Plusieurs jours avaient passé et il avaient été les pus durs de mon existence. Le lendemain de la Porte, j’avais du faire une seconde interview avec Jarnoff ; mais cette fois, dans un autre studio, grandiose et avec cinq milles places de public, évidement toutes occupées.
On avait du utiliser un maquillage spécial ne fondant pas sous les larmes pour l’immense majorité des Champions, mais pour moi, Alister avait exigé qu’on ne le fasse pas. En fait, il voulait me mettre sous pression, que je fasse un discours grandiose présentant ma participation aux Jeux comme une sorte de croisade en la mémoire de Sasha, contre le Consulat : il voulait que je reste debout et garde mon honneur face au public venu de toute la Citée Consulaire.
Finalement ça avait plutôt bien réussi. Alister avait eu raison et le public avait plutôt apprécié, l’attention déjà gagnée grâce à Sasha fut bien utilisée.
Ensuite, j’ai eu droit à une semaine d’entrainement pour les Jeux. Alister s’en chargea lui même, ignorant les autres Champions de la VIIème Province. De toutes façon, je ne voulais pas les voir, pas leur parler, ne pas m’attacher à eux, ne pas les pleurer une fois morts.
Au début, ce fut difficile : à cause de l’altercation que Sasha et Alister devant l’avion, je m’imaginais qu’il avait un rôle dans sa mort, ce à quoi il me répondit :
— Mets toi à la place de Sycaruse et entends ce qu’elle a dit. Doit-elle vivre ?
Non. Évidemment non. Elle ne le pouvait pas, et Alister n’aurait pu la sauver, et même s'il avait voulu sa mort, il ne l’avait pas provoqué. Je dus donc passer outre. Après cela il m’avait dévoilé une caisse remplie à ras bord du type d’armes qui seraient disséminées dans l’arène. Il y avait là des couteaux, haches, épées, lances, arcs, arbalètes ; et je dus tous apprendre à m’en servir en une semaine.
Évidement, les résultats furent peu concluant même cela me serait sans doute utile, dans l’arène. Le principal conseil qu’il me donna fut donc la fuite, et être seul ne se faire des alliés que dans des circonstances le nécessitant et dans l’optique de les poignarder dans le dos ou leur sommeil. Surtout, être aussi loin que possible des autres , mais aussi, ne jamais se bercer d’illusions : dans l’arène, tout le monde voudra ma mort et craindra que je ne les tue. Ceux qui meurent le plus facilement sont ceux qui l’oublient.
Après la mort de Sasha, j’avais essayé de ne plus pleurer, mais je n’y étais pas parvenue. Ma vie s’était alors résumée à douze heures d’entrainements journaliers avec Alister, qui, en plus des armes m’apprennait la survie dans tous les milieux qui soient.
Enfin vint au bout de la semaine la cérémonie d'ouverture des Jeux. Elle se déroulait sur le grand jardin qui servait d’enclos aux candidats et qui serait maintenant ouvert au public pour les voir défiler et écouter un discours du Haut-Consul Sycaruse.
On me l’avait faite préparer avec minutie. Je devais marcher en uniforme noir devant les trois autres Champions de la Province, portant une bannière avec le drapeau du Consulat et celui de la VIIème Province : un fond blanc et des armoiries composées d’une version plus chargée de la croix Consulaire et du chiffre romain VII.
On avait installé des gradins remplis de publics ; et en dessous de l’allée centrale du jardin qui se perdait sous les pieds de la Dame de Fer, une fosse équipée de soupirails accueillait un orchestre de cinq cent musiciens venu de toutes les Provinces pour jouer la version la plus glorieuse et complexe de l’Hymne au Consulat.
En haut des restes de la Dame de Fer, à son premier étage, une estrade avait été installée pour que le Haut-Consul puisse s’y tenir, surplombant la foule. Le public criait, et bientôt, sortant du Palais des jeux, escorté par la Garde Consulaire en tenue d’apparat juchée sur des étalons noirs au mouvement gracieux viendrait le cortège des Champions, moi dedans.
En ordre de marche, celui-ci faisait une centaine de mètres de longueur, mais le Palais des Jeux étant limité en taille, il fallait donc faire sortir chaque Province l’une après les autres avec un timing précis.
L’orchestre commença à jouer, emplissant l’air d’une mélodie étourdissante, d’une vitesse impressionnante mais restant suffisamment de temps sur chaque accord pour qu’il s’agisse d’un air sur lequel on puisse chanter, bien qu’on ne le fit usuellement pas. Certains instruments jouaient aux plus grave de leur registre tandis que d’autres allaient au plus aigu. Il y avait là plusieurs pianos et violoncelles qui emmenaient l'ensemble bien que les cuivres soient très présent.
Une rumeur parcourut les gradins, et Sycaruse toisa l’allée depuis son perchoir. Enfin, les Champions de la Ière Province s’avancèrent sous les acclamations. Peu de temps plus tard vint le tour de la VIIème.
La boule au ventre, je franchit la grande porte béante du Palais et me dirigeai vers Sycaruse. Bien qu’il fut à plus deux-cent mètres, nos regards se rencontrèrent. L’envie me prit de baisser les yeux mais je décidai de le soutenir et de continuer à marcher.
Toujours habillés avec autant d'arrogance, les spectateurs de la Citée semblaient comblés par le spectacle et impatient du discours. Ils me regardaient avec une sorte de gentillesse formée de mépris et pitié mais toutefois, chez certains, teintée d’une légère admiration : après tout, j’avais l’insigne honneur de mourir pour le souvenir de la guerre et je ne semblais pas être la moins bien barrée.
A mesure que je me rapprochais de lui, le regard de Sycaruse se faisait de plus en plus dur à soutenir, mais je me refusais de céder, même pour quelque chose d’aussi futile. Enfin, quand j'arrivai devant la Dame de Fer, je devais me dévisser le cou pour continuer à le soutenir.
L’hymne se termina sur une longue note grave suivie d’un moment de silence. Enfin, le Haut-Consul détourna son regard, me permettant de baisser la tête pour éviter d’avoir un torticolis.
— Citoyens ! arangua-t-il dans son micro. Je vous souhaite la bienvenue dans cette cérémonie d’ouverture des Jeux du Souvenir !
Applaudissements.
— Cette année comme chacune depuis le commencement de l’ère nouvelle apportée par le Consulat, de braves jeunes gens venus ici de toutes les Provinces vont voir leur sang versé pour nus rappeler la bonté qu’à eut le Consulat de faire finir la guerre et les tueries. Ces Jeux sont là pour nous rappeler ce que veut dire la guerre et ce à quoi l’obéissance docile au Consulat. Ces Jeux sont là pour nous permettre de ne jamais oublier ce que toute tentative de renverser un gouvernement — le sien ou celui d’un autre pays — provoque : la mort par millions.
« Mais si le temps de la commémoration n’est ps encore venu ; celui des réjouissance l’est : je vous prie d’applaudire les valeureux Champions devant vous !
Scène de liesse. On criait les noms de ceux qui s'étaient le plus fait remarqués en interview, dont le mien.
— Mais aussi leurs Conseillers !
Applaudissements polis. Les Conseillers en question passèrent sous la Dame de Fer en ligne, rangés par Province et vinrent se placer à côté du porte–bannière de leur Province.
— Je m’amuse toujours de voir à quel point les Jeux sont inutiles, quoique Sycaruse puisse en dire. me glissa Alister en chuchotant, me laissant intriguée.
— A partir de demain, ils vont vous présenter le meilleur spectacle que le monde ai jamais connu, qui vous sera commenté par Leodan Jarnoff ! continuait le dirigeant.
Il arrive du même endroit que les Conseillers mais reste en face des Champions.
— Maintenant, il est temps de découvrir l’arène !
Sur un écran géant derrière lui, une image se forma peu à peu. Il s’agissait d’une montagne enneigée. Les arènes changeaient tous les ans et étaient faites entièrement à la main de l’homme. Celle ci promettait d’être difficile, étant donné le froid, le manque de verdure et de nourriture. En fait, cela m’avait tout l’air de nous forcer à ne manger que les fruits de la chasse et de ce qu’il y aurait de disséminé dans l’arène. Au moins m’abreuver ne serait pas difficile…
— Parfait. me dit Alister. On n’aurait pu pu espérer mieux.
— Pourquoi ? chuchotai-je
— Avant de me blesser j’étais chasseur alpin. Il n’y a pas d’arène sur laquelle je pourrais te donner plus de conseils et d’informations.
Je hochai silencieusement la tête avant d’écouter la suite du discours.
— Comme vous pouvez le constater, reprit Sycaruse, cette année encore, le comité d’organisation s’est surpassé. Et pur finir, je déclare les XCVIIèmes Jeux du Souvenir ouverts !
Il descendit de l’estrade et disparu tandis que l’hymne reprennait pour nous voir faire le tour de la Dame de Fer avant de revenir en sens inverse vers le Palais des Jeux pour y disparaitre.
Un peu plus tard, alors que la grande porte avait étée fermée et que le public avait droit à tout un tas d’autres réjouissances telles des séances de paris publics ou l’intervention d’experts du combat rapproché ou de la survie, je vint m’adresser à Alister :
— Tout à l’heure… vous avez dit que les Jeux étaient inutiles…
— En fait pas tout à fait mais ils ne servent pratiquement à rien à par se justifier auprès de l’opinion publique.
Je fronçai des sourcil.
— Organiser un spectacle sanglant avec des enfants sert à se dédouaner ? Comment ?
Il soupira.
— Notre cher Haut-Consul Sycaruse nous a fournit la solution lui même : pour empêcher les rebellions. Comment t’y prendrai tu pour savoir ou elles vont avoir lieu et quand ?
Je réfléchis une seconde.
— Je pense que je me servirai des Mains de Sang pour torturer le plus de gens possible et leur arracher des aveux.
Il secoua la tête.
— Au moyen-âge, l’inquisition avait toujours raison et ne trouvait que les coupables sans jamais soupçonner à tort les innocents. Pourquoi ?
—...
— Parce qu’il torturaient les suspects. La torture fait parler les gens, mais la plupart des gens n’ont rien d’autre à dire que des futilités, alors, ils inventent. Ce n’est pas la solution. La parole peut mentir.
Je pris le temps de réfléchir soigneusement.
— Peut-être que la Province qui gagne est celle qui a le plus de chance de se rebeller ?
— Non plus. Crois tu que 68 personne soient un échantillon représentatif de la population en age de se rebeller ?
— Alors c’est la phase de sélection qui est importante ! m’illuminai-je. Et le vainqueur ne sert qu’à donner de l’espoir à la dernière phase, pour forcer les rebelles à se révéler.
— Tout bon ! sourit-il. Les jeux ne sont qu’une mascarade sans autre intérêt que de mettre du beurre dans les épinards tout en justifiant auprès des élites. Maintenant, retire moi cet uniforme à la con et mets quelque chose de mieux, on va à la salle d’entrainement.
La salle en question était une sorte de grand gymnase à l’intérieur même du Palais des Jeux où toutes sortes d’armes étaient à disposition pour l’entraînement jusqu’au dernier soir avant les jeux, celui-ci. Alister m’entraînait prioritairement à l’épée, mais il m’avait aussi fait voir diverses techniques de survie et autre, négligeant complètement les autres Champions de la Province.
Quand je l’y rejoins, il m’attendait en flânant, une épée dans chaque main qu’il faisait tournoyer comme les palles d’une hélice.
— Va prendre une épée. m’ordonna t il.
Je le contournai soigneusement, car, bien que les armes fussent censées être émoussées, je n’avais pas tout à fait confiance en Alister au point de le croire incapable d’un coup tordu. Une fois au ratelier je pris celle dont j’avais l’habitude.
Elle était fine et relativement courte sans pour autant être un glaive, ayant à peu près la longueur de mon bras pour sa lame. De couleur claire, elle pouvait assi bien trancher que piquer, ce avec un poid particulièrement léger la rendant étonnement maniable. Alister l’avait choisit pour moi en me disant qu’elle me conviendrait parfaitement, n’ayant jamais manié l’épée.
Il présentait une image étonnante, dans son costume noir de jai, maniant ces épées dans un luxueux gymnase avec des enfants qu’on destinait à la mort pour prevennir toute rébellion.
Je pris alors conscience d’un fait : on a peur de la mort car on a peur de l'inconnu ; en général, on se dit que c’est l'inconnu de ce qu’il y a après, mais cela peut-être aussi la peur de l’inconnu quand à son moment, avant ou après les Jeux, si on les gagne. Si on avait fait passer tous les candidats par la Porte de l’Enfer en nous en disant le jours et l'heure, je n’aurais pas pu en avoir peur, j’aurais voulu l’éviter ou m’y serai résignée, mais si j’avais voulu l’éviter, c’aurait été pour vivre plus longtemps, ne rien rater, pas par peur de mourir. Maintenant, c’est parce que j’en ai peur et que je le dois à quelqu’un que je veux éviter de mourir.
— En avant ! me dit Alister.
Je me précipitai vers lui et croisai le fer. Puisqu’il avait deux épées, je devais faire en sorte de parer les deux en même temps avec une seule. C’était difficile, et quand j’abatis ma lame depuis le haut sur les deux siennes, stoppant leur mouvement approximativement circulaire. L’une d’entre elles passa malgré tout sous ma garde mais en reculant d’un pas et en renversant mon épée à 180°, restant à l’horizontale mais de l’autre côté, je parvins à parer.
Les quelques secondes suivante furent incroyablement floues, du à l'adrénaline, mais je peux être certaine qu’à la fin, l’une des épées d’Alister se trouvait contre ma gorge : j’avais perdu.
Après plusieurs passes d’armes à l’issue similaire et des heures passées à ferrailler au bord de l’épuisement, je compris bien vite que battre un homme meilleur que moi et équipé de deux épées était quasi-impossible. La solution était donc de l’empêcher d’avoir deux épées.
Lors de la passe suivante, au lieu de l’attaquer directement, je lui frappai de toutes mes forces le poignet en m’accroupissant pour faire tournoyer mon épée en dessous de sa garde. Comme je m’y attendais, l'épée tomba de sa main et l’autre me passa à cinquante centimètres. Je savais qu’il me laisserait aller me coucher seulement quand je l’aurai battu, mais ce début encourageant me galvanisa.
Il m’apparaissait clairement que la même tactique ne fonctionnerai pas sur la deuxième épée, Alister étant maintenant au courant de ma stratégie.
— Bien. dit il, seul mot qu’il avait prononcé à ce stade de la soirée.
Je décidai de temporiser, l’effet de surprise étant perdu, exploitant ma mobilité meilleure que celle d’Alister qui boitait légèrement.
Cela ne pourrait pas durer éternellement, me faisant penser que chaque seconde que je gagnais tournait contre moi, Alister s’approchait de la victoire.
Je commençai donc à lui tournoyer autour, passant à ras de son buste en bloquant son épée avec la mienne et tentant de le frapper dans le dos, mais échouant à chaque fois.
Finalement, alors que je passais encore une fois d’un côté à l’autre, il me fit un croche pied et je m'étalai de tout mon long à quelque distance de lui.
Je me redressai précipitamment, mais il était déjà sur moi que je n’étais qu’à genoux. Je brandis ma lame au dessus de ma tête à l’instant où la sienne allait trouver une ouverture et me relevai en me jettant en arrière.
Nous tournoyâmes l’un autour de l’autre pendant quelques seconde, les épées pointées vers l’avant, l’une effleurant l’autre. Enfin, je me décidai à lancer l’attaque, feintant comme si j'essayais de chercher la touche par la gauche en me fendant avant de passer ma lame de l’autre côté de la sienne qui se mouvait pour parer d’un subtil mouvement des doigts avant de réellement me fendre pour plaquer la pointe de mon arme sur sa poitrine.
— T’as gagné. me dit il. Tu peux aller te changer, je t'attends dans le couloir.
Ce n’était pas trop tôt ! Nous étions maintenant seuls dans la salle d'entraînement, tous les autres Champions étant allés se coucher.
Quand je ressortis dans le couloir, Alister me demanda :
— Sais tu quelle est l’arme ultime pour toute confrontation, de quelque nature qu’elle soit ?
Je lui fit savoir que je n’en avais aucune idée ce à quoi répondit :
— C’est l’information absolue. Et sais tu où la trouve t’on, pour les Jeux ?
— Chez Jarnoff, sur le plateau de commentaire.
— Exact. Immagine maintenant que tu puisse écouter tout ce qu’il raconte en permanence, cela ne te fournirait il pas cette information absolue ?
— Si. Je me demande…
— Tu te demande pourquoi je suis aller à la TCA le jour de ton interview.
Il fit un petit sourire entendu. Il y avait quelque chose de louche là dessous.
— C’était pour voler une oreillette de test audio à la régie technique. expliqua-t-il. J’ai modifié son récepteur pour qu’il renvoie tout vers une autre oreillette, bien plus discrète que tu portera pendant les Jeux. La voici.
Au creux de sa main,il tenait un petit objet transparent plus petit que l’entrée de mes conduit auditif. Je n’aurais pas deviné son usage s’il ne me l’avait pas dit.
— C’est de la triche ! protestai-je.
— Oui, même que les Jeux du Souvenir sont une oeuvre philanthropique. répliqua-t-il. Tourne toi que je te le colle à l’interieur de l’oreille.