Evannah sursauta en poussant un hoquet d’horreur. Sa lampe se fracassa sur le sol et la clarté mourut. Son cœur s’agitait comme un oiseau en cage. Dans les ruines, les hurlements s’affolaient et elle se boucha les oreilles. La main squelettique de Lyzel lui attrapa le poignet avec douceur, ce qui la rasséréna un peu. Deux boules lumineuses blanches apparurent autour d’elles. La damorial essayait de cacher sa peur, mais ses trois queues d’os fouettaient l’air. Sans lâcher Evannah, elle s’approcha de la fenêtre et étouffa un cri de surprise. L’humaine risqua un coup d’œil et recula, incrédule. Lyzel libéra son poignet, mais la jeune fille aurait aimé qu’elle le tienne encore un moment, juste pour être rassurée.
Un lapin géant bondissait dans les ruines en poussant des hurlements de terreur. Une de ses pattes arrière était fissurée d’une coupure d’où s’échappait un sang vert foncé. Boitant et affolé, il humait l’air et fouillait les alentours.
– Mais c’est un lépokyr ! s’étonna Evannah dans un murmure. Qu’est-ce qu’il fait ici ?
– Aucune idée. Mais il est visiblement à la recherche de quelqu’un.
– Tu penses qu’il cherche son maître ?
Le pelage brun du lapin était orné de signes bleus. De là où elle était, Evannah ne distinguait pas ce qu’ils représentaient. Mais ces dessins indiquaient clairement que l’animal était domestiqué.
– Son frère ou sa sœur, rectifia Lyzel. Le ou la moadrin en question ne doit pas être loin. Enfin, j’espère pour lui. Il est en territoire ennemi, ici. Même s’il retrouve la personne qu’il cherche, il sera tué par les yotoras. Je me demande si Saphir est encore dans les parages. Il ne sera pas c... Eh ! n’y va pas !
Evannah s’apprêtait à descendre les escaliers.
– Ne t’inquiète pas, la rassura-t-elle. Il ne me fera pas de mal. Les lépokyrs domptés n’attaquent que sur ordre de leur frère.
Une des boules lumineuses suivit l’humaine qui s’avançait avec prudence jusqu’au lapin. Le lépokyr cessa de s’agiter dès qu’il l’aperçut et sautilla vers elle. Evannah tendit une main tranquillisante et essaya de l’apaiser avec des mots doux. Elle toucha le bout du museau, mais la bête se cabra en criant. La jeune fille protégea ses oreilles endolories et entendit Lyzel hurler son nom. Elle s’écroula sur le dos et l’animal, aussi gros qu’un ours, plaqua une de ses pattes sur sa poitrine et renifla son visage. Il découvrit ses dents pointues. Pétrifiée de frayeur, Evannah ferma les yeux et sentit son haleine chaude sur sa peau.
Après quelques secondes qui semblaient être des heures, la pression disparut. La jeune fille rouvrit les paupières et vit le lépokyr assis devant elle. Lyzel, qui était descendue à toute allure, courut pour la relever en ne quittant pas le lapin du regard. La créature se redressa, émit un petit cri et se dirigea vers les collines de débris. Evannah et Lyzel restèrent immobiles, mais il insista pour qu’elles le suivent. L’humaine partit la première.
– Il veut qu’on l’aide ! Son frère ne doit pas être loin !
– D’accord, mais soyons prudentes. Les moadrins sont très dangereux. Avec de la chance, il ou elle nous remerciera de l’avoir sauvé.
Evannah gravit les décombres avec vigilance. Quelques cailloux roulaient vers elle à cause des bonds nerveux du lépokyr. Des ailes blanches apparurent sur le dos de Lyzel qui vola jusqu’au sommet. Similaires à celles d’un cygne, elles flottaient à quelques centimètres de ses épaules. Émerveillée, l’humaine les contemplait en montant la colline. Elle manqua de glisser plusieurs fois. Lorsqu’elle fut proche de la cime, la main de chair de Lyzel l’attrapa et l’aida à grimper.
Le lépokyr se tenait sur ses pattes arrière et scrutait les alentours. Sans se soucier des tympans des jeunes filles, il hurla avec détresse. Agacée, Lyzel lui ordonna de se taire, mais l’animal ne l’écouta pas.
Evannah descendit sur un autre mont. Elle s’arrêta sur un mur renversé et contempla le paysage mort. Les boules lumineuses éclairèrent son champ de vision. Des maisons détruites et des gravats s’élevaient devant elle. Evannah soupira avec lassitude. Les recherches allaient être longues, très longues. Elle s’avança encore et fouilla les restes des demeures. Mais aucun moadrin n’était étendu dans l’une d’elles. Le lépokyr sautilla vers elle avec vacarme. Evannah se demandait si les réfugiés de la ville avaient entendu ses cris. Pire, si Saphir accourait vers eux pour se débarrasser de la monture d’un de ses ennemis.
Ils cherchèrent pendant de longues minutes. Lyzel s’était éloignée, mais ne trouvait personne. Evannah avait l’impression de visiter les mêmes endroits. Le lépokyr continuait à sauter avec angoisse à ses côtés et manquait plusieurs fois de la renverser. Soudain, il hurla et se sauva en bousculant l’humaine qui tomba sur les débris. Cette dernière se releva en jurant et suivit le lapin. Alertée par les cris, Lyzel la rejoignit.
Toutes deux glissèrent dans un cratère. Enfin, leurs recherches touchaient à leur fin. Le lépokyr poussait de son crâne un corps couvert d’égratignures en gémissant. La personne évanouie ne se réveillait pas. Ses deux compagnes coururent vers lui et s'agenouillèrent pour vérifier l'état du blessé.
L’inconnu était aussi petit qu’Evannah, mais plus musclé qu’elle. Il était difficile de définir son genre. Il ressemblait à un garçon efféminé ou à une fille masculine. Ses cheveux blonds, réunis en une longue tresse, viraient au bleu vif sur les extrémités, cette même couleur qui illuminait les signes gravés sur le pelage du lépokyr. Sa peau basanée était rayée de blanc et tachée d’un sang vert foncé. Ses blessures n’avaient pas l’air pas si graves, mais la personne avait fait une terrible chute. Une poussière grisâtre recouvrait son mini-short et ses jambes étaient marquées par ses mésaventures. De petits orifices parsemés ses mollets et remontaient jusqu’aux cuisses. Deux lames fines et légèrement courbées formaient une croix à ses côtés.
Le lépokyr émettait des cris de désespoir en tirant sur la tunique de son frère. Lyzel s’approcha du corps et prit le pouls. Le lapin cessa de s’agiter et renifla le poignet du moadrin. Après son analyse, la damorial en conclut qu’il était vivant.
– On devrait l’emmener à la cité, proposa-t-elle, il ou elle a besoin de soin. Et ce lépokyr, aussi.
Evannah acquiesça et l’aida à porter la personne pour la poser sur le dos de l'animal. Celui-ci s’abaissa sagement et marcha à leurs côtés. L’estomac de la jeune fille se noua. Saphir allait adorer ça. Elle l’imaginait déjà en train de la sermonner, de lui faire sauvagement remarquer qu’elle fraternisait avec l’ennemi. Mais peu importe ce qu’il allait en penser. Evannah éprouvait de la peine pour ce pauvre lépokyr qui espérait de tout son cœur que son frère survivrait. Elle n’avait pas le cœur à le laisser seul dans sa détresse.
Le groupe traversa la ville, suivant les lumières qui s’étaient affaiblies. Le lapin s’agitait encore plus à cause de l’obscurité. Evannah le caressa pour le rassurer et agrippa ses poils pour le guider. Un bourdonnement de murmures s’éleva et la jeune humaine sentit des regards se braquer sur eux. Lyzel conduisit l’animal vers la maison de Meïlaa. Les lumières longèrent le haut des murs. À leur passage, elles éclairèrent un écriteau placé au-dessus de l’entrée. Evannah put observer ces symboles :
[Image à voir ici : https://zupimages.net/viewer.php?id=21/52/u6a2.jpg ]
La damorial aux cheveux noirs ouvrit la porte après avoir entendu les appels de Lyzel et émit un cri de surprise.
– Mais… c’est un lépokyr ! remarqua-t-elle. Où l’avez-vous trouvé ? Et il porte un moadrin ! Allongez-le sur le lit.
Lyzel et Evannah s’exécutèrent. Avec hâte, Meïlaa sortit des bocaux et les posa sur une table. Elle demanda aux deux filles de la laisser.
– Le lépokyr a une entaille à la patte, l’informa Evannah.
– Il restera avec le moadrin de toute façon.
– Vous n’avez pas peur que Saphir soit furieux ?
– Peu importe ce qu’il pense. Je soigne tous ceux qui en ont besoin, sans distinction de race. Retournez auprès de vos amis, je m’occupe de tout. Accompagne-la, Lyzel.
– J’y compte bien, répondit la concernée.
Avant que les filles ne partent, Meïlaa leur fit signe d’attendre. Elle se dirigea dans la pièce d’à côté et en sortit avec un paquet.
– Vous n’avez pas eu le temps de manger, dit-elle en le tendant à Evannah. Vous devez avoir faim. Prenez-le.
– Non, merci, déclina l’humaine. J’ai de quoi dans l’atelier de mon ami.
– J’insiste. Je sais que vous allez me dire que j’ai fait beaucoup pour vous, mais je veux vraiment vous donner cette nourriture.
– Eh bien…
Mais Meïlaa lui passa le paquet et s’empressa de s’occuper de ses nouveaux patients après avoir salué les filles.
La main squelettique de Lyzel saisit le bras d’Evannah et l’entraîna à l’extérieur. Elles firent signe au lépokyr qui répondit dans un cri plus joyeux et calme. Il les remerciait sans doute de l’avoir aidé. Les boules devant elles, Lyzel mena l’humaine dans une ruelle. Elle ne la lâcha pas jusqu’au parc.
Les lumières virevoltèrent vers l’atelier ambulant. Le Marionnettiste discutait avec Ééda. Il leva la tête et accueillit les deux amies d’un geste enjoué de la main.
– Evannah ! Quel plaisir de te revoir ! J’étais mort d’inquiétude !
– Tout va bien, assura-t-elle. Et… oh ! Je suis tellement désolée par votre lampe ! J’ai été surprise par… Lyzel.
– Oui, j’étais cachée dans le noir et je suis arrivée sans prévenir, renchérit cette dernière.
– Ne t’en fais pas, la rasséréna le Marionnettiste avec un immense sourire, j’en ai d’autres.
Ééda salua Lyzel qui répondit en inclinant la tête.
– Ééda, regarde ! l’interpella le voyageur.
Il posa une boîte sur le bord de la fenêtre et en sortit un automate qui représentait un chat pelotonné. Il actionna la petite manivelle. La créature se dressa et sautilla devant les exultations de l’enfant.
– Il est magnifique !
– Il est pour toi, déclara le Marionnettiste.
– C’est vrai ?
– Oui. Nous sommes amis, Ééda. Je souhaite que nous soyons ensemble pour toujours.
– Oh… mais vous ne pouvez pas rester ici.
– Non, mais je sais comment rester amis à vie !
Exaspérée par ces mièvreries, Lyzel leva les yeux au ciel. Elle se tourna vers Evannah et annonça :
– Je dois partir. Meïlaa aura peut-être besoin de moi.
– D’accord, au revoir, Lyzel. J’espère te revoir bientôt, ça a été un plaisir d’être seule avec toi.
La damorial afficha un faible sourire et quitta le groupe. Désormais dans le noir, Evannah se rapprocha de la machine.
– « Ça a été un plaisir d’être seule avec toi » ? répéta le Marionnettiste, taquin. Tu l’as vu, toi aussi ?
– Quoi ? fit la jeune fille.
– Elle t’adore !
– Pas du tout ! On vient juste de se rencontrer !
Evannah recula d’un pas, en espérant que personne n’avait remarqué le rouge de ses joues.
– Détrompe-toi ! s’exclama l'artiste. Les sentiments d’un damorial sont profonds même si certains comme Lyzel ne le montrent pas.
Gênée, Evannah chassa cette idée qui revenait toujours à la charge. Elle n’en croyait pas un mot, mais le créateur n’avait pas tort. Tout le monde connaissait cette particularité. Un damorial se laissait porter par la puissance de ses émotions et certains pouvaient commettre les pires atrocités s’ils n’étaient pas satisfaits. Ce qui effrayait les autres peuples.
Afin de ne pas être enquiquinée par de nouvelles remarques, Evannah s’éloigna de la lumière pour cacher son visage rouge. Ses pensées remuèrent de plus belle. Le sourire de Lyzel, pourtant si discret, lui avait percé le cœur. Son regard argenté et scintillant avait capturé son âme.
Non, non ! C’est n’importe quoi ! nia Evannah en secouant violemment la tête.
Mais quand elle fermait les yeux, les images étaient encore plus claires. Même sa peau s’était imprégnée du contact de la main d’os de la damorial. Ses doigts s’enfonçaient nerveusement dans le paquet que lui avait donné Meïlaa. Elle déballa le papier et découvrit un gros morceau de viande. L’idée de croquer dedans lui mit l’eau à la bouche et son estomac confirma qu’elle avait faim. Elle retourna auprès du Marionnettiste et s’avança vers Ééda.
– Où est-ce que je pourrais faire cuire cette viande ? demanda-t-elle.
– La faire cuire ? s’étonna Ééda. Mais pour quoi faire ? Ce n’est pas pour la manger finalement ?
– Bien sûr que je vais la manger !
– Les humains ne mangent pas leur viande crue, intervint une voix rauque.
Evannah sursauta. L’ombre d’un grand loup cornu se dressait derrière elle. En ce moment, elle demandait n’importe quelle source de lumière pour mieux distinguer le visage de Saphir, même si elle éblouirait les badauds. Il n’était peut-être pas encore au courant pour le lépokyr.
– Oh, Saphir, fit Ééda qui avait perdu son enthousiasme coutumier.
– Bonjour. Content de te revoir, Evannah.
Cette dernière n’en croyait pas un mot. Après sa crise de nerfs, il ne devait pas la porter dans son cœur. Elle inclina la tête avec hésitation.
– Ah ! s’écria Saphir. Je suppose que c’est le véhicule de ton ami humain ?
Absorbé par son travail, le Marionnettiste mit quelques secondes à s’extirper de sa rêverie mécanique. Il salua le canidé avec moins de joie que d’habitude.
– Vous êtes le yotora qui vient de Leïvron ? devina-t-il.
– C’est bien moi. Mais je ne suis pas ici pour parler de moi, expliqua Saphir. Je veux qu’on discute du cas d’Evannah.
La jeune fille fronça les sourcils et l’avertit avec sévérité :
– Le Marionnettiste m’accompagnera, peu importe le danger. Ce n’est pas la peine de le convaincre de me lâcher.
– Te lâcher ? répéta le grand canidé, piqué au vif. Je ne veux absolument pas que tu lances seule vers ces dangers !
– Ça ira, Evannah, la rassura le créateur. Je te promets que je ne te laisserai pas tomber. Qu’avez-vous à nous proposer Saphir ?
– Rien de particulier. Les solutions possibles sont très minces et inaccessibles. L'unique option offerte à Evannah est Maciurim, l’autre dimension touchée par Mosdrem.
Le voyageur frissonna.
– En êtes-vous sûr ? demanda-t-il, inquiet. Ééda, pourrais-tu nous laisser, s’il te plaît ?
L’enfant orange hocha silencieusement la tête et salua tout le monde avant de disparaître dans les ténèbres. Le Marionnettiste quitta son atelier et se plaça face à Saphir, debout sur ses quatre pattes.
– Je vais vers Maciurim, expliqua le yotora. Mais je ne veux pas que d’autres personnes me suivent, risquant ainsi leur vie.
– Nous n’avons pas l’intention de vous encombrer, dit Evannah.
– Et moi, je ne veux pas vous laisser seuls dans Maciurim. Tu m’as l’air bien déterminée et je ne pourrais pas t’empêcher de partir là-bas.
– Ça, c’est vrai ! renchérit le Marionnettiste. Evannah est prête à y aller sans l'aide de qui que ce soit, si elle n'avait pas le choix.
– C’est bien ce que je crains.
– Mais je ne pourrais pas la laisser se jeter dans les brumes noires. Je n’ai pas envie d’avoir sa mort sur ma conscience. Donc, je la guiderai vers Maciurim.
– Moi non plus. C’est pour ça que je vous autorise à m’accompagner. Mais promettez-moi de m’obéir si le moindre problème se présente.
La condition plaisait moyennement à la jeune fille, mais s’il acceptait de les escorter, elle devait s’y soumettre. Elle s'engagea alors sans lui montrer son hésitation et se retint de l’enlacer.
– Merci ! Je ne pourrais jamais assez vous remercier !
– Evannah, l’interpella le Marionnettiste, dubitatif. Es-tu sûre qu’on peut lui faire confiance ?
– Je sais que vous vous méfiez des yotoras, dit l'humaine. Mais si nous pouvons suivre quelqu’un d’aussi fort que Saphir, nous ne devons pas laisser passer cette occasion.
– J’espère que tu as raison. Mais toute aide est bonne à prendre, je suppose.
– Oui.
Puis, Evannah se tourna vers Saphir, pleine de reconnaissance :
– Je vous jure qu’on se tiendra tranquille ! Vous pouvez nous faire confiance.
– Ça suffira, dit-il. Tu voulais faire cuire cette viande, n’est-ce pas ?
– Euh… oui !
– Bien, suis-moi.
Avant que le Marionnettiste n’ouvre la bouche pour savoir où il avait l’intention d’emmener Evannah, le yotora et sa protégée partirent vers une petite ruelle. Un vent frais souffla dans leur dos. Il fit frissonner l’humaine et dressa les poils d’argent de Saphir. Une fois bien éloignés du créateur, Evannah mit fin au silence qui régnait depuis quelques minutes :
– Les damorials se nourrissent de viande crue ?
– Oui, répondit le canidé. Ils aiment aussi le sang bouilli. Parfois, ils mangent des fruits par gourmandise. Mais la chair est leur aliment principal.
La grosse tranche intrigua Evannah. Elle approcha donc son nez et huma. Puis, elle éloigna son visage avec dégoût. Cette viande avait une odeur de… de chien mouillé ?! Elle réprima un haut-le-cœur.
– Alors, Meïlaa soigne un moadrin ? demanda Saphir avec une fausse ignorance.
La jeune fille sursauta et le paquet tomba par terre. Plaqué du mauvais côté, son enveloppe roula dans la ruelle, portée par le vent. Du sang suintait du gros bloc de chair blanc. Au final, Evannah ne regrettait pas de ne pas pouvoir la goûter. Saphir s’arrêta. Sous son regard insistant, l’humaine sentit ses pieds se dérober sous son poids.
– Euh… j’ai… je l’ai trouvé dans les ruines avec son lépokyr, bégaya-t-elle, anxieuse. Je veux savoir ce qui lui est arrivé. Vous n’allez pas lui faire de mal ?
– Oui, son lépokyr… il n’est pas très discret, répondit Saphir avec sarcasme. Et je l’avais flairé, tout à l’heure. Je ne veux pas lui faire de mal. Du moins, pas pour le moment. À quoi ressemblaient-ils, tous les deux ?
– Le moadrin est plutôt quelconque. Je ne sais pas s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Les pointes de ses cheveux sont bleues comme les signes peints sur le pelage du lépokyr.
La description du blessé avait égaré Saphir dans ses réflexions. Puis, il conclut la conversation :
– Nous viendrons le voir une fois qu’il sera rétabli. Mais je ne te promets pas que ça se terminera bien.
Evannah posa ses mains sur ses hanches. Son estomac était décidé à ne rien avaler, pour le moment. Elle le fit savoir à Saphir.
– Ça serait dommage de gâcher un tel morceau ! s’exclama-t-il en feignant la pitié.
Il se pencha sur le bloc et le dévora sous le regard dégoûté et médusé de l’humaine.
– Les yotoras mangent aussi de la viande… canine ?
– Je ne vois pas où est le problème, répondit Saphir en se pourléchant.
– Je pensais que vous mangiez d’autres animaux.
– Ah, d'accord ! Ce qui te perturbe, c’est que chaque espèce a plus ou moins les mêmes traits que les kirnels. Nos parents nous ont sculptés à leur image. Les yotoras ne mangent que de la viande, qu’importe l’animal.
– Est-ce que les yotoras mangent les lépokyrs ?
L’œil de Saphir devint rond comme une bille.
– Non ! Bien sûr que non ! Leur chair est immonde. Nous leur arrachons volontiers la tête ou les membres, mais nous n’aurons jamais l’idée de les manger. À moins d’être complètement fou.
Consciente de la stupidité de sa question, Evannah rit. Le guerrier lui proposa de la reconduire auprès du Marionnettiste.
Ils rebroussèrent tranquillement chemin jusqu’à ce qu’une ombre courut vers eux. D’abord inquiète, la jeune fille se détendit en reconnaissant la petite silhouette d’Ééda.
– Evannah ! J’espère que je ne te dérange pas…
– Non, pas du tout. Qu’est-ce qu’il y a ?
La tête de la damorial se tourna vers Saphir puis de nouveau vers Evannah.
– Le moadrin s’est réveillé. Tu veux aller le voir ?
En tout cas, contente de découvrir encore de nouvelles espèces, toujours aussi originales et attachantes ;)
Petite pêche du jour :
- « et manquait plusieurs fois de la renverser » → « manqua »
- « Ses blessures n’avaient pas l’air pas si graves » → un « pas » en trop ;)
- « De petits orifices parsemés ses mollets » → « parsemaient »
- « Et ce lépokyr, aussi. » → la virgule est en trop
- « Je suis tellement désolée par votre lampe » → « pour votre lampe » ; d’ailleurs, une petite erreur au sujet de la lampe : il me semble que ce n’est pas quand Lyzel l’a surprise qu’Evannah a cassé la lampe, mais quand le lépokyr s’est mis a crié :)
- « D’accord, au revoir, Lyzel » → je trouve que ça s’enchaîne un peu vite ici, j’aurais tendance à mettre un point après « D’accord »
- « En ce moment, elle demandait n’importe quelle source de lumière » → cette phrase est un peu bizarre : est-ce que tu veux dire, qu’elle aurait souhaité n’importe quelle lumière ?
- « Je ne veux absolument pas que tu lances seule vers ces dangers ! » → « que tu te lances »
En effet, je n'ai pas mentionné avant que les damorials pouvaient voler. J'aime bien montrer les particularités des races petit à petit :)
Quant à lumière, c'est surtout parce qu'Evannah veut éviter de parler du lépokyr à tout va. Surtout si ça risque de parvenir aux oreilles de Saphir.
Bref, à bientôt :3