Chapitre VI

Par Fidelis

Uriel qui se sentait visé grimaça et se tassa un peu plus sur son siège.

— Putain suis mal suiis maal, elle m’a entendu !

Valéri ne put s’empêcher de sourire, grand costaud, mais pas très courageux, pensa-t-il.

— Ah oui il semblerait bien qu’elle t’est entendue, tu es bon pour te faire attacher à un pilier de l’entrée, à poil pour la prochaine promo sex-toys.

— Dis pas ça t’es con, ma femme n’acceptera jamais !

— Mais non t’inquiètes, tu auras une muselière en cuir à tête de chien personne te reconnaîtra, ou enfin juste ton fion.

Sur leurs écrans les deux venaient de se séparer. L’impératrice retournait dans son Olympe des dieux pendant que le chef de la sécurité qui continuait de mater les demi-sphères au regard intrusif marchait d’un pas pressé, dans leur direction.

— Putain il arrive, je t’ai dit y ont installé de nouveaux systèmes j’suis foutu !

Constat partagé par son collègue qui ne put en effet s’empêcher de trouver cela étrange.

— Tu as raison y vient vers nous, non, mais attends les caméras c’est pour surveiller la clientèle pas nous, arrête de flipper. On ne bouge pas de toute la journée de notre poste, pourquoi on s’amuserait à nous observer, sois cohérent deux minutes.

La remarque l’apaisa un court instant et il du bien reconnaître qu’il n’avait pas tords, il croisa les bras et enfonça un peu plus sa tête dans ses épaules.

— Il arrive, il arrive fait comme si on l’avait pas vu, y va peut-être juste emprunter la sortie ouest.

Le chef de la sécurité n’était pas quelqu’un de très enjoué. Ancien militaire, il gardait sur son visage comme dans ses manières les stigmates de ces campagnes en tant que sous-officier dans un bataillon d’assaut. Il avait participé à la répression des étudiants qui s’étaient enfermés dans leur université pour vivre reclus de la société. Il avait ensuite stoppé les marcheurs sans frontières qui avaient décrété que le monde devait être parcouru à pied et que le reste devenait superflu. Idéologie de la liberté qui avait entraînait des centaines de milliers de personnes sur les routes, ils fondaient sur les villes pour les piller tel un essaim de sauterelles gourmandes. Le phénomène avait pris forme en même temps que les jeux démocratiques libre, ce qui les avait affecté, et attirait certains athlètes à leur cause. On avait pu assister, ainsi, aux premières remises de médaille à titre posthume.

D’une allure imposante, dotée d’une mâchoire carrée, posée sur un cou de taureau. Il était habitué à se faire obéir, et voyait dans chaque suspect un dissident qui dans un autre temps aurait fini éparpillé avec une charge de C4 attaché autour de la taille par ses soins.

Les deux pouvaient l’observer sur leurs écrans arriver droit sur eux, avec pour toute formule de politesse quand il se présenta.

— Tous les deux, écoutez-moi bien !

Les deux agents laissèrent juste leurs yeux dépasser des moniteurs derrière lesquels ils tentaient de se cacher.

— Qui nous ?

Hasarda Uriel, qui commençait à se liquéfier sur son siège.

— Tu vois d’autres abrutis ici ! Je vous ai dit d’écouter pas de l’ouvrir, alors ferme-la ou tu vas finir dans une barquette de viande reconditionnée !

Il les scruta tour à tour avec son air de broyeur portatif de chair à canon.

— L’impératrice veut vous voir dans son bureau, donc vous allez vous y rendre sans tarder et surtout, surtout… insista il en laissant une respiration avant de terminer sa phrase pour lui donner un surplus d’intensité… Vous allez l’écouter avec attention, sinon je vous promets de m’occuper perso’ de votre cas, EST-CE BIEN CLAIR !

Les deux déglutir ensemble, sans dire un mot pas bien sûr d’en être autorisé, en oscillant juste de la tête pour lui signifier que jusque-là, ils avaient tout compris.

Il repartit sans rien rajouter après avoir constaté sur leur visage que le message était bien passé. Les deux agents échangèrent un regard, qui laissait à penser qu’une livraison de questions clandestines venait de leur tombée sur leurs pompes. Comme avec ces clients qui échouent au box et dont ils n’arrivaient pas à saisir leur intention, avant de s’éloigner comme si leur monologue était parvenu à résoudre le problème tout seul.

C’était la première fois que l’impératrice du Megaraptor leur demandait de passer dans son bureau. Uriel qui avait déjà fantasmé un nombre incalculable de fois cette scène n’avait jamais songé qu’elle pouvait se dérouler dans la vie réelle. Il craignait surtout les différences majeures qu’il pouvait y avoir entre les deux versions.

Valéri finit par lâcher, sur un ton qui ne laissait pas transpirer l’entrain.

— Bon, ben je crois qu’on va devoir y aller.

Ils échangèrent un regard, les idées d’Uriel avaient fait leur chemin dans la tête de Valérie qui se demandait à présent s’il n’avait pas raison.

Ils se levèrent avec une lenteur calculée, pour profiter jusqu’au dernier instant de leur box qu’ils pensaient ne plus retrouver.

— Des caméras pour surveiller les agents de la sécurité, je n’en reviens pas. Si tu dis vrai, ça veut dire qu’on a franchi un cap. Tu connais ces logiciels qui arrivent à lire sur les lèvres des gens pour savoir ce qu’ils racontent juste en les observant ?

Uriel blêmit de nouveau, et n’osa plus rajouter un mot de peur de s’enfoncer un peu plus. Valéri lui donna un coup de coude pour s’assurer qu’il l’écoutait.

— Hein tu vois ce que je veux dire ?

Découverte technologique dont le coté intrusif en d’autre temps aurait plu à Uriel, mais à l’instant présent, elle ne faisait qu’agrandir la certitude, que sa fin était proche.

Ils quittèrent le box pour se rendre ensemble vers l’ascenseur qui amenait dans les sous-sols, forteresse bunkerisée où se cachait la direction. À l’abri dans un bunker, elle pouvait faire face à toute crise qui touchait la surface sans se mettre en danger avec de quoi tenir une éternité. Des rumeurs disaient même qu’une partie du personnel accrédité n’en sortait jamais. Ils affichaient, pour justifier leur peur de l’extérieur, une abnégation totale à leur entreprise.

Les deux agents empruntèrent le premier ascenseur qui les amena à un étage de filtrage et de désinfection. Sas pressurisé, suivi de contrôle des badges afin de pouvoir continuer. Leur présence semblait attendue, et ils se retrouvèrent vite fait dans le deuxième qui s’enfonça toujours plus bas.

La machinerie bien entretenue ne laissait aucun son s’échapper. Les deux agents se tenaient droits comme des piquets, sans dire un mot de peur d’être espionnés. Quand les portes s’ouvrirent, elles laissèrent apparaître un gars à l’allure d’adulescent sur un vélo électrique. Le modèle qui pouvait se plier pour prendre moins de place.

Il affichait la mine du mec qui n’en a rien à foutre, et qui surtout n’a pas envie que ça change pour leur lancer, une fois identifié.

— Suivez-moi tous les deux et vous éloignez pas, j’ reviens pas en arrière.

Les couloirs étaient bien éclairés, couverts de moquette pour absorber les sons, ce qui créa aussitôt une gêne chez eux qui travaillaient au-dessus. Dans le magasin les pubs rivalisaient à des niveaux non homologués. Les transports en commun représentaient l’antithèse des bibliothèques, jusque dans leur habitation ou les talons de la voisine du dessus s’invitaient chaque nuit dans le salon de Valéri.

Ils marchaient d’un pas pressé derrière le débile mental qui semblait s’amusait à les faire tourner en rond, comprit Valéri quand il constata passer deux fois au même endroit, pour les faire trottiner plus vite, avant d’arriver devant une porte coulissante automatique. Elle était revêtue d’un noir mat absolu qui ne réfléchissait aucune lumière.

Une fois l’entrée indiquée, l’abruti continua sur son vélo sans même leur jeter un coup d’œil et disparut à l’angle d’un couloir. Ils avaient entendu beaucoup de rumeurs au sujet de cet endroit, toutes plus folles les unes que les autres, en fonction des peurs de chaque individu. L’homme à toujours extrapoler ses craintes sur les gens qui le dirigeaient, se dit Valéri, en même temps qu’il appuyait sur l’unique bouton à côté de la porte. Des œilletons de surveillance s’animèrent, puis elle s’ouvrit en deux, pour leur délivrer le passage.

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Plume de Poney
Posté le 18/03/2025
On descend dans les couches de ce monde et on n'élève pas le niveau d'intelligence du quidam moyen.

Après le Uriel en oub à sex toys ça c'est une belle suggestion, comme quoi le Valeri il a peut être une carrière en devenir dans le marketing...
Fidelis
Posté le 19/03/2025
Y a un peu même syndrome que chez Acelin, son entourage est gratiné. Valéri, que l'on découvre comme plutôt insignifiant au début, s'avère finalement plus posé et plus réfléchit que ce qu'on aurait pu imaginer.

En ce qui concerne Uriel, quelque chose me dit que ses obsessions, vont le mener sur un chemin abrasif.

Je ne sais pas si tu as vu le film, Idiocratie mais y a des relents.
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