Dépassé - Nuit Incolore
Léna
Les jours qui suivirent se déroulèrent dans une routine assez réconfortante. Josh est sans cesse avec moi pour me surveiller. J’ai quitté l’hôpital depuis quatre ou cinq jours et depuis j’essaie de me reposer au maximum. Je crois que je ne tolère vraiment pas les substances illicites mais d’après Josh c’est surtout le traumatisme qui a découlé de la soirée qui m’empêche de bien dormir.
J’ai porté plainte à ma sortie d’hôpital mais pour l’instant ça n’a rien donné. Apparemment cette femme a déjà été répertoriée par les service de police de la ville parce qu’elle a déjà fait plusieurs fois le même scénario mais ils n’arrivent pas à lui mettre la main dessus. De plus, elle n’est absolument pas une grande pianiste, menteuse qu’elle est.
Aujourd’hui mon compagnon de vie temporaire est parti travailler, il n’a pas pu poser davantage de jours pour rester à mes côtés et j’ai réussi à le convaincre que je n’allais pas disparaitre d’un seul coup. Nous nous entendons bien. Il est gentil avec moi et très attentif. Il est content parce que je reprends des couleurs et que je n’ai plus l’air de pouvoir m’évanouir à tout moment. Je pousse un soupir en me levant de mon nouveau lit, le canapé du salon. Quoi ? Je ne souhaitais pas dormir dans la chambre d’amis qu’il me désignait ni dans son lit qu’il m’offrait.
— Je m’en fiche de te laisser ma chambre tu sais.
— Oui mais je suis bien ici, vraiment.
Il habite un grand appartement dans une immense tour qui donne l’impression d’être dans un film. J’ai l’impression de me retrouver dans l’appartement de Christian Grey avec la vue époustouflante qui s’étend devant mes yeux. Je me perds souvent dans la contemplation de la ville à la nuit tombée et je ne décroche que quand j’entends Josh revenir dans la pièce. Il me regarde, attendant que je le remarque, adossé à l’encadrement de la porte en me souriant quand je l’aperçois. Il me fait rire. Enfin je ris. Enfin je souris. Tu vois Julie, ma barman préférée, je peux y arriver. Je sais que je ne parle pas beaucoup de cette jeune femme qui m’a aidé dans la boite de nuit de ma ville mais pourtant on se parle un peu. Elle me laisse de l’espace et c’est une bonne copine. Je lui ai promis de venir à mon retour en France si le cœur m’en disait. L’Américain qui m’accueille chez lui m’a demandé qu’une seule fois si je souhaitais retourner chez moi mais je n’ai pas pu lui dire que oui. J’ai peur seule. J’aime ma solitude mais depuis l’autre soir je préfère me retrouver avec quelqu’un.
— Si tu te sens plus à l’aise, je peux venir chez toi ?
Je sais que vous allez me dire qu’il a une idée derrière la tête mais si vous aviez vu ses yeux remplis de sincérité, vous ne douteriez pas de sa bonne foi. Il m’a lui-même proposé de passer chez moi ce soir pour aller me chercher quelques affaires. Il voit bien que son dressing descend à vitesse grand V en me le prêtant comme bon me semble. Une fois il m’a même rapporté quelques livres qui traînaient dans ma valise.
J’entends la porte d’entrée s’ouvrir, signe que c’est lui qui revient.
— Lé’ ? Est-ce qu’Orion est un bon livre ?
— De Battista Tarantini ?
— Oui.
— Je ne l’ai pas encore lu mais j’en ai d’autres si tu veux que j’ai lu et qui sont un peu dans le même style.
Je range un peu, je ne le regarde pas.
— Genre L’as de pique ?
Son accent quand il essaie de lire les titres français me donne du baume au cœur, comme si son américain était du chocolat chaud sur mon cœur abimé. Je ne pense même pas aux souvenirs que le premier tome pourrait engendrer, même si je m’apprête à en parler.
— C’est un livre de Morgane Moncomble, autrice française. C’est un très bon livre, il suit le livre L’as de cœur que j’avais beaucoup aimé.
— Est-ce que tu aimes Captive ou Heartstopper ?
— Je ne les ai pas encore acheter mais je le ferais dès que possible, ils sont dans ma wishlist.
Par les Dieux, ce pull est plein de peluche c’est incroyable !
— D’accord. Bon, je vais prendre ma douche okay ? Je reviens.
Je l’entends poser ses clés et je ne sais trop quoi dans la console près de l’entrée et sur la table basse mais je n’y prête pas attention. Il s’en va dans la salle de bain et ce n’est que quand j’entends l’eau couler que je lève les yeux. Sur la table je remarque de gros livres posés pour que je les remarque. Je m’approche, suspicieuse mais je ne peux empêcher mes yeux de s’écarquiller quand je remarque la couverture des livres de Sarah Rivens.
— Qu’est-ce que…?
En passant ma main sur les couvertures je remarque des couleurs beaucoup plus vives et je comprends que ce sont les romans graphiques d'Alice Oseman.
— Mais…
Un mot est collé sur un des tomes, un des derniers de la pile. Il savait que je regarderais tout ce mec !
— Pour toi et pour ton sourire. Prends soin d’eux comme tu devrais prendre soin de toi, tu le mérites Mademoiselle Gauthier.
— Quoi ?!
Evidemment je ne peux m’empêcher de m’exclamer. Cette attention me touche beaucoup trop et mon cerveau cesse de fonctionner quelques instants. Je marche à l’impulsion. Je ne contrôle pas ce que je fais et sans m’en rendre compte, j’ai la main sur la poignée de la salle de bain que j’ouvre dans un grand geste, sans prévenir.
— AHHHH !!
Un cri suraiguë m’accueille et je dois me boucher les oreilles pour ne pas perdre un tympan.
— MAIS T’ES MALADE DE ME FAIRE PEUR COMME ÇA ??
Quand je rouvre les yeux je me précipite vers lui et l’enlace dans un élan de bonheur. Je sens ses bras m’entourer.
— Que me vaut le plaisir de te voir enfin donner de l’affection ?
— C’est le seul et dernier, je voulais simplement te remercier d’être aussi merveilleux.
Il n’y a que son rire pour me répondre mais celui-ci cesse immédiatement quand il comprend quelque chose.
— Euh Léna ?
— Quoi ?
Je suis sur mes gardes, s’il m’appelle comme ça ce n’est pas bon.
— On a oublié un détail. Je suis genre… à poil ?
— Oh bordel !
Je me détache de lui comme s’il m’avait pincé et évidemment je remarque sa nudité quand le rouge me monte aux joues.
— Je…Je…Je te laisse !
Je disparais de la salle de bain en coup de vent.
— Je ne te pensais pas si prude, finalement tu n’as pas autant d’assurance que tu veux le montrer !
— Ferme ta bouche d’enfoiré !
Son rire résonne encore pendant que je m’adosse à la porte et que je l’entends s’habiller.