on l’a interpellé.

Uriel qui, même s’il comprenait que le sujet ne tournait pas autour de ses images lubriques qui lui parasitaient l’esprit, se décida tout de même à glisser son idée au milieu des justifications de son collègue, pour se déculpabiliser sur un éventuel espionnage du personnel.

— Voilà tout à fait, et pour sécuriser nos échanges devant le suspect, on a mis un point une forme de code dans notre dialogue histoire que rien ne filtre. Il s’arrêta, pour inspirer longuement avant de reprendre. Par exemple, j’aimerais bien lui retrousser la jupe, ça veut dire…

Il n’eut pas le temps de détailler sa judicieuse méthode, qu’elle tapa du plat de la main sur le bureau, ce qui le fit se taire et déglutir une nouvelle fois en silence.

— Je m’en balance Uriel de la manière dont vous opérer avec votre collègue, je pose une question vous répondez !

Valéri lui jeta un rapide coup d’œil, et comprit qu’il avait mal choisi son moment, pour tenter d’expliquer ses exubérances libidineuses.

L’agent de sécurité se reprit et en revint au sujet.

— Oui, très bien, euh, comment dire je partage l’avis de mon collègue, en ce qui concerne son état physique. Dans le local, il m’a confié s’être fait agresser par deux individus habillés en bleue qui voulaient l’enlever. Ces inconnus n’apparaissent pas sur les caméras, en dehors d’une personne âgée, nous n’avons vu personne, bien que le rayon livres comporte un angle mort, alors c’est tout à fait possible…

— C’est ce que j’ai constaté tout à l’heure avec votre chef. Je vous explique la situation, cela fait le quatrième incident similaire à se produire avec la clientèle, et à chaque fois, une dame âgée passe à côté de la victime.

— Ah ! les p’tits vieux c’est les pires, lâcha Uriel d’un air approbateur avant que Valéri ne lui décoche un coup de coude pour lui faire remarquer que son langage n’était pas approprié.

Elle plissa des paupières et le fixa avec toute la froideur de promesses de sévices longs et savoureux. Ils eurent tous les deux la sensation que des hologrammes de maître du donjon allaient apparaître et que cela allait être sa fête.

— Vous voulez vraiment participer à la prochaine promo de sex-toy, équipé d’une muselière sur la gueule, encore un mot et je vous promets toute la panoplie.

Uriel déglutit, et se mordit l’intérieur de la joue et se répéta son mantra… ferme là surtout ferme la…

— Étant donné que nous ne possédons que cette piste, je vous demande à tous deux, une surveillance accrue des personnes âgées dans ce secteur. De ne pas hésiter à vous rendre à l’intérieur du magasin afin de faire comme bon vous semblera pour trouver le début d’une idée concernant l’identité des agresseurs. Attention, je ne vous demande pas de vous en occuper, je vous demande des résultats. Cela vous évitera de vous retrouver muté à des postes moins confortables, que de rester enfoncer dans vos fauteuils a maté le cul des clientes toute la journée. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ? Je ne veux plus aucune plainte sur mon bureau. Alors, vous vous débrouillez comme bon vous semble, mais interpellez moi ce gang de ratés qui tente d’enlever des consommateurs. Disparaissez, je vous ai assez vu !

Elle leur fit un signe de la main dédaigneuse, pour elle, le message était passé. Les rapts représentaient l’une des causes majeures de la criminalité en ville, elle n’avait pas envie que cette dérive s’installe dans son Megaraptor. Banaliser la pratique ralentirait la progression de son chiffre d’affaires et cela, il en était hors de question dans son cerveau formaté à la croissance et aux primes qui lui revenait quand les actionnaires étaient satisfaits.

Les deux agents se retirèrent sans rien rajouter, et gardèrent le silence jusqu’à la sortie de l’ascenseur. Ce fut Uriel qui se lâcha en premier.

— Alala, elle me fait triquer avec son chignon et sa mèche.

Valéri lui jeta un coup d’œil inquiet.

— Le problème chez toi, c’est que tu ne sais pas t’arrêter. Tu as perdu tout instinct de danger, là, tu étais à deux doigts de finir avec un collier boule, et je te garantis que tu l’aurais fermé.

Ils marchèrent d’un pas plus détendu jusqu’à leur box.

— Ça ne me dérange pas que tu sois taré, mais je n’ai pas envie que tu m’emportes dans ta chute. Sans parler de ta femme, car je te rappelle que tu es marié, et à présent que j’y repense, je me demande si ce n’est pas toi qui devrais consulter un psy.

Uriel gonflait ses joues pour en sortir un son d’une grosse caisse, à la cadence rapide.

— Non, mais, en levrette sur le bureau, tu l’images !

Ils reprirent leur place sur leur siège compensateur comme si rien ne s’était passé.

— T’as un sérieux problème, enfin nous. Je ne sais pas si tu as bien écouté. On a une obligation de résultat, alors tu peux la visualiser comme tu veux, ça ne nous empêchera pas de morfler si on ne lui rapporte rien de crédible.

Crainte aussitôt balayée par son collègue, qui se voyait déjà récompensé, d’une manière bien personnelle.

— Et oui, moi j’ai trop d’imagination, et toi tu n’en as pas assez. C’est une aubaine pour nous cette mise à l’épreuve, on va pouvoir lui montrer de quoi on est capable et je t’assure qu’elle nous regardera avec respect dans l’avenir.

Valérie ne préféra pas savoir à quoi il songeait, il remarqua le livre de mocassins d’indien, qui traînait toujours à côté de leur écran et s’en servit de motif pour s’éloigner un peu.

— Ouais c’est ça, n’empêche-moi j’ai l’habitude de me faire virer, et là je peux te dire qu’on s’approche à grands pas de la sortie. Je vais remettre le bouquin à sa place, inutile de leur mâcher le travail en leur offrant un prétexte sur un plateau.

Il saisit le livre pour se diriger vers le rayon concerné. Autour de lui la clientèle de fin de journée commençait à envahir le magasin d’un air pressé. Il en profita pour feuilleter l’ouvrage qui leur avait, de manière indirecte, amené tant de soucis, « transcender votre nature » en dix étapes, et devenait ce que vous avez toujours rêvé d’être. Dès la première phrase, il comprit où cela devait le mener. Une méthode de déconstruction, ou de démolition. Une de celle qui vous fait penser que, si vous avez aimé le grille pain de vos parents étant jeune, c’est que vous possédiez une affinité cosmique avec lui. Preuve irréfutable, que vous faites partie de la grande et merveilleuse famille des grilles pain !

Il fut très vite décontenancé par la frivolité de son contenu, et se demanda ce que mocassin d’indien chercher dans un tel ouvrage. Puis à son souvenir il se dit que oui, il était fort probable qu’il aimait à s’imaginer différent, vu son allure insignifiante en comparaison à sa compagne.

À l’instant de poser le bouquin, un léger trouble l’envie, une sensation de vertige tout d’abord, puis une ondulation traversa son champ de vision, comme une vague translucide qui se diffuse, avant de disparaître. Quand il lâcha le livre, il eut l’impression que quelque chose avait changée, sans comprendre tout à fait de quoi il s’agissait. Sa salive avait un goût étrange et il se demanda s’il ne faisait pas un malaise. Il s’apprêta à exécuter un demi-tour pour s’en aller et aperçut un client à deux mètres de lui qui l’observait avec un air de demeuré, et un grand sourire aux lèvres.

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Alphajuliett
Posté le 23/04/2025
Oh ce cliffhanger ! Bien joué. Uriel me parait être un ahuri fini mais je l'adore déjà. Je continue ma lecture tranquillement, et je savoure. Les descriptions sont courtes mais percutantes et efficaces, tout est clair, c'est comme une promenade dans une autre réalité.
Fidelis
Posté le 24/04/2025
Ils en tiennent tous une couche je pense, et tu vas voir, ça ne va pas en s'arrangeant.

Bonne lecture, content que ça te plaise ^^
sakumo91
Posté le 17/03/2025
C'est toujours aussi bien, j'ai envie de savoir ce qu'il s'est vraiment passé. Il y a t'il des enlèvements ou est ce que c'est des effets secondaires de produits expérimentals pour essayer de faire acheter plus... Prends ton temps pour écrire, c'est génial 👍.
Fidelis
Posté le 18/03/2025
Merci à toi, oui cette incident va être expliqué en partie, mais il va y avoir une grosse accélération à la clé. Tiens toi bien sur ton fauteuil, ça va encore monter dans les tours.
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