Chapitre XX, Douceur mélancolique.

Star Star - The Rolling Stones

Léna

 Le livre sur mes genoux glisse tout doucement en direction du sol. Je le regarde sans esquisser le moindre geste pour le retenir. Mon regard vide comprend qu’il va peut-être s’abimer mais ma main autour de lui se détend pour le laisser faire. Contradictoire quand même. Je lis, j’adore ça. Je lis depuis presque toujours et j’écris depuis plusieurs années. Julien le savait, il adorait me regarder lire ou écrire. Je disais toujours que je n’aimais pas sentir son regard sur moi mais c’était le plus grand des mensonges. Je pensais que c’était une source d’ennui pour lui et je ne voulais pas qu’il ressente ça en me regardant mais je m’en sentais flatté. Un jour il m’a demandé s’il pouvait lire mes écrits.

— Tu en es où dans tes livres là ?

— Là j’écris le tome trois et quelques autres trucs, pourquoi ?

— Tu as bientôt fini ?

 Je lui avais expliqué qu’il pouvait lire le premier tome de ma saga fantasy si ça l’intéressait mais je n’avais pas eu trop d’espoir, lui qui ne lisait jamais. Mis à part L’as de pique apparemment.

— Je veux bien !

 Il avait semblé tellement enjoué que ça m’avait surprise. Bien entendu je n’ai pu m’empêcher de penser qu’il faisait ça pour me faire plaisir et pas forcément parce qu’il en avait envie.  Je lui lisais parfois des textes à voix haute, une main sur son bras, et il m’écoutait attentivement. Je me faisais la réflexion qu’on pouvait le comparer à un enfant à qui on racontait quelque chose pour l’endormir.

— J’aime t’écouter me lire des histoires.

— Ah oui ?

— Je m’évade de mon quotidien avec ta voix.

— La réalité n’est pas assez jolie à tes yeux ?

— Pas quand ils ne te regardent pas.

 Je rougissais et détournais toujours le regard face à ses compliments parce que je pensais toujours qu’il surjouait ses sentiments. Comme toujours, je me trompais.

— Lé’, tu viens ?

 Je reviens à la réalité et je ne peux m’empêcher de soupirer. Je récupère mon livre à la volée, il n'est même pas bien en plus. Je le protège alors que je n’aime pas l’histoire, je ne me comprendrais jamais.

— J’arrive, j’arrive.

 Apparemment la mission du jour était de me faire sortir, je le comprends dans le fait que mes meilleures amies m’ont appelé très tôt ce matin.

— Si, si Lé’, on va se promener, tu vas voir, ça va être cool !

 Je pense surtout qu’elles voulaient que je les accompagne faire du shopping. Je n’ai rien contre ça, mais ce n’est pas trop mon truc.

— On va où pour commencer ?

 Je vérifie mon maquillage rapidement avant d’aller mettre mes chaussures, un entrain un peu trop surjoué à mon goût.
  Les filles me regardent en biais, évidemment elles ne sont pas dupes.

— Je ne sais pas. J’avais pensé à Lovisa et après Courir ou quelque chose du genre ?

 Mathilde regarde Justine pour avoir son assentiment.

— Pourquoi pas, après si tu veux aller en ville ça peut se faire aussi.

 J’étais plutôt d’humeur à vouloir me rendre dans une librairie ou dans une bibliothèque pour être au calme mais bon, je ne voulais pas gâcher leur plaisir. Je ne voulais pas l’avouer mais je pense qu’elles avaient raison et que sortir me ferait du bien.

— Je suis partante.

 Je m’essaie à un sourire assez bancale et je leur en suis reconnaissante de faire comme si elles ne voyaient pas la supercherie.

— Bon, on y va. Mathilde tu as tes papiers ?

— Oui, prends les clés s’te plait.

 Les longs cheveux bruns de Justine glissaient dans son dos quand elle réajustait son manteau. Je pense que c’est une des choses que je trouvais le plus incroyable chez elle. Mathilde récupère son permis et ses clés et nous descendons les escaliers de l’immeuble, rapidement, comme si elles voulaient m'éloigner de la possibilité de rester enfermé pour le reste de la journée.

 Je me souviens d’un détail, d’un souvenir que je chéris depuis longtemps. C’était au début de ma relation avec Julien, quand il commençait à côtoyer mes meilleures amies. Justine aime beaucoup les vinyle et elle a un tourne-disque incroyable. Un jour, alors qu’on révisait nos partiels, elle avait affirmé qu’écouter de la musique classique nous aiderait à nous concentrer. Évidemment, nous avions ri avec Mathilde quand elle nous a offert du Vivaldi. Elle avait autant d’artiste de notre temps que de plus anciens. Un jour je m’étais rendu chez elles avec ce jeune homme qui partageait ma vie depuis peu, la musique coulait du vinyle comme une source d’eau pure. Elle roulait dans mes oreilles comme des mélodies sucrées délicieuses. Les Rolling Stones étaient un groupe tellement emblématique que même si je ne connaissais pas les musiques, je pouvais me déhancher dessus sans problème.

— Lé’, tu viens ?

— J’arrive !

 On venait de me sortir de ma trans et pourtant ça n’avait pas altéré mon sourire. Je retrouvais Justine dans leur cuisine en dansant à moitié. Julien, moitié posé contre le mur au fond de la pièce, me regardait faire en souriant lui aussi.

— Tu as l’air heureuse.

— Elle a toujours l’air heureuse.

 Mathilde venait de nous rejoindre, elle complétait les pièces de notre tableau avec perfection.

— Parce que je n’ai besoin que de vous pour être heureuse.

 Et j’étais repartie de plus belle, en tournoyant, vers le salon après cette déclaration, pour danser sur Dès que le vent soufflera de Renaud jusqu’à en avoir le tournis pour profiter de l’ivresse de leur présence à mes côtés.

 Je souris comme une idiote, les yeux un peu dans le vague, et les filles le remarque, évidemment.

— Ça va Lé’ ?

— Vous vous souvenez de cette soirée où on avait écouté de la musique avec les vinyle de Ju’ ?

 J’ai bien vu leurs regards échangés timidement comme si elles ne savaient pas si elles devaient me répondre.

— Oui je m’en souviens. Je crois que c’était une de nos meilleures soirées, affirma ma belle amie aux longs cheveux bruns en hochant vivement la tête.

 Ashh et Luv Resval chante Sans fleurs dans la voiture, je me mets au fond de mon siège et je regarde les lumières de la ville qui défile sur mon visage. J’ai un air mélancolique, j’en suis certaine, mais je m’en fiche. C’est doux la mélancolie. Doux et terriblement douloureux.
 Luv Resval ne fais pas partie de mes chanteurs préférés mais je l’aime bien, ses sons sonnent bien alors ça ne me déplait pas de l’entendre. Nous sommes en plein dans la période où on nous a annoncé son décès mais certains n’y croient pas vraiment. Moi je n’ai pas réellement d’avis là-dessus. La mélodie d’un morceau de Nekfeu coupe mes divaguements, De mon mieux, c’est une musique très douce je trouve. Lui aussi c’est un très bon rappeur, je l’aime beaucoup. Je murmure les paroles que je connais par cœur. Lui, Lomepal et Klem Schen sont décidément mes chanteurs préféré et c’est avec eux que je retrouve celui que j’ai perdu. Pourquoi ? Parce qu’on chantait jusqu’à pas d’heure ensemble. Parce qu’il a écouté chaque musique de Klem avec moi pour connaitre les paroles, pour pouvoir m’accompagner à un concert. Parce qu’il fait partie de mes plus beaux poèmes. Parce qu’il a fait vibrer mon cœur comme les seuls les mots peuvent le faire. Ce sont les pires moments, ceux pleins de souvenirs. Apparemment la mélancolie avait un sens antique, c’était ce qui permettait de vivre le deuil en nous permettant de se dépasser pour trouver un nouveau sens à notre vie. Qui dit que je veux de ça ? Qui dit que je ne veux pas rejoindre celui qui était la vie qui m’a été rageusement arrachée ? Je déteste les souvenirs parce que je veux effacer la douleur de mon crâne mais je m’y accroche comme une bénédiction. Je ne pourrais pas tracer un trait sur tout ça, sur nous.

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Iris d'Esten
Posté le 15/06/2023
Un chapitre musical donc !
Il y a quelques espaces de trop dans le texte !
Le rythme du chapitre est excellent ! Les amis de Léna commencent à prendre vie c'est cool ! Je poursuis la lecture !
UneXtoile
Posté le 18/06/2023
Merci beaucoup pour ce joli commentaire <3
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