C’était le lendemain matin du jour où j’avais vu les épées d’Alister. Avec lui, j’avais eu le temps de me préparer aux magouilles de Jarnoff pour me faire apparaitre aussi bien que possible à l’écran. J’avais rendez vous avec lui dans l’enclos, après le petit déjeuner.
Je n’avais pas parlé à Sasha des lames d’Alister. A ce moment, elle se tenait à mes côtés, s’attendant peut-être à essuyer un refus pour son interview choc.
Vers neuf heures, Jaroff nous rejoignit au niveau du réfectoire des candidats.
— Bonjour, Ariane. me dit il avec un grand sourire. Qu’avons nous là avec toit ? Sinon, le passage en direct se fait ce soir à vingt heures.
Il se tourna vers Sasha.
— Dit donc, toi, tu ne serait pas celle qu’on a emmenée à l’infirmerie, hier ?
— Si si. répondit elle. C’est moi.
— Enchanté. Comment t’appelles-tu ?
— Sasha Carrennd.
— Comme le Grand-Amiral Carrennd ?! s’esclaffa Jarnoff. C’est incroyable ça !
— Famille éloigné. grommela Sasha.
— Mais… s’étonna t-il. Alors comment se fait il tu sois ici ?
Elle afficha une expression maussade et contourna la question:
— Comment se fait il qu’en tant que tête d’affiche du Consulat et propagandiste favori de Sycaruse vous soyez au courant de tout ça ?
Jarnoff rigola.
— Quand on déballe des ineptie à longueur de journée, on s'aperçoit bien que c’en est. Mais mentir est un mal nécessaire ; et je me fais mon beurre dessus, alors ce n’est pas moi qui vais le critiquer. De toute façon, le mal est une notion relative.
— C’est vrai… répondit Sasha. Au fait, j'aimerais bien, moi aussi passer à la télé, dire deux trois trucs. Je peux ?
Il prit un air soucieux.
— Ce n’est pas que je ne veuille pas, mais il y a beaucoup de candidats qui voudraient la même chose pour améliorer leur image et je n’ai pas 1700 créneaux d’antenne à accorder. Je refuse.
Sasha n’eut pas l’air déçue. Non. Même, au contraire, qu’elle en riait.
— Je m’y attendais. Mais non, je ne veux pas passer à la télé dans l’optique de vivre.
Jarnoff affiche une tête aussi surprise que celle d’un poisson rouge lancé hors de son bocal.
— Pourquoi, alors ?!
— Pour dire et mourir.
— Dire quoi ? s'étonna Jarnoff face à une telle formule, à la fois grotesque et admirable dans la bouche de ma comparse.
— Je veux, dit elle, dire à tout ce pays qu’il est temps de renverser le Consulat, et après ça, on me tuera ; et peut-être que quelques partisans se sentiront inspirés, et peut-être que le lendemain, tandis que se lèvera un jour nouveau, la liberté sera revenue en cette terre.
Il avait les yeux écarquillés. Il regardait dans le vide, ne sachant que dire.
— Mais… Mais enfin… bégaya t il. Ce serait un acte de révolte duquel je serai complice ! Je refuse !
Sasha rigola un coup.
— Non. Vous ferez semblant d’être surprit et d’âtre scandalisé ; vous passerez pour un bon patriote, réclamerez mon exécution, et je suis sure que ces imbéciles de la Citée Consulaire n’y verront que du feu.
Jarnoff fit une moue approbatrice.
— Ca pourrait marcher… Il faut mieux être sujet à scandale que de ne pas être sujet du tout… Tu passeras en même temps qu’Ariane, ce soir. Venez avec moi. dit il en indiquant la sortie.
Le garde lui jeta à peine un regard et nous laissa partir. Décidément, l’enclos était une vraie passoire. Nous montâmes dans la limousine avec chauffeur personnelle de Jarnoff qui nous emmena avec célérité vers les locaux de la TCA.
Ceux ci étaient constitués d’une tour posée sur le toit d’un batiment approximativement triangulaire formant l'extrémité d’une île sur le fleuve traversant la ville. Faits de verre, la lumière les traversait sans être altérée, si bien que les locaux ne projettaient aucune ombre. Sur le toit, on pouvait voir la grande antenne servant aux diffusion ; et juste en dessous, au dernier étage, le grand plateau triangulaire servant au commentaire et aux interview des jeux. On ne pouvait accéder au complexe que par deux ponts tout aussi transparent que le reste des bâtiments, un de chaque côté.
Jarnoff nous fit descendre de voiture et nous conduisit sur une de ces passerelles puis à travers de longs couloirs. Bientôt, après avoir prit un ascenseur et passé trois checkpoints, nous fûmes à l’avant dernier étage, juste en dessous du plateau.
— C’est ici que vous serez préparées ce soir. Pour l’instant on va juste vous faire essayer des vêtements pour ce soir et ce genre de détails avant de mettre en scène ton intervention. dit il en se dirigeant vers moi.
Il se tourna vers Sasha.
— Pour toi, dit il, nous n’allons pas faire de script. Je veux créer un scandale, pas être accusé de complicité avec des éléments subversif comme toi. Ce qui est sur, c’est que tu vas me rapporter beaucoup d’argent. Je pourrais même faire des produits dérivés… fit il en se massant le menton.
Il s’agirait là d’affaires encore plus macabres que celles des pompes funèbres.
On nous fit essayer des robes. Je cru bien que ça n’en finirait pas. Finalement, Jarnoff (qui nous avait prié de l’apeller Leodan) se décida pour l’une d’entre elles que je trouvai sublime. Il s’agissait d’une robe assez fine avec laquelle je n’aurais pas pu courir, entièrement blanche, parcourue et veinée de nuances de gris, s’arrêtant tout juste au dessus de ma poitrine.
Sasha elle avait eu droit à un vêtement plus pratique : elle serait habillée tout de noir, avec un pantalon, un haut assez moulant et un sweat sans capuche de la même couleur. Ces vêtements étaient choisis intentionnellement, pour lui donner un air plus rebel ou quelque chose dans ce genre.
On nous montra le plateau, on nous expliqua tout un tas de choses pour avoir l’air d’être “civilisées”. Bizarrement, dit par un fonctionnaire, cela semble sous-entendre que les gens ordinaires ne pourront jamais faire mieux qu’ “avoir l’air”. Jarnoff nous expliqua aussi ce qu’il voulait que nous disions, du moins à moi ; car il tenait à ce que l’intervention de Sasha lui soit inconnue pour des raisons de sécurité personnelle.
Moi je me fichais des conseils de Leodan. J’avais déjà ceux d’Alister : paraître comme une figure tragique en croisade pour sauver ceux qui l’attende dans le lointain, en proie au désespoir ; mais aussi paraître forte, courageuse et gnagnagna.
Heureusement, il n’y avait pas d’épreuve prévue l’après midi, alors nous pûmes déjeuner avec Jarnoff. A ma grande surprise, Alister nous rejoignit au restaurant :
— Je présente mes salutation au meilleur menteur du monde ! dit-il à Leodan qui en fut bouche bée. A ce qui parrait, l’hypocrisie rapporte en ce moment, n’est-ce pas ?
Leodan bredouilla une réponse inintelligible.
— Je suis le Conseiller de ces deux idiotes qui prétendent subjuguer la bande d’imbéciles décadents aussi insensibles que le diable lui même que constituent les organisateurs et les habitants de cette ville. C’est ambitieux.
Leodan, devenu blanc comme un linge parvint à dire tout de même avec une certaine assurance :
— Que voulez vous, monsieur l'émissaire de la mort ?
— Je vais aller avec vous visiter les locaux de la TCA avant l'interview. ordonna Alister en pointant Leodan du doigt. La manipulation de masse m’intéresse, figurez vous.
— Surement, surement…
Alister prit place à côté de nous sans demander son avis à personne.
— Alors ? Quels minables conseils leur avez vous donné, prince du mensonge ?
— De paraitre des gens civilisés, comme les habitants de la Citée Consulaire, de façon à ce qu’on s’attache à elles.
Je regardai autour de moi, pour les regarder ces haitants. Les enfants me semblaient être endimanchés toute la semaine ; mais non pas avec malaise, plutôt avec discipline. Discipline dans leur gestuelle, leurs paroles, leur port de tête. Tous étaient semblables, mais tous semblaient tenter par leur attitude et leur habillement de se surpasser les uns les autres tout en restant dans les arrières d’un convenu qui changeait tout les jours, aux gré des fluctuation des lubies de ces gens. Dans le restaurant, pas un n’avait ses couverts inversés ni ne mangeait avec le coude sur la table, même les plus petits d’entre eux.
— Décidement, vous êtes toujours aussi con que les autres années ! Quand progresserez-vous enfin ? Les gens ne s’idéalisent pas eux mêmes, il leur faut plus ! Il leur faut des exemples.
Il se tourna vers Sasha et moi.
— Vous deux, n’écoutez pas ce misérable freluquet : il ne sait pas ce qu’il raconte.
Je compris ce que voulait faire Alister. Il voulait destabiliser Jarnoff pour nous donner la position dominante lors de l’interview, qu’on ne se laisse pas baloter, mais plutôt qu’on mène le public au doigt et à l’oeil.
Après quelques seconde, Alister demanda :
— Vous avez fini de manger ?
Nos assiettes étaient encore presque pleines.
— Non.
— Maintenant si. répliqua-t-il. Serveur ! L’adition !
Quelques secondes plus tard, on enlevait les plats ; et, Alister fit se lever manu militari un Leodan hébété.
— Je… Je ne vous permets pas ! protesta-t-il.
— Je n’ai pas besoin de la permission d’incompétant pour savoir ce que je dois faire ou non. Dois-je vous rappeler cette lettre (il s'humecta les lèvres avec délectation) mmh… disons… compromettante que vous m’avez écrite, il y a deux ans ?
Jarnoff déglutit.
— Alors fermez la et obéissez. A tout moment, sur mon désir, vous tombez, vous êtes jugé ; et pour finir, vous mourrez.
Sasha, d’un ton amer, fit remarquer lui fit remarquer :
— Pourquoi êtes vous donc si avide de pouvoir, vous qui ne faites pas de politique.
— Parce que, répondit il en se dirigeant vers moi et non vers elle, le pouvoir, si horrible que soit sa nature, existe pour servir les buts les plus grands ainsi que la plus noble des causes : la justice.
Il se retourna sans un mot de plus et nous intima de le suivre. Il exigea de tout voir à la TCA, du plateau à la régie technique en passant par les services administratifs et financiers. Je me demandais franchement à quoi il jouait.
Finalement, il finit par s’en aller en fin d’après-midi, nous laissant avec une impression étrange que quelque chose d’anormal s'était produit, sans toutefois savoir quoi.
Bientôt vint le temps des derniers préparatifs avant l’interview. On enfila les vêtements en vitesse et nous passâmes entre les mains de coiffeurs et maquilleuses avant de pouvoir entrer sur le plateau par des ascenseurs camouflés ; et lorsque nous y fûmes, je pus voir le public dont les têtes étaient diffusées en direct sur les vitres faisant aussi office d’écrans, changeant de temps à autre : pour l’instant, c’était l’heure de la propagande et la plupart d’entre eux — des gens de la Citée Consulaire, bien habillés et correctement politisés — semblaient habités d’une ferveur patriotique peu ordinaire. Les portions des vitres faisant office d’écran changeaient de place de temps à autres, nous montrant d’autres parties de l’audience.
Leodan qui avait repris ses esprits donnait des ordres aux techniciens chargés de régler les caméras et micros. Bientôt, on me fit assoir en face de la chaise du présentateur, à côté de Sasha. Je lui ai jetté un regard et me demandai si elle aurait le courage de dire et mourir, selon son propre mot.
Sur le milieu de la table, un compteur affichait : 0’07”31 avant direct. Ces sept minutes et demi se résumèrent en un mélange de trac et de jubilation par rapport au plan d’Alister pour me faire aimer du public : l’intervention de Sasha capterait l’attention ; je devrais donc faire mieux en jouant la carte de mon passé criminel et des sous-entendus. Malgré tout, elle passerait en premier, ce qui ramènerait sans doutes des gens pour regarder ma partie.
La stratégie serait de déclarer mon adhésion relative aux idées de Sasha, tout en me montrant comme quelqu’un d’un peu égoïste, vivant au mépris des loi et prenant lui même sa liberté. Sasha ferait bien plus scandale que moi, mais Alister m’avait recommandé de ne pas trop en rajouter non plus car cela pourrait provoquer ma mort malheureuse et prématurée.
Le compteur affichait maintenant 0’03”12. Leodan s’installa en face de Sasha et moi et régla son micro lui même. Il soupira. Je me doutais qu’il se préparait à faire la comédie du choc face au discours de Sasha.
— Une minute avant direct ! hurla un technicien.
Les dernières personnes se trouvant sur le plateau prirent l’ascenseur et disparurent dans le sol. Je m’étonnais de ne pas voir de caméras. Sans doutes étaient elles soigneusement dissimulées.
— Trente secondes. décomptait Leodan. Vingt secondes. Di secondes… cinq… quatre… trois… deux… un… direct !
Il affiche un grand sourire de contentement tandis que le jingle de l’émission consacrée aux Jeux du Souvenir retentissait sur le plateau et la moitié des télévisions du pays. Un écran ayant prit la place du décompte affichait maintenant : Téléspectateurs : 7.673.739 ; chiffre augmentant chaque seconde.
— Bonsoir à tous ! s'exclama Leodan. Nous sommes déjà plus de sept millions, et pour être honnête, je ne serai pas surpris si ce chiffre triplait d’ici à dix minutes ! Pour ce qui ne me connaissent pas — s’il en existe encore — je m’appelle Leodan Jarnoff et c’est avec moi que vous suivrez les jeux cette année !
« Mais j’ai avec moi deux jeunes filles que vous ne connaissez surement pas : permettez moi de vous présenter Sasha Carennd et Ariane Adelven !
Les spectateurs visibles sur les écrans firent pour bonne partie une moue approbatrice ou applaudirent. Le compteur de téléspectateurs tendait maintenant vers les 9 millions sans toutefois les atteindre.
— Avant de vous demander en détail ce quoi vous vous attendez pour la fin de la sélection et les jeux, nous commencer par le commencement : Qu’avez vous ressentit en recevant la lettre de convocation pour les Jeux ? Avez vous été surprises ? Inquiètes ? Comment ont réagit vos parents ?
Nous répondîmes quasi-simultanément :
— Je n’ai pas de parents.
Cependant, son ton avait été différent du mien, comme si au lieu de les avoir perdu, c’était eux qui l’avaient perdue.
— Ah. Fit Jarnoff. Mais vous ? Qu’avez vous ressenti ? Qu’avez vous fait ?
— Moi, dis-je, j’ai décidé de quitter Asden. Je n’aurais pas pu continuer mes affaires avec ça au cul. Mais un matin, la Garde Consulaire a débarqué chez moi et emmenée de force, alors bon, je suis ici…
— Tes… affaires ?
— Maintenant que ma mort est probable, je peux le dire : mes affaires répréhensibles. répondis-je avec un sourire un peu complice, plein de sous-entendus.
Jarnoff était surprit. Ce n’était pas du tout ce que nous avions convenu.
— Mais… De quels genre d’activités criminelles parlons nous là ?
— Criminelles ! Vous y allez fort ! Non, non ! Il ne s’agit que de… gagner son subside par des moyens discutables, voyez vous.
— Et… quels sont ces “moyens discutables” ?
— Et bien, voyez vous, la semaine dernière j’ai volé toutes les médailles et décorations d’un certain Colonel Jorval. Il a mit une annonce avec une récompense ; alors, je suis allé le voir et je lui les ai rendues. Je me suis fait plus de cinq-cent sur ce coup là. A un moment, pendant que je lui donnais des explications bidon, son planton à essayer de lui dire qu’il m’avait vu les lui voler il lui a répondu : (je fis une imitation du ton martial auquel je m’attendais de sa part) “Soldat ! Je ne tolérait pas vos insinuations sur cette jeune personne qui vient de remplir un acte de courage civique en sauvant mon honneur et mes décorations ! Si vous continuez, vous finirez la semaine au trou !”
Cette histoire n’avait rien de vrai, mais qui irait vérifier ? En tout cas, elle fit bien rire les spectateurs. Le compteur avait dépassé les neuf millions et approchait de la bare symbolique de la dizaine.
— Très amusant. rigola Leodan avec toutefois un sourire soucieux : ce n’était pas comme ça que cela devait se passer. Mais, ne crains tu pas qu’il ne se débrouille pour se venger après tes aveux ?
Je haussai les épaules :
— Les Jeux s’en chargeront pour lui. Mais, si je gagne — ce qui n’est pas la chose la plus improbables qui soit — il ne le pourra pas, vu que le Consulat me protègera. J’imagine déjà la rage de ce vieil idiot, maintenant qu’il sait que je l’ai roulé !
Les spectateurs rigolèrent encore.
— Mais ce n’est là que la part amusante de mes affaires qui sont bien plus importante que cela, car, je fournis un certain nombre de gens en tout ce dont ils ont besoin pour emmerder les forces de l’ordre ou faire leurs propres affaires. Comme ça, ils les occupent tout en me faisant gagner mon pognon et m’évitent d’être prise. Ca marche très bien, voyez-vous.
Il fronça des sourcils et me regarda de travers comme s’il essayait de me demander ce que je pouvais bien faire.
— Très bien, très bien. Maintenant, passons à toi, Sasha. Qu’as tu fait, pensé ?
Elle prit une respiration et s’adressa directement aux têtes qui couvraient les murs.
— Si vous le voulez bien mesdames et messieurs de tous ce pays, nous allons prendre ensemble un petit moment pour discuter.
Elle laissa une pause et prit un air détendu
— Quand j’ai reçu cette lettre, tout ce que je me suis dit c’est : allons donc ! Je ne sui pas la première personne que notre gouvernement destine à mourir, et je ne serai pas la dernière ; mais, avant de quitter , j'aimerais rendre à ce peuple sa volonté ; sa volonté d’être libre.
« Mais, pourquoi en suis-je arrivé à penser cela ? Si vous le voulez bien, regardez, regardez de tous vos yeux, rien qu’à vos pieds ou devant vous,; car bientôt, je l’espère, jamais plus il ne resteront aveugles.
« Il y a quatre-vingt-dix- sept ans, la guerre faisait rage. Chacun de nos aïeux était habité de l’espoir que bientôt, leur souffrances cesseraient. Mais, parmis eux, un groupe d’hommes peu scrupuleux trouvèrent la volonté de décider de la fin de leur sacrifice au pri de leur honneur et de leur liberté dans ce jeu de trônes que se livraient les politiciens de l’ère précédente. Il firent se propager leur détermination au travers des foules. Le prix semblait correct, et peu de temps après, au moment ou le pire allait être commis, les politiciens précédents furent déposés et nos hommes pleins de volonté en lieu et place d’espoir les remplacèrent au pouvoir.
« Bientôt, ils trahirent tous leurs alliés et pactisèrent avec l'ennemi pour profiter financièrement autant que possible de la situation de tous les autres états ; et quand à la faveur de leurs machinations, par malheur les totalitaristes en passe de perdre lancèrent un missile nucléaire sur les Hommes libres de ce monde, les alliés de nos hommes peu scrupuleux ; ils s’enfoncèrent encore plus loin dans le déshonneur et l’infamie en les laissant à la destruction.
« Malgré tout, ces Hommes libres dont je vous parle n’avaient pas dit leur dernier mot, et, à l’évidence, ils ripostèrent. Bientôt, destruction était le maitre mot en tout lieu et toute nation. Les libres autant que les non-libres furent anéantis par leurs gouvernements qui ne pouvaient souffrir de tomber sans emporter leurs adversaires dans leur chute.
« On dit que le pouvoir corrompt les Hommes qui le portent. En tous cas, cela fut vrai pour nos hommes forts peu scrupuleux ; et à mesure qu’ils en acquirent de plus en plus, leur soif ne fit que s’accentuer.
« Or, ne voyant autour d’eux que la désolation qu’ils avaient fuit, critiquer le gouvernement qui se renomma le Consulat devint de mauvais gout, puis ensuite, inacceptable, puis politiquement suicidaire avant d’être puni de mort. Ces circonstances permirent à leur soif d’être étanchée de pleins pouvoirs coulants à flot.
« Pour préserver la liberté, il avait fallu recourir au totalitarisme.
« Pire encore, la démocratie maintenant victorieuse car seule encore debout avait du devenir une dictature
La bare des dix millions de spectateurs avait été allègrement franchie à ce moment là, et les vingt millions n’étaient plus si loin. Les spectateurs avaient accueilli les assertions de Sasha de façon mitigée, et si certain semblait l’approuver, d’autres hurlaient devant leurs postes de télévisions, l’air furieux, brandissant des drapeaux, des clubs de golf voire même des fusils de chasse.
Elle reprit :
— La morale de cette histoire, c’est que quand un peuple, au lieu d’espérer qu’on le sauvera, d’attendre en souffrant plus encore que s’il n’avait nulle envie d'obtenir quoi que ce soit ce peuple trouve la volonté de se libérer lui même de ses chaînes, sa simple détermination abbat toute oppression ; et même dans tout autre contexte, quand le citoyen moyen cesse de se raccrocher à un hypothétique messie, il s’amène lui même à la grandeur.
« Maintenant, peut-être que certain d’entre vous me répondront que nous n’avons pas de raison de vouloir renverser le Consulat. Ma réponse, je vous l’ai déjà dites tout à l’heure :
« “Regardez, regardez de tous vos yeux”, ce car bientôt jamais plus vous ne pourrez voir le monde de la même façon.
« Regardez autour de vous et dites moi que tout va bien sans me mentir. (elle fi une petite moue) Voyez : c’est impossible. Mais là où sous l’ancien régime vous auriez pu émettre des objections tout haut, aussi stupides soit elles, cela vous est maintenant interdit car on vous a spolié de votre liberté en abusant vos ancêtres.
« Alors voyant cela, transformez votre peu d’espoir enfouit et refouler pour créer une volonté, qui, telle une vague balayera les traitres qui se trouvent maintenant à la tête de la nation et qui vous rendra toutes vos libertés, les charriant telles des pépites d’or dans un ruisseau.
« Voici, ce que je voulais vous dire ; et maintenant, il ne me reste plus qu’à mourir.
45 millions de téléspectateurs sur 50 millions d’habitants l’avaient entendue. Mais elle le paierait. Du reste, il me semblait étonnant que le Consulat n’ait pas fait stopper l’émission, mais je m'aperçus que cela discréditait le propos de Sasha : avant, vous pouviez faire des objections ; mais regardez : maintenant encore, elle peut en faire.