Chapitre XII : Le portail du Chaos - Partie IV

Au moment où Loyd lui désigna la direction de l’éclaireuse, Elwyn se détacha du groupe pour la rejoindre.

Il glissa entre les troncs, son manteau effleurant l’écorce, ses pas étouffés par l’humus. Les bruits de combat derrière lui s’estompaient au profit d’un autre son, plus sec, celui du claquement d’une corde d’arc, le frottement d’une lame sur un fourreau, les souffles courts d’un corps en mouvement.

Puis il la vit.

Une demi-elfe au regard tranchant, aux gestes silencieux et précis. Même à distance, il devinait sa silhouette élancée, tendue comme un arc bandé. Sa démarche fluide, presque féline, trahissait un entraînement méthodique, mais aussi une part plus instinctive.

Son visage se révéla un instant ses traits fins d’une noble lignée elfique mêlés à la rudesse humaine, des yeux bleu-vert glacés et pénétrants, et, dans ce regard, la lueur sombre d’une rage incontrôlée.

Sa chevelure ardoise, coupées mi-courts en mèches dégradées, encadraient son visage de façon irrégulière, certaines pointes effleurant sa nuque, d’autres tombant à sa mâchoire.

Elle portait une armure légère de cuir sombre, taillée pour la furtivité et la liberté de mouvement. Les plaques, souples mais résistantes, épousaient ses gestes sans un bruit, absorbant la lumière plutôt que de la refléter. Derrière elle, une cape grise, élimée par les vents et l’épreuve du temps, flottait par instants comme le vestige effiloché d’une bannière oubliée. À son poignet droit, serti dans le cuir du protège-bras, Elwyn remarqua la présence d’un catalyseur de magie inactif.

Elle se déplaçait avec une fluidité presque irréelle, bondissant d’un tronc à un autre, frappant, tirant, disparaissant aussitôt pour réapparaître plus loin. Sa respiration haletante se calait sur un rythme précis. Elle n’était plus en défense. Elle chassait.

Elwyn l’observa encore.

Chaque coup visait un point vital, chaque flèche était mortelle. Elle ne cherchait pas à fuir, elle voulait tuer, encore et encore.

Un gobelin tenta de s’échapper. Elle le rattrapa d’un bond et planta sa dague dans sa nuque.

C’est alors qu’Elwyn fini par sortir de l’ombre, toujours couvert de sa cape et de son masque.

L’éclaireuse réagit aussitôt, se jetant sur lui.

Voyant l’attaque, Elwyn intercepta le mouvement. Sa main gauche se referma sur son poignet armé, bloquant net son geste, tandis que sa main droite dévia la garde de son épée. Elle pivota brusquement pour se dégager, son coude visant ses côtes, ses yeux accrochant son masque avec méfiance.

— Lâche-moi ! cracha-t-elle, la voix déformée par la rage.

— Ça va aller, je ne suis pas une menace… pas pour vous, répondit-il calmement, tout en dirigeant son éther vers son cœur pour utiliser son aura Apaisante sur elle.

À chacun de ses battements réguliers, il laissa se propager une onde de chaleur douce et rassurante. Peu à peu, la tension dans son corps diminua, la lueur furieuse de ses yeux s’adoucit.

Quand il la sentit plus calme, il agît avec précision et fit une rotation du poignet, un léger décalage de son centre de gravité… et la dague glissa au sol. La main de l’éclaireuse se referma alors sur l’épée qu’elle tenait encore, et il la désarma sans heurt. Les deux armes reposaient maintenant hors de portée.

Il recula d’un pas, mains ouvertes.

— Ça suffit. Vous êtes en sécurité maintenant.

Elle recula à son tour, toujours sur le fil, le souffle saccadé.

— Qui… êtes-vous ?

— Un allié, répondit-il, en lui montrant son pendentif en argent.

Au même moment, derrière eux, le fracas des armes se mêlait encore aux rugissements rauques des orcs et aux cris stridents des gobelins. Loyd et les trois aventuriers tenaient leur ligne avec une détermination farouche.

Le nain parait les coups avec son large bouclier, chaque impact résonnant comme un coup de tonnerre étouffé. L’archer, posté en retrait, décochait flèche sur flèche, chacune trouvant sa cible avec une régularité presque mécanique. Le magicien, resté au côté de l’archer, projetait des projectiles de roche pour ouvrir des brèches dans leurs rangs.

Puis, dans un dernier chaos de chocs et de cris, le vacarme se fit plus espacer, jusqu’à n’être plus qu’une respiration haletante ponctuée de quelques grognements agonisants. Un corps massif tomba lourdement dans la mousse, et le silence revint, pesant, seulement troublé par le souffle court des survivants.

Elwyn, lui, n’avait pas quitté la demi-elfe des yeux.
Elle tenait encore sa position, ses mains encore crispées par la tension et sa poitrine se soulevait par à-coups sous l’effet de la fatigue. Le sang qui coulait de sa tempe traçait une ligne écarlate le long de sa joue, et sa blessure à l’oreille saignait toujours.

— Vous saignez beaucoup. Laissez-moi arrêter ça, dit-il d’une voix basse et posée.

Elle lui lança alors un regard froid.

— Je n’ai pas besoin de ton aide.

— Vous avez quand-même besoin de repos et de soins.

Elle recula d’un pas, les muscles tendus, toujours prête à se battre.

— Si je te laisse m’approcher, qu’est-ce qui me dit que tu ne m’attaqueras pas comme eux ?

Elwyn resta silencieux un moment, pensif, puis, finalement décidé, il leva lentement une main vers sa capuche et son masque.

— Alors regarde-moi.

Sa capuche glissa lentement en arrière et le masque se détacha de son visage. Les traits jeunes et clairs d’Elwyn se révélèrent, encore adoucis par la lumière diffuse filtrant à travers le couvert des arbres. Quelques mèches sombres, humides et plaquées contre sa peau, soulignaient la finesse de ses lignes. Ses yeux, d’un calme presque déroutant, restèrent ancrés dans les siens. Il n’y avait là ni mépris, ni arrogance, ni menace, seulement cette certitude tranquille, profonde, qui semblait affirmer qu’il maîtrisait la situation.

La demi-elfe cligna des yeux, comme prise au dépourvu. Elle y chercha un mensonge, un piège, mais ne trouva rien d’autre qu’une patience inébranlable.

— Je ne suis pas ton ennemi. Laisse-moi refermer la plaie, reprit-il doucement.

Elle hésita, plusieurs seconds, puis, dans un souffle, elle baissa très légèrement ses poings.

— Si tu fais un geste de travers…

— Je sais, répondit-il, un mince sourire sur ses lèvres.

Il s’approcha alors lentement, comme s’il tentait d’apprivoiser un animal prêt à mordre, ses mouvements lents et calculés. Ses yeux restaient ancrés dans les siens, guettant la moindre crispation. Lorsqu’il leva la main gauche vers son visage, la demi-elfe ne recula pas, mais ses pupilles vibrèrent imperceptiblement, et ses lèvres se pincèrent comme si elle retenait un réflexe d’hostilité.

La paume ouverte, il avança encore, centimètre après centimètre, jusqu’à ce que ses doigts effleurent le bout resté intact de son oreille gauche. Elle sursauta légèrement, un spasme nerveux traversant son corps. Ce n’était pas seulement la douleur, c’était une intrusion, un contact direct avec ce qui, pour les elfes, est sacré entre tous, son corps.

— Doucement… Tout va bien se passer, murmura Elwyn, sa voix égale et basse, presque un souffle.

Sa main glissa alors vers sa tempe, s’arrêtant juste au-dessus de la plaie. Il ferma les yeux un instant, inspira profondément, puis laissa son éther s’écouler.

Ce n’était pas une décharge brutale, mais un flux mesuré, qui pulsait au rythme régulier de son cœur. À chaque battement, une chaleur douce se diffusa sous la peau de la demi-elfe, apaisant d’abord la brûlure de la chair entaillée, puis dénouant la tension crispée dans les muscles de sa nuque et de sa mâchoire.

Elle sentit ses poings se desserrer malgré elle. Sa respiration, jusque-là haletante et hachée, trouva un rythme plus profond. Les battements de son propre cœur semblèrent s’accorder à ceux d’Elwyn, comme si leurs corps s’étaient calés sur une même cadence invisible.

Puis il s’attaqua à la structure même. Les filaments blanchâtres du cartilage se reformèrent sous son contrôle, s’imbriquant avec une précision presque chirurgicale pour recréer l’ossature souple qui donnait à l’oreille sa forme. Millimètre après millimètre, il consolidait chaque segment avant de passer au suivant, veillant à ce que rien ne soit laissé au hasard.

La chair vint ensuite, fine et souple, se tissant autour de l’ossature nouvelle. Les vaisseaux sanguins, minuscules, s’étendaient comme les racines d’une plante, reconnectant chaque partie au reste de son corps. Enfin, la peau recouvrit le tout, pâle et lisse, avant de retrouver peu à peu la teinte naturelle de la demi-elfe.

La douleur vive s’était muée en une chaleur diffuse et légèrement engourdissante. Sa vision périphérique se dégagea, et l’adrénaline qui l’avait enfermée dans une boucle de colère et d’instinct meurtrier se retira comme une marée lente.

— C’est… étrange, souffla-t-elle malgré elle, presque à contre-cœur.

Elwyn rouvrit les yeux, ses doigts toujours immobiles contre sa peau.

— J’ai fini. Maintenant, tu as une oreille gauche en parfaite forme.

Elle soutint son regard, cherchant une faille, une trace de manipulation ou de malveillance, mais n’y trouva qu’un calme inébranlable. Sans s’en rendre compte, elle se laissa aller à ce contact, ses épaules s’abaissant légèrement.

— Tu es… différent des autres guérisseurs, souffla-t-elle.

Quand il retira enfin sa main, la sensation persista encore un instant, comme si son corps refusait de rompre totalement le lien.

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Pendant ce temps-là, Loyd avançait comme un fer de lance, son épée longue traçant des arcs précis qui coupaient net toute tentative d’approche. Chaque pas qu’il faisait était mesuré, calculé pour ne jamais rompre l’équilibre du groupe. Le nain tenait le flanc gauche, son large bouclier formant une barrière mouvante. Chaque impact qui s’y écrasait résonnait comme un coup de tonnerre, mais il ne cédait pas d’un pas. Son marteau décrivait de larges cercles, fracassant côtes et crânes dans des éclats d’os.

À droite, l’archer évoluait en mouvement constant, tirant à bout portant dès qu’un ennemi franchissait la ligne invisible qui protégeait le magicien. Ses flèches claquaient avec une régularité presque mécanique, chaque trait trouvant une cible comme un œil, une gorge ou une articulation. Le carquois s’allégeait vite, mais Loyd recréait des munitions au besoin.

Derrière, le magicien restait mobile, ne se contentant pas de lancer des sorts à distance. Il alternait entre éclats de feu pour forcer les monstres à rompre leurs formations et bourrasques ciblées pour dévier les coups ennemis. Chaque incantation était brève, efficace, taillée pour soutenir ses compagnons plutôt que de chercher la gloire personnelle.

Un orc surgit de la masse, hurlant, sa grande levée bien haut. Loyd ne recula pas. Il pivota sur le côté, laissant la lame abattre un pan de terre, puis engagea son épée sous la garde ennemie. Un mouvement sec et la pointe ressortit par le flanc. L’orc s’effondra dans un râle. Déjà, un gobelin profitait de l’ouverture pour bondir sur lui, mais Loyd fit tournoyer son arme pour finalement lui trancher la tête.

Sur le flanc gauche, le nain encaissa un assaut coordonné de deux orcs. Le premier coup fit grincer son bouclier, le second tenta de le déséquilibrer. Il planta un pied dans le sol et renvoya la force reçue en projetant son agresseur contre un tronc. Avant même que l’orc ne retrouve ses appuis, le marteau s’abattit, enfonçant sa poitrine dans un bruit mat. Le deuxième adversaire voulut reculer, mais une flèche de l’archer se logea dans son œil, le fauchant sur place.

— À droite ! prévint le magicien.

Trois gobelins tentaient de déborder. Il leva sa main, et une onde de chaleur explosa au sol devant eux, les forçant à reculer sous l’effet de la brûlure. L’archer profita de leur désorganisation pour en abattre deux d’affilée. Le troisième chargea tête baissée, mais Loyd l’intercepta d’un pas glissé, sa lame décrivant un arc montant qui ouvrit sa poitrine.

Le rythme s’accéléra. Les ennemis, sentant le combat tourner, devinrent plus nerveux. Un orc lourdement armé fendit la mêlée pour atteindre Loyd. Le choc des lames résonna fort, un échange rapide de coups puissants éclatant entre les deux combattants. L’orc força Loyd à reculer de deux pas, mais ce dernier laissa volontairement une ouverture. Quand la masse descendit, il se déroba, glissa sur le côté et trancha net derrière le genou. L’orc s’effondra, et le coup suivant de Loyd lui trancha la gorge.

Le sol était déjà jonché de cadavres disparaissant les uns après les autres en une légère brume violette sombre. Les gobelins survivants hésitaient et se jetaient des regards inquiets. Le nain grogna et fit un pas en avant, frappant de son marteau un dernier orc dans un craquement humide. Le magicien, haletant, fit un dernier geste circulaire, envoyant une bourrasque disperser les survivants. Quelques gobelins prirent la fuite, leurs cris se perdant entre les arbres.

Loyd essuya d’un revers le sang qui perlait sur sa joue et leva les yeux vers la lisière sombre. Là-bas, Elwyn était parti rejoindre l’éclaireuse. Il n’aimait pas ne pas voir ce qu’il se passait.

— On n’a pas le temps de souffler. Finissons d’éliminer ceux qui restent et on le rejoint, lança-t-il.

Le groupe resserra la formation, écrasant les derniers résistants avec une efficacité froide. Lorsque le dernier corps tomba, Loyd fit signe de suivre. Ils s’élancèrent vers la forêt, le souffle court mais les armes encore prêtes.

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La respiration de la demi-elfe s’était apaisée, mais ses yeux gardaient encore cette lueur froide qui trahissait l’adrénaline. Assise contre un tronc, elle effleurait distraitement le contour de son oreille nouvellement reconstituée, comme pour s’assurer qu’elle n’avait pas rêvé. Sa peau, encore tiède du contact de la main d’Elwyn, semblait fragile, mais intacte.

Elle leva un regard hésitant vers lui, comme si elle cherchait à dire quelque chose… mais aucun mot ne vint.

Un froissement dans les feuillages, suivi du craquement sec de branches sèches, attira soudain son attention. Elwyn se figea, ses sens en alerte.

Un pas lourd, régulier, se rapprochait à vive allure.

Sans un mot, il se redressa, rabattit sa capuche et ajusta son masque en un geste fluide. La demi-elfe fronça légèrement les sourcils, intriguée par ce besoin soudain de se dissimuler, mais elle ne dit rien.

Des silhouettes émergèrent alors entre les troncs.
Loyd, en tête, avançait d’un pas ferme, l’épée encore maculée de sang, suivi du nain, de l’archer et du magicien. Ils progressaient vite, mais leurs yeux ne cessaient de sonder les ombres, d’évaluer chaque recoin. La tension dans l’air se dissipa légèrement à la vue d’Elwyn et de la demi-elfe encore debout.

— Alors, comment ça se passe ? demanda Loyd en essuyant sa lame d’un mouvement sec.

— Elle est vivante et maintenant entière, répondit simplement le jeune homme, se tournant légèrement pour laisser à la demi-elfe l’initiative de parler si elle le voulait.

Elle se contenta d’un bref signe de tête, ramassa ses armes au sol et les remit à sa ceinture sans quitter Loyd des yeux. Ce dernier ne montra aucune méfiance particulière, ses pensées déjà occupées par les environs.

Un grondement monta soudain de la forêt.

À une trentaine de mètres, deux silhouettes massives émergèrent entre les troncs, encadrées par quatre gobelins nerveux. Les orcs avançaient d’un pas pesant, les crocs luisants, tandis que les gobelins zigzaguaient, guettant un angle d’attaque.

Loyd esquissa un sourire en coin.

— Les derniers, murmura-t-il pour lui-même.

Il leva la main, désignant les positions.

— l’Archer, sur les petits. Le nain, prends le flanc gauche. On nettoie vite.

L’archer se mit en retrait, tendit sa corde dans un silence mortel… puis la flèche fendit l’air et se planta dans l’œil d’un gobelin, qui s’effondra dans un gargouillis.
Le nain chargea aussitôt, bouclier levé, encaissant un coup d’orc avant de le repousser violemment contre un tronc dans un choc qui fit vibrer l’écorce.

Les gobelins restants tentèrent de contourner le groupe, mais Loyd se plaça pour les intercepter. Il para le premier, rompit la garde du second et lui trancha la gorge dans le même mouvement.

— On garde la formation, grogna-t-il, fauchant un troisième d’un revers brutal.

La demi-elfe avait déjà avancé d’un pas pour se joindre à eux, mais une main ferme sur son épaule l’arrêta.

— Ça va aller, ils peuvent gérer la situation, dit calmement Elwyn.

Elle hésita, son regard allant du masque d’Elwyn à la mêlée. Le magicien, sans détourner les yeux du combat, hocha simplement la tête, confirmant ses paroles.

Le nain, dans un rugissement, fit basculer son orc à genoux avant de lui écraser le crâne d’un coup sec de marteau. Loyd, de son côté, esquiva un coup de hache, se rapprocha, et enfonça sa lame jusqu’à la garde dans la poitrine du second orc.

Les derniers gobelins, désorganisés, furent abattus par deux flèches rapides de l’archer.

Le silence retomba, lourd, seulement troublé par les halètements et le craquement des feuilles sous les bottes.
Loyd essuya sa lame sur la fourrure crasseuse d’un gobelin, puis balaya du regard la clairière.

— Et voilà, la zone est désormais pacifiée, déclara-t-il d’un ton neutre aux trois aventuriers.

Le silence qui suivit le combat semblait presque irréel après le vacarme des lames et des cris. L’odeur âcre du sang et de la sueur flottait dans l’air, se mêlant à celle, plus humide, de la forêt.

Loyd reposa son arme contre son épaule avant de se tourner vers Elwyn et la demi-elfe.

— Bien joué, tu as tenu bon, lança-t-il simplement, sa voix grave mais dénuée de toute condescendance.

La demi-elfe hocha la tête, encore légèrement essoufflée. Ses yeux passèrent tour à tour sur chacun des membres de son groupe, visiblement soulagés de la voir en vie.

— Je ne pensais pas voir d’autres aventuriers aussi rapidement. Vous êtes tous arrivés… au bon moment, dit-elle finalement.

Le nain croisa les bras et répondit d’un ton bourru.

— On ne laisse pas tomber des camarades sur ces terres.

L’archer s’avança à son tour.

— Tu t’en es bien sortie… vu le nombre que tu avais à tes trousses.

Elle esquissa un bref sourire, sans cacher qu’elle était encore sur le fil.

— Disons que… j’ai eu de quoi m’occuper.

Elwyn, resté légèrement en retrait, laissa leurs voix combler l’espace. Ses yeux s’attardèrent sur les mains de l’éclaireuse, qui se serraient et de desserraient par réflexe.

Loyd reprit alors la parole.

— Bien. On ne reste pas ici plus longtemps. On retourne là où se trouve le corps de ton compagnon, puis nous refermerons le portail pour mettre fin à cette histoire.

La demi-elfe se raidit légèrement, mais acquiesça.

— Il mérite mieux que de finir seul ici, à pourrir sur cette terre maudite.

Le groupe se remit en marche. La progression était plus lente, alourdie par la fatigue. Chaque pas écrasait les feuilles mortes dans un craquement discret.

Ils finirent par sortir de la forêt pour revenir à la cuvette rocheuse où tout avait commencé. Là-bas, au centre, reposait le corps du guerrier des steppes. La demi-elfe s’agenouilla près de lui, posant une main sur son plastron cabossé. Son regard se voila, mais elle ne pleura pas. Le nain s’approcha à son tour et posa sa large paume gantée sur son épaule.

— On s’occupe de lui.

Loyd se pencha pour redéposer l’épée du guerrier.

— Il ne partira pas les mains vides.

Un bref silence pesa sur le groupe. Puis Loyd se redressa, ses yeux revenant à Elwyn.

— Il nous reste encore leur portail à refermer avant de rentrer.

Les regards se croisèrent, lourds de compréhension. Ils se remirent en route, laissant derrière eux la cuvette.

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