Les deux corps se faufilaient à travers une foule dense, qui s'amassait au pied de la tour gigantesque. Elle était bien plus impressionnante à son pied, ne pouvant distinguer le sommet caché par de nombreux nuages. Kaith s'arrêta d'ailleurs, cessant de suivre la jeune Astrid qui ne l'avait pas attendu. Il allait se perdre, c'était une certitude, mais l'envie d'observer ce pilier si impressionnant était bien trop tentant. Sa pierre était grisâtre, parsemée de reflets bleus comme il en avait aperçu sur la peau translucide d'Anymaí, le porte parole des astres. Peut être que cette tour avait un lien proche ou lointain avec ces étoiles, qui semblaient être bien plus que de simples soleils, comme il les connaissaient. Son esprit divagua sur des histoires fantasmées, qu'il pensait folles. Elles ne l'étaient sûrement pas, mais il était encore trop tôt pour qu'il accepte entièrement ce nouveau monde comme le sien, et qu'il s'habitue à toutes ses particularités.
Absorbé par sa contemplation sans fin, il sursauta vivement quand il sentit une main agripper son bras. Il releva son regard émeraude sur la personne face à lui, et retrouva le regard contrarié de la valkyrie.
"- Heureusement que je t'ai dis "suis moi et ne me lâche pas d'une semelle", imbécile. Tu t'imagines si un garde lunaire t'avais trouvé ?"
Le jeune homme n'y voyait pas grand problème, alors il haussa légèrement ses épaules.
"- Qu'est ce que ça peut bien faire qu'ils me trouvent ? On a changé mon apparence, ta sœur ne pourra pas me reconnaître.
- Venelya n'est pas le problème ! Le recensement s'inscrit sur ta peau par un tatouage représentant ta classe, dans ton cou. Or, tu n'en n'a pas Kaith ! Ils t'auraient amené le faire illico presto, et la ça aurait été la fin, la mort ! Tu comprends ça ?"
Le jeune homme hocha simplement la tête. Il se savait en tord, mais il ne l'avouerait jamais à haute voix. La jeune femme ne fit que lever les yeux au ciel, visiblement énervée. Elle ne lâcha plus son bras et le tira à sa suite, il ronchonna quelques peu face à son attitude, mais se tut bien vite. Après tout il n'était pas chez lui, sur un terrain inconnu et infiltré. Ce n'était pas le moment de faire n'importe quoi.
Ils se retrouvèrent très vite devant une petite maison éclairée par des lanternes, toutes accrochées autour du toit. Pour le dragonnier, il se trouvait inévitablement devant une guilde dans un jeu type vieux RPG. Le constater était dérangeant, et il se demanda alors si leur monde, du moins certains aspects, n'étaient pas inspiré de celui ci et inversement. Voyant son désarroi, Astrid lâcha le bras du jeune homme qu'elle avait durement serré. Une trace rouge ornait à présent le membre, mais il n'en semblait pas dérangé. Devinant aisément qu'elle n'était pas la cause de sa gêne, elle demanda :
"- Tout va bien Kaith ?"
Celui ci hocha la tête et détacha son regard du bâtiment pour venir le poser sur la jeune femme.
"- Je vais bien. C'est juste que je me demande si nos mondes... Ne sont pas reliés parfois. Je m'étais déjà fais la réflexion mais ça m'était sorti de la tête. C'est vrai que quand j'observe autour de moi je retrouve des similitudes, tout n'est pas si différent..."
La jeune valkyrie ne sut pas vraiment quoi répondre. Elle ne se rappelait que trop peu de son ancien monde pour les comparer, et elle n'avait que rarement eu l'occasion de lire les écrits sur les origines de ce monde. L'histoire ancienne n'était pas raconté après tout, le passé n'avait aucune importance.
"- Je n'ai pas de réponses à t'apporter... On ira se renseigner, à l'occasion."
Son interlocuteur hocha simplement la tête, et ils entrèrent dans la petite maisonnette. Astrid se dirigea directement vers le petit escalier qui menait à l'étage supérieur. Derrière un bar, un homme dans la quarantaine observa Kaith puis son regard s'illumina d'une lueur amusée, avant qu'il apostrophe la jeune femme blonde qui attendait le jeune homme au bas de l'escalier.
"- Alors c'est pour ça que tu ne veux plus loger à l'appartement des lunaires ! C'est parce que t'as trouvé un homme.
- La ferme Ioarn."
La dragonnier n'en n'était que plus mal à l'aise, lui qui détestait être au centre de l'attention, tous les regards étaient maintenant posés sur lui. Il entendit même quelques rires, rien de bien moqueur, mais cela suffit à lui raviver des souvenirs peu plaisants. Le quarantenaire ria de bon cœur, et continua :
"- Je ne dirais rien ! Mais ne faites pas trop de bruit hein, il y a d'autres clients."
Astrid souffla, agacée. Elle tendit la main à Kaith, qui ne sembla pourtant pas prêt à l'attraper. Celle ci vint la chercher d'elle même, et le tira à sa suite. Ils quittèrent la pièce principale sous quelques rires discrets, et de nombreuses discussions sur le nouveau couple.
La jeune valkyrie ouvrit une des nombreuses portes du couloir. Le bâtiment semblait pourtant petit de l'extérieur, mais il s'étendait sur de longs mètres sur la partie non visible, à l'opposé de la rue. Il y avait au moins une centaine de chambres, si ce n'était plus, sur un seul étage. Après tout, le bâtiment n'allait pas plus haut. La chambre était assez simple, quelques peintures directement faites sur les murs, des couleurs assez foncés, et un lit double. Un lit double, ce qui signifiait qu'elle comptait réellement se faire passer pour un couple. Il fronça d'ailleurs les sourcils à cette constatation.
"- Tu aurais au moins pu me prévenir qu'on se la jouait couple.
- Ça te dérange ? Et bien tu n'as pas finis, ce n'est qu'un mensonge bien léger comparé à tout ce que tu auras à faire.
- Je n'ai pas dis que ça me dérangeait, ne confond pas mes mots ! Je disais juste que... J'aurais pu mieux jouer le jeu."
Il semblait gêné, et fit mine d'aller observer les statuettes posées sur ce qui semblait être une cheminé. Astrid l'observa, un sourire amusé au lèvres.
"- Ah oui ? Tu m'aurais tiré contre ton nouveau torse musclé et embrassé passionnément ? Tu as une nouvelle apparence Kaith, mais ça ne veut pas dire que tu dois pour autant être un autre homme. Ce n'est pas toi, ça.
- Qu'est ce que tu en sais exactement ? On ne se connaît pas."
Il lui adressa un léger regard, et observa son air indéchiffrable. Elle s'était postée à la fenêtre, et une légère buée s'échappant de ses lèvres. Les contrastes climatiques étaient assez impressionnants, sur le camps, la chaleur était peu supportable. Ici, à Solaraster, la température devait frôler les négatifs. Il attendit un petit instant avant qu'elle ne se décide à répondre.
"- Non... Effectivement, nous ne nous connaissons pas. Mais je sais que tu es un garçon timide, derrière tes airs froids et durs. Je me trompe ?"
Kaith ne trouva rien à y redire. Mentir était inutile, et il lui semblait de toute façon qu'elle lisait en lui comme dans un livre ouvert. Certainement vexé d'avoir ainsi été découvert, il s'assit en tailleur sur le lit et changea de sujet.
"- C'est quoi le plan maintenant ?"
La jeune femme se tourna de nouveau vers lui, en s'accoudant à la fenêtre.
"- Ça me paraît évident. Notre priorité, c'est de tuer le dragonnier, Spynn. Une fois débarrassé de lui, on aura plus à s'inquiéter que la garde lunaire te trouve."
Le jeune homme soupira en se laissant tomber en arrière. Sa tête cogna la tête de lit, mais il ne fit qu'esquisser une légère grimace.
"- Je vais devoir t'aider ?
- À quoi faire ? Le tuer ? Oui certainement."
Il pencha la tête sur le côté, pour pouvoir apercevoir la jeune femme blonde. Elle avait retiré sa veste marron, et se retrouvait à nouveau habillée de son chemisier blanc, et trop large. Ses cheveux étaient détachés, et lui arrivaient maintenant au milieu du dos. Elle ne semblait guère très intéressée par le fait de le regarder, et attachait simplement ses cheveux dans une queue de cheval haute. Il aperçu alors le tatouage dont elle lui avait parlé, juste en dessous de son oreille. Il n'y voyait pas très clair, le dessin étant relativement petit, mais il lui semblait bien distinguer deux ailes d'anges, et une épée entre les deux. Il arrêta sa contemplation, se souvenant du sujet de leur conversation.
"- J'aimerais t'aider, après tout tu m'as emmené avec toi... Mais je n'ai jamais tué personne Astrid, je ne sais pas comment m'y prendre."
La dénommée Astrid daigna enfin lui accorder un regard, et vint s'asseoir face à lui.
"- Tu sais Kaith, tuer c'est très instinctif... Et puis je suis là pour tout t'expliquer sans oublier aucun détail, alors tu n'as pas à t'en faire. La seule chose qui te portera préjudice, c'est ton hésitation. Mais de toute façon, ce n'est pas certain que tu ai à le tuer, je m'en chargerai certainement..."
Le dragonnier se redressa, et se rassit en tailleur.
"- Alors comment je pourrais t'aider si je ne dois pas le tuer ?
- Pour monter la garde, par exemple... Mais je n'ai pas encore réfléchi à tout ça. N'y pensons pas pour le moment... Je t'en parlerai quand je saurais exactement quoi faire."
Il n'avait de toute façon pas d'autres options, alors il accepta. Ils restèrent enfermés dans la chambre pendant quelques heures, vaquant à leur occupation. Astrid s'était installé sur le petit bureau, et avait sorti de nombreuses feuilles ainsi que de quoi écrire. Kaith avait bien tenté de comprendre ce qu'elle faisait, mais ça ne ressemblait visiblement qu'à des plans. Peut être ceux de la ville, s'était-il dit. Quoi qu'il en soit, il ne pouvait pas d'être d'une grande aide et n'avait pas souhaité la déranger. Il s'était alors installé à la fenêtre, et observait son nouvel environnement. Tout semblait si curieux, si différent de ce qu'il connaissait. Il avait cependant parfois des semblants de son ancien monde, mais bien trop peu pour que cela lui suffise. Il se contentait alors de tout réapprendre, d'observer les gens vivre pour ensuite les imiter. Il s'était vite passionné pour cette activité assez banale, et n'avait plus vu le temps passer.
Astrid l'observait maintenant depuis quelques minutes. Elle avait appuyé ses bras contre le dossier de la chaise, pour ensuite y loger sa tête. Ses yeux lui faisaient mal tant elle s'était concentrée à reproduire au millimètre près les plans de la ville qu'elle avait tenté d'apprendre par cœur. Il lui manquait encore quelques parties, mais elle irait en prendre connaissance lorsqu'elle retournerait à la garde lunaire. Elle n'avait absolument pas prévu d'ainsi regarder son camarade, mais ses yeux améthystes s'étaient posé sur lui et ne l'avait plus lâché. Elle appréciait le silence qui s'était installé, seulement dérangé par les passants dans la rue. Kaith semblait si calme qu'il avait apaisé les pensées de la jeune femme, qui n'avaient cessé de s'activer depuis tant de jours. Il était vrai qu'elle s'était retrouvée envahit par un certain stress qu'elle n'avait pourtant jamais ressenti avant. Elle était en territoire ennemi, à présent. Son esprit divagua, s'autorisant à rêver de scénarios qui n'arriveraient probablement jamais. Elle se remémorait la conversation qu'ils avaient eu, ce moment où un baiser avait été évoqué. Et elle s'était surprise à avoir espéré qu'il acquiesce, et l'idée de déposer ses lèvres sur les siennes avaient éveillé d'anciennes sensations qu'elle pensait disparues avec son ancien amant. Elle imaginait les mains du dragonnier sur son corps, elle imaginait l'emprise qu'il pourrait avoir sur elle, elle se voyait si proche de lui qu'un simple centimètre séparait leur visage.
Elle secoua vivement sa tête, pour sortir ses images si réalistes de son esprit. Kaith se tourna vers elle, sa pupille attirée par le mouvement. Il la regarda interrogatif, et avisa les quelques dizaines de feuilles remplies de traits.
"- Et bien, on peut dire que tu ne lésines pas sur le travail toi... Tu devrais te reposer Astrid, il fait presque nuit et tu n'as pas arrêté une seule seconde."
La jeune valkyrie se sentait troublée, les yeux verdâtres du jeune homme semblait la transpercer, et aller chercher ses plus profonds désirs. Elle se leva brusquement de sa chaise, prête à se rendre sur le lit.
"- Tu as sûrement raison."
Elle avait été plus sèche que ce qu'elle ne l'aurait voulu, et Kaith en fut surpris. Il attrapa son bras au vol, pour l'empêcher d'avancer. D'un geste délicat il la tourna vers lui, et chercha son regard.
"- Pourquoi tu es si brutale ? Tu voulais que je t'aide ? Tu aurais du me demander..."
La jeune valkyrie ne put qu'abaisser sa tête vers le sol, et mordre sa lèvre inférieure.
"- Ça n'a rien à voir... Je suis juste fatiguée, désolé Kaith..."
Sa voix tremblante l'insupportait. Elle sentait son corps s'agiter lui aussi, souhaitant s'approcher un peu plus du jeune homme qui lui faisait actuellement tourner la tête. Elle sentit un doigt fin appuyer sur le dessous de son menton pour lui faire relever la tête. Résignée, elle daigna enfin le regarder dans les yeux. Il semblait inquiet, redoutant d'avoir eu une attitude lui ayant déplu.
"- Tu es certaine ? Si j'ai fais quelques chose de mal, dis le moi Astrid."
Il descendit du rebord de la fenêtre sur le quel il était assit, et s'approcha légèrement de la jeune femme. Il instaurait malgré tout une distance, ne voulant sûrement pas rentrer dans son espace personnel. La jeune valkyrie sentit ses pensées lui échapper, et son contrôle. Elle ferma doucement les yeux, et murmura :
"- Oui... Oui tu as fais quelques chose de mal.
- Dis moi..."
Elle ouvrit de nouveau ses yeux, et osa enfin :
"- Tu ne m'as pas embrassé."
Le jeune homme se retrouva sans voix, et ses lèvres s'entrouvrirent légèrement. Ils restèrent ainsi, à se jauger, à tenter de comprendre ce qui traversait le regard de l'autre. La honte rattrapa vite la jeune Astrid qui tenta de s'éloigner.
"- Oublie, je... Je n'ai rien dis."
Elle ne fixait que le sol, cherchant un point à fixer. Mais son bras fut tiré vers l'avant, et son corps poussé contre celui du dragonnier. Celui ci passa son doigt sur sa joue, et la caressa avec l'arrière de sa main, avant de se pencher et lui accorder ce qu'elle désirait. Elle ne put qu'écarquiller les yeux, avant de les refermer aussi vite. Ses bras s'enroulèrent autour de la nuque du jeune homme, et ils restèrent ainsi de longues minutes encore.
❧❧❧❧❧❧❧
Ven marchait activement vers la la plage sud-est. Il devait rejoindre tous les autres, ainsi que Fairhan. C'était aujourd'hui qu'ils montraient enfin le fruit de leur entraînement, et c'était aussi une sorte de test pour leur nouveau leader. En fonction de leur résultat, ils seraient accepté dans les réunions importantes, et pourraient enfin prendre part aux différentes missions pour vaincre le Roi et son royaume. En entendant cette nouvelle, ils avaient tous été partagés entre l'excitation et la peur. Ce n'était pas seulement une personne qu'ils affrontaient, mais une armée entière qui pourrait bien être plus importante que ce qu'ils pensaient. Elle ne devait cependant pas être si puissante, étant donné que les seuls de races supérieures supposées se trouvait dans la garde lunaire. Mais le nombre triomphait malgré tout bien souvent sur la force. Les légendes des surhommes détruisant des armées à eux seuls n'étaient, comme leur nom l'indiquait, que des récits romancés.
Le jeune homme s'extirpa dans ses pensées quand ses chaussures rencontrèrent le sable chaud. Il détestait tout ce qui s'approchait de près ou de loin de la mer, mais il devait bien avouer que celle ci était bien plus agréable, et moins effrayante que celle qu'il avait toujours connu sur Terre. L'eau n'était pas aussi salée, et à une température ambiante assez constante, malgré qu'il pleuve ou qu'il vente. Mais il ne fallait tout de même pas exagéré, il ne s'était toujours pas baigné de son plein gré. Il aperçu le petit groupe de ses camarades qui semblait n'attendre que lui, alors il accéléra le pas et s'arrêta à leur hauteur.
"- Salut les gars, désolé on m'a arrêté sur la route."
Ils lui offrirent tous un sourire agréable, prétextant pour la plus part qu'ils venaient eux aussi d'arriver. Fairhan ne perdit pas plus de temps et leur commanda de s'installer en ligne, ce qu'ils firent sans rechigner. Il attendit un petit moment, les observant tous calmement, puis prit enfin la parole :
"- Vous avez tous énormément progressé, et en très peu de temps d'après vos entraîneurs. Ça ne prouve qu'une chose, c'est que votre motivation est présente."
Une certaine fierté emplit les cœur des nouveaux combattants, et Viel osa prendre à son tour la parole :
"- Alors ça veut dire qu'on va pouvoir être utile maintenant ?"
Fairhan lui adressa un sourire amusé face à son empressement.
"- Si vous passez les tests d'aujourd'hui, oui. Si je vous ai tous réunis en même temps, c'est aussi pour que vous puissiez savoir de quoi vos alliés sont capables, et donc vous adapter. Après tout, c'est fort probable que vous soyez un commando.
- Ça veut dire qu'on ne travaillerait que ensemble, tous les six ? Mia est très jeune pour faire parti d'un commando d'ailleurs..."
Elaï regarda d'ailleurs la jeune enfant, qui avait bien grandit depuis leur première rencontre. Le temps semblait passer bien plus vite ici.
- Non, Mia n'en fera pas partie. Elle recevra une éducation adaptée à son âge, du moins son âge terrien. La transition est toujours difficile pour les enfants, leur corps grandissent mais leur esprit semblent s'arrêter de mûrir. C'est pour cela qu'on doit veiller à accélérer leur croissance intellectuelle... Mais d'ici quelques mois, un an tout au plus, elle sera apte à vous suivre."
Le petit groupe resta silencieux, ne sachant quoi répondre. Même d'ici un an, la petite fille n'aurait que 10 ans, grand maximum. La guerre concernait certes tout le monde, mais envoyer un enfant se battre semblait bien imprudent. Ils ne souhaitaient cependant pas entrer en conflit avec leur chef, pour le moment. Celui ci croisa ses bras contre son torse, et reprit la parole.
"- Asseyez vous, et déployez votre énergie. Mettez y toutes vos forces, je veux voir l'étendue de votre puissance."
Une fois assit, ils fermèrent tous les yeux. C'était ainsi qu'ils avaient apprit à libérer leur puissance sous forme d'énergie, sans que les aptitudes liées à leur race ne se manifeste. Une sorte de méditation, en quelques sorte. Ils vidaient leur esprit de toutes pensées parasites, et ne se concentraient que sur ce qui se trouvait en eux, ce fluide qui parcourait leur sang à toute vitesse, et qui s'étendait en dehors d'eux, comme la prolongation de leurs membres. Ils semblaient en dégager suffisamment pour satisfaire leur leader, qui souriait à pleine dent. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas reçu de telles recrues, toutes de races supérieurs ou bien extrêmement rare, même avant que le Roi ne fasse un génocide. Il fit stopper l'exercice, et entama sans attendre la suite. Ils devaient à présent tous montrer les aptitudes qu'ils maitrisaient, même si il y en avait encore de nombreuses dont ils n'avaient même pas encore conscience. Fairhan lui, connaissait absolument tout sur eux, et sur leur potentiel. Les centaines de livres qu'ils avaient volé à la bibliothèque Novae leur avait bien servi, dernier souvenir de ces races disparues.
Elaï fut la première à s'avancer, peu confiante mais ne voulant pas s'attarder ici jusqu'à la nuit tombée. Elle avait été annoncé Oniriste, capable de voyager à travers les rêves et cauchemars de qui que ce soit, mais aussi et surtout capable de rendre les songes réels. Elle parvenait parfois à apercevoir des brides d'images venant des rêves de quelqu'un d'autre, mais elle ne le maîtrisait pas encore bien. Elle se contentait alors de ses songes à elle, dont elle avait maintenant tous les souvenirs. Peut être que certains lui échappaient encore, mais ils ne devaient même pas se compter en dizaine.
Un léger soupire lui échappa, tentant de se concentrer sur sa tâche, et non la peur d'échouer face à un homme si imposant que Fairhan. La dernière image dont elle se souvenait lors de sa nuit, était un arbre au pommes dorées. Lorsqu'elle avait croqué un bout d'un de ces fruits, elle s'était retrouvée transportée à l'endroit auquel elle pensait, c'est à dire un champs emplit de blé. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle aperçu ce même arbre face à elle, gigantesque et splendide. Il n'avait rien à faire sur une plage, et pourtant, elle avait réussi à le faire apparaître. Fairhan observa les pommes à la couleur bien particulière, et demanda alors :
"- Dans ton rêve, ces pommes t'ont permis de faire quelques chose de spécial ?"
La jeune femme hocha la tête, et attrapa au vol une pomme qui chutait vers le sol.
"- Oui... Elles m'ont permis de me retrouver ailleurs, bien loin de cet arbre. Je n'en suis pas sur, mais elles pourraient m'avoir téléporté."
Elle n'attendit pas plus de réponse, et croqua dans le fruit juteux. Elle disparut la seconde qui suivit, pour réapparaître au sommet de l'arbre, qui devient bien atteindre les 60 mètres. Le jeune chef hocha la tête, satisfait.
"- Et bien, il semble que vous maîtrisiez bien mieux vos nouveaux pouvoirs que ce que je pensais.
- Évidemment ! On a pas passé 6 mois à rien faire Fairhan."
Viel lui adressa un sourire remplit de fierté, quand bien même il n'avait pas encore exposé ses talents. Le chef dragonnier leva un sourcil, et répliqua :
"- Si tu es si confiant, je t'en pris. Viens donc nous montrer ce que tu sais faire.
"- Avec grand plaisir."
❧❧❧❧❧❧❧
Un homme caché sous d'épaisses couches de vêtements traversait la ville encore bien encombrée malgré la nuit tombante. Son long manteau couvert de fourrure lui arrivait au bas des mollets, tandis que ses mains restaient logées dans ses immenses poches. Un tissu, semblable à une écharpe, recouvrait ses cheveux noirs, et camouflait ainsi son visage pour ne laisser qu'apparaître son seul œil, l'autre étant caché sous un bandage qui recouvrait aussi sa tempe gauche. Une tâche carmin remplaçait la vue de son organe visuel. Il était pour ainsi dire méconnaissable, dans une ville où tous connaissaient son identité. Ses pas semblaient pressés, et il arriva bien vite à sa destination. Un grand manoir, épargné de toutes maisons dans son entourage, se dressait devant lui. Des murs noirs, des bordures dorées, cette habitation transpirait le luxe et le confort avec ses fenêtres en arabesques, et ses fresques anciennes. Un immense portail, doré lui aussi, semblait prêt à crever le ciel. Cela faisait bien longtemps qu'il ne prêtait plus guère à l'apparence de son chez soi, alors il ne s'attarda pas devant l'entrée et fit grincer le portail. Une fois passé, il se referma dans un bruit sourd, qui aurait pu être entendu à l'autre bout de la ville malgré sa grandeur. L'homme mystérieux ne broncha pas, et s'avança cette fois ci à un rythme plus calme. Il entra dans la maison, et enleva son manteau imposant qu'il lança simplement sur un porte manteau un peu plus loin. Son corps était fin, bien différent de ce qu'il avait laissé croire avec les couches bien trop nombreuses de tissus. Leur fonction n'avait cependant pas été de le faire paraître plus imposant, mais bien de cacher une blessure béante qui se trouvait sur son abdomen. Il s'autorisa enfin une grimace, et ne put que s'avachir sur le canapé situé a sa gauche. C'était un hall qui ressemblait en tout point à une salle d'attente, car c'était tout bonnement sa fonction. Bon nombre de citoyens venaient toquer à leur porte, espérant leur bonne parole.
Il resta ainsi de longues minutes, s'étant peut être même évanoui. Son œil sombre s'ouvrit à nouveau, et il se releva en vitesse. Il perdait trop de sang, et avait déjà bien trop attendu. Un peu plus et ce serait l'hémorragie mortelle, sans aucun doute. Son corps tremblait de froid, se rapprochant un peu plus d'un état de sommeil sans fin. Stupide dragon, pensa-t'il. La grande arche, ornée de deux portes massives en satin rouge s'ouvrirent devant lui. Elles avaient été enchantées il y a bien longtemps, et ne laissait passer que ceux en ayant l'autorisation. Une vaine pour le jeune homme blessé, qui n'avait donc pas à user de sa force pour les ouvrir. Il s'y engouffra, et prit directement sur sa gauche. Devant lui, il n'y avait qu'une immense table, utilisée seulement pour les repas. Il monta donc les escaliers en bois massif quatre à quatre, et rejoignit la salle de conseil. C'était dans cette pièce qu'il avait le plus de chance de trouver quelqu'un, et une personne en particulier.
À bout de souffle, il s'arrêta devant une double porte en métal. Il puisa dans ses dernières forces et les poussa à bout de bras, pour s'écrouler à genoux à l'entrée de la salle. Deux regards se tournèrent dans sa direction, et un rire transpirant le dédain résonna en écho, frappant contre les murs. Une voix féminine s'éleva peu après que l'éclat de rire se soit tut.
"- Que ce passe t-il, Spynn ?"
Le dénommé Spynn ne put que relever son regard vers la jeune femme qui se trouvait maintenant debout, à quelques mètres de lui. Sa peau était foncée, une légère couleur caramel, et des diamants ornaient ses épaules et son ventre découvert. Elle ne portait qu'un haut noir en cuir, recouvrant sa poitrine ni trop développée, ni pas assez. Une jupe coupée sur les côtés, et laissant apparaître ses fines jambes, était vêtue de chaînes, toutes reliées à un cercle posé sur le ventre de la femme. Son visage semblait coupé de toute émotion, et ses yeux brillaient d'un éclat bleuté, tel deux diamants, deux saphirs. Des cheveux bruns tombaient autour de son visage, ne descendant pas au delà de ses épaules.
Elle comprit alors ce qui se passait sans même qu'il n'ai à expirer un son, en apercevant le bandage imbibé de sang sur son œil gauche. Elle s'approcha de lui, et lui intima de lui montrer sa blessure. Sa main effleura la blessure sur son torse, et de léger cristaux transparents s'amassèrent autour de ses doigts, puis sur la blessure. Celle ci commença à geler, et en quelques secondes, la blessure fut rebouchée.
"-C'est encore Ascen qui a fait des siennes ?"
Spynn se permit enfin de bouger, et s'assit à même le sol en soupirant fortement.
"- Oui, c'est encore lui. Ce dragon ne mérite qu'une chose, et c'est de mourir ! Il a bien de la chance qu'il n'y en ai pas d'autres pour le remplacer.
- Faudrait peut être te remettre en question ! C'est peut être toi qui est pas légitime de lui."
Le même rire hautain résonna de nouveau dans la pièce peu éclairée et presque vide. Le jeune homme blessé roula ses épaules, ennuyé des commentaires déplacés de l'autre homme présent. Il se décida enfin à le regarder. Il n'aimait pas l'observer trop longtemps, il le rendait profondément mal à l'aise. Un corps musclé, habillé tout de blanc comme si il se pensait pur et supérieur. Quelques tatouages divers ornaient ses bras, et son visage, pour la plus part n'étant que des formes géométriques. Les dessins à l'encre étaient d'ailleurs symétriques sur son visage. Mais le plus perturbant, c'était la deuxième paire d'œil qui se trouvait sur le haut de ses pommettes. Un regard mort, mais qui regardait pourtant absolument partout. Spynn évitait régulièrement ce regard là, étant presque certain qu'il pourrait absorber son âme. Ce n'était pourtant pas le cas, car absorbait les esprits, c'était la spécialité de Venelya qu'il n'avait pas vu depuis un petit moment. Les cheveux rosés du perturbateur se balançaient au rythme de la chanson qu'il fredonnait, tout en fixant le jeune homme avec un sourire mielleux. Il cherchait à le provoquer de toute évidence, et il y arrivait la plus part du temps. Mais cette fois là, il était bien trop fatigué, alors il rétorqua seulement :
"- Mêles toi de ton cul Reinardt."
Il repartit dans un fou rire, mais ne répondit rien. Il se contenta de fredonner cette même chanson qu'il ne cessait de chanter, jour et nuit. Les paroles, ni Spynn, ni Djaëlle ne les comprenaient jamais.
"- Tu lui as redonné de la poudre d'Elhyphis, pas vrai ?"
Spynn accorda un regard réprobateur à la jeune femme qui ne fit qu'hocher la tête, n'ayant aucun remord.
"- Il était bien trop agaçant, alors certes il est toujours pénible, mais au moins il ne me parle plus toutes les deux secondes. "
Le jeune homme ne répliqua rien, sachant très bien qu'il aurait agit de la même façon si il en avait eu l'occasion.
"- Merci pour la blessure... Je dois repartir en patrouille ce soir, je n'aurais jamais réussi dans un état comme ça."
Djaëlle hocha la tête, et se releva à son tour pour aller s'asseoir sur une chaise parmi les dizaines qu'il y avait. C'était sa chaise, la chaise qui lui avait été attribué. Ou plutôt un trône, un petit trône. Elle reprit la parole après quelques secondes de silence :
"- Tu as eu des nouvelles d'Astrid ? Et de Venelya ?
- Astrid est toujours en vacance, jusqu'à demain me semble t-il. Elle est allée voir son vieux père, dans la forêt.
- Et Venelya ?"
Le jeune homme secoua négativement la tête.
"- Non, aucune nouvelle. Elle reste enfermée dans ses quartiers. Pas étonnant quand on sait qu'elle ne se sépare quasiment jamais de sa sœur."
La jeune femme cristallisée appuya son coude sur l'accoudoir du trône, une moue ennuyée naissant quelques peu sur son visage.
"- Il ne se passe rien en ce moment. Je m'ennuie, je veux un peu d'action.
- Oh ne t'en fais pas ! Ça va arriver, je le sens. Le changement est proche !"
Reinardt avait coupé la parole à Spynn, qui prit sur lui pour ne pas laisser une réflexion cinglante passer la barrière de ses lèvres, mais ce fut Djaëlle qui le fit à sa place, d'une voix sèche.
"- Toi, ta gueule. T'es défoncé à l'Elhyphis, alors tes réflexions tu peux te les garder."
Les yeux sur ses pommettes s'écarquillèrent légèrement, laissant place à un regard fou. Le perturbateur s'amusa de l'expression dégoutée de ces deux présumés camarades, et haussa simplement les épaules. Il se leva, titubant parfois, et s'avança vers la porte. Avant de quitter la salle, il tourna simplement son regard aussi rouge que le sang vers eux.
"- Dans un royaume d'aveugle, le voyant est Roi ! Prenez moi pour un illuminé si vous voulez, mais mes sens ne m'ont jamais trompé. Il se trame quelques chose..."
Un large sourire fendit ses lèvres, et sa langue les lécha, l'excitation gagnant son corps.
"- Et je sens qu'on va bien s'amuser."
La porte claqua derrière lui, et le silence retomba en maître. Les deux restants se regardèrent, avant d'éclater de rire. Leur ami pouvait avoir des idées folles parfois. Que pourrait-il se passer, dans un monde si simple, et contrôlé ?
❧❧❧❧❧❧❧
Le silence de la nuit s'était apposé sur la grande ville de Solaraster, ne laissant plus aucun bruit parasite perturber le calme. Il n'y avait plus âme qui vive dans les rues étroites, ni même l'allée principale qui traversait toute la capitale. Astrid était accoudé à la fenêtre de la chambre qu'elle partageait avec Kaith. Aucun n'avait trouvé le sommeil après s'être laissé emporté, et s'être embrassé. Ils avaient bien essayé, mais leur yeux n'avaient pu se résigner a se fermer, ils s'étaient alors contentés d'observer les ombres mouvantes de la nuit, dos à dos dans le lit qu'ils partageaient. La jeune femme avait fini par se lever, pour aller prendre l'air.
Elle n'avait absolument pas prévu de passer à l'action ce soir, mais la tentation était bien trop forte, et le moment opportun. Face à elle, un peu plus loin dans une des innombrables ruelles débouchant sur la grande allée, se tenait Spynn. Leur cible semblait prendre régulièrement des pauses. Peut être était-il simplement fatigué, mais il était bien plus probable qu'il soit blessé. Après tout, le dragon qu'il avait forcé à se lier à lui ne l'appréciait pas, et en témoignait par les nombreuses plaies qu'il lui infligeait. C'était certainement une occasion en or qui ne se reproduirait pas. Elle se pressa d'attraper une cape noire qu'elle posa sur ses épaules, toujours vêtue de son chemisier blanc et son pantalon en soie marron. Kaith l'aperçu du coin de l'œil, et se redressa.
"- Ou vas-tu ?"
Astrid ne lui lança pas un regard, et se dirigea vers la porte. Elle attendit malgré tout à l'entrée de celle ci.
"- On passe à l'action. Dépêches toi, je risque d'avoir besoin de toi."
Le jeune homme en fut déboussolé, il avait de nombreuses questions mais la jeune valkyrie semblait bien pressée. Il ne la fit pas attendre plus longtemps, enfila ses chaussures et prit la suite de la jeune femme, fermant la porte sans bruit pour ne pas réveiller leur voisin de chambre.
Ils marchèrent en silence leur pas butant contre les dalles de pierre. Le silence était tel qu'ils avaient l'impression d'être aussi bruyants que lorsque la ville était en pleine effervescence. Quelques flocons s'étaient mis à tomber du ciel, la neige recouvrerait bientôt les rues. C'était tout à leur avantage, car lorsque le corps serait découvert le matin suivant, il n'y aurait plus aucune trace de leur passage. Astrid intima au jeune dragonnier de s'arrêter ici, et se tourna vers lui. C'était la première fois depuis le début de cette longue nuit que leur regard se croisaient à nouveau. Kaith se sentit déglutir, semblant prêt à prendre la parole, mais son interlocutrice le devança.
"- Le dragonnier est un peu plus loin, dans la troisième ruelle sur la gauche. Je vais aller face à lui, et toi tu feras le tour."
Elle fouilla quelques secondes dans sa poche, et en ressorti une dague luisant sous les reflets de la lune. Elle l'admira quelques secondes, puis attrapa les mains du jeune homme et la lui posa entre les mains, avant de les entourer des siennes. Elle ne les lâcha plus du regard. Kaith quand à lui, regardait son visage. Les mots ne voulaient quitter sa gorge, bien trop effrayé. Il n'avait fait que suivre la volonté de la jeune valkyrie, mais il avait la mauvaise impression d'avoir mal interprété la situation, et donc fait une erreur. Il ne perçut qu'un soupire venant d'Astrid, avant qu'elle continue.
"- Je vais détourner son attention... Tu sais ce que tu as à faire ensuite, n'est ce pas ?"
Le jeune homme hocha la tête. Il jeta enfin un œil à l'arme du crime, se rendant peu à peu compte de son rôle. Il serait le meurtrier, lui qui n'avait jamais tué de sa vie. Pourtant, ce n'était pas la peur de son acte qui lui rongeait les tripes, mais la peur de décevoir la valkyrie, qui plaçait de nombreux espoirs en lui. Il n'osait pas parler, n'osait pas lui demander si elle croyait suffisamment en lui pour lui confier une tâche pareille. Il était évident qu'il n'avait pas assez confiance pour le faire, mais elle semblait si sûre d'elle qu'il ne put se résigner à le lui dire. Astrid releva son regard violet vers le jeune homme, et lui adressa un regard emplit de volonté. Elle se dressa sur la pointe des pieds, et lui offrit un léger bisou sur la joue, avant de s'éloigner.
"- Pour ce qui c'est passé là bas... Nous en reparlerons quand ça sera fait."
Elle lui offrit un sourire, et se décida enfin à partir rejoindre son ancien coéquipier. Kaith, lui, resta figé encore quelques secondes. Il reprit cependant bien vite ses esprits, et disparu dans l'obscurité que lui offrait la nuit.
Spynn reprenait sa respiration pour la énième fois depuis le début de sa ronde. Sa blessure avait été refermée, mais le sang qu'il avait perdu l'avait tout de même bien étourdi. Sa vision se troublait régulièrement, et il avait bien faillit tomber à la renverse au moins à cinq reprises. Il ne rêvait que d'une chose, retrouver son lit chaud et dormir jusqu'au lendemain. Les patrouilles de nuit lui avait toujours semblé d'un inutile sans précédent, personne ne sortait jamais de nuit. Ils étaient toujours seuls, livrés à eux même dans le froid glacial, car il neigeait toujours la nuit. Alors qu'il s'apprêtait à repartir, un mouvement sur sa droite attira son regard. Il se redressa bien vite et se tourna dans la direction, pour apercevoir une silhouette féminine. Il ne distinguait rien de la nouvelle arrivante, alors il plissa les yeux pour tenter d'y voir plus clair et s'approcha dans le même temps.
"- Qui est la ? Que faites-vous dehors à une heure pareille ?
- Tu me vouvoie maintenant ? Je ne suis partie que deux semaines pourtant."
Il reconnut immédiatement la voix, et un léger sourire étira ses lèvres gercées par le froid.
"- Astrid ! Je ne savais pas que tu étais déjà de retour en ville."
La jeune femme s'avança pour dévoiler son visage. Elle lui sourit en retour.
"- Effectivement, ce n'était pas prévu mais mon père a dû partir. Un habitant d'un village proche est venu lui demander de l'aide."
Spynn frissonna de froid, et regarda vers le ciel. La neige ne cessait de tomber plus ardemment de minute en minute.
"- Ça te dirais qu'on rentre ? J'ai déjà fais un grand périmètre de la ville, et il ne se passe jamais rien. Une boisson chaude ne nous ferait pas de mal !"
Une lueur étrange traversa le regard d'Astrid, avant qu'elle ancre son regard dans la paume de sa main, qui réveillait les flocons.
"- Tu ne devrais pas être si imprudent, Spynn. Ton manque de vigilance pourrait t'être fatal."
Un petit rire échappa au jeune homme balafré, un rire emplit de confiance.
"- Personne n'oserait s'attaquer à nous Astrid ! On est bien trop puissant pour eux.
- Bien sur oui... Mais tu n'es pas invincible."
Elle croisa ses bras contre sa poitrine, et esquissa un sourire emplit d'amusement. Un sentiment d'inconfort s'installa dans les tripes du garde dragonnier, dont toute confiance s'était évaporée. Un poids pesait à présent sur ses épaules, tandis qu'une menace semblait se mouvoir tout autour de lui. Sa respiration s'accéléra subitement, et son instinct lui hurla de fuir. Cependant, il n'en n'écouta rien. Il ne pouvait décemment pas être en danger, pas ici, dans la ville qui l'avait vu grandir et l'avait toujours protégé. Malgré son angoisse grandissante, il tenta un sourire emplit de malaise.
"- Tu as l'air... Différente Astrid..."
La jeune femme ne lui répondit pas. Il en resta figé, persuadé que le danger s'émanait d'elle. Il sut qu'il s'était gravement trompé à l'instant où il sentit une main masculine agripper son col, et le tirer en arrière. Il se retrouva projeter sur le dos, et le choc fut tel que ses yeux se fermèrent pendant l'impact. Lorsqu'il les rouvrit, il se retrouva nez à nez avec le métal aiguisé d'une lame, et un frisson désagréable le parcourut. Son regard noir remonta lentement le long de la dague, pour tomber sur un visage qu'il était persuadé de ne jamais avoir vu. Kaith, déguisé sous sa nouvelle apparence, n'osait plus bouger. Il gardait malgré tout un regard sérieux, ne laissant aucunement paraître son hésitation. Si ses pensées n'avaient pas dérivées sur des scénarios peu plaisant, il aurait déjà enfoncé sa lame dans la gorge de cet homme qui, sans même le connaître, le savait répugnant. Ce n'était pas le fait de tuer qui le paralysait, mais bien l'incertitude que personne n'en saurait rien. Il sentait des regards venant des fenêtres aux volets pourtant fermés, ou bien même dans l'obscurité des ruelles adjacentes, et pourtant, ils étaient bien seuls. Un vent glacial frappait leur visage déjà rougit par les flocons s'écrasant sur leur peau, mais aucun mouvement n'était esquissé, ne serait ce que pour délier leur muscle. Astrid s'avança près d'eux, et s'agenouilla à hauteur de Spynn.
"- Je t'avais bien dis, que ta confiance te perdrait."
La victime osa détourner son regard vers la jeune femme qui ne semblait éprouver aucune empathie pour lui. Sa mâchoire se contracta, sentant le sentiment de trahison s'infiltrait dans ses veines.
"- Qu'est ce qui te prend Astrid ?! Pourquoi me vouloir mort, hein ? Tu m'en veux de t'avoir baisé ? C'est ça ?!"
La valkyrie tiqua, se redressa et enfonça son pied dans les côtes de l'homme à terre. Celui ci ne put que geindre de douleur, mais continua tout de même :
"- Notre Roi t'as tout donné, il t'as donné un toit, une famille et du pouvoir ! Pourquoi lui tourner le dos ?!
- Parce qu'on m'a ouvert les yeux, Spynn. Et j'aurais aimé en faire de même avec vous tous, mais je sais bien que c'est impossible."
Le jeune homme sembla vouloir riposter, mais Astrid intima à Kaith s'en finir une bonne fois pour toute. Conscient d'avoir déjà bien assez hésité, il ne perdit pas une seconde de plus et enfonça la lame dans le cou de sa victime. Le bout de la dague rencontra le sol, et dans un râle d'agonie, l'ancien dragonnier s'éteignit. La vie disparu de son regard, maintenant terne et dépossédé de toute lueur. Le jeune homme ne sut comment réagir. Devait-il rire, pleurer, hurler à la mort ? Il ne ressentait simplement rien, tout autant que si il venait de découper un morceau de viande. Il s'était maintenant relever, toisant le corps maintenant mort. La jeune valkyrie récupéra la dague qu'elle essuya d'un coup sec sur la neige. Elle lui adressa un regard, dépourvu lui aussi de sentiment.
"- On y va ? Plus vite on sera loin, moins de risque on prendra."
Le jeune dragonnier hocha simplement la tête, et s'écarta du cadavre. Son corps se mit en route de lui même, ne prenant même pas la peine d'essuyer le sang qui avait gicler contre son visage. Ses pas s'accélèrent, rattrapant bien vite Astrid.
Leur pas les guidèrent de nouveau jusqu'à l'auberge, Kaith ne détachait plus son regard de la jeune femme. Son esprit était perturbé, il revoyait sans cesse devant ses yeux l'expression apeurée qu'il avait aperçu avant de commettre son crime. Une étrange sensation lui parcourait le corps, et il ne souhaitait plus qu'une chose, se débarrasser de cette couche invisible de saleté. Mais sûrement trop fatigué pour réfléchir correctement, et trop atteint par ce qu'il venait de commettre, une tout autre envie lui prit les tripes. Il attrapa le bras de la jeune Astrid, avant de la tirer une fois de plus contre lui. Aucun mot ne fut échanger, leur respiration se mélangèrent, créant une faible buée s'échappant de leur souffle chaud. Leur pupilles ne se lâchaient plus, et la jeune femme passa une main sur la joue bien froide de Kaith. Le sang s'étala un peu plus, et s'imprima sur les doigts de la valkyrie, mais elle n'en n'eut que faire et laissa ses doigts parcourir le visage fin du jeune homme. Ils effleurèrent ses lèvres fines, craquelées par le froid et les nombreuses morsures qu'il leur infligeait régulièrement, ses joues creusées, ses pommettes rougis par le froid, pour finir dans ses cheveux gris clairs. La couleur carmin du sang s'y déposa, et ses doigts s'entremêlèrent aux mèches argentés.
Kaith quand à lui avait déposé ses mains sur les hanches d'Astrid. Lui aussi parcourait légèrement son corps, remontant sur sa taille fine, pour redescendre sur le bas de son dos. Son touché provoquait de nombreux frissons chez la jeune femme, ce qui lui arracha un sourire satisfait. Il aimait avoir un tel effet sur elle. Sans plus attendre, leur lèvres se scellèrent à nouveau ensemble. Leur deux corps réagirent l'un à l'autre, leur chaleur corporelle faisant oublier le froid mordant de la température hivernale. Ils s'activèrent, leur main se baladant sur leur deux corps et le découvrant peu à peu. Quelques légers soupires passèrent la barrière de leur lèvres toujours collées l'une à l'autre, tandis qu'ils trouvaient peu à peu quelques zones sensibles.
Ils ne se séparèrent que de longues minutes plus tard, leur regard enflammés de passion. Astrid descendit sa main le long du bras du dragonnier, avant de saisir sa main et le tirer vers l'auberge.