West Coast - Lana Del Rey
Léna
Je crois que les boites de nuit aux États-Unis ce sont les meilleures que j’ai jamais faites, pourquoi ? Parce que c’est toujours surdimensionné. Je n’en reviens pas d’entendre parfois des musiques françaises même si je les aime beaucoup. Quoi qu’il en soit, la musique est une véritable ivresse qui détruit tout ce qui se passe dans ma tête. Je suis totalement en trans et je n’en reviens pas de ne pas avoir utilisé ça avant. La musique fait battre mon cœur, elle me transperce de tout part et me fait vibrer puissamment ce soir. Les mots me font vivre mais là j’avoue que j’ai l’impression de vivre une résurrection. Le phénix d’Albus Dumbledore serait-il dans mon cœur ? Peut-être, qui sait ? Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais dansé avec autant de conviction. Je suis seule dans une boîte à des milliers de kilomètres de toutes les personnes que je connais et je n’ai même pas peur. Je m’en fous en vrai. Ouais c’est ça, je m’en tape le coquillard comme de l’An 40. Gambi passe avec Petete, ça me fait mourir de rire d’entendre ça à l’étranger mais ça ne m’empêche pas de me défouler. Je la connais par cœur et le tempo me permet de donner tout ce que je peux sur ce son. La musique devient envoutante, langoureuse. Bordel Lana Del Rey tu fais des merveilles. On se croirait dans un film avec cette musique lente en plein milieu d’une soirée électrique. Un homme s’approche de moi, je lui souris. Il glisse à mon oreille qu’il souhaite boire un verre avec moi.
— Désolé beau-gosse, j’ai déjà repéré quelqu’un !
Son sourire ne fait que s’élargir, surtout quand il capte mon accent français derrière mes mots. Drag de St Graal passe au même moment, comme pour appuyer qui je suis.
— Ah ouais ? C’est qui que je lui donne toutes mes félicitations.
Ses lèvres et son sourire me donnent envie mais quelqu’un d’autre à retenu mon attention pour ce soir.
— Elle.
Je désigne une jeune femme au fond de la piste. Sa peau hâlée semblait terriblement douce et le piercing à sa lèvre me donnait envie de le prendre entre mes dents.
— Oh bordel tu m’étonnes. Elle est vraiment jolie.
Il rit et je ne peux m’empêcher de le suivre.
— J’ai de très bons goûts.
On se regarde furtivement puis il me tend sa main.
— Je m’appelle Josh.
— Lé’. Je rêve ou tu es le cliché américain ?
Il rit quand je lui serre la sienne.
— Pourquoi ?
— La peau bronzée, ton prénom, ton style, j’ai l’impression d’être face à un personnage de roman.
— Peut-être, qui te dit que tu n’es pas en train de rêver ?
— Parce que je me suis endormi sur ma lecture ?
— Ouaip ! Après si tu veux m’avouer que je suis le type de tes rêves ça me gêne pas…
— Plutôt crever mais autant vivre la soirée à fond tu ne crois pas ?
L’étincelle malicieuse que je distingue dans ses yeux me plaît bien.
— Tu ne veux boire qu’avec elle ou…
— Ou est-ce que j’accepte ta proposition avant d’aller la voir ?
— Oui.
Il force avec ça mais je n’ai pas le cœur de lui refuser sa demande. Il est sympa et on n’est qu’au début de la soirée, la jeune femme ne s’envolera pas comme ça.
— Je te jure que si elle disparait, tu vas me le payer !
— YESSS !
Il fait presque une danse de la joie et je ne peux m’empêcher de rire avec lui. Il a au moins le mérite d’être très bon délire. Je le suis en me faufilant à travers les gens agglutinés sur la piste et j’arrive, je ne sais pas comment, à atteindre le bar.
— Tu veux quoi ?
Je remarque qu’un barman lui prête déjà une oreille attentive et que je dois me dépêcher.
— Tu me conseilles quoi ?
— Les Européennes aiment bien le Gin Tonic non ?
— Quoi ? Mais il vient d’où ton cliché ?
— De la série Elite, tu connais ? Les meufs boivent que de ça dedans et j’ai pas voulut proposer du vin quand même.
Il se retient de rire le bougre et moi je ne m’empêche pas de le faire.
— Je suis outrée de cette étiquette honteuse ! Mais du coup non, je n’en bois pas, je suis plutôt bière ou vin comme tu dis mais j’ai envie de tester la vodka redbull ce soir.
— Oh ?
Son sourcil se lève d’un air interrogatif, puis il se retourne vers l’homme qui attend notre commande.
— Une vodka redbull et un Gin Tonic s’il vous plaît.
— Tu es donc une Européenne ?
Je le taquine pendant qu’il paie et que le barman nous serve.
— Exactement ma chère Léna. Merci Monsieur.
— Comment…?
Il m’adresse un sourire triomphant quand il récupère les verres et qu’il me dirige dans un endroit plus tranquille.
— Tu as un bracelet avec ton prénom dessus j’te signale.
Il dépose nos boissons sur une table pour qu’on puisse s’assoir. Je roule des yeux devant mon erreur.
— Bon ok tu marques un point, mais je préfère quand même que tu m’appelles par mon surnom.
— Comme vous voulez mademoiselle.
Il lève les mains au ciel l’air de dire “Je te ferais chier avec ça plus tard”. Je frotte un peu la surface en bois pour enlever quelques saletés, me focaliser sur autre chose calme l’anxiété que je commence à ressentir. Je déteste les blancs dans une discussion et j’ai peur qu’il y en ait avec lui, mais il est tellement à l’aise que ça m’étonnerait.
— Bon alors “Lé’” que fais-tu aux États-Unis ?
Je lui donne un coup sur le bras quand il insiste bien sur mon nom comme un imbécile.
— Je suis en voyage, disons… Thérapeutique.
Je ne lui en dirais pas plus, étaler ma vie ici ne m’apporterais rien même s’il ne risquerait pas d’en parler à qui que ce soit étant donné que je ne suis pas connue dans ce pays.
— Ouch je comprends.
Je vois au fond de ses yeux que c’est sincère.
— Et toi ? Tu fais quoi dans la vie ?
J’ai dis ça automatiquement et j’espère vraiment qu’il ne cherchera pas à en savoir plus. Les Dieux soient loués, il semble vouloir prendre l’échappatoire que je lui présente.
— Je suis en psychologie dans une fac pas loin d’ici.
On continue de discuter pendant quelque temps de choses et d’autres et on rigole beaucoup. Je garde un œil sur la jeune femme parce qu’elle me plaît beaucoup et je veux au moins avoir l’opportunité de lui parler.
— Excusez-moi ?
— O…Oui ?
Par les Dieux, c’est elle. Je ne l’ai pas vu quitter mon champ de vision tant j’étais emporté par la discussion qu’on avait.
— J’ai cru entendre que tu étais française ?
— Comment tu sais ça ?
Nous parlons encore en anglais mais je décèle un léger accent français quand elle parle.
— J’ai vécu en France quelques années donc je voulais venir te saluer. Ça me faisait plaisir de voir quelqu’un de chez moi.
— Enchantée.
— De même.
Elle sert la main que je lui tends et celle de Josh.
— Tu veux boire quelque chose avec nous ?
Je fais les gros yeux à mon compagnon de soirée pour tenter de comprendre ce qu’il fait mais elle accepte avant que je ne puisse dire quelque chose.
— Pourquoi pas après tout ?
— Tu es toute seule ?
— Non, mais mes potes sont partis au bar alors je suis resté un peu toute seule.
Elle répond à mes questions d’un air désinvolte en m’indiquant un verre de coca que je n’avais pas vu dans sa main.
— Bon c’est pas tout ça mais je vous laisse, je reviens tout à l’heure ?
— Quoi ? Mais pourquoi ?
J’ai la voix paniquée, il ne va pas me laisser toute seule avec elle ? Je fais comment pour alimenter une discussion sans lui moi ? Je le connais que depuis deux heures mais c’est devenu mon meilleur pote, j’y crois pas.
— Je vais aller voir des potes, profitez bien.
Il pose une main sur mon épaule et l’autre sur celle de notre nouvelle copine et il s’envole en me lançant un bisou volant pour se moquer de moi. Connard.
— Au juste… Je m’appelle Julie.
Pardon ? Oh bordel.
— Léna.
On discute un petit peu mais elle est assez timide donc on peine un peu à trouver de quoi parler. Elle devient beaucoup plus loquasse quand j’évoque, sans faire exprès, sa passion. Le piano. Elle m’explique qu’elle en joue depuis des années et qu’elle a toujours aimé ça.
— J’ai un concert dans quelques jours d’ailleurs.
— Oh c’est vrai ? Quand ça ?
— Dans deux semaines, ça te dirait de venir ?
— Pourquoi pas ?
— On demandera à Josh s’il veut venir, peut-être qu’il serait intéressé.
Je bois mon verre au fur et à mesure de la soirée et je ne m’en ressers pas d’autres mais j’avoue que je perds le fil de la discussion. Je crois comprendre qu’elle est assez connu dans le milieu artistique mais je ne connais pas son nom. Peut-être est-elle surtout célèbre ici et pas outre atlantique. J’ai sommeil et j’ai l’impression que mon image extérieure est déplorable. J’ai peur qu’elle le prenne mal alors je me redresse et essaie de faire bonne figure.
— Ça ne va pas Léna ?
— Si si ça va t’inquiète. Tu disais ?
Elle m’offre un sourire carnassier que je distingue vaguement. La pièce commence à tourner et je commence à paniquer sérieusement. J’essaie de réagir, de comprendre ce qu’il se passe. J’essaie de chercher Josh des yeux parce que cette fille commence sérieusement à m’effrayer.
— Putain.
Je n’arrive pas à le trouver, la pièce tourne trop fort et mes yeux rendent tout très flou. Je sens une chaleur se développer au niveau de mon bras, vers l’épaule, puis la douceur d’une main me caresse le poignet.
— Léna ?
Je la regarde de mes yeux, je le sens, vitreux. Son sourire est horrible, elle essaie de dissimuler la méchanceté de son visage derrière un air angélique mais elle échoue lamentablement. Elle se penche vers moi, son corps est près de moi pour qu’elle puisse me chuchoter à l’oreille.
— J’avais hésité entre la piqûre ou mettre la poudre dans ton verre mais qui croirait une jeune Française complètement conne avec une piqûre dans le bras ? Donc j’ai fais un peu des deux.
Je sens son souffle dans mon cou et ses dents effleurer ma clavicule. Je ne comprends pas ce qu’elle fabrique, je n’arrive pas à me défendre. Soudainement, je sens ses dents s’enfoncer brusquement dans ma peau mais je n’arrive pas à crier. Je soufre le martyr mais je ne peux rien faire. Elle revient à mon visage et plante ses yeux cruels dans les miens.
— Voilà ce que je leur fais aux sales gouines dans ton genre.
Elle dépose un léger baiser sur mes lèvres avant de récupérer son sac, regarder autour d’elle et de s’en aller. Je la regarde partir d’un œil mort. La dose est vraiment forte. Je me déteste. J’ai lu des dizaines de trucs là-dessus et je n’ai même pas fais attention. Elle disparait dans un nuage d’effluves parfumées. Ma tête est trop lourde, je n’arrive pas à la supporter. Putain Josh t’es où ? Je ne peux appeler personne, que pourraient-ils faire ? Je me sens partir, je me déconnecte complètement.
— …Lé…Na ! Re…Ste là !
On me secoue fort, trop fort. On veut me maintenir éveillé mais je n’y arrive pas. Putain de drogue à deux balles.
Bip. Bip. Bip.
Ouch, ma tête me fait un mal de chien, mes tempes me brûlent. Qu’est-ce que j’ai fichu ? J’ai pris une aussi grosse gueule de bois ? Punaise.
J’essaie de porter ma main à mon visage mais je n’y parviens pas, quelque chose la retient. J’ouvre péniblement les yeux. La lumière est éteinte et le soleil est bas, je le vois derrière les fenêtres. Je cligne plusieurs fois des paupières pour essayer de comprendre ce qu’il se passe. Je tourne la tête sur le côté, ma nuque est raide et douloureuse, ça me tire une grimace. Un garçon se trouve à côté de moi dans un siège. Il a le visage dans ses mains et sa respiration est régulière. Je crois qu’il dort. J’ai soif. J’essaie de déglutir mais je n’arrive qu’à me faire tousser.
— Oh putain !
Le jeune homme se redresse d’un coup comme si je lui avais fais peur. Pendant son exclamation il a les yeux dans le vide mais ils les amarrent rapidement aux miens. Il se lève d’un seul coup, comme si ma présence lui faisait un immense plaisir.
— Léna oh mon Dieu ! Comment tu te sens ? Tu as mal à la tête ?
Ses mains se baladent partout au-dessus de moi sans me toucher, comme s’il ne savait pas quoi faire.
— Oui j’ai mal à la tête mais bonjour ? Qui êtes-vous ?
Ses épaules s’affaissent, je vois que ma réponse le déçoit énormément.
— Est-ce que tu te souviens d’hier ?
— Hier ?
— Essaie.
Je fais ce qu’il me dit sans rechigner parce que je sais que ça ne servirait à rien. J’essaie de me concentrer au maximum mais je ne trouve rien, d’autant que ça me fait encore plus mal au crâne.
— Mise à part me faire mal à la tête c’est tout ce que ça me fait.
— Je m’en doutais, les médecins m’ont dit que ça pouvait arriver.
— De quoi ?
Il voyait bien ma détresse et mon incompréhension alors il se réinstalla sur sa chaise mais s’avança vers moi, mains sur le lit, comme s’il me laissait le choix de lui prendre ou non.
— Nous nous sommes rencontrés hier en boîte de nuit. Je m’appelle Josh.
Oh mais oui.
— Nous avons discuté et tu avais aperçu une jeune femme qui te plaisait bien. Quand je vous ai laissé, vous avez discuté longtemps. Je gardais les yeux sur vous mais à un moment on m’a longuement accaparé. Quand je suis revenu tu avais la tête dans tes mains, le corps brûlant mais surtout une morsure assez violente au niveau du cou.
Instinctivement, quand je vois son regard parler pour lui, je porte ma main à l’endroit indiqué et remarque qu’il y a une compresse, de désinfectant sûrement.
— Tu ne te souviens vraiment pas de ce qu’il s’est passé ?
— Là tout de suite non. Nous sommes à l’hôpital ?
— Oui, j’ai essayé de te réveiller et j’ai appelé une ambulance. Je n’ai pas voulut te laisser seule vu que je supposais que tu connaissais personne ici.
Mes joues s’empourprent légèrement, je ne m’étais pas attendu à autant de sollicitude.
— Merci beaucoup Josh, pardonne-moi de ne pas t’avoir reconnu.
— Ne t’inquiète pas, pour me rembourser, essaie de te souvenir de tout ça.
— Pourquoi ?
— Parce que nous devons porter plainte, c’est important.
— Qui voudra d’une plainte d’une sale gouine dans mon genre ?
Je porte mes mains à ma bouche, trop rapidement puisque le geste me fait tirer sur mes fils et me fait lâcher un petit cri de douleur dont j’ai immédiatement honte.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— Je… Je sais pas. C’est sorti tout seul.
— Tu n’as pas à avoir honte de ce que tu es Léna, si tu es lesbienne, tu es lesbienne c’est tout.
— Je ne suis même pas lesbienne en plus.
Mes yeux s’étaient baissés et ma voix s’est faite toute petite, comme si c’était un aveu important.
— Et alors ? Tu n’as pas besoin d’avoir une étiquette, tu fais ta life ma vieille.
Son regard est presque dur sur moi, mais je doutais que ce soit délibéré. Il est protecteur envers moi, comme si on se connaissait depuis des lustres. Je n’ai pas l’habitude de cette attention donc ça me déstabilise énormément.
La journée s’était roulé dans un flou assez conséquent. Normalement, à la suite d’une prise d’une drogue de ce type on nous libère de nos lits d’hôpitaux assez rapidement, parfois, on n’a même pas besoin d’y aller. Mais apparemment, de ce que Josh avait essayé de m’expliquer simplement, la garce qui m’avait fait ça n’y était pas allé de main morte et m’avait administré une dose énorme.
Le jeune homme m’avait laissé pour rentrer chez lui pour prendre une douche et se changer. Il m’avait avoué qu’il n’était pas très à l’aise dans les hôpitaux et qu’il voulait souffler un peu. Je lui avais dis que s’il le souhaitais je pourrais me débrouiller, qu’il n’avait pas à s'embêter à revenir ici.
— Je reviens tout à l’heure sans faute. On m’a dit que tu ne sortirais pas avant dix-sept ou dix-huit heures alors j’ai le temps.
Il m’avait gratifié d’un petit sourire malicieux avant de me faire un signe de la main et de s’en aller.
Et qui nous montre une Lena différente !
J'ai pas trop confiance en Josh par contre...
Les descriptions sont précises et bien menées.
Je te laisse à tes suppositions ahah
Douce lecture <3